HOMMAGE à CHRISTIAN BONNET au CRR de la rue de Madrid
La Maison du Duke a rendu hommage à Christian Bonnet, son hyperactif président, disparu en juin dernier, par un concert-conférence avec le Big Band des conservatoires de la Ville de Paris
Vendredi 15 décembre 2017, à 19h, en la salle Marcel Landowski du C.R.R. (Conservatoire à rayonnement régional de Paris, rue de Madrid, ancien fief du Conservatoire national supérieur), la Maison du Duke organisait une soirée d’hommage à Christian Bonnet, disparu brutalement le 13 juin dernier. Christian Bonnet, président de l’association, était aussi le très actif -et efficace- trésorier de l’Académie du jazz ; il avait présidé aux destinées de la formidable collection de disques ‘Masters of Jazz’, avait co-animé, saxophone en bandoulière, la Swing Limited Corporation, et avait élaboré de belles anthologies de jazz, notamment pour son ami Cabu.
Après que Jean-Charles Richard, responsable du jazz au CRR, a brièvement présenté la soirée, ainsi que l’orchestre dirigé par Stéphane Tsapis (qui en a la charge, en alternance avec Pierre Bertrand), Claude Carrière (qui a succédé dans l’urgence à Christian Bonnet pour présider la Maison du Duke) et Jean-François Georges ont évoqué l’ami avec lequel ils ont partagé l’aventure de la Swing Limited Corporation, big band amateur à la longue destinée (1964-2004). Ils racontent aussi comment Christian fut celui qui avait convaincu naguère le jeune Patrice Caratini de passer de la guitare…. à la contrebasse, avec le bonheur que l’on sait. L’orchestre va jouer successivement (et très bien !) un arrangement très bop de Gerald Wilson sur Perdido, puis le fameux Four Brothers conçu par Jimmy Giuffre pour Woody Herman. Claude Carrière et Jean-François Georges évoquent la présence au côté de la Swing Limited Corporation, pour des concerts exceptionnels, de Slide Hampton, Cat Anderson, et quelques autres grandes pointures de la musique syncopée afro-américaine. Beaucoup d’amis dans la salle, dont la chanteuse Sylvia Howard, qui se produisait régulièrement avec la dernière formation animée par Christian Bonnet. L’orchestre joue ensuite For Lena and Lennie, de Quincy Jones : le tempo lent et élastique est respecté, mais les accents manquent un peu de mordant : nous sommes cependant très heureux d’écouter ce thème.
Jean-François Georges et Claude Carrière sont ensuite rejoints par la pianiste Leïla Olivesi. Elle anime régulièrement les conférences de la Maison du Duke, en duo avec Claude Carrière, et là elle nous propose une analyse extrêmement fine de Happy Go Lucky Local, quatrième partie de la Deep South Suite, dont le saxophoniste Jimmy Forres pirata avec profit un extrait pour le fameux Night Train, qu’il a signé de son nom …. À la demande de Leïla les sections de l’orchestre détaillent, mesure par mesure, les ressorts de l’arrangement. C’est passionnant, et quand l’orchestre joue la partition dans son entier, tous les mystères qui font notre plaisir se dévoilent. Philippe Baudoin (président d’honneur de la Maison du Duke) va les rejoindre pour analyser Vine Street Rumble, extrait de la Kansas City Suite composée par Benny Carter pour Count Basie : il met en lumière les libertés prises par le compositeur avec la forme blues. Et quand viendra le temps pour l’orchestre de jouer A Child is Born de Thad Jones, le chroniqueur devra partir à regret, appelé vers d’autres engagements. Mais pour lui comme pour les nombreuses personnes présentes, ce fut une soirée émouvante : Christian Bonnet était pour beaucoup d’entre nous, dans la jazzosphère hexagonale, une sorte d’ami bienveillant, au goût sûr, à la passion communicative, et à l’humour feutré.
Xavier Prévost