La nouvelle réédition de Billion Dollar Babies d’Alice Cooper
Vingt-trois ans après la première réédition CD Deluxe du classique de 1973 d’Alice Cooper, “Billion Dollar Babies”, le revoici cette fois, toujours en CD mais aussi en LP. Dans les bacs le 8 mars !
Par Julien Ferté
Pour tout vous dire, quand le coursier nous a apporté le pli en provenance de la bonne maison Warner Music et qu’on l’a ouvert fébrilement, on a cru que le double CD de “Billion Dollar Babies” d’Alice Cooper qui y avait été glissé par l’attachée de presse était celui de la réédition de 2001 ! Mais non, c’était bien la version 2024, identique en apparence, mais avec tout de même quelques différences. [“Billion Dollar Babies” est aussi réédité en somptueux triple LP – à plus de 70 € tout de même, mais nul doute qu’il deviendra très rapidement collector, et donc trois fois plus cher –, et si en plus d’être fétichiste vous êtes un très sérieux audiophile, sachez qu’il existe un blu-ray paru en juin 2023.]
Alors, voyons ça, mais avant de nous pencher sur la réédition 2024, souvenons-nous de celle de 2001, âge d’or des rééditions CD siglées Rhino. Le digipack trois panneaux s’ouvrait comme une sorte d’origami ; le livret de vingt-quatre pages, richement illustré, s’enorgueillait d’une préface du boss de Rhino, David McLees – est-il toujours en poste ? aucune idée ! –, d’un essai finement troussé de Brian Smith qui m’en avait appris de belles, des paroles – importantes les paroles, très importantes – et bien sûr des indispensables renseignements discographiques. Le track listing ? L’album original impeccablement remasterisé sur le premier CD, et quatorze morceaux sur le second : onze inédits live captés à Houston et à Dallas les 28 et 29 avril 1973, plus deux outtakes – Coal Black Model T et Son Of Billion Dollar Babies (Generation Landslide) – et une rareté seulement parue en Angleterre, Slick Black Limousine (formidable morceau soit dit en passant). Notez qu’en 2001 “Billion Dollar Babies” n’avait pas eu les honneurs d’une réédition “vinyle” (comme on dit aujourd’hui) puisque ce support n’était pas encore revenu en grâce.
Auscultons maintenant la réédition 2024. Le digipack trois panneaux s’ouvre de façon plus classique, un panneau vers la gauche, l’autre vers la droite. L’iconographie du livret est nettement moins riche, mais il fait cette fois vingt-huit pages, car à la place des liner notes, The Billion Dollar Babies Story est racontée (à Jaan Uhelszki) par rien moins qu’Alice Cooper himself, le producteur Bob Ezrin, le batteur Neal Smith, le bassiste Dennis Dunaway et le guitariste Michael Bruce – l’autre guitariste du groupe original, Glen Buxton, est mort en 1997. C’est fort passionnant, chaque chanson est analysée-décortiquée, les anecdotes fusent, et aucune fine plume n’aurait fait mieux pour nous replonger dans cette époque assez folle, celle de ce rock qu’on labélise désormais classic. (Certes, il faut savoir lire l’anglais dans le texte, mais on vous fait confiance.) Seule frustration : exit les paroles ! (Quel dommage…) Le track listing ? Comme la version 2001, le disque original sur le premier CD (et re-remasterisé !) et, cette fois, non plus quatorze mais vingt morceaux : les onze titres live du CD de 2001 (qui ne sont donc plus inédits…) avec School’s Out et Under My Wheels en plus ; les deux outtakes citées plus haut et cinq single versions (Hello Hooray, Billion Dollar Babies, Elected, Mary Ann et Slick Black Limousine).
On l’aura compris : les différences sont minimes entre les deux rééditions. Si vous n’aviez pas la version 2001, la 2024 s’impose (en CD à un prix doux, en LP à un prix dur). Mais si vous aviez déjà la version 2001, trois solutions s’imposent : la revendre chez un soldeur pour financer en partie l’acquisition de la version 2024 ; garder la version 2001, déjà magnifique, et zapper la 2024 (ou alors la prendre en LP) ; opter pour la version 2024 tout en gardant la version 2001 (j’en connais qui, etc.).
Sinon, on rappelera au passage que “Billion Dollar Babies” concluait la quadrilogie majeure du groupe Alice Cooper, qui avait démarré avec “Love It To Death” et “Killer” en 1971 et s’était prolongée l’année suivante avec “School’s Out” – on ne chômait pas à cette époque. (Ensuite, Alice Cooper le groupe sortit le décevant “Muscle Of Love”, puis Alice Cooper tout seul revint en force avec “Welcome To My Nightmare”, mais c’est une autre histoire.)
Réécouter aujourd’hui “Billion Dollar Babies” nous rappelle à quel point les cinq rockeurs d’Alice Cooper formaient non seulement un sacré groupe de hard-rock’n’roll, touche glam en gothique en prime, que leur chanteur était un sacré showman, un sacré gosier, mais aussi un sacré parolier (John Lennon adorait Elected et Bob Dylan Generation Landslide : ça vaut tous les Grammies, non ?), que leur producteur était un grand metteur en scène / metteur en sons, et qu’absolument toutes les chansons de “Billion Dollar Babies” avaient quelque chose de fort, d’original, voire de visionnaire, de la pas politically correct pour un sou Raped And Freezin’ (qui raconte l’histoire d’un homme violé par une femme et se retrouve tout nu dans le désert !) à la troublante Mary Ann, qui questionnait déjà le genre, en passant par No More Mr. Nice Guy (qui faisait peur à Paul McCartney !) ou encore Unfinished Sweet et ses délires chez le dentiste (brrr, le bruit de la fraiseuse…). Bref, un grand disque indispensable.
CD / LP Alice Cooper : “Billion Dollar Babies” (Warner Records / Rhino, dans les bacs le 8 mars).
Photos : © Peter Sherman (Warner Records / Rhino).