Le quartette de Léo Geller remporte le Tremplin JazzContreBand
Hier, 15 octobre, se tenait à la Ferme-Asile de Sion dans le canton de Valais, le Tremplin du festival transfrontalier JazzContreBand.
Chaque année, JazzContreBand confie l’accueil de son Tremplin à l’un de ses 40 lieux partenaires et c’est la Ferme-Asile de Sion, sur les bords du Rhône en amont du Lac Léman, qui cette année recevait les candidats et leur jury dans la salle de concert de ce lieu devenu Centre artistique dédié à l’Art Contemporain et à la musique en 1996 et qui accueillit ses premiers concerts de jazz l’année suivante. Autour de quatre membres de JazzContreband – Vanessa Horowitz (musicologue, productrice et programmatrice de Jazz sur la Plage), Alain Morhange (Les Carrés à Annecy), Stefano Saccon (directeur de l’eMa de Genève (école de musiques actuelles) et Bertrand Furic (directeur de l’Apejs, pour la promotion et l’enseignement des musiques et du jazz en Savoie) – le jury recevait cette année Émile Parisien (saxophoniste), Nik Bärtsch (pianiste) et l’envoyé de Jazz Magazine.
La tremplin commença à forte intensité avec un quartette de la région lyonnaise peut-être galvanisé par un récent Prix du public au festival de jazz d’Oloron (public qu’il semble donc avoir lui-même galvanisé) du guitariste Léo Geller : Gaspard Baradel (sax alto), Fanny Bouteiller (contrebasse) et Malo Thierry (batterie). D’emblée, un sens du public dans leur façon de se présenter oralement et de présenter leur répertoire (une constante tout au long de ce Tremplin, les éditions précédentes ayant souvent montré des orchestres plus inhibés), tension et décontraction, sérieux farouche et humour dans leur façon de dédier leurs trois compositions au héros policier Ricky Larson, à John Coltrane et à la Caresse antillaise, marque de jus de fruits exotiques, engagement immédiat dans une musique tranchante, aux lignes mélodiques vives, aux solos enflammés, sur une rythmique efficace et vivante, avec pour moindre défaut, une dynamique confinée entre le forte et le triple fortissimo.
Leur succéda un quintette venu de Bern, emmené par la pianiste Manon Müllener entourée de Victor Decamp (trombone), Manuel Schwab (sax alto), Benjamin Jaton (contrebasse) et Lucien Müllener (batterie). Un énergie et une efficacité immédiate dispensée par le piano dont les influences cubaines recueillies sur place exploseront lors d’un montuno conclusif, des arrangements pour trombone et saxophone d’un belle conception, un altiste remarqué (tout comme celui du précédent groupe, mais pour des raisons différentes), la vision polyrythmique du tandem contrebasse-batterie mettant également à profit la marque de l’influence cubaine.
Surprise venue de Lyon et ravissement dès les premières notes du duo Weld qui associe Rémi Flambard (trompette) et Charles Paillet (guitare électrique), une trompette évoquant les côtés aériens de Kenny Wheeler (mais de l’aveu de l’intéressé, plus directement Tom Harrell, Alex Sipiagin) et la répartie d’une guitare électrique jouée en un finger picking très orchestral. Un choix radical et courageux quoique sur une musique très accessible, et suffisamment assumé pour affronter le public au-delà de la configuration en club.
Autre surprise : Paillette 121 quartette composé de Simon Daniel (guitare électrique et slam), Ismaël Saint-Rémy (oud), Naomi Cohen (basse électrique), Anatole Palichieb (batterie). Un étonnant équilibre entre une guitare électrique ensauvagée et un oud acoustique aux accents traditionnels, tantôt s’opposant l’une à l’autre, tantôt fusionnant dans un alliage sonore inédit. Tous deux propulsés par une bassiste funk d’autant plus ébouriffante que l’on apprendra plus tard qu’elle joue également du violon alto. Paillette 121 jouera à la Péniche Antipode à Paris, 55 rue de la Seine, ce mercredi 18 octobre à 20h.
Venu de Lausanne, le vibraphoniste Antoine Cellier a clôturé ce Tremplin en beauté avec un quintette admirablement arrangé : Valério Barone (trompette), Natan Niddam (piano), Nicolas Bircher (contrebasse), Damien Sigrand (batterie). Trois points forts : la qualité des arrangements, la belle interaction à l’intérieur d’un groupe où chacun joue très à l’écoute, et un pianiste d’une belle conviction.
Et lorsque ce dernier orchestre a quitté la scène, le jury s’est regardé perplexe : comment départager ces groupes ? Autant l’an passé on avait frisé la non attribution de prix, prix qui a finalement profité au groupe le moins jazz de la manifestation, Mind Spun mais qui n’a pas démérité en faisant l’ouverture du festival le 30 septembre en première partie de Sixun, premier des six concerts attribués chaque année au cours de la manifestation au gagnant de l’édition précédente ; autant cette année la qualité musicale fut constante et ce dans une grande diversité de propositions. Les délibérations furent longues et passionnées, avec plusieurs retournements de majorité, mais c’est finalement le quartette de Léo Geller qui a remporté ces six engagements garantis pour la prochaine édition ; un prix spécidal du jury étant décerné au duo Weld (photo ci-dessous avec Charles Paillet à gauche et Rémi Flambard, tous deux encadrés par Émile Parisien à gauche et Nik Bärtsch à droite. Franck Bergerot
Ps : je mets hélas le point final à mon compte rendu trop tard pour annoncer la masterclass que Nik Bärtsch donna à 17h à l’eMa de Genèvre, suivie d’un concert à 20h45 de son groupe Ritual Groove Music.