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Publié le 10 Jan 2024

Michel par Petrucciani, épisode 5

Michel Petrucciani nous a quittés le 6 janvier 1999. Chaque jour jusqu’au 25 janvier, date de la sortie du nouveau numéro de Jazz Magazine dont il fera la Une, retrouvez en vingt épisodes la vie incroyable de ce pianiste hors norme, telle qu’il l’avait racontée à Fred Goaty à l’été 1998.

« Mon père, mon frère et moi avons décroché un gig à Paris, à l’Espace Cardin. Nous jouions avec un batteur qui avait accompagné Edith Piaf. Il était bien intégré dans le business, c’est lui qui nous avait trouvé ce concert. C’était la grande sortie, même ma mère était venue. Nous, quand on partait, c’était la fête, on n’avait pas l’habitude : aller à Lyon ou Marseille était un événement, surtout pour moi qui restais souvent à la maison. J’ai rencontré le batteur Aldo Romano lors d’une fête organisée par le contrebassiste Barre Phillips. Je crois qu’Aldo ne m’avait jamais entendu jouer, il n’avait même jamais entendu parler de moi. Cette fête avait lieu à Sainte-Philomène, pas loin de Nice, dans la maison de Barre. On buvait des coups sous les palmiers. Je savais que j’allais faire un disque avec le tromboniste Mike Zwerin, qui avait joué avec Miles Davis et que j’avais rencontré quelque temps plus tôt. Je crois qu’il avait été subjugué par la famille Petrucciani. Il habitait Apt et nous connaissait de réputation. Mais quand il est arrivé, il est tombé par terre. Du coup, il a écrit un article sur nous dans le Herald Tribune. Le saxophoniste et clarinettiste André Jaume était aussi de la fête. J’avais décidé de faire un disque avec lui, Mike, mon frère et, à la batterie, Bernard Lubat. Au dernier moment, Bernard a dit non, il avait autre chose à faire. Voyant Aldo Romano à cette fête, je suis allé vers lui et lui ai dit : « Je fais un disque, je joue du piano, ça vous intéresserait de venir le faire avec nous à Apt ? » Il a dit d’accord, et on a commencé à jouer ensemble. Ce disque, qu’on a fini par enregistrer en août 1980, s’appelle “Flash”. La séance d’enregistrement, près d’Apt, avait été très sympa. C’était mon premier disque, mais j’avais déjà l’habitude d’enregistrer : chez mon père, on s’enregistrait tout le temps. Dès qu’on faisait une note de musique, on l’enregistrait. Aujourd’hui encore, j’enregistre tous mes concerts et je les réécoute. Je fais mon autocritique tous les jours. Quand je relis les titres qui composent “Flash”, on sent qu’on était encore dans le Sud… Je ne parlais pas encore anglais : English Blues, Vaucluse Blues… Je savais que blues, ça voulait dire blues. Le reste… Quant à Giant Steps de Coltrane, ça se jouait beaucoup en ce temps-là. En juillet 1980, juste avant d’enregistrer “Flash”, j’ai participé au festival de La Grande- Motte. Je jouais avec Jaume, Zwerin, Bernard Lubat et mon frère Louis. On m’a fait rencontrer le pianiste Bill Evans, une de mes idoles. Je ne lui ai pas dit grand-chose, toujours à cause de mon anglais… » (À suivre.)