Retour sur la soirée TSF
La soirée TSF (quinzième édition) organisée par la radio du même nom et le duc des Lombards, a permis d’entendre une quinzaine de musiciens, soit un panorama du jazz mainstream d’aujourd’hui entre confirmations, révélations, et promesses.
Fred Nardin trio, China Moses, Tony Allen, Deva Mahal, Sons of kemet, Myles Sanko, Camille Bertault, André Manoukian, les doigts de l’homme, le grand orchestre Bigre, Remi Panossian trio, Jowee Onicil, Gaël Horellou, Laurent de Wilde trio, Arnaud Dolmen,
Le 12 décembre 2017, Salle Pleyel
Impossible de parler de tous et de toutes. Alors bornons-nous aux impressions sonores les plus marquantes (forcément subjectives) que je garde de cette soirée qui alternait musique et hommages sur grand écran (on a pu voir ainsi une belle version de Nuages par …Pierre Bouteiller, journaliste de France inter et France musique, décédé cette année).
Je retiens le Fred Nardin trio qui a joué au tout début, après le grand orchestre Bigre, en se présentant dans une configuration différente de sa tournée d’automne. A la place de Rodney Green se trouvait Leon Parker dans le style janséniste qui le caractérise. Intéressant de constater à quel point la présence forte de ces deux batteurs infléchit la couleur du trio. Ce n’est pas mieux ou moins bien, mais c’est différent.
Je retiens aussi de cette soirée la prestation de Tony Allen venu pour son disque en hommage à Art Blakey. Il fait partie de ces batteurs qui ont non seulement un tempo et un son, mais un toucher. Il n’a pas besoin d’en faire beaucoup. J’ai encore dans l’oreille le son léger et un peu mutin de sa charley…
Quelques instants après China Moses et Luigi Grasso font entendre un duo complice sensuel, bien dans la tradition du jazz. Grasso me semble de plus en plus à l’aise au baryton, et surtout de plus en plus libre. Quant à China Moses, quel abattage…
Le groupe de Rhoda Scott a réalisé cette année un très beau disque cette année (« We free queens »). Rhoda Scott rappelle la synergie fatale entre le groove de l’orgue et la flamme des cuivres quand ils sont joués à ce niveau (aux saxophones, Lisa Cat-Berro et Sophie Alour).
C’est dans la seconde partie de la soirée que, me semble-t-il, les pépites furent les plus nombreuses. La chanteuse Camille Bertault délivre en direct et sans trembler la toile de mots qu’elle a tissée autour de Giant Steps. Une vraie performance, mais plus que cela, car au-delà de cette virtuosité tout cela reste incroyablement musical. De surcroît, le texte qu’elle a imaginé sur le chef d’oeuvre de Coltrane est espiègle et fûté. Elle trouve même le moyen de citer une jolie phrase d’Alain Gerber: « Tout ce que tu sais tient dans ta tête, mais tout ce que tu ne sais pas déborde de ton coeur ». Brillant. C’est son complice Fady Farah qui l’accompagne au piano.
La soirée, nous l’avons dit, est marqué par l’éclectisme. Après Camille Bertault, un groupe anglais explosif, Sons of Kemet, que je ne connaissais pas, propulsé très haut et très loin par les basses irrésistibles du tuba.
Je ne connaissais pas Sons of Kemet, mais j’avais écouté le disque de Julie Saury en hommage à son père Maxime. La qualité du disque est de redonner du neuf et du nerf à des vénérables saucissons (très belle version de Petite Fleur sur le disque ).
Ce soir sur scène, le groupe de Julie Saury joue à cache-cache avec le St Louis Women de WC Handy, dont le thème n’est révélé qu’à la fin. Admirables, foudroyantes interventions de Claude Egea, d’abord, puis de Fred Couderc au sax tenor et au soprano successivement puis simultanément: à l’instar de Roland Kirk auquel il a rendu hommage dans un disque remarqué, Fred Couderc embouche les deux en même temps. De même que pour Camille Bertault, la performance est au service de la musique. A la fin, le morceau bascule dans une sorte d’onirisme avec bruits d’oiseaux, de sauterelles.
Autre belle découverte: celle du groupe d’Arnaud Dolmen, avec Adrien sanchez au sax ténor, toujours passionnant dans tous les contextes où je l’ai entendu.
En fin de soirée, le trio de Laurent de Wilde affiche sa très grande forme avec un Round Midnight dont il a escamoté la ligne de basse originelle (il aime bien faire ça) pour la remplacer par une autre plus agressive et groovante.
Le thème perd sa valeur méditative mais devient une machine à danser, c’est un Round Midnight pour insomniaques dont laurent de Wilde explore avec gourmandise tous les recoins.
La soirée se termine par les doigts de l’homme, du jazz manouche musclé, affûté, percutant (présence d’un batteur et d’un percussionniste) qui tourne à plein régime et délivre une musique d’une irrépressible énergie.
Texte : JF Mondot
Dessins: AC Alvoët (autres dessins, peintures, gravures à découvrir sur son site www.annie-claire.com veux qui souhaiteraient acquérir un des dessins figurant sur ce compte-rendu peuvent s’adresser à l’artiste, annie_claire@hotmail.com)