Le coffret “Talking Heads: 77” inaugure une magnifique série de rééditions Super Deluxe qui commence donc fort logiquement par le premier album du groupe culte de David Byrne, Tina Weymouth, Jerry Harrison et Chris Frantz.
Par
Fred Goaty

Flashback #1. Le 3 septembre 1976 à Londres, 801, le groupe du guitariste de Roxy Music, Phil Manzanera, est à l’affiche du Queen Elizabeth Hall. Dans leur set list figure une reprise de You Really Got Me chantée d’une voix faussement lasse et très artystiquement dépassionnée par le futur producteur de Talking Heads, Brian Eno.
Flashback #2. Le 10 octobre 1977, à New York, Talking Heads est à l’affiche du CBGB. Dans leur set list figure une reprise de Take Me To The River chantée d’une voix nerveuse et à l’hystérie savamment contrôlée par David Byrne. Cette façon d’aborder – les puristes diraient peut-être « de saborder », mais nous n’avons que faire des puristes… – le tube d’Al Green rappelle les manières obliques de Brian Eno, un an plus tôt dans la capitale anglaise. Dans les deux cas, la relecture est entêtante, qui s’éloigne respectueusement des versions originales – à quoi bon chercher à bêtement imiter ? [Talking Heads finit par graver une version studio de Take Me To The River en 1978 dans leur second album, “More Songs About Buildings and Food”, NDR.]



Mais si, hélas, 801 fut un groupe éphémère, Talking Heads devint un groupe majeur de la post-pop post-glam post-punk, et réécouter en version Super Deluxe leur premier album, “Talking Heads: 77”, nous replonge dans l’effervescence de la scène new-yorkaise d’alors, où il suffisait de faire la queue devant le CBGB pour écouter Television, Patti Smith, Blondie, les Ramones, Richard Hell & The Voidoids ou, donc, le combo de David Byrne (chant, guitare), Tina Weymouth (basse), Jerry Harrison (claviers, guitare) et Chris Frantz (batterie).

A priori (l’info dervait être confirmée sous peu), cette version Deluxe de “Talking Heads: 77” sera suivie par celles de “More Songs About Buildings And Food” (1978), “Fear Of Music” (1979) et “Remain In Light” (1980), soit les trois autres chefs-d’œuvre du groupe – rappelons que leur live de 1983 tiré du film du même nom de Jonathan Demme, “Stop Making Sense”, vient de bénéficier aussi de divers traitement super luxueux.
Constat : cette “Limited Edition” (ne tardez pas !) de “Talking Heads: 77” est non seulement réjouissante musicalement, mais le design l’est tout autant, qui s’élève dans les hautes sphères de la catégorie “beaux livres”. Car “Talking Heads: 77” se lit autant qu’il s’écoute grâce aux témoignages rédigés par tous les membres du groupe, tous aussi éclairants que passionnants, et auxquels il faut ajouter celui, pas moins décisif, de l’ingénieur du son Ed Stadium.
Quant à la musique, elle n’a rien perdu de son ses qualités nerveusement funky et de son singulier cachet mélodique. Le grand classique de ce premier album, c’est bien sûr l’inoubliable Psycho Killer et son « fa fa fa fa » à la Otis Redding, mais cet arbre ne doit surtout pas cacher un magnifique bosquet (qui deviendra par la suiteune luxuriante forêt ) de chansons cultes, de Love –> Building On Fire (leur premier 45-tours, qui figure dans le track listing du CD 3, “Rarities”) à Uh-Ho, Love Comes To Town, New Feeling en passant par Don’t Worry About The Government.

Ce coffet 3 CD + 1 blu-ray contient l’album original remasterisé (et qui sonne mieux que jamais), le CD live inédit du CBGB, le CD de douze raretés évoqué plus haut et le blu-ray pour audiophiles avec son Atmos Mix (supervisé par Ed Stadium) et la Hi-Res Stereo. Le livre est, vous vous en doutiez, illustré par moult photos et autres affiches et flyers et est superbement mis en page.
Dans les années qui suivront, Talking Heads sortira d’autres chefs-d’œuvre, Tina Weymouth influencera la scène hip-hop naissante avec son Tom Tom Club, David Byrne se lancera dans une carrière solo et créera le label Luaka Bop, mais c’est une autre histoire…

COFFRET Talking Heads : “Talking Heads: 77 3-CD + 1-blu-ray Limited Edition” (Sire / Rhino, déjà dans les bacs).