Yes ! Trio « cette magie qui nous lie, c’est vraiment un cadeau »
Le contrebassiste Omer Avital, le pianiste Aaron Goldberg et le batteur Ali Jackson, alias The Yes ! Trio, sont en pleine tournée européenne avec trois dates françaises : au Jazz’n’Klezmer Festival le 17, au New Morning le 19, et à la Coursive à la Rochelle le 22. L’occasion de leur faire raconter leur rencontre et comment ils ont développé les liens fraternels qui font la force de ce triangle d’or.
Photo © Frank Stewart
Aaron Goldberg Je suis arrivé à New York depuis Boston en 1991 pour étudier à la New School For Jazz & Contemporary Music, qui n’existait que depuis cinq ans. La “New School” était vraiment nouvelle ! L’idée c’était de créer un environnement “semi-académique”, où la tradition orale du jazz serait encore enseignée dans l’esprit du mentorat d’avant, par des maîtres du jazz qui venaient enseigner mais qui jouaient et tournaient. Ça me semblait génial quand j’étais jeune, je voulais apprendre avec mes héros que j’écoutais sur disques, et c’est à New York qu’on les trouvait. Omer avait dû se dire la même chose, il est venu d’Israël en 1992. Moi je ne savais même pas qu’il y avait du jazz en Israël à vrai dire… Il était venu avec le bassiste Avishai Cohen et Avi Lebovich, un super tromboniste, et on s’est tout de suite mis à jouer ensemble. Ali je l’ai rencontré lors d’une audition. Il était avec un jeune pianiste, Carlos McKinney, habillé super classe, très impressionnant, qui avait déjà son propre groupe alors que j’étais tout seul. Sonbatteur, c’était Ali, qui devait avoir 16 ans à l’époque. On est vite devenus amis. Je ne sais plus quand on s’est revus après ça…
« Jimmy Cobb enseignait l’“analyse rythmique” à la New School – en gros il se mettait à la batterie et il se mettait à swinguer ! »
Ali Jackson Février ou mars 1991 peut-être ? On s’est mis à jouer tous les trois pour de vrai à partir de 1993, quand je suis arrivé à New York “officiellement”. Ma rencontre avec Aaron et Omer, c’était la première fois que je rencontrais des gens de mon âge vraiment sérieux à propos du jazz à New York. On n’avait pas internet, les réseaux sociaux, il fallait aller à New York et faire ses preuves. C’était plus compétitif aussi, parce que maintenant les gens disent « on fait notre propre truc ! », ce qui compte c’est le nombre de followers qu’on a, ce n’est plus une question de capacités musicales. Toujours est-il que ces deux gars-là avaient un talent naturel et ils étaient travailleurs en plus de ça. J’ai eu beaucoup de chance de les rencontrer.
Omer Avital On s’est mis à jouer ensemble au Small’s à l’été 1994 ou 95. Je suis arrivé en 1992, Aaron était déjà à New York et il swinguait terrible, et comme lui je voulais étudier avec les meilleurs, Reggie Workman, Arnie Lawrence, l’un des fondateurs de la New School, dont l’idée était de réunir tous ses amis dans cette école, Cecil McBee, ou Jimmy Cobb qui enseignait l’“analyse rythmique” – en gros il se mettait à la batterie et il se mettait à swinguer ! Andrew Cyrille, Joe Chambers… On a eu la chance d’avoir cet aperçu de l’âge d’or. Mais la première fois que j’ai entendu Aaron et Ali, il s’est passé un truc tout de suite, ils avaient un son qu’on n’oublie pas et on s’est bien entendus. On a fait notre première tournée européenne ensemble, et c’est là, vers 20 ans, qu’on a vraiment commencé le trio.
Aaron Goldberg Ça fait trente ans ! On mangeait des Cheeseburgers Deluxe avec des frites tous les jours, des gâteaux de riz à la cannelle. C’était une époque incroyable à New York, on allait écouter Mulgrew Miller, Hank Jones, Tommy Flannagan, Cear Walton, Freddie Hubbard, Joe Henderson, Betty Carter…
Omer Avital Vers 94-95, le Small’s a ouvert, et on s’y est tous retrouvé, c’était un peu le nouveau centre de gravité de la ville. Tout le monde venait. On y jouait toutes les semaines. Mon premiers gig en tant que leader c’était avec Myron Walden et Greg Tardy. C’était en septembre 1995, et c’était mon gig de 2 heures du matin. Aaron, qui était mon pianiste, avait fait une sieste et ne s’était pas réveillé… On a joué sans lui et ça marchait plutôt pas mal ! J’avais un autre engagement tous les jeudis de 3 à 5 heures du matin, pendant des années ! Mais au fil du temps, avec Aaron et Ali, on a commencé à développer notre langage, et je crois qu’on a toujours ce truc qu’on avait au début, cette magie qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Il faut la nourrir et franchir plein d’obstacles mais c’est un vrai cadeau.
Aaron Goldberg On ne savait pas ce que le futur allait nous réserver, on est tous plus mûrs aujourd’hui, mais ce qu’on a aimé chez les uns et les autres est toujours là.
Ali Jackson C’est beaucoup une question d’équilibre. Omer, par exemple, a développé un superbe jeu de contrebasse très lyrique, plus proche de celui d’un saxophone que d’une basse, mais pour que ça marche, souvent je dois simplifier ce que je joue derrière lui. Si l’un de nous joue vite, un autre joue lentement… Ce trio n’est pas un trio de piano traditionnel, parce que les rôles sont distribués de façon assez différente, la mélodie peut être confiée à n’importe lequel de nous trois par exemple. On essaye toujours de trouver de meilleurs moyens d’aller à l’essentiel pour raconter notre histoire à travers la musique. Au micro : Yazid Kouloughli
Album Yes! Trio « Spring Sings » (Jazz & People, Choc Jazz Magazine)
Réservez vos places pour aller voir le Yes! Trio :
Le 19 novembre au New Morning (Paris)
Le 22 novembre à La Coursive (La Rochelle)