30ème anniversaire des Rendez-Vous de l'Erdre à Nantes : superbe !
Les Rendez-Vous de l’Erdre 2016 (25/28 août): 350 artistes, 200 concerts, une vingtaine de scènes. Gratuité totale. Vraiment étonnant… Unique en tous cas dans le PJF (Paysage Jazzistique Français)
Quelques jalons historiques
Intitulé exact des RDV: Jazz et Belle Plaisance. Car pendant que les concerts du samedi se déroulent sur les bords nantais de l’Erdre, plus de 200 bateaux de navigation fluviale de plaisance (assez extraordinaires : de tous styles, de tous gabarits et de tous « âges »), partis de petits ports voisins, font route vers la grande scène nautique du festival. Spectacle coloré et tonitruant (cris, chants, sirènes…) qui contribue grandement à l’atmosphère festive de l’événement.
[Un peu de géographie : l’Erdre est une rivière de 97 kms, affluent de la Loire, dont la partie navigable aboutit à Nantes… « La plus belle rivière de France » selon certains ! Chauvins ?]
Pour fêter ses 30 ans le Festival a mis « les petits plats dans les grands : créations, hommages et projets inédits ». Mais… comme Armand Meignan, directeur artistique de la manifestation, l’a rappelé lors de l’inauguration : «la vocation du festival est restée la même qu’habituellement : faire découvrir à un large public toute la diversité du jazz». Avec, pour fêter les 3 décennies, en plus de la programmation dans les espaces habituels (une dizaine de scènes), un bonus spécial de « 30 moments intimes dans des lieux insolites peu connus du grand public ». Comme les Tourbières de France de Saint-Mars-du-Désert, ou les pontons du port de Nort-sur-Erdre au lever du soleil avec un impromptu programmé à 8 heures du matin!
Les premières éditions des RDV de l’Erdre furent modestes : principalement une fête nautique avec chants de marins et petits concerts de jazz (des groupes régionaux de dixieland et de middle jazz…). Pour le dire vite… : « quatre jours tranquilles de pique-nique musical »…
Il y a dix ans Armand Meignan, « patron » emblématique du prestigieux Festival du Mans, est recruté comme directeur artistique. Avec Loïc Breteau, directeur administratif et remarquable logisticien (également à la tête de moult festivités dans le cadre des Heures d’Eté de Nantes) ils forment immédiatement un tandem dynamique et efficace. Et c’est ainsi qu’après de multiples évolutions et affinages, les RDV accueillent chaque année, à la rentrée, depuis une décennie un événement populaire XXL. Croisement hors-gabarit d’un festival de Jazz et d’un rassemblement de patrimoine nautique, hors du commun.
La programmation propose un large panorama : du blues au jazz electro… aucun style n’est oublié (pour consulter la liste intégrale et impressionnante des concerts avec la composition précise des orchestres voir ici :http://www.rendezvouserdre.com/wp-content/uploads/docs/PROGRAMME_RVE_2016).
Chacune des 20 scènes présente une « spécialité » dominante.
Le grand public (plus de 100 000 personnes ont été dénombrées en 3 jours) baguenaude en butinant, souvent un peu au hasard, au gré des effluves sonores… Les amateurs pointus scrutent le programme qu’ils ont consciencieusement et méticuleusement annoté en fonction de leurs styles de prédilection. Ils ont calé leurs itinéraires journaliers au millimètre…
Quand aux envoyés spéciaux de JazzMagazine (Stéphane Ollivier était présent et a découvert le festival), ils ont été confrontés à de cruels dilemmes… Face à une telle abondance… Rendre compte de quels concerts ? Selon quels critères de choix ?
Je vous livre donc seulement quelques rapides focus subjectifs, reflets de mes déambulations et rencontres… Bien conscient d’être passé à côté de nombreuses pépites…
Avec une mention spéciale pour l’exploit de Louis Sclavis : 10 prestations en 4 jours !
Quelques focus…
Horny Tonky.
Nicolas Folmer (tp), Antoine Favennec (sax), Laurent Coulondre (claviers),Thomas Coeuriot (g), Julien Herné (b), Damien Schmitt (dr). 26 août. Scène Nautique.
La grande scène nautique (avec 10 000 personnes qui « entourent » les musiciens: de face, de dos et sur les côtés) est un lieu difficile à maîtriser. Il y a une assez grande distance (aquatique…) entre le plateau et les auditeurs. Le son est absorbé par le plan d’eau.
L’incroyable scène nautique des RDV… (Photo Ville de Nantes)
Autant dire qu’il faut des musiciens qui assurent vraiment pour capter l’auditoire et triompher. Ce qu’a réussi Nicolas Folmer (un nantais…) avec son projet Horny Tonky. La planète funk revisitée… Groove décoiffant et envolées électriques enflammées. L’élégant bopper Folmer sur les traces (entre autres) du Miles électrique. Mention plus que spéciale pour le natif de Saint Nazaire (un voisin!) Damien Schmitt, batteur tous terrains, qui a littéralement dynamité le groupe. Son CV est impressionnant (voir son site http://www.damienschmitt.name).
De gauche à droite : Damien Schmitt, Nicolas Folmer, Laurent Coulondre (Photo PHA)
François Thuillier/Elephant Tuba Horde
Francois Thuillier et Jonas Real (tuba), Anthony Caillet (euphonium), Tom Caudelle et Jean Daufresne (saxhorn), Camille Geoffroy (saxhorn), Julien Paris (dr). 27 août. Scène Nautique.
Excellent tubiste qui participe, comme leader ou sideman, à de très nombreux (et très originaux) projets « cuivrés », Francois Thuillier rêvait de recréer le mythique Marc Steckar Tubapack qui dans les années 80 avait mis en valeur cet instrument d’ordinaire relégué au fond de l’orchestre. C’est fait ! Ca s’intitule Elephant Tuba Horde, et c’est pleinement réussi, moelleux, chaleureux, vibrant.
Umlaut Big Band : « L’âge d’or du swing »
Pierre-Antoine Badaroux, Benjamin Dousteyssier, Antonin Tri Hoang, Geoffroy Gesser, Pierre Borel (saxes), Louis Laurain, Gabriel Levasseur, Jules Jassef (tp), Fidel Fourneyron, Michael Ballue (tb), Matthieu Naulleau (p), Romain Vuillemin (g), Sebastien Belliah (b), Antonin Gerbal (dr). Scène Nautique 27 août.
De tous jeunes gens, instrumentistes virtuoses, ultra-diplômés (CNSM and co), pratiquant (en général) les jazz les plus contemporains ont décidé de re-jouer, en y prenant (visiblement) grand plaisir la musique des années 20 et 30… La Swing Era en Big Band comme si on y était. Costards d’époque. Humour distancié du MC (Louis Laurain) pour la présentation des thèmes et des solistes. Enorme travail de relevés (aux manettes P.-H. Badaroux à 90 % et B. Dousteyssier pour le complément), pour retrouver le son original de ces années folles. Energie, créativité, souffle festif. Résultat bluffant. Vraiment. Gros succès.
Séquence émotion. Le pianiste Matthieu Naulleau a fait ses études au Conservatoire de Nantes, sa maman est venu le féliciter « backstage », des « étoiles plein les yeux » : « C’était vraiment magnifique et très différent de ce que tu joues d’habitude !» lui a t-elle dit… Epatée et visiblement ravie… (NB : son pianiste de fils explore plutôt d’habitude des terrains plus expérimentaux…).
Matthieu est un des nombreux étudiants de la génération Bellec… Jean Marie Bellec, responsable de la classe jazz au Conservatoire de Nantes a été amplement honoré pour cette édition des RDV. La programmation sur plusieurs scènes de moult de ses anciens élèves en témoigne. C’est aussi une des caractéristiques des RDV : beaucoup de musiciens ligériens (de tous styles) sont programmés…
[NB :Ligériens : habitants du bassin de la Loire.On apprend tous les jours en matière de gentilés…Ca peut servir pour une participation éventuelle à Questions pour un Champion.]
Brotherhood Heritage (création de Didier Levallet et François Raulin)
Michel Marre, Alain Vankenhove (tp), Chris Biscoe, Francois Corneloup, Raphael Imbert (saxes), Mathias Mahler, Jean-Louis Pommier (tb), François Raulin (p), Didier Levallet (b), Simon Goubert (dr). Scène Nautique 28 août.
Pendant une vingtaine d’années (en gros de 1970 à 1990) le pianiste sud-africain Chris Mc Gregor, placide géant, dirigea un big band volcanique: le BrotherHood of Breath (la Confrérie, ou plutôt, la Fraternité du Souffle). Une formidable aventure musicale et humaine : orchestre multi-ethnique au fonctionnement unique dans l’histoire des grands orchestres. Jonction explosive, née à Londres, entre des musiciens sud-africains exilés fuyant l’apartheid (comme Louis Moholo, Mongezy Feza, Dudu Pukwana ou Johny Dyani…) et des commandos d’avant-garde de l’élite des free-jazzmen britanniques (Lol Coxhill, Evan Parker, Elton Dean, John Surman…).
Incroyable alchimie : musiques populaires sud-africaines mixées avec les fulgurances des jazzmen libertaires anglais. Le tout dans une ambiance de polyphonie improvisée et de masses sonores quasi ellingtoniennes.
Didier Levallet (b), qui participa à la dernière mouture de l’orchestre, souhaitait faire renaître la formidable musique de cet orchestre mythique. Pour ce faire il a concocté un superbe all-stars (voir l’étonnant line up ci dessus). Puis Didier et Francois Raulin (p) ont choisi des scores du Brotherhood originel qu’ils ont re-travaillés et ré-arrangés.
On retrouve bien dans cette mouture 2016 toutes les qualités du « modèle » initial: l’incroyable liberté, l’audace, la maîtrise et les débordements explosifs tant dans le jeu collectif que dans les improvisations. Sun Ra et Mingus quelque part (entre autres) en anges tutélaires… Le programme annonçait une « réjouissante renaissance ». Bien vu.
Le BrotherHood Heritage sur la péniche/coulisses après leur concert… De gauche à droite : Raphael Imbert, François Corneloup, François Raulin, Michel Marre, Alain Vankenhove, Mathias Malher, Chris Biscoe, Didier Levallet, Jean-Louis Pommier, Simon Goubert (Photo PHA)
Une nouvelle discipline « olympique » ? Le marathon Sclavisien !
Parmi les 30 surprenants bonus, « insolites et intimes », programmés spécialement à l’occasion du 30ème anniversaire des RDV Louis Sclavis est intervenu 10 fois ! En quatre jours et en différentes configurations (du solo au quintet).
Le CV de Louis (né en 1953) est impressionnant. Harmonie municipale de Montchat (un quartier de Lyon) à 10 ans. Au sax soprano à 14 (il écoute Bechet…). Découverte de la musique improvisée à 17. Puis dès1974 son incroyable carrière professionnelle débute au sein d’ensemble emblématiques des années 70 et 80 (Free Jazz Workshop de Lyon, Marvellous Band, Arfi, Compagnie Lubat, Brotherhood of Breath…). Il multiplie les rencontres (Colette Magny, les improvisateurs du label FMP, le quatuor de clarinettes -avec Portal-, Henri Texier…). Dans les années 80 s’amorcent ses multiples et passionnants projets personnels : Le Tour de France, les groupes avec Francois Raulin, Bruno Chevillon, un « septet de chambre »… Et toujours les rencontres : Cecil Taylor, Enrico Rava… A la fin des 80′ il entame une carrière discographique qui va être jalonnée d’enregistrements emblématiques et toujours surprenants (« Chine », « Clarinettes », les fameux « Carnets de Route » africains, « Les violences de Rameau », et tant d’autres…). Compositeur prolixe et talentueux, il écrit aussi pour le cinéma, le théâtre, la danse…
Pourquoi ces rappels, bien incomplets (« forcément incomplets » !) ?
Si, bien sûr, ses fans connaissent bien son incroyable parcours, peut-être (on se plaît à le penser en tous cas) que ceux qui l’ont découvert ici (et qui liront cette chronique) apprécieront ces informations même lacunaires ?
Les étapes du marathon nantais…
Lever de soleil…
Des problèmes logistiques (panne d’oreiller, pas de véhicule disponible…) m’ont privé des 2 interventions les plus insolites…
Comme ce concert de lever de soleil, à 8 heures du matin, sur le ponton du port de Nort sur Erdre. Heureusement des vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux et on a pu ainsi constater que Louis a réveillé en douceur les plaisanciers par un « Petite Fleur » bechetien au soprano… Tiens tiens… Comme quand il était ado !
Louis, en repérage, sur le ponton du port de Nort Sur Erdre, la veille de son concert de « lever de soleil »… (Photo PHA)
Le lendemain au port de Sucé Sur Erdre Louis a joué très free à la clarinette basse. Grand écart stylistique par rapport à la veille… La vidéo ne montre pas les réactions des plaisanciers…
Louis Sclavis Ensemble : Loin dans les Terres
Louis Sclavis (clarinettes), Dominique Pifarély (vl), Benjamin Moussay (claviers), Sarah Murcia (b), Christophe Lavergne (dr). Pannonica 27 août.
Dans la grande Salle Paul Fort du Pannonica (lieu emblématique des musiques actuelles à Nantes) pleine à craquer (100 personnes au moins n’ont pas pu entrer…) et dans une atmosphère de sauna (40 degrés… : musiciens et spectateurs en nage !), en quintet, Sclavis a triomphé (3 rappels). Nouveau groupe, nouveau répertoire : avec Loin des Terres, une fois de plus, L. Sclavis nous surprend. Retrouvailles (Moussay, Pifarély) et sang neuf (S.Murcia et le nantais Christophe Lavergne) pour nous raconter, comme toujours, de belles histoires. Musiques pêchues, vives et passionnantes, pleines de fraîcheur et d’envolées lumineuses. Sclavis est vraiment un mélodiste hors-pair. A la contrebasse Sarah Murcia (au parcours plus qu’étonnant elle aussi : jetez un œil sur son site), qui fut l’élève de Jean-Francois Jenny-Clark, a boosté le concert de bout en bout. Renversante aussi en solo.
Dominique Pifarély, Benjamin Moussay, Louis Sclavis, Sarah Murcia, et Christophe Lavergne: triomphe au Pannonica (Photo PHA)
Duo Sclavis/Pifarély (vl) . Couvent des Cordeliers, 28 août.
La veille au sein du Quintet, le sonorisateur n’avait pas su mettre en valeur la magnifique sonorité de Dominique Pifarély. En acoustique on la retrouva. Pleinement.
La toute petite cour (un peu délabrée) du Couvent des Cordeliers était pleine (à 11 heures du matin…) et dans la rue adjacente une centaine de personnes qui n’avaient pas pu entrer restèrent debout, stoïquement, en tendant l’oreille pour capter quelques effluves sonores du duo… Du « jazz de chambre » joué par deux vieux complices qui visiblement se régalèrent. Et nous aussi.
Sur la péniche de la Souris Verte avec les enfants…
Louis est aussi pédagogue : et par 3 fois il a dialogué avec des enfants (adultes sans enfant… interdits!) sur une péniche. A la sortie les mômes « avaient la banane ».
Clap de fin
Une belle image pour clôre l’évocation rapide du marathon sclavisien : en pleine forme après ses 10 prestations, Louis écoute le BrotherHood, depuis la péniche qui sert de coulisses à la Scène Nautique.
Emu : « J’ai joué avec le BrotherHood originel de Mc Grégor il y a fort longtemps… cette renaissance, réussie, me rappelle beaucoup de bons souvenirs musicaux et humains… ».
Pierre-Henri Ardonceau|Les Rendez-Vous de l’Erdre 2016 (25/28 août): 350 artistes, 200 concerts, une vingtaine de scènes. Gratuité totale. Vraiment étonnant… Unique en tous cas dans le PJF (Paysage Jazzistique Français)
Quelques jalons historiques
Intitulé exact des RDV: Jazz et Belle Plaisance. Car pendant que les concerts du samedi se déroulent sur les bords nantais de l’Erdre, plus de 200 bateaux de navigation fluviale de plaisance (assez extraordinaires : de tous styles, de tous gabarits et de tous « âges »), partis de petits ports voisins, font route vers la grande scène nautique du festival. Spectacle coloré et tonitruant (cris, chants, sirènes…) qui contribue grandement à l’atmosphère festive de l’événement.
[Un peu de géographie : l’Erdre est une rivière de 97 kms, affluent de la Loire, dont la partie navigable aboutit à Nantes… « La plus belle rivière de France » selon certains ! Chauvins ?]
Pour fêter ses 30 ans le Festival a mis « les petits plats dans les grands : créations, hommages et projets inédits ». Mais… comme Armand Meignan, directeur artistique de la manifestation, l’a rappelé lors de l’inauguration : «la vocation du festival est restée la même qu’habituellement : faire découvrir à un large public toute la diversité du jazz». Avec, pour fêter les 3 décennies, en plus de la programmation dans les espaces habituels (une dizaine de scènes), un bonus spécial de « 30 moments intimes dans des lieux insolites peu connus du grand public ». Comme les Tourbières de France de Saint-Mars-du-Désert, ou les pontons du port de Nort-sur-Erdre au lever du soleil avec un impromptu programmé à 8 heures du matin!
Les premières éditions des RDV de l’Erdre furent modestes : principalement une fête nautique avec chants de marins et petits concerts de jazz (des groupes régionaux de dixieland et de middle jazz…). Pour le dire vite… : « quatre jours tranquilles de pique-nique musical »…
Il y a dix ans Armand Meignan, « patron » emblématique du prestigieux Festival du Mans, est recruté comme directeur artistique. Avec Loïc Breteau, directeur administratif et remarquable logisticien (également à la tête de moult festivités dans le cadre des Heures d’Eté de Nantes) ils forment immédiatement un tandem dynamique et efficace. Et c’est ainsi qu’après de multiples évolutions et affinages, les RDV accueillent chaque année, à la rentrée, depuis une décennie un événement populaire XXL. Croisement hors-gabarit d’un festival de Jazz et d’un rassemblement de patrimoine nautique, hors du commun.
La programmation propose un large panorama : du blues au jazz electro… aucun style n’est oublié (pour consulter la liste intégrale et impressionnante des concerts avec la composition précise des orchestres voir ici :http://www.rendezvouserdre.com/wp-content/uploads/docs/PROGRAMME_RVE_2016).
Chacune des 20 scènes présente une « spécialité » dominante.
Le grand public (plus de 100 000 personnes ont été dénombrées en 3 jours) baguenaude en butinant, souvent un peu au hasard, au gré des effluves sonores… Les amateurs pointus scrutent le programme qu’ils ont consciencieusement et méticuleusement annoté en fonction de leurs styles de prédilection. Ils ont calé leurs itinéraires journaliers au millimètre…
Quand aux envoyés spéciaux de JazzMagazine (Stéphane Ollivier était présent et a découvert le festival), ils ont été confrontés à de cruels dilemmes… Face à une telle abondance… Rendre compte de quels concerts ? Selon quels critères de choix ?
Je vous livre donc seulement quelques rapides focus subjectifs, reflets de mes déambulations et rencontres… Bien conscient d’être passé à côté de nombreuses pépites…
Avec une mention spéciale pour l’exploit de Louis Sclavis : 10 prestations en 4 jours !
Quelques focus…
Horny Tonky.
Nicolas Folmer (tp), Antoine Favennec (sax), Laurent Coulondre (claviers),Thomas Coeuriot (g), Julien Herné (b), Damien Schmitt (dr). 26 août. Scène Nautique.
La grande scène nautique (avec 10 000 personnes qui « entourent » les musiciens: de face, de dos et sur les côtés) est un lieu difficile à maîtriser. Il y a une assez grande distance (aquatique…) entre le plateau et les auditeurs. Le son est absorbé par le plan d’eau.
L’incroyable scène nautique des RDV… (Photo Ville de Nantes)
Autant dire qu’il faut des musiciens qui assurent vraiment pour capter l’auditoire et triompher. Ce qu’a réussi Nicolas Folmer (un nantais…) avec son projet Horny Tonky. La planète funk revisitée… Groove décoiffant et envolées électriques enflammées. L’élégant bopper Folmer sur les traces (entre autres) du Miles électrique. Mention plus que spéciale pour le natif de Saint Nazaire (un voisin!) Damien Schmitt, batteur tous terrains, qui a littéralement dynamité le groupe. Son CV est impressionnant (voir son site http://www.damienschmitt.name).
De gauche à droite : Damien Schmitt, Nicolas Folmer, Laurent Coulondre (Photo PHA)
François Thuillier/Elephant Tuba Horde
Francois Thuillier et Jonas Real (tuba), Anthony Caillet (euphonium), Tom Caudelle et Jean Daufresne (saxhorn), Camille Geoffroy (saxhorn), Julien Paris (dr). 27 août. Scène Nautique.
Excellent tubiste qui participe, comme leader ou sideman, à de très nombreux (et très originaux) projets « cuivrés », Francois Thuillier rêvait de recréer le mythique Marc Steckar Tubapack qui dans les années 80 avait mis en valeur cet instrument d’ordinaire relégué au fond de l’orchestre. C’est fait ! Ca s’intitule Elephant Tuba Horde, et c’est pleinement réussi, moelleux, chaleureux, vibrant.
Umlaut Big Band : « L’âge d’or du swing »
Pierre-Antoine Badaroux, Benjamin Dousteyssier, Antonin Tri Hoang, Geoffroy Gesser, Pierre Borel (saxes), Louis Laurain, Gabriel Levasseur, Jules Jassef (tp), Fidel Fourneyron, Michael Ballue (tb), Matthieu Naulleau (p), Romain Vuillemin (g), Sebastien Belliah (b), Antonin Gerbal (dr). Scène Nautique 27 août.
De tous jeunes gens, instrumentistes virtuoses, ultra-diplômés (CNSM and co), pratiquant (en général) les jazz les plus contemporains ont décidé de re-jouer, en y prenant (visiblement) grand plaisir la musique des années 20 et 30… La Swing Era en Big Band comme si on y était. Costards d’époque. Humour distancié du MC (Louis Laurain) pour la présentation des thèmes et des solistes. Enorme travail de relevés (aux manettes P.-H. Badaroux à 90 % et B. Dousteyssier pour le complément), pour retrouver le son original de ces années folles. Energie, créativité, souffle festif. Résultat bluffant. Vraiment. Gros succès.
Séquence émotion. Le pianiste Matthieu Naulleau a fait ses études au Conservatoire de Nantes, sa maman est venu le féliciter « backstage », des « étoiles plein les yeux » : « C’était vraiment magnifique et très différent de ce que tu joues d’habitude !» lui a t-elle dit… Epatée et visiblement ravie… (NB : son pianiste de fils explore plutôt d’habitude des terrains plus expérimentaux…).
Matthieu est un des nombreux étudiants de la génération Bellec… Jean Marie Bellec, responsable de la classe jazz au Conservatoire de Nantes a été amplement honoré pour cette édition des RDV. La programmation sur plusieurs scènes de moult de ses anciens élèves en témoigne. C’est aussi une des caractéristiques des RDV : beaucoup de musiciens ligériens (de tous styles) sont programmés…
[NB :Ligériens : habitants du bassin de la Loire.On apprend tous les jours en matière de gentilés…Ca peut servir pour une participation éventuelle à Questions pour un Champion.]
Brotherhood Heritage (création de Didier Levallet et François Raulin)
Michel Marre, Alain Vankenhove (tp), Chris Biscoe, Francois Corneloup, Raphael Imbert (saxes), Mathias Mahler, Jean-Louis Pommier (tb), François Raulin (p), Didier Levallet (b), Simon Goubert (dr). Scène Nautique 28 août.
Pendant une vingtaine d’années (en gros de 1970 à 1990) le pianiste sud-africain Chris Mc Gregor, placide géant, dirigea un big band volcanique: le BrotherHood of Breath (la Confrérie, ou plutôt, la Fraternité du Souffle). Une formidable aventure musicale et humaine : orchestre multi-ethnique au fonctionnement unique dans l’histoire des grands orchestres. Jonction explosive, née à Londres, entre des musiciens sud-africains exilés fuyant l’apartheid (comme Louis Moholo, Mongezy Feza, Dudu Pukwana ou Johny Dyani…) et des commandos d’avant-garde de l’élite des free-jazzmen britanniques (Lol Coxhill, Evan Parker, Elton Dean, John Surman…).
Incroyable alchimie : musiques populaires sud-africaines mixées avec les fulgurances des jazzmen libertaires anglais. Le tout dans une ambiance de polyphonie improvisée et de masses sonores quasi ellingtoniennes.
Didier Levallet (b), qui participa à la dernière mouture de l’orchestre, souhaitait faire renaître la formidable musique de cet orchestre mythique. Pour ce faire il a concocté un superbe all-stars (voir l’étonnant line up ci dessus). Puis Didier et Francois Raulin (p) ont choisi des scores du Brotherhood originel qu’ils ont re-travaillés et ré-arrangés.
On retrouve bien dans cette mouture 2016 toutes les qualités du « modèle » initial: l’incroyable liberté, l’audace, la maîtrise et les débordements explosifs tant dans le jeu collectif que dans les improvisations. Sun Ra et Mingus quelque part (entre autres) en anges tutélaires… Le programme annonçait une « réjouissante renaissance ». Bien vu.
Le BrotherHood Heritage sur la péniche/coulisses après leur concert… De gauche à droite : Raphael Imbert, François Corneloup, François Raulin, Michel Marre, Alain Vankenhove, Mathias Malher, Chris Biscoe, Didier Levallet, Jean-Louis Pommier, Simon Goubert (Photo PHA)
Une nouvelle discipline « olympique » ? Le marathon Sclavisien !
Parmi les 30 surprenants bonus, « insolites et intimes », programmés spécialement à l’occasion du 30ème anniversaire des RDV Louis Sclavis est intervenu 10 fois ! En quatre jours et en différentes configurations (du solo au quintet).
Le CV de Louis (né en 1953) est impressionnant. Harmonie municipale de Montchat (un quartier de Lyon) à 10 ans. Au sax soprano à 14 (il écoute Bechet…). Découverte de la musique improvisée à 17. Puis dès1974 son incroyable carrière professionnelle débute au sein d’ensemble emblématiques des années 70 et 80 (Free Jazz Workshop de Lyon, Marvellous Band, Arfi, Compagnie Lubat, Brotherhood of Breath…). Il multiplie les rencontres (Colette Magny, les improvisateurs du label FMP, le quatuor de clarinettes -avec Portal-, Henri Texier…). Dans les années 80 s’amorcent ses multiples et passionnants projets personnels : Le Tour de France, les groupes avec Francois Raulin, Bruno Chevillon, un « septet de chambre »… Et toujours les rencontres : Cecil Taylor, Enrico Rava… A la fin des 80′ il entame une carrière discographique qui va être jalonnée d’enregistrements emblématiques et toujours surprenants (« Chine », « Clarinettes », les fameux « Carnets de Route » africains, « Les violences de Rameau », et tant d’autres…). Compositeur prolixe et talentueux, il écrit aussi pour le cinéma, le théâtre, la danse…
Pourquoi ces rappels, bien incomplets (« forcément incomplets » !) ?
Si, bien sûr, ses fans connaissent bien son incroyable parcours, peut-être (on se plaît à le penser en tous cas) que ceux qui l’ont découvert ici (et qui liront cette chronique) apprécieront ces informations même lacunaires ?
Les étapes du marathon nantais…
Lever de soleil…
Des problèmes logistiques (panne d’oreiller, pas de véhicule disponible…) m’ont privé des 2 interventions les plus insolites…
Comme ce concert de lever de soleil, à 8 heures du matin, sur le ponton du port de Nort sur Erdre. Heureusement des vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux et on a pu ainsi constater que Louis a réveillé en douceur les plaisanciers par un « Petite Fleur » bechetien au soprano… Tiens tiens… Comme quand il était ado !
Louis, en repérage, sur le ponton du port de Nort Sur Erdre, la veille de son concert de « lever de soleil »… (Photo PHA)
Le lendemain au port de Sucé Sur Erdre Louis a joué très free à la clarinette basse. Grand écart stylistique par rapport à la veille… La vidéo ne montre pas les réactions des plaisanciers…
Louis Sclavis Ensemble : Loin dans les Terres
Louis Sclavis (clarinettes), Dominique Pifarély (vl), Benjamin Moussay (claviers), Sarah Murcia (b), Christophe Lavergne (dr). Pannonica 27 août.
Dans la grande Salle Paul Fort du Pannonica (lieu emblématique des musiques actuelles à Nantes) pleine à craquer (100 personnes au moins n’ont pas pu entrer…) et dans une atmosphère de sauna (40 degrés… : musiciens et spectateurs en nage !), en quintet, Sclavis a triomphé (3 rappels). Nouveau groupe, nouveau répertoire : avec Loin des Terres, une fois de plus, L. Sclavis nous surprend. Retrouvailles (Moussay, Pifarély) et sang neuf (S.Murcia et le nantais Christophe Lavergne) pour nous raconter, comme toujours, de belles histoires. Musiques pêchues, vives et passionnantes, pleines de fraîcheur et d’envolées lumineuses. Sclavis est vraiment un mélodiste hors-pair. A la contrebasse Sarah Murcia (au parcours plus qu’étonnant elle aussi : jetez un œil sur son site), qui fut l’élève de Jean-Francois Jenny-Clark, a boosté le concert de bout en bout. Renversante aussi en solo.
Dominique Pifarély, Benjamin Moussay, Louis Sclavis, Sarah Murcia, et Christophe Lavergne: triomphe au Pannonica (Photo PHA)
Duo Sclavis/Pifarély (vl) . Couvent des Cordeliers, 28 août.
La veille au sein du Quintet, le sonorisateur n’avait pas su mettre en valeur la magnifique sonorité de Dominique Pifarély. En acoustique on la retrouva. Pleinement.
La toute petite cour (un peu délabrée) du Couvent des Cordeliers était pleine (à 11 heures du matin…) et dans la rue adjacente une centaine de personnes qui n’avaient pas pu entrer restèrent debout, stoïquement, en tendant l’oreille pour capter quelques effluves sonores du duo… Du « jazz de chambre » joué par deux vieux complices qui visiblement se régalèrent. Et nous aussi.
Sur la péniche de la Souris Verte avec les enfants…
Louis est aussi pédagogue : et par 3 fois il a dialogué avec des enfants (adultes sans enfant… interdits!) sur une péniche. A la sortie les mômes « avaient la banane ».
Clap de fin
Une belle image pour clôre l’évocation rapide du marathon sclavisien : en pleine forme après ses 10 prestations, Louis écoute le BrotherHood, depuis la péniche qui sert de coulisses à la Scène Nautique.
Emu : « J’ai joué avec le BrotherHood originel de Mc Grégor il y a fort longtemps… cette renaissance, réussie, me rappelle beaucoup de bons souvenirs musicaux et humains… ».
Pierre-Henri Ardonceau|Les Rendez-Vous de l’Erdre 2016 (25/28 août): 350 artistes, 200 concerts, une vingtaine de scènes. Gratuité totale. Vraiment étonnant… Unique en tous cas dans le PJF (Paysage Jazzistique Français)
Quelques jalons historiques
Intitulé exact des RDV: Jazz et Belle Plaisance. Car pendant que les concerts du samedi se déroulent sur les bords nantais de l’Erdre, plus de 200 bateaux de navigation fluviale de plaisance (assez extraordinaires : de tous styles, de tous gabarits et de tous « âges »), partis de petits ports voisins, font route vers la grande scène nautique du festival. Spectacle coloré et tonitruant (cris, chants, sirènes…) qui contribue grandement à l’atmosphère festive de l’événement.
[Un peu de géographie : l’Erdre est une rivière de 97 kms, affluent de la Loire, dont la partie navigable aboutit à Nantes… « La plus belle rivière de France » selon certains ! Chauvins ?]
Pour fêter ses 30 ans le Festival a mis « les petits plats dans les grands : créations, hommages et projets inédits ». Mais… comme Armand Meignan, directeur artistique de la manifestation, l’a rappelé lors de l’inauguration : «la vocation du festival est restée la même qu’habituellement : faire découvrir à un large public toute la diversité du jazz». Avec, pour fêter les 3 décennies, en plus de la programmation dans les espaces habituels (une dizaine de scènes), un bonus spécial de « 30 moments intimes dans des lieux insolites peu connus du grand public ». Comme les Tourbières de France de Saint-Mars-du-Désert, ou les pontons du port de Nort-sur-Erdre au lever du soleil avec un impromptu programmé à 8 heures du matin!
Les premières éditions des RDV de l’Erdre furent modestes : principalement une fête nautique avec chants de marins et petits concerts de jazz (des groupes régionaux de dixieland et de middle jazz…). Pour le dire vite… : « quatre jours tranquilles de pique-nique musical »…
Il y a dix ans Armand Meignan, « patron » emblématique du prestigieux Festival du Mans, est recruté comme directeur artistique. Avec Loïc Breteau, directeur administratif et remarquable logisticien (également à la tête de moult festivités dans le cadre des Heures d’Eté de Nantes) ils forment immédiatement un tandem dynamique et efficace. Et c’est ainsi qu’après de multiples évolutions et affinages, les RDV accueillent chaque année, à la rentrée, depuis une décennie un événement populaire XXL. Croisement hors-gabarit d’un festival de Jazz et d’un rassemblement de patrimoine nautique, hors du commun.
La programmation propose un large panorama : du blues au jazz electro… aucun style n’est oublié (pour consulter la liste intégrale et impressionnante des concerts avec la composition précise des orchestres voir ici :http://www.rendezvouserdre.com/wp-content/uploads/docs/PROGRAMME_RVE_2016).
Chacune des 20 scènes présente une « spécialité » dominante.
Le grand public (plus de 100 000 personnes ont été dénombrées en 3 jours) baguenaude en butinant, souvent un peu au hasard, au gré des effluves sonores… Les amateurs pointus scrutent le programme qu’ils ont consciencieusement et méticuleusement annoté en fonction de leurs styles de prédilection. Ils ont calé leurs itinéraires journaliers au millimètre…
Quand aux envoyés spéciaux de JazzMagazine (Stéphane Ollivier était présent et a découvert le festival), ils ont été confrontés à de cruels dilemmes… Face à une telle abondance… Rendre compte de quels concerts ? Selon quels critères de choix ?
Je vous livre donc seulement quelques rapides focus subjectifs, reflets de mes déambulations et rencontres… Bien conscient d’être passé à côté de nombreuses pépites…
Avec une mention spéciale pour l’exploit de Louis Sclavis : 10 prestations en 4 jours !
Quelques focus…
Horny Tonky.
Nicolas Folmer (tp), Antoine Favennec (sax), Laurent Coulondre (claviers),Thomas Coeuriot (g), Julien Herné (b), Damien Schmitt (dr). 26 août. Scène Nautique.
La grande scène nautique (avec 10 000 personnes qui « entourent » les musiciens: de face, de dos et sur les côtés) est un lieu difficile à maîtriser. Il y a une assez grande distance (aquatique…) entre le plateau et les auditeurs. Le son est absorbé par le plan d’eau.
L’incroyable scène nautique des RDV… (Photo Ville de Nantes)
Autant dire qu’il faut des musiciens qui assurent vraiment pour capter l’auditoire et triompher. Ce qu’a réussi Nicolas Folmer (un nantais…) avec son projet Horny Tonky. La planète funk revisitée… Groove décoiffant et envolées électriques enflammées. L’élégant bopper Folmer sur les traces (entre autres) du Miles électrique. Mention plus que spéciale pour le natif de Saint Nazaire (un voisin!) Damien Schmitt, batteur tous terrains, qui a littéralement dynamité le groupe. Son CV est impressionnant (voir son site http://www.damienschmitt.name).
De gauche à droite : Damien Schmitt, Nicolas Folmer, Laurent Coulondre (Photo PHA)
François Thuillier/Elephant Tuba Horde
Francois Thuillier et Jonas Real (tuba), Anthony Caillet (euphonium), Tom Caudelle et Jean Daufresne (saxhorn), Camille Geoffroy (saxhorn), Julien Paris (dr). 27 août. Scène Nautique.
Excellent tubiste qui participe, comme leader ou sideman, à de très nombreux (et très originaux) projets « cuivrés », Francois Thuillier rêvait de recréer le mythique Marc Steckar Tubapack qui dans les années 80 avait mis en valeur cet instrument d’ordinaire relégué au fond de l’orchestre. C’est fait ! Ca s’intitule Elephant Tuba Horde, et c’est pleinement réussi, moelleux, chaleureux, vibrant.
Umlaut Big Band : « L’âge d’or du swing »
Pierre-Antoine Badaroux, Benjamin Dousteyssier, Antonin Tri Hoang, Geoffroy Gesser, Pierre Borel (saxes), Louis Laurain, Gabriel Levasseur, Jules Jassef (tp), Fidel Fourneyron, Michael Ballue (tb), Matthieu Naulleau (p), Romain Vuillemin (g), Sebastien Belliah (b), Antonin Gerbal (dr). Scène Nautique 27 août.
De tous jeunes gens, instrumentistes virtuoses, ultra-diplômés (CNSM and co), pratiquant (en général) les jazz les plus contemporains ont décidé de re-jouer, en y prenant (visiblement) grand plaisir la musique des années 20 et 30… La Swing Era en Big Band comme si on y était. Costards d’époque. Humour distancié du MC (Louis Laurain) pour la présentation des thèmes et des solistes. Enorme travail de relevés (aux manettes P.-H. Badaroux à 90 % et B. Dousteyssier pour le complément), pour retrouver le son original de ces années folles. Energie, créativité, souffle festif. Résultat bluffant. Vraiment. Gros succès.
Séquence émotion. Le pianiste Matthieu Naulleau a fait ses études au Conservatoire de Nantes, sa maman est venu le féliciter « backstage », des « étoiles plein les yeux » : « C’était vraiment magnifique et très différent de ce que tu joues d’habitude !» lui a t-elle dit… Epatée et visiblement ravie… (NB : son pianiste de fils explore plutôt d’habitude des terrains plus expérimentaux…).
Matthieu est un des nombreux étudiants de la génération Bellec… Jean Marie Bellec, responsable de la classe jazz au Conservatoire de Nantes a été amplement honoré pour cette édition des RDV. La programmation sur plusieurs scènes de moult de ses anciens élèves en témoigne. C’est aussi une des caractéristiques des RDV : beaucoup de musiciens ligériens (de tous styles) sont programmés…
[NB :Ligériens : habitants du bassin de la Loire.On apprend tous les jours en matière de gentilés…Ca peut servir pour une participation éventuelle à Questions pour un Champion.]
Brotherhood Heritage (création de Didier Levallet et François Raulin)
Michel Marre, Alain Vankenhove (tp), Chris Biscoe, Francois Corneloup, Raphael Imbert (saxes), Mathias Mahler, Jean-Louis Pommier (tb), François Raulin (p), Didier Levallet (b), Simon Goubert (dr). Scène Nautique 28 août.
Pendant une vingtaine d’années (en gros de 1970 à 1990) le pianiste sud-africain Chris Mc Gregor, placide géant, dirigea un big band volcanique: le BrotherHood of Breath (la Confrérie, ou plutôt, la Fraternité du Souffle). Une formidable aventure musicale et humaine : orchestre multi-ethnique au fonctionnement unique dans l’histoire des grands orchestres. Jonction explosive, née à Londres, entre des musiciens sud-africains exilés fuyant l’apartheid (comme Louis Moholo, Mongezy Feza, Dudu Pukwana ou Johny Dyani…) et des commandos d’avant-garde de l’élite des free-jazzmen britanniques (Lol Coxhill, Evan Parker, Elton Dean, John Surman…).
Incroyable alchimie : musiques populaires sud-africaines mixées avec les fulgurances des jazzmen libertaires anglais. Le tout dans une ambiance de polyphonie improvisée et de masses sonores quasi ellingtoniennes.
Didier Levallet (b), qui participa à la dernière mouture de l’orchestre, souhaitait faire renaître la formidable musique de cet orchestre mythique. Pour ce faire il a concocté un superbe all-stars (voir l’étonnant line up ci dessus). Puis Didier et Francois Raulin (p) ont choisi des scores du Brotherhood originel qu’ils ont re-travaillés et ré-arrangés.
On retrouve bien dans cette mouture 2016 toutes les qualités du « modèle » initial: l’incroyable liberté, l’audace, la maîtrise et les débordements explosifs tant dans le jeu collectif que dans les improvisations. Sun Ra et Mingus quelque part (entre autres) en anges tutélaires… Le programme annonçait une « réjouissante renaissance ». Bien vu.
Le BrotherHood Heritage sur la péniche/coulisses après leur concert… De gauche à droite : Raphael Imbert, François Corneloup, François Raulin, Michel Marre, Alain Vankenhove, Mathias Malher, Chris Biscoe, Didier Levallet, Jean-Louis Pommier, Simon Goubert (Photo PHA)
Une nouvelle discipline « olympique » ? Le marathon Sclavisien !
Parmi les 30 surprenants bonus, « insolites et intimes », programmés spécialement à l’occasion du 30ème anniversaire des RDV Louis Sclavis est intervenu 10 fois ! En quatre jours et en différentes configurations (du solo au quintet).
Le CV de Louis (né en 1953) est impressionnant. Harmonie municipale de Montchat (un quartier de Lyon) à 10 ans. Au sax soprano à 14 (il écoute Bechet…). Découverte de la musique improvisée à 17. Puis dès1974 son incroyable carrière professionnelle débute au sein d’ensemble emblématiques des années 70 et 80 (Free Jazz Workshop de Lyon, Marvellous Band, Arfi, Compagnie Lubat, Brotherhood of Breath…). Il multiplie les rencontres (Colette Magny, les improvisateurs du label FMP, le quatuor de clarinettes -avec Portal-, Henri Texier…). Dans les années 80 s’amorcent ses multiples et passionnants projets personnels : Le Tour de France, les groupes avec Francois Raulin, Bruno Chevillon, un « septet de chambre »… Et toujours les rencontres : Cecil Taylor, Enrico Rava… A la fin des 80′ il entame une carrière discographique qui va être jalonnée d’enregistrements emblématiques et toujours surprenants (« Chine », « Clarinettes », les fameux « Carnets de Route » africains, « Les violences de Rameau », et tant d’autres…). Compositeur prolixe et talentueux, il écrit aussi pour le cinéma, le théâtre, la danse…
Pourquoi ces rappels, bien incomplets (« forcément incomplets » !) ?
Si, bien sûr, ses fans connaissent bien son incroyable parcours, peut-être (on se plaît à le penser en tous cas) que ceux qui l’ont découvert ici (et qui liront cette chronique) apprécieront ces informations même lacunaires ?
Les étapes du marathon nantais…
Lever de soleil…
Des problèmes logistiques (panne d’oreiller, pas de véhicule disponible…) m’ont privé des 2 interventions les plus insolites…
Comme ce concert de lever de soleil, à 8 heures du matin, sur le ponton du port de Nort sur Erdre. Heureusement des vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux et on a pu ainsi constater que Louis a réveillé en douceur les plaisanciers par un « Petite Fleur » bechetien au soprano… Tiens tiens… Comme quand il était ado !
Louis, en repérage, sur le ponton du port de Nort Sur Erdre, la veille de son concert de « lever de soleil »… (Photo PHA)
Le lendemain au port de Sucé Sur Erdre Louis a joué très free à la clarinette basse. Grand écart stylistique par rapport à la veille… La vidéo ne montre pas les réactions des plaisanciers…
Louis Sclavis Ensemble : Loin dans les Terres
Louis Sclavis (clarinettes), Dominique Pifarély (vl), Benjamin Moussay (claviers), Sarah Murcia (b), Christophe Lavergne (dr). Pannonica 27 août.
Dans la grande Salle Paul Fort du Pannonica (lieu emblématique des musiques actuelles à Nantes) pleine à craquer (100 personnes au moins n’ont pas pu entrer…) et dans une atmosphère de sauna (40 degrés… : musiciens et spectateurs en nage !), en quintet, Sclavis a triomphé (3 rappels). Nouveau groupe, nouveau répertoire : avec Loin des Terres, une fois de plus, L. Sclavis nous surprend. Retrouvailles (Moussay, Pifarély) et sang neuf (S.Murcia et le nantais Christophe Lavergne) pour nous raconter, comme toujours, de belles histoires. Musiques pêchues, vives et passionnantes, pleines de fraîcheur et d’envolées lumineuses. Sclavis est vraiment un mélodiste hors-pair. A la contrebasse Sarah Murcia (au parcours plus qu’étonnant elle aussi : jetez un œil sur son site), qui fut l’élève de Jean-Francois Jenny-Clark, a boosté le concert de bout en bout. Renversante aussi en solo.
Dominique Pifarély, Benjamin Moussay, Louis Sclavis, Sarah Murcia, et Christophe Lavergne: triomphe au Pannonica (Photo PHA)
Duo Sclavis/Pifarély (vl) . Couvent des Cordeliers, 28 août.
La veille au sein du Quintet, le sonorisateur n’avait pas su mettre en valeur la magnifique sonorité de Dominique Pifarély. En acoustique on la retrouva. Pleinement.
La toute petite cour (un peu délabrée) du Couvent des Cordeliers était pleine (à 11 heures du matin…) et dans la rue adjacente une centaine de personnes qui n’avaient pas pu entrer restèrent debout, stoïquement, en tendant l’oreille pour capter quelques effluves sonores du duo… Du « jazz de chambre » joué par deux vieux complices qui visiblement se régalèrent. Et nous aussi.
Sur la péniche de la Souris Verte avec les enfants…
Louis est aussi pédagogue : et par 3 fois il a dialogué avec des enfants (adultes sans enfant… interdits!) sur une péniche. A la sortie les mômes « avaient la banane ».
Clap de fin
Une belle image pour clôre l’évocation rapide du marathon sclavisien : en pleine forme après ses 10 prestations, Louis écoute le BrotherHood, depuis la péniche qui sert de coulisses à la Scène Nautique.
Emu : « J’ai joué avec le BrotherHood originel de Mc Grégor il y a fort longtemps… cette renaissance, réussie, me rappelle beaucoup de bons souvenirs musicaux et humains… ».
Pierre-Henri Ardonceau|Les Rendez-Vous de l’Erdre 2016 (25/28 août): 350 artistes, 200 concerts, une vingtaine de scènes. Gratuité totale. Vraiment étonnant… Unique en tous cas dans le PJF (Paysage Jazzistique Français)
Quelques jalons historiques
Intitulé exact des RDV: Jazz et Belle Plaisance. Car pendant que les concerts du samedi se déroulent sur les bords nantais de l’Erdre, plus de 200 bateaux de navigation fluviale de plaisance (assez extraordinaires : de tous styles, de tous gabarits et de tous « âges »), partis de petits ports voisins, font route vers la grande scène nautique du festival. Spectacle coloré et tonitruant (cris, chants, sirènes…) qui contribue grandement à l’atmosphère festive de l’événement.
[Un peu de géographie : l’Erdre est une rivière de 97 kms, affluent de la Loire, dont la partie navigable aboutit à Nantes… « La plus belle rivière de France » selon certains ! Chauvins ?]
Pour fêter ses 30 ans le Festival a mis « les petits plats dans les grands : créations, hommages et projets inédits ». Mais… comme Armand Meignan, directeur artistique de la manifestation, l’a rappelé lors de l’inauguration : «la vocation du festival est restée la même qu’habituellement : faire découvrir à un large public toute la diversité du jazz». Avec, pour fêter les 3 décennies, en plus de la programmation dans les espaces habituels (une dizaine de scènes), un bonus spécial de « 30 moments intimes dans des lieux insolites peu connus du grand public ». Comme les Tourbières de France de Saint-Mars-du-Désert, ou les pontons du port de Nort-sur-Erdre au lever du soleil avec un impromptu programmé à 8 heures du matin!
Les premières éditions des RDV de l’Erdre furent modestes : principalement une fête nautique avec chants de marins et petits concerts de jazz (des groupes régionaux de dixieland et de middle jazz…). Pour le dire vite… : « quatre jours tranquilles de pique-nique musical »…
Il y a dix ans Armand Meignan, « patron » emblématique du prestigieux Festival du Mans, est recruté comme directeur artistique. Avec Loïc Breteau, directeur administratif et remarquable logisticien (également à la tête de moult festivités dans le cadre des Heures d’Eté de Nantes) ils forment immédiatement un tandem dynamique et efficace. Et c’est ainsi qu’après de multiples évolutions et affinages, les RDV accueillent chaque année, à la rentrée, depuis une décennie un événement populaire XXL. Croisement hors-gabarit d’un festival de Jazz et d’un rassemblement de patrimoine nautique, hors du commun.
La programmation propose un large panorama : du blues au jazz electro… aucun style n’est oublié (pour consulter la liste intégrale et impressionnante des concerts avec la composition précise des orchestres voir ici :http://www.rendezvouserdre.com/wp-content/uploads/docs/PROGRAMME_RVE_2016).
Chacune des 20 scènes présente une « spécialité » dominante.
Le grand public (plus de 100 000 personnes ont été dénombrées en 3 jours) baguenaude en butinant, souvent un peu au hasard, au gré des effluves sonores… Les amateurs pointus scrutent le programme qu’ils ont consciencieusement et méticuleusement annoté en fonction de leurs styles de prédilection. Ils ont calé leurs itinéraires journaliers au millimètre…
Quand aux envoyés spéciaux de JazzMagazine (Stéphane Ollivier était présent et a découvert le festival), ils ont été confrontés à de cruels dilemmes… Face à une telle abondance… Rendre compte de quels concerts ? Selon quels critères de choix ?
Je vous livre donc seulement quelques rapides focus subjectifs, reflets de mes déambulations et rencontres… Bien conscient d’être passé à côté de nombreuses pépites…
Avec une mention spéciale pour l’exploit de Louis Sclavis : 10 prestations en 4 jours !
Quelques focus…
Horny Tonky.
Nicolas Folmer (tp), Antoine Favennec (sax), Laurent Coulondre (claviers),Thomas Coeuriot (g), Julien Herné (b), Damien Schmitt (dr). 26 août. Scène Nautique.
La grande scène nautique (avec 10 000 personnes qui « entourent » les musiciens: de face, de dos et sur les côtés) est un lieu difficile à maîtriser. Il y a une assez grande distance (aquatique…) entre le plateau et les auditeurs. Le son est absorbé par le plan d’eau.
L’incroyable scène nautique des RDV… (Photo Ville de Nantes)
Autant dire qu’il faut des musiciens qui assurent vraiment pour capter l’auditoire et triompher. Ce qu’a réussi Nicolas Folmer (un nantais…) avec son projet Horny Tonky. La planète funk revisitée… Groove décoiffant et envolées électriques enflammées. L’élégant bopper Folmer sur les traces (entre autres) du Miles électrique. Mention plus que spéciale pour le natif de Saint Nazaire (un voisin!) Damien Schmitt, batteur tous terrains, qui a littéralement dynamité le groupe. Son CV est impressionnant (voir son site http://www.damienschmitt.name).
De gauche à droite : Damien Schmitt, Nicolas Folmer, Laurent Coulondre (Photo PHA)
François Thuillier/Elephant Tuba Horde
Francois Thuillier et Jonas Real (tuba), Anthony Caillet (euphonium), Tom Caudelle et Jean Daufresne (saxhorn), Camille Geoffroy (saxhorn), Julien Paris (dr). 27 août. Scène Nautique.
Excellent tubiste qui participe, comme leader ou sideman, à de très nombreux (et très originaux) projets « cuivrés », Francois Thuillier rêvait de recréer le mythique Marc Steckar Tubapack qui dans les années 80 avait mis en valeur cet instrument d’ordinaire relégué au fond de l’orchestre. C’est fait ! Ca s’intitule Elephant Tuba Horde, et c’est pleinement réussi, moelleux, chaleureux, vibrant.
Umlaut Big Band : « L’âge d’or du swing »
Pierre-Antoine Badaroux, Benjamin Dousteyssier, Antonin Tri Hoang, Geoffroy Gesser, Pierre Borel (saxes), Louis Laurain, Gabriel Levasseur, Jules Jassef (tp), Fidel Fourneyron, Michael Ballue (tb), Matthieu Naulleau (p), Romain Vuillemin (g), Sebastien Belliah (b), Antonin Gerbal (dr). Scène Nautique 27 août.
De tous jeunes gens, instrumentistes virtuoses, ultra-diplômés (CNSM and co), pratiquant (en général) les jazz les plus contemporains ont décidé de re-jouer, en y prenant (visiblement) grand plaisir la musique des années 20 et 30… La Swing Era en Big Band comme si on y était. Costards d’époque. Humour distancié du MC (Louis Laurain) pour la présentation des thèmes et des solistes. Enorme travail de relevés (aux manettes P.-H. Badaroux à 90 % et B. Dousteyssier pour le complément), pour retrouver le son original de ces années folles. Energie, créativité, souffle festif. Résultat bluffant. Vraiment. Gros succès.
Séquence émotion. Le pianiste Matthieu Naulleau a fait ses études au Conservatoire de Nantes, sa maman est venu le féliciter « backstage », des « étoiles plein les yeux » : « C’était vraiment magnifique et très différent de ce que tu joues d’habitude !» lui a t-elle dit… Epatée et visiblement ravie… (NB : son pianiste de fils explore plutôt d’habitude des terrains plus expérimentaux…).
Matthieu est un des nombreux étudiants de la génération Bellec… Jean Marie Bellec, responsable de la classe jazz au Conservatoire de Nantes a été amplement honoré pour cette édition des RDV. La programmation sur plusieurs scènes de moult de ses anciens élèves en témoigne. C’est aussi une des caractéristiques des RDV : beaucoup de musiciens ligériens (de tous styles) sont programmés…
[NB :Ligériens : habitants du bassin de la Loire.On apprend tous les jours en matière de gentilés…Ca peut servir pour une participation éventuelle à Questions pour un Champion.]
Brotherhood Heritage (création de Didier Levallet et François Raulin)
Michel Marre, Alain Vankenhove (tp), Chris Biscoe, Francois Corneloup, Raphael Imbert (saxes), Mathias Mahler, Jean-Louis Pommier (tb), François Raulin (p), Didier Levallet (b), Simon Goubert (dr). Scène Nautique 28 août.
Pendant une vingtaine d’années (en gros de 1970 à 1990) le pianiste sud-africain Chris Mc Gregor, placide géant, dirigea un big band volcanique: le BrotherHood of Breath (la Confrérie, ou plutôt, la Fraternité du Souffle). Une formidable aventure musicale et humaine : orchestre multi-ethnique au fonctionnement unique dans l’histoire des grands orchestres. Jonction explosive, née à Londres, entre des musiciens sud-africains exilés fuyant l’apartheid (comme Louis Moholo, Mongezy Feza, Dudu Pukwana ou Johny Dyani…) et des commandos d’avant-garde de l’élite des free-jazzmen britanniques (Lol Coxhill, Evan Parker, Elton Dean, John Surman…).
Incroyable alchimie : musiques populaires sud-africaines mixées avec les fulgurances des jazzmen libertaires anglais. Le tout dans une ambiance de polyphonie improvisée et de masses sonores quasi ellingtoniennes.
Didier Levallet (b), qui participa à la dernière mouture de l’orchestre, souhaitait faire renaître la formidable musique de cet orchestre mythique. Pour ce faire il a concocté un superbe all-stars (voir l’étonnant line up ci dessus). Puis Didier et Francois Raulin (p) ont choisi des scores du Brotherhood originel qu’ils ont re-travaillés et ré-arrangés.
On retrouve bien dans cette mouture 2016 toutes les qualités du « modèle » initial: l’incroyable liberté, l’audace, la maîtrise et les débordements explosifs tant dans le jeu collectif que dans les improvisations. Sun Ra et Mingus quelque part (entre autres) en anges tutélaires… Le programme annonçait une « réjouissante renaissance ». Bien vu.
Le BrotherHood Heritage sur la péniche/coulisses après leur concert… De gauche à droite : Raphael Imbert, François Corneloup, François Raulin, Michel Marre, Alain Vankenhove, Mathias Malher, Chris Biscoe, Didier Levallet, Jean-Louis Pommier, Simon Goubert (Photo PHA)
Une nouvelle discipline « olympique » ? Le marathon Sclavisien !
Parmi les 30 surprenants bonus, « insolites et intimes », programmés spécialement à l’occasion du 30ème anniversaire des RDV Louis Sclavis est intervenu 10 fois ! En quatre jours et en différentes configurations (du solo au quintet).
Le CV de Louis (né en 1953) est impressionnant. Harmonie municipale de Montchat (un quartier de Lyon) à 10 ans. Au sax soprano à 14 (il écoute Bechet…). Découverte de la musique improvisée à 17. Puis dès1974 son incroyable carrière professionnelle débute au sein d’ensemble emblématiques des années 70 et 80 (Free Jazz Workshop de Lyon, Marvellous Band, Arfi, Compagnie Lubat, Brotherhood of Breath…). Il multiplie les rencontres (Colette Magny, les improvisateurs du label FMP, le quatuor de clarinettes -avec Portal-, Henri Texier…). Dans les années 80 s’amorcent ses multiples et passionnants projets personnels : Le Tour de France, les groupes avec Francois Raulin, Bruno Chevillon, un « septet de chambre »… Et toujours les rencontres : Cecil Taylor, Enrico Rava… A la fin des 80′ il entame une carrière discographique qui va être jalonnée d’enregistrements emblématiques et toujours surprenants (« Chine », « Clarinettes », les fameux « Carnets de Route » africains, « Les violences de Rameau », et tant d’autres…). Compositeur prolixe et talentueux, il écrit aussi pour le cinéma, le théâtre, la danse…
Pourquoi ces rappels, bien incomplets (« forcément incomplets » !) ?
Si, bien sûr, ses fans connaissent bien son incroyable parcours, peut-être (on se plaît à le penser en tous cas) que ceux qui l’ont découvert ici (et qui liront cette chronique) apprécieront ces informations même lacunaires ?
Les étapes du marathon nantais…
Lever de soleil…
Des problèmes logistiques (panne d’oreiller, pas de véhicule disponible…) m’ont privé des 2 interventions les plus insolites…
Comme ce concert de lever de soleil, à 8 heures du matin, sur le ponton du port de Nort sur Erdre. Heureusement des vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux et on a pu ainsi constater que Louis a réveillé en douceur les plaisanciers par un « Petite Fleur » bechetien au soprano… Tiens tiens… Comme quand il était ado !
Louis, en repérage, sur le ponton du port de Nort Sur Erdre, la veille de son concert de « lever de soleil »… (Photo PHA)
Le lendemain au port de Sucé Sur Erdre Louis a joué très free à la clarinette basse. Grand écart stylistique par rapport à la veille… La vidéo ne montre pas les réactions des plaisanciers…
Louis Sclavis Ensemble : Loin dans les Terres
Louis Sclavis (clarinettes), Dominique Pifarély (vl), Benjamin Moussay (claviers), Sarah Murcia (b), Christophe Lavergne (dr). Pannonica 27 août.
Dans la grande Salle Paul Fort du Pannonica (lieu emblématique des musiques actuelles à Nantes) pleine à craquer (100 personnes au moins n’ont pas pu entrer…) et dans une atmosphère de sauna (40 degrés… : musiciens et spectateurs en nage !), en quintet, Sclavis a triomphé (3 rappels). Nouveau groupe, nouveau répertoire : avec Loin des Terres, une fois de plus, L. Sclavis nous surprend. Retrouvailles (Moussay, Pifarély) et sang neuf (S.Murcia et le nantais Christophe Lavergne) pour nous raconter, comme toujours, de belles histoires. Musiques pêchues, vives et passionnantes, pleines de fraîcheur et d’envolées lumineuses. Sclavis est vraiment un mélodiste hors-pair. A la contrebasse Sarah Murcia (au parcours plus qu’étonnant elle aussi : jetez un œil sur son site), qui fut l’élève de Jean-Francois Jenny-Clark, a boosté le concert de bout en bout. Renversante aussi en solo.
Dominique Pifarély, Benjamin Moussay, Louis Sclavis, Sarah Murcia, et Christophe Lavergne: triomphe au Pannonica (Photo PHA)
Duo Sclavis/Pifarély (vl) . Couvent des Cordeliers, 28 août.
La veille au sein du Quintet, le sonorisateur n’avait pas su mettre en valeur la magnifique sonorité de Dominique Pifarély. En acoustique on la retrouva. Pleinement.
La toute petite cour (un peu délabrée) du Couvent des Cordeliers était pleine (à 11 heures du matin…) et dans la rue adjacente une centaine de personnes qui n’avaient pas pu entrer restèrent debout, stoïquement, en tendant l’oreille pour capter quelques effluves sonores du duo… Du « jazz de chambre » joué par deux vieux complices qui visiblement se régalèrent. Et nous aussi.
Sur la péniche de la Souris Verte avec les enfants…
Louis est aussi pédagogue : et par 3 fois il a dialogué avec des enfants (adultes sans enfant… interdits!) sur une péniche. A la sortie les mômes « avaient la banane ».
Clap de fin
Une belle image pour clôre l’évocation rapide du marathon sclavisien : en pleine forme après ses 10 prestations, Louis écoute le BrotherHood, depuis la péniche qui sert de coulisses à la Scène Nautique.
Emu : « J’ai joué avec le BrotherHood originel de Mc Grégor il y a fort longtemps… cette renaissance, réussie, me rappelle beaucoup de bons souvenirs musicaux et humains… ».
Pierre-Henri Ardonceau