Stéphane Belmondo remonte le temps
Au Sunset, Stéphane Belmondo remontait le temps pour recréer son projet de 2003 autour de Stevie Wonder (Wonderland) avec l’équipe originale augmentée du batteur Gautier Garrigue. Stéphane Belmondo (trompette et bugle), Eric Legnini (piano), Thomas Bramerie (contrebasse), Gautier Garrigue (batterie), Sunset, jeudi 2 novembre 2023
Belle idée, celle de la programmatrice Juliette Poitrenaud, que de confronter de grands musiciens à des temporalités différentes: leur présent, leur passé, leur futur. Ce projet, baptisé Timeline est accueilli par le Sunside. Ce soir, Stéphane Belmondo, tel Eurydice, se retournait sur son passé pour rejouer, vingt ans après, son disque Wonderland autour de Stevie Wonder.
Une chose sautait aux yeux. Tous ces musiciens étaient manifestement ravis de se retrouver. Eric Legnini dodelinait de la tête, les yeux fermés, pendant les chorus de trompette et de bugle, tandis que Stéphane Belmondo grognait de plaisir à l’écoute de son pianiste. L’envie de jouer cette musique là, et de la jouer ensemble se percevait dans chaque attitude.
Stéphane Belmondo a débuté le concert pied au plancher. Fougue, énergie, et ce mélange de hargne et de lyrisme qui le rend immédiatement reconnaissable. Il y a toujours quelque chose de très organique dans son jeu, avec des notes chargées de salive, de souffle, d’écorchures qui craquent comme un vieux trente-trois tours. Des notes incroyablement habitées. Sur le plan du phrasé, son jeu se caractérise par son imprévisibilité, ses sauts de voltage. On entend des montées de sève, des envies de s’épancher, d’embrasser tout le monde, mais aussi d’engueuler tout le monde.
C’est un jeu à fleur de peau d’une grande honnêteté où le trompettiste ne dissimule rien de ce qu’il est. Sur le blues, il a une intensité magnifique, comme s’il entrait en auto combustion (on a vu Thomas Bramerie fermer les yeux plusieurs fois à ces moments là, comme s’il gravait intérieurement ces moments là).
Stéphane Belmondo était donc accompagné ce soir par Eric Legnini, comme il y a vingt ans. Quelle facilité chez ce pianiste. On a l’impression qu’il n’a qu’à poser les mains sur le piano pour que la musique lui coule des doigts.
Beau contraste dans son jeu avec celui de Stéphane Belmondo. Là où le trompettiste égrène des notes écorchées vives, lui cisèle des lignes chaloupées qui flottent dans l’air comme des rubans.
Quant à Thomas Bramerie, il tient comme toujours magistralement la baraque. Equilibre, pondération, vitesse de réaction. Gautier Garrigue, qui n’était pas là sur l’album originel, s’insère parfaitement parmi ces glorieux aînés.
Il prend des 4/4 et des solos inspirés. La musicalité et la justesse avec laquelle il développe ses idées impressionne. Très beau concert, on attend avec impatience d’entendre les prochains candidats au voyage dans le temps.
Texte JF Mondot
Dessins: AC Alvoët (autres dessins, peintures, gravures à découvrir sur son site www.annie-claire.com)