Florent Nisse rejoue La Liberation Music aux Disquaires (à suivre peut-être)
Le mardi 12 avril dernier, le bruit courrait que le contrebassiste Florent Nisse allait rejouer le répertoire du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden aux Disquaires, à l’écart du circuit des grands clubs parisiens, où les musiciens semblent être chez eux. L’envoyé de Jazzmag aussi, au moins ce soir-là.
Les impressions qui me traversèrent, ce 12 avril, furent si nombreuses et confuses qu’il me faudra quelques jours – alors que tout mon temps et mon énergie est equis à moins d’une semaine du départ à l’imprimerie du numéro de mai de Jazzmag – pour les organiser un peu sur l’écran, si toutefois j’y parviens. L’idée de retrouver les flons-flons et les sourds grondements socio-politique de cette Liberation Music en cette rue des Taillandiers du quartier de la Bastille, l’une des rues du musette parisien, me remuant déjà les méninges.
Avant d’avoir gagné cette réputation à la fin du XIXe siècle, la rue des Taillandiers hérita probablement son nom des Auvergnats qui y exercèrent le métier de taillandiers, fournissant Paris en feuilles de boucherie, levrettes de menuisier, ripe de maçon et autres gravelets de tailleur de pierre. Mais c’est aussi là, au numéro 26, que le sonneur de cabrette Martin Cayla ouvrit son premier magasin de musique dans les années 20 et lança sa maison de disque Le Soleil. À cette époque-là, l’accordéon italien avait déjà largement supplanté la cabrette (ou musette), grâce à Charles Péguri qui mourra en 1930 au numéro 22. On lit ici et là que le bal de famille du n°14 fut un des premiers à accueillir l’accordéon.
Dans son merveilleux recueil Les Jetons de bal, 1830-1940, lieux de danse célèbres et petits bals de quartiers (L’Association des collectionneurs de jetons-monnaie, 2006), Lucien Lariche en fait remonter l’existence à 1863, en dresse la liste des propriétaires et en nomme quelques cabrettaires (souvent eux-mêmes propriétaires) : Lagrifoul (1902-1903, puis 1909-1910), Mas vers 1903-1904), Géraud Sudre (1904-1909), Germain Gaillaguet (1921-1924), ces deux derniers étant également accordéonistes. Philippe Krümm, quant à lui, fait faire ses débuts au grand accordéoniste René Sudre (1921-1969) à ce même numéro 14 rue, dans le bal musette de son père, Jean Sudre. C’était un bal “d’habitués” précise Jean Lariche, qui y avaient leur chasse gardée. Le touriste s’étant écarté des lumières de la rue de Lappe n’avait pas trop intérêt à venir y draguer. Le collecteur et cabrettaire Michel Esbelin rapporte même la mésaventure de Robert Arribat, pourtant lui-même cabrettaire, qui dut prendre ses jambes à son cou après avoir osé, avec un copain, inviter deux dames qui dansaient ensemble.
Qu’en était-il des n°4 et 6 de la rue des Taillandiers signalés dans les guides actuels du quartier, sous le nom de “Les Disquaires”, comme une discothèque plus groovy que musette et java, où orchestres et DJ se succèdent. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les musiciens semblent s’y sentir chez eux. N’ayant pas eu à payer de billet d’entrée, ni à verser mon écot dans un chapeau, ni encore à acheter de jetons pour la danse, on peut imaginer que les musiciens y trouvent leur compte à leur façon, en y rodant par exemple, comme ce soir, un programme inédit, très officieusement annoncé. Arrivé à l’heure dite, 20h30, dans un lieu quasiment vide, je commande ma bière et m’abîme dans la biographie de Benny Goodman par Ross Firestone, lecture cependant distraite par l’attente de plus en plus impatiente de ce moment paradoxal à mes yeux, la reprise du répertoire du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden tandis que, à l’heure où commence trois stations de métro plus loin, une nouvelle Nuit debout, le lieu se remplit progressivement d’une foule jeune où le nombre de musiciens au mètre carré bat des records. (à suivre peut-être)
Franck Bergerot
|Le mardi 12 avril dernier, le bruit courrait que le contrebassiste Florent Nisse allait rejouer le répertoire du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden aux Disquaires, à l’écart du circuit des grands clubs parisiens, où les musiciens semblent être chez eux. L’envoyé de Jazzmag aussi, au moins ce soir-là.
Les impressions qui me traversèrent, ce 12 avril, furent si nombreuses et confuses qu’il me faudra quelques jours – alors que tout mon temps et mon énergie est equis à moins d’une semaine du départ à l’imprimerie du numéro de mai de Jazzmag – pour les organiser un peu sur l’écran, si toutefois j’y parviens. L’idée de retrouver les flons-flons et les sourds grondements socio-politique de cette Liberation Music en cette rue des Taillandiers du quartier de la Bastille, l’une des rues du musette parisien, me remuant déjà les méninges.
Avant d’avoir gagné cette réputation à la fin du XIXe siècle, la rue des Taillandiers hérita probablement son nom des Auvergnats qui y exercèrent le métier de taillandiers, fournissant Paris en feuilles de boucherie, levrettes de menuisier, ripe de maçon et autres gravelets de tailleur de pierre. Mais c’est aussi là, au numéro 26, que le sonneur de cabrette Martin Cayla ouvrit son premier magasin de musique dans les années 20 et lança sa maison de disque Le Soleil. À cette époque-là, l’accordéon italien avait déjà largement supplanté la cabrette (ou musette), grâce à Charles Péguri qui mourra en 1930 au numéro 22. On lit ici et là que le bal de famille du n°14 fut un des premiers à accueillir l’accordéon.
Dans son merveilleux recueil Les Jetons de bal, 1830-1940, lieux de danse célèbres et petits bals de quartiers (L’Association des collectionneurs de jetons-monnaie, 2006), Lucien Lariche en fait remonter l’existence à 1863, en dresse la liste des propriétaires et en nomme quelques cabrettaires (souvent eux-mêmes propriétaires) : Lagrifoul (1902-1903, puis 1909-1910), Mas vers 1903-1904), Géraud Sudre (1904-1909), Germain Gaillaguet (1921-1924), ces deux derniers étant également accordéonistes. Philippe Krümm, quant à lui, fait faire ses débuts au grand accordéoniste René Sudre (1921-1969) à ce même numéro 14 rue, dans le bal musette de son père, Jean Sudre. C’était un bal “d’habitués” précise Jean Lariche, qui y avaient leur chasse gardée. Le touriste s’étant écarté des lumières de la rue de Lappe n’avait pas trop intérêt à venir y draguer. Le collecteur et cabrettaire Michel Esbelin rapporte même la mésaventure de Robert Arribat, pourtant lui-même cabrettaire, qui dut prendre ses jambes à son cou après avoir osé, avec un copain, inviter deux dames qui dansaient ensemble.
Qu’en était-il des n°4 et 6 de la rue des Taillandiers signalés dans les guides actuels du quartier, sous le nom de “Les Disquaires”, comme une discothèque plus groovy que musette et java, où orchestres et DJ se succèdent. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les musiciens semblent s’y sentir chez eux. N’ayant pas eu à payer de billet d’entrée, ni à verser mon écot dans un chapeau, ni encore à acheter de jetons pour la danse, on peut imaginer que les musiciens y trouvent leur compte à leur façon, en y rodant par exemple, comme ce soir, un programme inédit, très officieusement annoncé. Arrivé à l’heure dite, 20h30, dans un lieu quasiment vide, je commande ma bière et m’abîme dans la biographie de Benny Goodman par Ross Firestone, lecture cependant distraite par l’attente de plus en plus impatiente de ce moment paradoxal à mes yeux, la reprise du répertoire du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden tandis que, à l’heure où commence trois stations de métro plus loin, une nouvelle Nuit debout, le lieu se remplit progressivement d’une foule jeune où le nombre de musiciens au mètre carré bat des records. (à suivre peut-être)
Franck Bergerot
|Le mardi 12 avril dernier, le bruit courrait que le contrebassiste Florent Nisse allait rejouer le répertoire du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden aux Disquaires, à l’écart du circuit des grands clubs parisiens, où les musiciens semblent être chez eux. L’envoyé de Jazzmag aussi, au moins ce soir-là.
Les impressions qui me traversèrent, ce 12 avril, furent si nombreuses et confuses qu’il me faudra quelques jours – alors que tout mon temps et mon énergie est equis à moins d’une semaine du départ à l’imprimerie du numéro de mai de Jazzmag – pour les organiser un peu sur l’écran, si toutefois j’y parviens. L’idée de retrouver les flons-flons et les sourds grondements socio-politique de cette Liberation Music en cette rue des Taillandiers du quartier de la Bastille, l’une des rues du musette parisien, me remuant déjà les méninges.
Avant d’avoir gagné cette réputation à la fin du XIXe siècle, la rue des Taillandiers hérita probablement son nom des Auvergnats qui y exercèrent le métier de taillandiers, fournissant Paris en feuilles de boucherie, levrettes de menuisier, ripe de maçon et autres gravelets de tailleur de pierre. Mais c’est aussi là, au numéro 26, que le sonneur de cabrette Martin Cayla ouvrit son premier magasin de musique dans les années 20 et lança sa maison de disque Le Soleil. À cette époque-là, l’accordéon italien avait déjà largement supplanté la cabrette (ou musette), grâce à Charles Péguri qui mourra en 1930 au numéro 22. On lit ici et là que le bal de famille du n°14 fut un des premiers à accueillir l’accordéon.
Dans son merveilleux recueil Les Jetons de bal, 1830-1940, lieux de danse célèbres et petits bals de quartiers (L’Association des collectionneurs de jetons-monnaie, 2006), Lucien Lariche en fait remonter l’existence à 1863, en dresse la liste des propriétaires et en nomme quelques cabrettaires (souvent eux-mêmes propriétaires) : Lagrifoul (1902-1903, puis 1909-1910), Mas vers 1903-1904), Géraud Sudre (1904-1909), Germain Gaillaguet (1921-1924), ces deux derniers étant également accordéonistes. Philippe Krümm, quant à lui, fait faire ses débuts au grand accordéoniste René Sudre (1921-1969) à ce même numéro 14 rue, dans le bal musette de son père, Jean Sudre. C’était un bal “d’habitués” précise Jean Lariche, qui y avaient leur chasse gardée. Le touriste s’étant écarté des lumières de la rue de Lappe n’avait pas trop intérêt à venir y draguer. Le collecteur et cabrettaire Michel Esbelin rapporte même la mésaventure de Robert Arribat, pourtant lui-même cabrettaire, qui dut prendre ses jambes à son cou après avoir osé, avec un copain, inviter deux dames qui dansaient ensemble.
Qu’en était-il des n°4 et 6 de la rue des Taillandiers signalés dans les guides actuels du quartier, sous le nom de “Les Disquaires”, comme une discothèque plus groovy que musette et java, où orchestres et DJ se succèdent. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les musiciens semblent s’y sentir chez eux. N’ayant pas eu à payer de billet d’entrée, ni à verser mon écot dans un chapeau, ni encore à acheter de jetons pour la danse, on peut imaginer que les musiciens y trouvent leur compte à leur façon, en y rodant par exemple, comme ce soir, un programme inédit, très officieusement annoncé. Arrivé à l’heure dite, 20h30, dans un lieu quasiment vide, je commande ma bière et m’abîme dans la biographie de Benny Goodman par Ross Firestone, lecture cependant distraite par l’attente de plus en plus impatiente de ce moment paradoxal à mes yeux, la reprise du répertoire du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden tandis que, à l’heure où commence trois stations de métro plus loin, une nouvelle Nuit debout, le lieu se remplit progressivement d’une foule jeune où le nombre de musiciens au mètre carré bat des records. (à suivre peut-être)
Franck Bergerot
|Le mardi 12 avril dernier, le bruit courrait que le contrebassiste Florent Nisse allait rejouer le répertoire du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden aux Disquaires, à l’écart du circuit des grands clubs parisiens, où les musiciens semblent être chez eux. L’envoyé de Jazzmag aussi, au moins ce soir-là.
Les impressions qui me traversèrent, ce 12 avril, furent si nombreuses et confuses qu’il me faudra quelques jours – alors que tout mon temps et mon énergie est equis à moins d’une semaine du départ à l’imprimerie du numéro de mai de Jazzmag – pour les organiser un peu sur l’écran, si toutefois j’y parviens. L’idée de retrouver les flons-flons et les sourds grondements socio-politique de cette Liberation Music en cette rue des Taillandiers du quartier de la Bastille, l’une des rues du musette parisien, me remuant déjà les méninges.
Avant d’avoir gagné cette réputation à la fin du XIXe siècle, la rue des Taillandiers hérita probablement son nom des Auvergnats qui y exercèrent le métier de taillandiers, fournissant Paris en feuilles de boucherie, levrettes de menuisier, ripe de maçon et autres gravelets de tailleur de pierre. Mais c’est aussi là, au numéro 26, que le sonneur de cabrette Martin Cayla ouvrit son premier magasin de musique dans les années 20 et lança sa maison de disque Le Soleil. À cette époque-là, l’accordéon italien avait déjà largement supplanté la cabrette (ou musette), grâce à Charles Péguri qui mourra en 1930 au numéro 22. On lit ici et là que le bal de famille du n°14 fut un des premiers à accueillir l’accordéon.
Dans son merveilleux recueil Les Jetons de bal, 1830-1940, lieux de danse célèbres et petits bals de quartiers (L’Association des collectionneurs de jetons-monnaie, 2006), Lucien Lariche en fait remonter l’existence à 1863, en dresse la liste des propriétaires et en nomme quelques cabrettaires (souvent eux-mêmes propriétaires) : Lagrifoul (1902-1903, puis 1909-1910), Mas vers 1903-1904), Géraud Sudre (1904-1909), Germain Gaillaguet (1921-1924), ces deux derniers étant également accordéonistes. Philippe Krümm, quant à lui, fait faire ses débuts au grand accordéoniste René Sudre (1921-1969) à ce même numéro 14 rue, dans le bal musette de son père, Jean Sudre. C’était un bal “d’habitués” précise Jean Lariche, qui y avaient leur chasse gardée. Le touriste s’étant écarté des lumières de la rue de Lappe n’avait pas trop intérêt à venir y draguer. Le collecteur et cabrettaire Michel Esbelin rapporte même la mésaventure de Robert Arribat, pourtant lui-même cabrettaire, qui dut prendre ses jambes à son cou après avoir osé, avec un copain, inviter deux dames qui dansaient ensemble.
Qu’en était-il des n°4 et 6 de la rue des Taillandiers signalés dans les guides actuels du quartier, sous le nom de “Les Disquaires”, comme une discothèque plus groovy que musette et java, où orchestres et DJ se succèdent. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les musiciens semblent s’y sentir chez eux. N’ayant pas eu à payer de billet d’entrée, ni à verser mon écot dans un chapeau, ni encore à acheter de jetons pour la danse, on peut imaginer que les musiciens y trouvent leur compte à leur façon, en y rodant par exemple, comme ce soir, un programme inédit, très officieusement annoncé. Arrivé à l’heure dite, 20h30, dans un lieu quasiment vide, je commande ma bière et m’abîme dans la biographie de Benny Goodman par Ross Firestone, lecture cependant distraite par l’attente de plus en plus impatiente de ce moment paradoxal à mes yeux, la reprise du répertoire du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden tandis que, à l’heure où commence trois stations de métro plus loin, une nouvelle Nuit debout, le lieu se remplit progressivement d’une foule jeune où le nombre de musiciens au mètre carré bat des records. (à suivre peut-être)
Franck Bergerot