Adieu Manu Dibango
Saleté de virus, qui déjà fauche la grande famille des musiciens. En mars 2007, dans Jazz Magazine, le natif de Douala arrivé en France en 1949 s’était raconté à Ersin Leibowitch en réécoutant quelques disques… « Charlie Parker avec Miles Davis… Deux géants de la musique, et mes premières amours… Moi, j’ai eu la chance de côtoyer Don Byas ! On croit que je ne connais pas le jazz, pourtant j’ai joué avec Herbie Hancock [“Electric Africa”, en 1985, produit par Bill Laswell, NDR], Tony Williams… Je me souviens qu’après Soul Makossa, en 1972, le regretté Ahmet Ertegun est venu me chercher ici, avec sa Mercedes, et dix jours après on était à l’Apollo de Harlem ! Et qui était dans l’orchestre ? Joe Newman, Frank Wess, tous les mecs qu’on rêve de rencontrer un jour ! Ils sont aux pupitres, et toi tu es en vedette ! Le contact avec les musiciens était très facile là-bas. J’ai fait des albums, des musiques de film avec Buster Williams, Cedar Walton. Tu pouvais avoir Tony Williams en séance pour quarante dollars. Il arrivait avec son gros cigare… C’était pareil avec Michael Brecker. Je l’ai eu en séance avec son frère Randy, Jon Faddis et tous les autres, à La Jamaïque. Michael m’avait offert un bec Dukoff, qui venait de sortir. On avait des relations que les gens ne peuvent pas imaginer. »
Début 2007, Manu Dibango venait de sortir “Joue Sidney Bechet” (Cristal Records), tout heureux de rendre hommage à l’un de ses saxophonistes favoris, qu’il avait eu la chance d’entendre au Vieux Colombier dans les années 1950 : « A l’époque, c’était une musique de danse, et c’est ça qui nous plaisait dans le jazz : la danse et la mélodie. »
So long Monsieur Dibango, votre personnalité “plus grande que la vie” nous manquera. Mais rien ne nous empêchera jamais de danser sur Soul Makossa, cet irrésistible classique des pistes de danse de toute la planète qui, on s’en souvient, avait plus qu’inspiré un certain Michael Jackson et son producteur Quincy Jones, pas gênés de vous en piquer le refrain sans autorisation dans Wanna Be Startin’ Somethin’ , le certes génial morceau d’ouverture du carton planétaire “Thriller”. Mais, nous rappeliez-vous aussi, « pas facile, quand tu es un petit Africain, de faire un procès à un mec qui vend cinquante millions d’albums ! ».
« Heyyyy soul makossa makine / Heyyyy soul makossa mangola wakina / Heyyyy soul makossa mosama ! Heyyyy soul makossa ynot domo / Ko mama sa maka makoosa mama ko mama sa maka makoosa mama ko mama sa maka makoosa ! »
Fred Goaty
Photo © Sylvain Gripoix