Jazz live
Publié le 1 Nov 2024

Salut Philippe

Notre camarade Philippe Méziat nous a quitté dans la nuit du 30 au 31 octobre. Il avait été un collaborateur de Jazz Magazine à partir de la fin des années 1980.

Cet “adieu Philippe” qui pourrait paraître un peu cavalier en la circonstance m’est inspiré par le premier souvenir qui me vient à l’esprit, c’est qu’il était un bon camarade, camaraderie qu’exprimait sa voix pleine d’une autorité savoureuse où se lisait un mélange d’humour et de quant-à-soi, au service d’une certaine idée de la Culture et du gai savoir. Né en 1942 à Clermont-Ferrand, études secondaires à Biarritz, de philo à Lyon, enseignant puis principal adjoint à Bordeaux, c’est dans ce Sud-Ouest dont son accent portait la rocaille épicurienne qu’il fit carrière, doublant ces compétences universitaires de celles acquises au fil de sa passion du jazz. Et s’il se fit connaître dans les pages de Jazz Magazine, collaborant sur le tard à Citizen Jazz, il fut d’abord une figure de la veille famille du jazz en Aquitaine, écrivant dans la presse régionale, puis organisant de 2001 à 2008 le Bordeaux Jazz Festival, poursuivant quelques temps son activité de programmateur avec les Bordeaux Jazz Sessions.

Dans les propos qu’il laisse ici et là, il reconnaît parmi les personnages qui nourrirent cette passion Jean-Pierre Moussaron qui l’aida à “penser” le jazz et dont il reprit l’expression de “jazz vif” pour désigner ces familles du jazz et des musiques improvisées qui surent se réinventer jusqu’au-delà des années 2000 ; le photographe resté l’un de ses principaux camarades, Guy Le Querrec, qui lui apprit à “regarder” le jazz * ; les organisateurs pionniers de ces festivals innovants qui surent défendre en France l’idée d’un jazz créatif et affranchi. Prenant progressivement ses distances avec Jazz Magazine où il ne trouvait plus vraiment sa place depuis la fusion avec Jazzman en 2009, il continua à fréquenter courageusement ces festivals, malgré les handicaps causé par un cancer ; à en documenter les programmes sur le net et à y traquer le renouvellement générationnel. L’apparition d’internet et de la vente en ligne de vieilles cires avait fait de lui un collectionneur de disque pointilleux. En 2019, il co-signait avec Emmanuelle Debur « Histoire / histoires du jazz dans le Sud-Ouest : de La Nouvelle-Orléans à la Nouvelle-Aquitaine (1859-2019), récit original où il mêlait à la Grande Histoire de savoureux fragments de son autobiographie de jazzfan. Il laisse enfin derrière lui l’exposition Jazzbox de Cécile Léna dont il conçut les textes et les sélections musicales. Toute l’équipe de Jazz Magazine lui tire son chapeau et exprime toutes sa sympathie à ses enfants qui font savoir qu’il « est parti sereinement vers 2 heures du matin à l’écoute d’un programme de France Musique qu’il avait choisi ». Franck Bergerot

* Trois livres en collaboration avec Guy Le Querrec :

Jazz. Light and Day (Illustrat – Italie, 2001).

Nuits Atypiques (Confluences, 1998).

D’Jazz Nevers (L’Armançon, 2006) avec également Stéphane Ollivier.