Alexandre Herer de duo en duo
Hier 7 novembre, le pianiste, compositeur et directeur artistique, Alexandre Herer était à l’affiche avec quatre duos qu’il a combinés et recombinés dans un ahurissant murmure.
Depuis les concerts du quintette Oxyd à l’Olympic Café en 2010, Alexandre Herer n’a cessé de multiplier les initiatives et les complicités, en trio sous son nom ou celui de Phase 380, à l’origine du collectif et label Onze Heures Onze, au sein de la Fanfare XP de Magic Malik et du AUM Grand Ensemble de Julien Pontvianne… Ce sont quelques-unes des complicités nouées au fil de ces expériences qu’il a voulu réunir pour cette soirée au Triton où l’on ne l’avait jamais vu qu’il n’y a que très longtemps. C’est ainsi qu’ont défilé autour de son Fender la pianiste Maïly Maronne (remarquée à plusieurs reprises à la Petite Halle notamment auprès de Magic Malik, et récemment à la tête d’un quartette au Sunside), le saxophoniste Julien Pontvianne (complice de la première heure), la chanteuse Juliette Meyer (avec laquelle on lui connaissait déjà un duo entendu au Petit Duc d’Aix-en-Provence en 2022 ou à l’Atelier du Plateau en 2023) et le batteur Devin Gray rencontré en à New York en 2009 et retrouvé en 2018 pour un premier disque en duo, “Meets”.
Au cours de ce concert sur la scène du Triton qui s’est terminé en quintette, on est allé d’un duo à l’autre en passant par un trio un peu avec une longue vue on diminue la focale avant de la ré-augmenter pour changer de visée. Homophonie et lenteur pourraitent constituer le dénominateur commun de ces différentes pièces où le dynamisme résiderait dans la mobilité des textures et des enveloppes timbrales, l’écriture homophonique se désagrégeant de flous vaporeux en granulations frisant la dislocation sans jamais s’y résoudre ; les effets électroniques faisant miroiter les sons du Fender Rhodes qu’ils semblent parfois piloter eux-mêmes, voire dicter ses gestes au pianiste ; les harmonies et motifs bleutés du piano fusionnant dans cette électricité rougeoyante ; la voix entre vocalises à la limite du souffle ou dans une forme de babil aux frontières d’un langage articulé qui refuserait à se laisser saisir (sauf dans un final où l’on songe à quelque velvet underground) ; les froissements et effleurements millimétrés de Devin Gray, véritable révélation pour moi de cette soirée, ajoutant à ce sentiment d’observer un murmure d’étourneaux saisi d’une étrange torpeur dans ses alternances de dispersion et de ralliement.
À la sortie du Triton, l’équipe originelle d’Oxyd était presque au complet réveillant en moi des souvenirs de l’Olympic Café de la Goutte d’or vers 2010, le trompettiste Olivier Laisney et le contrebassiste Matteo Bortone étant venus écouter leurs complices Herer et Pontvianne. Et vous savez quoi ? Il paraît que l’Olympic Café, où l’on vit notamment mûrir Ping Machine, programme à nouveau, certes moins jazz, plus indie, world, rock, chanson, noise, afro-beat.
Franck Bergerot