ALTER EGO, Yves Rousseau, Oua-Anou Diarra et l’Orchestre Régional de Normandie
Théâtre 71, Malakoff, 10 décembre 2021, 20h
Plus qu’une rencontre, plus qu’un dialogue, pas une fusion, mais un cheminement de l’un vers l’autre, de la musique écrite-occidentale-dite-savante vers la musique de tradition orale venue d’Afrique, et retour. L’interlocuteur privilégié pour Yves Rousseau, ici non plus contrebassiste de jazz mais exclusivement compositeur, c’est Oua-Anou Diarra, musicien burkinabé jouant les flûtes peules, le n’goni, le tambour d’aisselle (celui qui parle toutes les couleurs de l’expression orale), ainsi qu’une énorme calebasse d’où surgissent des timbres et de rythmes qui nous entraînent loin de nos bases. L’Orchestre Régional de Normandie est l’interlocuteur et l’arbitre autant que l’acteur. Un pupitre de vents (flûte, hautbois, clarinette/clarinette basse, basson et cor), 7 violons, 2 altos, 2 violoncelles et une contrebasse, plus un chef, Jean Deroyer, voilà l’équipe côté ‘classique’.
L’œuvre s’intitule Alter Ego, elle est en 7 parties et quelques subdivisions. Le concert commence par une tenue de violons sur laquelle les deux altos conduisent un thème mélancolique, atmosphère post-romantique. Puis des pizzicati, et l’entrée des instruments à vent, préludent à un dialogue entre le n’goni et le basson. Il y aura ainsi, tout au long du concert, au fil des différentes parties, une foule de dialogues croisés, entre le soliste et les cordes, entre la flûte traversière et la flûte peule. Oua-Anou Darra mêle au son de la flûte celui de sa voix, dans une effervescence qui rappelle au jazzophile ce que faisaient Roland Kirk et ses suiveurs. C’est très vivant, plein de surprises, de nuances aussi. Pendant quelque temps l’orchestre entre dans une sorte d’adagio pour cordes, qui sera l’écrin d’une autre flûte traditionnelle, d’un registre plus grave, et en totale liberté. L’orchestre n’a pas de percussions mais les rythmes affirmés des sections sont bien en dialogue avec les différents tambours du soliste. Je ne vais pas énumérer toutes les séquences. Sachez seulement que ce fut, de bout en bout, musicalement riche, et très vivant. Pour en avoir une idée, vous pouvez vous reporter au disque «Alter Ego» (MCO Label / Socadisc), paru récemment.
Le public du Théâtre 71, scène nationale de Malakoff, a manifesté chaleureusement son enthousiasme en fin de concert, applaudissant le compositeur venu saluer, et rappelant le chef et le soliste. Et le chroniqueur fut tout aussi conquis par cette entreprise singulière autant qu’aboutie.
Xavier Prévost