Jazz live
Publié le 18 Déc 2020

ANDY EMLER MegaOctet au Triton : vidéo à venir

Il était prévu une résidence de trois jours au Triton, et un concert en fin de semaine : la pandémie en a décidé autrement. Ce fut bien une résidence, pour répéter un nouveau répertoire, et au lieu du concert public le samedi, ce sera un concert sans public le jeudi après-midi, filmé pour être mis en ligne en VOD (vidéo à la demande) le 17 janvier 2021 à 20h30 sur le site du Triton : https://vod.letriton.com/

ANDY EMLER MegaOctet «No Rush»

Andy Emler (piano, compositions), Claude Tchamitchian (contrebasse), Éric Échampard (batterie), François Verly (marimba, percussions), Laurent Blondiau (trompette), François Thuillier (tuba), Guillaume Orti & Philippe Sellam (saxophones altos), Laurent Dehors (saxophone ténor, clarinette basse).

Les Lilas, Le Triton, 17 décembre 2020, 14h30

Après avoir fêté en 2019 ses trente ans avec le disque «Just a beginning» et le livre-objet Verbateam, le MegaOctet crée en 2020 un nouveau programme intitulé «No Rush» : refus de se précipiter dans les impasses du monde ambiant, celui du ‘retour à l’anormale’…. Une utopie douce et obstinée.

Après l’ultime répétition du matin, les musiciens ont partagé un repas ‘sur le pouce’, l’installation est prête, chacun rejoint son instrument pour dégourdir les doigts, les lèvres et l’esprit, et le trio fait un tour de chauffe souriant en attendant l’équipe technique.

Les musiciens sont heureux de s’être retrouvés en chair et en os, pour répéter et donner ce concert qui, même s’il est destiné à une captation vidéo, n’en est pas moins un vrai concert. Sans public certes, ou plutôt avec un public réduit aux équipes son et vidéo, à l’organisation de la Compagnie Aime l’Air, et à votre serviteur convié pour vous rendre compte de l’événement. L’équipe technique est désormais au complet : dernières vérifications, on teste un micro, un retour, on règle un projecteur ; c’est parti pour une captation de ‘Triton On Air’

Après quelques mots destinés à ceux qui regarderont le 17 janvier (et au-delà) la vidéo du concert, Andy Emler ouvre les festivités, pianississimo autour d’une note, jusqu’à un crescendo où il sera rejoint par la batterie. Et bientôt cuivres et anches vont jouer des accords qui ravivent en moi le souvenir des couleurs, les harmonies et les mélanges de timbres entendus chez Gil Evans. Cela conduit, comme par magie, à un dialogue permanent entre les instruments pour revenir, en coda, vers les accords tenus des souffleurs. Cette musique procède à la fois d’une maîtrise de la forme, d’une démarche compositionnelle très aboutie, et d’un recours permanent aux espaces de liberté offerts aux solistes.

Dans la pièce suivante, toujours avec forte prédominance du rythme, les couleurs cuivrées seront encore affirmées, en dialogue avec le marimba, le piano, le tuba…. Puis par de vifs échanges entre basse et batterie, bientôt arbitrés par le piano, avant retour du collectif, et triomphe du tutti. Tout semble se jouer dans le vertigineux pari du collectif et de l’essor individuel (l’esprit du jazz, en quelque sorte….).

Puis c’est une pièce en forme de suite, dont Andy Emler, fidèle à ses vannes récurrentes, annonce au micro que le premier mouvement durera 45 minutes…. Ça commence grave, très grave même, entre clarinette (basse!), contrebasse à l’archet, et tuba. Les autres instruments les rejoignent, sur le mode de l’échange (Laurent Dehors joue quelques instants de la clarinette basse sans bec, ce qui lui donne un timbre de flûte alto, voire de flûte basse), puis d’un tutti va surgir un solo de sax alto, par Guillaume Orti, propulsé par la rythmique explosive (piano, basse, batterie et percussions). Il faut dire un mot de ce groupe dans le groupe : cet ensemble propulsif et vertigineux qui associe le trio régulier d’Andy (avec Claude Tchamitchian & Éric Échampard) à son complice depuis plus de trente ans, le multi-percussionniste (et aussi batteur…. et pianiste, dans d’autres circonstances) François Verly. Leur présence n’est pas pour peu dans le caractère exceptionnel du Megaoctet. Voici les souffleurs dans des phrases plus que cursives comme les aime le compositeur, et l’émergence de l’autre sax alto, Philippe Sellam. C’est toujours étonnement et bonheur que d’entendre cohabiter, et se succéder dans les improvisations, ces deux saxophonistes altos aux langages si différents : encore une magie propre à l’univers du MegaOctet. On repart sur un train d’enfer vers un fin cut. La suite se poursuit avec un mouvement lent et mélancolique, une sorte de ballade où mes phantasmes d’auditeur chenu me font entendre le souvenir de Blue in Green. Pas de citation, mais parfois une proximité d’atmosphère. Des dialogues encore, au sein de cet orchestre de solistes qui fonctionne comme un organisme vivant totalement singulier. La trompette de Laurent Blondiau en a administré maintes fois la preuve, surgissant de la masse en éclats ou en expressivité tout en participant au socle commun. Á l’autre extrémité de la ‘ligne des souffleurs’, côté cour, François Thuillier joue le même rôle, entre pilier et supplément d’âme. Bref le MegaOctet demeure avec ce nouveau programme un ensemble unique en son genre, et il le doit tout à la fois à la personnalité fédératrice de son pianiste-compositeur et à la fidélité surinvestie de ses partenaires. Sans détailler par le menu la suite, et la fin, du concert, sachez qu’après un Birds Are Back aux lignes vertigineuses qui dessinaient une sorte de pont entre les années 40 et les années 80 du siècle dernier, le conclusif Good Timing nous offrit, outre son solo de ténor, des ponctuations chorales dirigées par le même Laurent Dehors : Andy Emler a toujours aimé faire chanter les instrumentistes de son MegaOctet.

Bref la création de ce nouveau programme fut un enchantement pour le fidèle de l’orchestre que je suis : j’assistais fin 1989 , dans une fac de la Banlieue Nord de Paris, à la préfiguration du projet ; et je faisais, quelques semaines plus tard, le compte-rendu dans Jazz Magazine d’un concert fondateur pour le groupe, au Sceaux What, au sud de Paris. Faisant part de mon enthousiasme à Andy après le concert, je lui parlais des couleurs ‘à la Gil Evans’ que j’avais entendues dans les ponctuations des souffleurs au cours des deux premiers thèmes. Sans contredire mes impressions d’auditeur, il me parla de l’élaboration de ce projet singulier, à bien des égards différent des nombreux autres programmes de l’orchestre, même s’il est totalement fidèle à l’esprit du groupe. Et commentant la ‘cuisine compositionnelle’ à laquelle se livre le musicien, il me révéla qu’il y avait là une foule de citations, par exemple à tel endroit un télescopage entre Messiaen et Morricone. Cela m’avait évidemment échappé. Bref la chronique de jazz, surtout pour l’amateur seulement un peu éclairé que je suis depuis ma prime jeunesse, reste une école d’humilité….

Xavier Prévost

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Ce concert sera accessible en VOD le 17 janvier 2021 à 20h30 (et ensuite) sur la plateforme du Triton :

 https://vod.letriton.com/trit-on-air-prochaines-diffusions/19122020-20h30.html