Andy Emler ne joue pas Ravel
Physiquement, Andy Emler n’a rien de Maurice Ravel : ce grand barbu à lunettes est taillé comme un deuxième ligne de rugby tandis que le toujours glabre Ravel avait tout du jockey. C’est pourtant lui qui tient le rôle dans la mise en scène qu’Anne-Marie Lazarini a réalisée à partir du roman de Jean Echenoz sur le compositeur français. Seulement, il tient ce rôle uniquement au piano !
Ravel de Jean Echenoz
Vendredi 6 décembre 2013, Cergy-Pontoise (95), Théâtre 95, 20h30
Andy Emler (p), Coco Felgeirolles, Michel Ouimet, Marc Schapira (comédiens), François Cabanat (décors et lumière), Dominique Bourde (costumes), Anne-Marie Lazarini (mise en scène, assistée de Bruno Andrieux)
Lorsque l’on rencontre Andy Emler à la fin du spectacle, il explique : « Au départ, je pensais que je ne devais que composer la musique jusqu’à ce que je comprenne qu’il était prévu que je sois aussi l’interprète. Pas pareil ! J’ai dû bosser mon instrument encore plus que d’habitude ! ». Le spectacle consiste en une mise en scène de la plus grande partie du texte (non retouché) de Jean Echenoz, ponctué aux moments opportuns par la musique d’Andy Emler. Tâche ô combien délicate… La solution imaginée par Andy Emler est toute ravelienne en fait, et elle se manifeste sous deux formes.
Imprégné de la musique du grand Maurice depuis ses années de formation, s’étant replongé avec bonheur dans son corpus, Andy Emler a nécessairement pris connaissance des petites pièces pour piano titrées « À la manière de ». Dans ces pièces de 1912, Ravel y démontre non seulement qu’il a parfaitement assimilé les styles de Borodine et de Chabrier, mais il relève de surcroît la gageure de ne pas se renier stylistiquement : à l’écoute de ces pastiches, le mélomane reconnaît Ravel. C’est précisément l’attitude intelligente adoptée par Andy Emler, cent ans plus tard. Si plusieurs pièces courtes, sorte de virgules composées pour le spectacle, s’apparentent davantage à des exercices de réminiscences (qui provoque des réactions du type : « tiens ! la main gauche de Ma mère l’Oye avec quelque chose proche de l’Enfant et les Sortilèges à l’autre main »), les pages plus conséquentes (la scène où Ravel parvient, enfin, à s’endormir par exemple) pourraient prendre pour titre « À la manière de Maurice Ravel » du compositeur Andy « Maurice » Emler.
Rien de mieux, pour saisir le second versant de l’approche musicale adoptée par Andy Emler, que de reprendre une anecdote rapportée par Manuel Rosenthal, élève de Maurice Ravel : « À propos du final de Daphnis [et Chloé] : sachant que Ravel avait tellement rechigné pour terminer son ballet, je lui ai demandé un jour comment il avait fait pour s’y atteler. Alors, il m’a répondu : “C’est bien simple : j’ai mis la Shéhérazade de Rimski[-Korsakov] sur le pupitre du piano, et j’ai copié”.»[1]
Je ne sais si Andy Emler connaît cette anecdote. Il semble pourtant avoir eu la même démarche. Au deux tiers de la représentation, après que Ravel ait subi le dramatique accident de taxi qui lui fera perdre ses facultés de formalisation (il ne parvenait plus à écrire), dans un mouvement de désespoir, il déclare à l’une de ses interprètes favorites : « J’ai encore tellement de musique en moi… Je n’ai rien dit ! ». Ravel-Echenoz évoque notamment une composition en germe, nommée énigmatiquement Dédale 39. A Andy Emler de donner alors à entendre ce qui pouvait bien investir l’imaginaire de Ravel. Il aurait été sans doute incongru de tirer par exemple une partition des cartons du MégaOctet. Pour cette pièce, Andy Emler a alors posé les partitions de Maurice Ravel sur son piano pour les copier… et produire du Andy Emler !
Enfin, à plusieurs reprises, le compositeur-interprète se mue en improvisateur. Les journaux ayant relayé la disparition de Nelson Mandela le matin de cette représentation, le musicien lui fit un clin d’œil dédicatoire en citant Mandela Day, une chanson que Simple Minds avait interprétée au cours du « Nelson Mandela 70th Birthday Tribute », un concert donné au stade de Wembley en 1988. Emler’s touch oblige !
Le disque de ce spectacle a reçu cette année le « Prix du syndicat de la critique » dans la catégorie « Meilleur compositeur de musique de scène ».
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Physiquement, Andy Emler n’a rien de Maurice Ravel : ce grand barbu à lunettes est taillé comme un deuxième ligne de rugby tandis que le toujours glabre Ravel avait tout du jockey. C’est pourtant lui qui tient le rôle dans la mise en scène qu’Anne-Marie Lazarini a réalisée à partir du roman de Jean Echenoz sur le compositeur français. Seulement, il tient ce rôle uniquement au piano !
Ravel de Jean Echenoz
Vendredi 6 décembre 2013, Cergy-Pontoise (95), Théâtre 95, 20h30
Andy Emler (p), Coco Felgeirolles, Michel Ouimet, Marc Schapira (comédiens), François Cabanat (décors et lumière), Dominique Bourde (costumes), Anne-Marie Lazarini (mise en scène, assistée de Bruno Andrieux)
Lorsque l’on rencontre Andy Emler à la fin du spectacle, il explique : « Au départ, je pensais que je ne devais que composer la musique jusqu’à ce que je comprenne qu’il était prévu que je sois aussi l’interprète. Pas pareil ! J’ai dû bosser mon instrument encore plus que d’habitude ! ». Le spectacle consiste en une mise en scène de la plus grande partie du texte (non retouché) de Jean Echenoz, ponctué aux moments opportuns par la musique d’Andy Emler. Tâche ô combien délicate… La solution imaginée par Andy Emler est toute ravelienne en fait, et elle se manifeste sous deux formes.
Imprégné de la musique du grand Maurice depuis ses années de formation, s’étant replongé avec bonheur dans son corpus, Andy Emler a nécessairement pris connaissance des petites pièces pour piano titrées « À la manière de ». Dans ces pièces de 1912, Ravel y démontre non seulement qu’il a parfaitement assimilé les styles de Borodine et de Chabrier, mais il relève de surcroît la gageure de ne pas se renier stylistiquement : à l’écoute de ces pastiches, le mélomane reconnaît Ravel. C’est précisément l’attitude intelligente adoptée par Andy Emler, cent ans plus tard. Si plusieurs pièces courtes, sorte de virgules composées pour le spectacle, s’apparentent davantage à des exercices de réminiscences (qui provoque des réactions du type : « tiens ! la main gauche de Ma mère l’Oye avec quelque chose proche de l’Enfant et les Sortilèges à l’autre main »), les pages plus conséquentes (la scène où Ravel parvient, enfin, à s’endormir par exemple) pourraient prendre pour titre « À la manière de Maurice Ravel » du compositeur Andy « Maurice » Emler.
Rien de mieux, pour saisir le second versant de l’approche musicale adoptée par Andy Emler, que de reprendre une anecdote rapportée par Manuel Rosenthal, élève de Maurice Ravel : « À propos du final de Daphnis [et Chloé] : sachant que Ravel avait tellement rechigné pour terminer son ballet, je lui ai demandé un jour comment il avait fait pour s’y atteler. Alors, il m’a répondu : “C’est bien simple : j’ai mis la Shéhérazade de Rimski[-Korsakov] sur le pupitre du piano, et j’ai copié”.»[1]
Je ne sais si Andy Emler connaît cette anecdote. Il semble pourtant avoir eu la même démarche. Au deux tiers de la représentation, après que Ravel ait subi le dramatique accident de taxi qui lui fera perdre ses facultés de formalisation (il ne parvenait plus à écrire), dans un mouvement de désespoir, il déclare à l’une de ses interprètes favorites : « J’ai encore tellement de musique en moi… Je n’ai rien dit ! ». Ravel-Echenoz évoque notamment une composition en germe, nommée énigmatiquement Dédale 39. A Andy Emler de donner alors à entendre ce qui pouvait bien investir l’imaginaire de Ravel. Il aurait été sans doute incongru de tirer par exemple une partition des cartons du MégaOctet. Pour cette pièce, Andy Emler a alors posé les partitions de Maurice Ravel sur son piano pour les copier… et produire du Andy Emler !
Enfin, à plusieurs reprises, le compositeur-interprète se mue en improvisateur. Les journaux ayant relayé la disparition de Nelson Mandela le matin de cette représentation, le musicien lui fit un clin d’œil dédicatoire en citant Mandela Day, une chanson que Simple Minds avait interprétée au cours du « Nelson Mandela 70th Birthday Tribute », un concert donné au stade de Wembley en 1988. Emler’s touch oblige !
Le disque de ce spectacle a reçu cette année le « Prix du syndicat de la critique » dans la catégorie « Meilleur compositeur de musique de scène ».
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Physiquement, Andy Emler n’a rien de Maurice Ravel : ce grand barbu à lunettes est taillé comme un deuxième ligne de rugby tandis que le toujours glabre Ravel avait tout du jockey. C’est pourtant lui qui tient le rôle dans la mise en scène qu’Anne-Marie Lazarini a réalisée à partir du roman de Jean Echenoz sur le compositeur français. Seulement, il tient ce rôle uniquement au piano !
Ravel de Jean Echenoz
Vendredi 6 décembre 2013, Cergy-Pontoise (95), Théâtre 95, 20h30
Andy Emler (p), Coco Felgeirolles, Michel Ouimet, Marc Schapira (comédiens), François Cabanat (décors et lumière), Dominique Bourde (costumes), Anne-Marie Lazarini (mise en scène, assistée de Bruno Andrieux)
Lorsque l’on rencontre Andy Emler à la fin du spectacle, il explique : « Au départ, je pensais que je ne devais que composer la musique jusqu’à ce que je comprenne qu’il était prévu que je sois aussi l’interprète. Pas pareil ! J’ai dû bosser mon instrument encore plus que d’habitude ! ». Le spectacle consiste en une mise en scène de la plus grande partie du texte (non retouché) de Jean Echenoz, ponctué aux moments opportuns par la musique d’Andy Emler. Tâche ô combien délicate… La solution imaginée par Andy Emler est toute ravelienne en fait, et elle se manifeste sous deux formes.
Imprégné de la musique du grand Maurice depuis ses années de formation, s’étant replongé avec bonheur dans son corpus, Andy Emler a nécessairement pris connaissance des petites pièces pour piano titrées « À la manière de ». Dans ces pièces de 1912, Ravel y démontre non seulement qu’il a parfaitement assimilé les styles de Borodine et de Chabrier, mais il relève de surcroît la gageure de ne pas se renier stylistiquement : à l’écoute de ces pastiches, le mélomane reconnaît Ravel. C’est précisément l’attitude intelligente adoptée par Andy Emler, cent ans plus tard. Si plusieurs pièces courtes, sorte de virgules composées pour le spectacle, s’apparentent davantage à des exercices de réminiscences (qui provoque des réactions du type : « tiens ! la main gauche de Ma mère l’Oye avec quelque chose proche de l’Enfant et les Sortilèges à l’autre main »), les pages plus conséquentes (la scène où Ravel parvient, enfin, à s’endormir par exemple) pourraient prendre pour titre « À la manière de Maurice Ravel » du compositeur Andy « Maurice » Emler.
Rien de mieux, pour saisir le second versant de l’approche musicale adoptée par Andy Emler, que de reprendre une anecdote rapportée par Manuel Rosenthal, élève de Maurice Ravel : « À propos du final de Daphnis [et Chloé] : sachant que Ravel avait tellement rechigné pour terminer son ballet, je lui ai demandé un jour comment il avait fait pour s’y atteler. Alors, il m’a répondu : “C’est bien simple : j’ai mis la Shéhérazade de Rimski[-Korsakov] sur le pupitre du piano, et j’ai copié”.»[1]
Je ne sais si Andy Emler connaît cette anecdote. Il semble pourtant avoir eu la même démarche. Au deux tiers de la représentation, après que Ravel ait subi le dramatique accident de taxi qui lui fera perdre ses facultés de formalisation (il ne parvenait plus à écrire), dans un mouvement de désespoir, il déclare à l’une de ses interprètes favorites : « J’ai encore tellement de musique en moi… Je n’ai rien dit ! ». Ravel-Echenoz évoque notamment une composition en germe, nommée énigmatiquement Dédale 39. A Andy Emler de donner alors à entendre ce qui pouvait bien investir l’imaginaire de Ravel. Il aurait été sans doute incongru de tirer par exemple une partition des cartons du MégaOctet. Pour cette pièce, Andy Emler a alors posé les partitions de Maurice Ravel sur son piano pour les copier… et produire du Andy Emler !
Enfin, à plusieurs reprises, le compositeur-interprète se mue en improvisateur. Les journaux ayant relayé la disparition de Nelson Mandela le matin de cette représentation, le musicien lui fit un clin d’œil dédicatoire en citant Mandela Day, une chanson que Simple Minds avait interprétée au cours du « Nelson Mandela 70th Birthday Tribute », un concert donné au stade de Wembley en 1988. Emler’s touch oblige !
Le disque de ce spectacle a reçu cette année le « Prix du syndicat de la critique » dans la catégorie « Meilleur compositeur de musique de scène ».
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Physiquement, Andy Emler n’a rien de Maurice Ravel : ce grand barbu à lunettes est taillé comme un deuxième ligne de rugby tandis que le toujours glabre Ravel avait tout du jockey. C’est pourtant lui qui tient le rôle dans la mise en scène qu’Anne-Marie Lazarini a réalisée à partir du roman de Jean Echenoz sur le compositeur français. Seulement, il tient ce rôle uniquement au piano !
Ravel de Jean Echenoz
Vendredi 6 décembre 2013, Cergy-Pontoise (95), Théâtre 95, 20h30
Andy Emler (p), Coco Felgeirolles, Michel Ouimet, Marc Schapira (comédiens), François Cabanat (décors et lumière), Dominique Bourde (costumes), Anne-Marie Lazarini (mise en scène, assistée de Bruno Andrieux)
Lorsque l’on rencontre Andy Emler à la fin du spectacle, il explique : « Au départ, je pensais que je ne devais que composer la musique jusqu’à ce que je comprenne qu’il était prévu que je sois aussi l’interprète. Pas pareil ! J’ai dû bosser mon instrument encore plus que d’habitude ! ». Le spectacle consiste en une mise en scène de la plus grande partie du texte (non retouché) de Jean Echenoz, ponctué aux moments opportuns par la musique d’Andy Emler. Tâche ô combien délicate… La solution imaginée par Andy Emler est toute ravelienne en fait, et elle se manifeste sous deux formes.
Imprégné de la musique du grand Maurice depuis ses années de formation, s’étant replongé avec bonheur dans son corpus, Andy Emler a nécessairement pris connaissance des petites pièces pour piano titrées « À la manière de ». Dans ces pièces de 1912, Ravel y démontre non seulement qu’il a parfaitement assimilé les styles de Borodine et de Chabrier, mais il relève de surcroît la gageure de ne pas se renier stylistiquement : à l’écoute de ces pastiches, le mélomane reconnaît Ravel. C’est précisément l’attitude intelligente adoptée par Andy Emler, cent ans plus tard. Si plusieurs pièces courtes, sorte de virgules composées pour le spectacle, s’apparentent davantage à des exercices de réminiscences (qui provoque des réactions du type : « tiens ! la main gauche de Ma mère l’Oye avec quelque chose proche de l’Enfant et les Sortilèges à l’autre main »), les pages plus conséquentes (la scène où Ravel parvient, enfin, à s’endormir par exemple) pourraient prendre pour titre « À la manière de Maurice Ravel » du compositeur Andy « Maurice » Emler.
Rien de mieux, pour saisir le second versant de l’approche musicale adoptée par Andy Emler, que de reprendre une anecdote rapportée par Manuel Rosenthal, élève de Maurice Ravel : « À propos du final de Daphnis [et Chloé] : sachant que Ravel avait tellement rechigné pour terminer son ballet, je lui ai demandé un jour comment il avait fait pour s’y atteler. Alors, il m’a répondu : “C’est bien simple : j’ai mis la Shéhérazade de Rimski[-Korsakov] sur le pupitre du piano, et j’ai copié”.»[1]
Je ne sais si Andy Emler connaît cette anecdote. Il semble pourtant avoir eu la même démarche. Au deux tiers de la représentation, après que Ravel ait subi le dramatique accident de taxi qui lui fera perdre ses facultés de formalisation (il ne parvenait plus à écrire), dans un mouvement de désespoir, il déclare à l’une de ses interprètes favorites : « J’ai encore tellement de musique en moi… Je n’ai rien dit ! ». Ravel-Echenoz évoque notamment une composition en germe, nommée énigmatiquement Dédale 39. A Andy Emler de donner alors à entendre ce qui pouvait bien investir l’imaginaire de Ravel. Il aurait été sans doute incongru de tirer par exemple une partition des cartons du MégaOctet. Pour cette pièce, Andy Emler a alors posé les partitions de Maurice Ravel sur son piano pour les copier… et produire du Andy Emler !
Enfin, à plusieurs reprises, le compositeur-interprète se mue en improvisateur. Les journaux ayant relayé la disparition de Nelson Mandela le matin de cette représentation, le musicien lui fit un clin d’œil dédicatoire en citant Mandela Day, une chanson que Simple Minds avait interprétée au cours du « Nelson Mandela 70th Birthday Tribute », un concert donné au stade de Wembley en 1988. Emler’s touch oblige !
Le disque de ce spectacle a reçu cette année le « Prix du syndicat de la critique » dans la catégorie « Meilleur compositeur de musique de scène ».