“Chauve Power” : Andy Emler et Thomas de Pourquery au Petit Journal
Le saxophone que nous appelons alto, de ce côté-ci des Alpes, nos voisins transalpins le nomment contralto. Et les bougres ont raison ! Tenez, écoutez un peu Thomas de Pourquery — qui n’a rien d’Italien, et qui pourrait même être une sorte de pâtre grec tant son look se rapproche de celui de Georges Moustaki — jouer du saxophone contralto (qu’il joue tout contre, soit dit en passant) : ça chante, porca Madonna, ça entonne, ça proclame, ça vocale, Lise !
Andy Emler (p), Thomas de Pourquery (as, voc). Paris, Le Petit Journal, 21 janvier.
Et quand la voix vient prolonger ce lyrisme instrumental (ou vocal : on s’y perd !) on s’étonne que ce timbre de quasi haute-contre (toujours tout contre) vienne se placer une octave plus haut dans le droit fil du chant précédent. Alors, me direz-vous (mais si, je sens que vous allez me dire ça) : que vient faire Andy Emler dans cette affaire qui a l’air de tourner rondement toute seule ? Eh bien Andy aime l’air (je ne m’en lasse pas de celle-là), et par extension les airs. Alors comme ça, l’air de rien, il les accompagne. Et quand je dis « l’air de rien » je donne dans l’euphémisme le plus ras des pâquerette pour mieux souligner l’altitude à laquelle se situe son jeu de piano. Car même si vous ne chantez pas (et vous devriez) vous sentez que, quand il a ce rythme dense et implacable au fesses, ces harmonies touffues collées au train, un souffleur (entre autres de haute-contre-alto) ne peut guère que mettre le feu aux planches, défoncer la baraque, bref se surpasser. Connaissant l’énergie dont débordent les deux histrions funambules qui vous font face sur la scène du Petit Journal, on se doute qu’ils n’ont chipoté ni sur la quantité ni sur la qualité. Car s’il y a une chose qu’ils ne savent pas faire, c’est bien cela : manquer de générosité, être chiche de ce qu’ils ont à offrir au public. En cela ils sont aux antipodes d’une bottelée de blaireaux en goguette issus d’un quelconque comité d’entreprise, qui leur fit comprendre dès le début du concert que leur musique perturbait leurs conciliabules tonitruants, envois de textos et autres activités débiles qu’un citadin cultivé méprise et fuit. Fi de cela : un public restreint, mais fidèle autant qu’enthousiaste, soutint notre duo de « chauves » (puisque c’est le qualificatif qu’ils assument avec un humour immarcescible : « Nous, les cheveux on les a dans le cœur. » explique Andy la main sur le, et Thomas nous confiera plus tard que : « The chauve must go on !»). Une fois les intrus admirablement mis au pas par une responsable des lieux, puis repartis vers le néant qui toujours les accompagne, le « Chauve Power » reprit de plus belle son improbable prestation. Emler a l’habitude des duos avec altiste obligé (car soyons honnête : le souffleur n’a guère le choix). Il a déjà pratiqué la chose avec Philippe Sellam sans que leur amitié en pâtisse. Avec le sieur de Pourquery, la différence réside dans la double casquette du susnommé : chanteur et contraltiste (je vous le répète depuis tout à l’heure), et chanteur à registres. Quand il délaisse un peu le timbre haut-perché dont il use surtout pour les airs en anglais (deux p’tits alexandrins d’temps en temps ça n’fait point d’mal), Thomas entonne des chansons françaises avec tantôt un humour désopilant tantôt une sensibilité frémissante qui convertirait le jazzfan le plus réticent aux charmes de la chansonnette. Chansonnette dont — au passage — les jazzeux français ont rarement su faire l’usage qui a cours outre-Atlantique. Là-bas on transcende les airs de Tin Pan Alley depuis des lustres pour en faire de luxuriants standards. Avec Le duo Emler/de Pourquery nous tenons les deux gaillards capables de retourner leurs confrères comme des crêpes (en cette veille de Chandeleur) et de les amener à faire d’une foultitude d’airs bien de chez nous de redoutables machines à improviser. Et ce, par la seule force de leur « Chauve Power », généreux, rigolo, implacable (dites-donc : c’est presque un slogan de campagne, ça, ou me gourre-je ?). Thierry Quénum
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Le saxophone que nous appelons alto, de ce côté-ci des Alpes, nos voisins transalpins le nomment contralto. Et les bougres ont raison ! Tenez, écoutez un peu Thomas de Pourquery — qui n’a rien d’Italien, et qui pourrait même être une sorte de pâtre grec tant son look se rapproche de celui de Georges Moustaki — jouer du saxophone contralto (qu’il joue tout contre, soit dit en passant) : ça chante, porca Madonna, ça entonne, ça proclame, ça vocale, Lise !
Andy Emler (p), Thomas de Pourquery (as, voc). Paris, Le Petit Journal, 21 janvier.
Et quand la voix vient prolonger ce lyrisme instrumental (ou vocal : on s’y perd !) on s’étonne que ce timbre de quasi haute-contre (toujours tout contre) vienne se placer une octave plus haut dans le droit fil du chant précédent. Alors, me direz-vous (mais si, je sens que vous allez me dire ça) : que vient faire Andy Emler dans cette affaire qui a l’air de tourner rondement toute seule ? Eh bien Andy aime l’air (je ne m’en lasse pas de celle-là), et par extension les airs. Alors comme ça, l’air de rien, il les accompagne. Et quand je dis « l’air de rien » je donne dans l’euphémisme le plus ras des pâquerette pour mieux souligner l’altitude à laquelle se situe son jeu de piano. Car même si vous ne chantez pas (et vous devriez) vous sentez que, quand il a ce rythme dense et implacable au fesses, ces harmonies touffues collées au train, un souffleur (entre autres de haute-contre-alto) ne peut guère que mettre le feu aux planches, défoncer la baraque, bref se surpasser. Connaissant l’énergie dont débordent les deux histrions funambules qui vous font face sur la scène du Petit Journal, on se doute qu’ils n’ont chipoté ni sur la quantité ni sur la qualité. Car s’il y a une chose qu’ils ne savent pas faire, c’est bien cela : manquer de générosité, être chiche de ce qu’ils ont à offrir au public. En cela ils sont aux antipodes d’une bottelée de blaireaux en goguette issus d’un quelconque comité d’entreprise, qui leur fit comprendre dès le début du concert que leur musique perturbait leurs conciliabules tonitruants, envois de textos et autres activités débiles qu’un citadin cultivé méprise et fuit. Fi de cela : un public restreint, mais fidèle autant qu’enthousiaste, soutint notre duo de « chauves » (puisque c’est le qualificatif qu’ils assument avec un humour immarcescible : « Nous, les cheveux on les a dans le cœur. » explique Andy la main sur le, et Thomas nous confiera plus tard que : « The chauve must go on !»). Une fois les intrus admirablement mis au pas par une responsable des lieux, puis repartis vers le néant qui toujours les accompagne, le « Chauve Power » reprit de plus belle son improbable prestation. Emler a l’habitude des duos avec altiste obligé (car soyons honnête : le souffleur n’a guère le choix). Il a déjà pratiqué la chose avec Philippe Sellam sans que leur amitié en pâtisse. Avec le sieur de Pourquery, la différence réside dans la double casquette du susnommé : chanteur et contraltiste (je vous le répète depuis tout à l’heure), et chanteur à registres. Quand il délaisse un peu le timbre haut-perché dont il use surtout pour les airs en anglais (deux p’tits alexandrins d’temps en temps ça n’fait point d’mal), Thomas entonne des chansons françaises avec tantôt un humour désopilant tantôt une sensibilité frémissante qui convertirait le jazzfan le plus réticent aux charmes de la chansonnette. Chansonnette dont — au passage — les jazzeux français ont rarement su faire l’usage qui a cours outre-Atlantique. Là-bas on transcende les airs de Tin Pan Alley depuis des lustres pour en faire de luxuriants standards. Avec Le duo Emler/de Pourquery nous tenons les deux gaillards capables de retourner leurs confrères comme des crêpes (en cette veille de Chandeleur) et de les amener à faire d’une foultitude d’airs bien de chez nous de redoutables machines à improviser. Et ce, par la seule force de leur « Chauve Power », généreux, rigolo, implacable (dites-donc : c’est presque un slogan de campagne, ça, ou me gourre-je ?). Thierry Quénum
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Le saxophone que nous appelons alto, de ce côté-ci des Alpes, nos voisins transalpins le nomment contralto. Et les bougres ont raison ! Tenez, écoutez un peu Thomas de Pourquery — qui n’a rien d’Italien, et qui pourrait même être une sorte de pâtre grec tant son look se rapproche de celui de Georges Moustaki — jouer du saxophone contralto (qu’il joue tout contre, soit dit en passant) : ça chante, porca Madonna, ça entonne, ça proclame, ça vocale, Lise !
Andy Emler (p), Thomas de Pourquery (as, voc). Paris, Le Petit Journal, 21 janvier.
Et quand la voix vient prolonger ce lyrisme instrumental (ou vocal : on s’y perd !) on s’étonne que ce timbre de quasi haute-contre (toujours tout contre) vienne se placer une octave plus haut dans le droit fil du chant précédent. Alors, me direz-vous (mais si, je sens que vous allez me dire ça) : que vient faire Andy Emler dans cette affaire qui a l’air de tourner rondement toute seule ? Eh bien Andy aime l’air (je ne m’en lasse pas de celle-là), et par extension les airs. Alors comme ça, l’air de rien, il les accompagne. Et quand je dis « l’air de rien » je donne dans l’euphémisme le plus ras des pâquerette pour mieux souligner l’altitude à laquelle se situe son jeu de piano. Car même si vous ne chantez pas (et vous devriez) vous sentez que, quand il a ce rythme dense et implacable au fesses, ces harmonies touffues collées au train, un souffleur (entre autres de haute-contre-alto) ne peut guère que mettre le feu aux planches, défoncer la baraque, bref se surpasser. Connaissant l’énergie dont débordent les deux histrions funambules qui vous font face sur la scène du Petit Journal, on se doute qu’ils n’ont chipoté ni sur la quantité ni sur la qualité. Car s’il y a une chose qu’ils ne savent pas faire, c’est bien cela : manquer de générosité, être chiche de ce qu’ils ont à offrir au public. En cela ils sont aux antipodes d’une bottelée de blaireaux en goguette issus d’un quelconque comité d’entreprise, qui leur fit comprendre dès le début du concert que leur musique perturbait leurs conciliabules tonitruants, envois de textos et autres activités débiles qu’un citadin cultivé méprise et fuit. Fi de cela : un public restreint, mais fidèle autant qu’enthousiaste, soutint notre duo de « chauves » (puisque c’est le qualificatif qu’ils assument avec un humour immarcescible : « Nous, les cheveux on les a dans le cœur. » explique Andy la main sur le, et Thomas nous confiera plus tard que : « The chauve must go on !»). Une fois les intrus admirablement mis au pas par une responsable des lieux, puis repartis vers le néant qui toujours les accompagne, le « Chauve Power » reprit de plus belle son improbable prestation. Emler a l’habitude des duos avec altiste obligé (car soyons honnête : le souffleur n’a guère le choix). Il a déjà pratiqué la chose avec Philippe Sellam sans que leur amitié en pâtisse. Avec le sieur de Pourquery, la différence réside dans la double casquette du susnommé : chanteur et contraltiste (je vous le répète depuis tout à l’heure), et chanteur à registres. Quand il délaisse un peu le timbre haut-perché dont il use surtout pour les airs en anglais (deux p’tits alexandrins d’temps en temps ça n’fait point d’mal), Thomas entonne des chansons françaises avec tantôt un humour désopilant tantôt une sensibilité frémissante qui convertirait le jazzfan le plus réticent aux charmes de la chansonnette. Chansonnette dont — au passage — les jazzeux français ont rarement su faire l’usage qui a cours outre-Atlantique. Là-bas on transcende les airs de Tin Pan Alley depuis des lustres pour en faire de luxuriants standards. Avec Le duo Emler/de Pourquery nous tenons les deux gaillards capables de retourner leurs confrères comme des crêpes (en cette veille de Chandeleur) et de les amener à faire d’une foultitude d’airs bien de chez nous de redoutables machines à improviser. Et ce, par la seule force de leur « Chauve Power », généreux, rigolo, implacable (dites-donc : c’est presque un slogan de campagne, ça, ou me gourre-je ?). Thierry Quénum
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Le saxophone que nous appelons alto, de ce côté-ci des Alpes, nos voisins transalpins le nomment contralto. Et les bougres ont raison ! Tenez, écoutez un peu Thomas de Pourquery — qui n’a rien d’Italien, et qui pourrait même être une sorte de pâtre grec tant son look se rapproche de celui de Georges Moustaki — jouer du saxophone contralto (qu’il joue tout contre, soit dit en passant) : ça chante, porca Madonna, ça entonne, ça proclame, ça vocale, Lise !
Andy Emler (p), Thomas de Pourquery (as, voc). Paris, Le Petit Journal, 21 janvier.
Et quand la voix vient prolonger ce lyrisme instrumental (ou vocal : on s’y perd !) on s’étonne que ce timbre de quasi haute-contre (toujours tout contre) vienne se placer une octave plus haut dans le droit fil du chant précédent. Alors, me direz-vous (mais si, je sens que vous allez me dire ça) : que vient faire Andy Emler dans cette affaire qui a l’air de tourner rondement toute seule ? Eh bien Andy aime l’air (je ne m’en lasse pas de celle-là), et par extension les airs. Alors comme ça, l’air de rien, il les accompagne. Et quand je dis « l’air de rien » je donne dans l’euphémisme le plus ras des pâquerette pour mieux souligner l’altitude à laquelle se situe son jeu de piano. Car même si vous ne chantez pas (et vous devriez) vous sentez que, quand il a ce rythme dense et implacable au fesses, ces harmonies touffues collées au train, un souffleur (entre autres de haute-contre-alto) ne peut guère que mettre le feu aux planches, défoncer la baraque, bref se surpasser. Connaissant l’énergie dont débordent les deux histrions funambules qui vous font face sur la scène du Petit Journal, on se doute qu’ils n’ont chipoté ni sur la quantité ni sur la qualité. Car s’il y a une chose qu’ils ne savent pas faire, c’est bien cela : manquer de générosité, être chiche de ce qu’ils ont à offrir au public. En cela ils sont aux antipodes d’une bottelée de blaireaux en goguette issus d’un quelconque comité d’entreprise, qui leur fit comprendre dès le début du concert que leur musique perturbait leurs conciliabules tonitruants, envois de textos et autres activités débiles qu’un citadin cultivé méprise et fuit. Fi de cela : un public restreint, mais fidèle autant qu’enthousiaste, soutint notre duo de « chauves » (puisque c’est le qualificatif qu’ils assument avec un humour immarcescible : « Nous, les cheveux on les a dans le cœur. » explique Andy la main sur le, et Thomas nous confiera plus tard que : « The chauve must go on !»). Une fois les intrus admirablement mis au pas par une responsable des lieux, puis repartis vers le néant qui toujours les accompagne, le « Chauve Power » reprit de plus belle son improbable prestation. Emler a l’habitude des duos avec altiste obligé (car soyons honnête : le souffleur n’a guère le choix). Il a déjà pratiqué la chose avec Philippe Sellam sans que leur amitié en pâtisse. Avec le sieur de Pourquery, la différence réside dans la double casquette du susnommé : chanteur et contraltiste (je vous le répète depuis tout à l’heure), et chanteur à registres. Quand il délaisse un peu le timbre haut-perché dont il use surtout pour les airs en anglais (deux p’tits alexandrins d’temps en temps ça n’fait point d’mal), Thomas entonne des chansons françaises avec tantôt un humour désopilant tantôt une sensibilité frémissante qui convertirait le jazzfan le plus réticent aux charmes de la chansonnette. Chansonnette dont — au passage — les jazzeux français ont rarement su faire l’usage qui a cours outre-Atlantique. Là-bas on transcende les airs de Tin Pan Alley depuis des lustres pour en faire de luxuriants standards. Avec Le duo Emler/de Pourquery nous tenons les deux gaillards capables de retourner leurs confrères comme des crêpes (en cette veille de Chandeleur) et de les amener à faire d’une foultitude d’airs bien de chez nous de redoutables machines à improviser. Et ce, par la seule force de leur « Chauve Power », généreux, rigolo, implacable (dites-donc : c’est presque un slogan de campagne, ça, ou me gourre-je ?). Thierry Quénum