Anne Pacéo boucle la boucle

Elle est bavarde, elle en est consciente, elle l’avoue flanquée d’un petit sourire au coin des lèvres. Anne Pacéo veut tellement témoigner, convaincre ou partager les sentiments nés de ses voyages, la Birmanie (d’où le titre de son dernier album, “ Yôkaï”, Laborie / Harmonia Mundi), la Suède ou la Laponie. Alors elle raconte, elle détaille, elle justifie l’inspiration ou le titre de ses morceaux. On peut ainsi déjà entrer dans l’univers de sa musique par les mots. Les notes n’ont plus qu’à passer par la porte entr’ouverte.

Anne Paceo (dm, voc), Leonardo Montana (p), Antonin Tri Hoang (as, b cl), Pierre Perchaud (g), Stéphane Kerecki (b)

Sunside , Paris, 24 janvier

Voyons un peu : qu’est-ce qui confère ce sentiment d’homogénéité, cette impression de densité intérieure, cette quadrature de la musique exposée par le quintette ? Pas de passage en force, un niveau sonore sous contrôle, pas de mise en avant systématique d’un instrument au détriment d’un autre, hors les envolées solo, et encore… Plutôt de longues séquences étirées collectivement, fruit d’une attention mutuelle. Résultat d’une conjugaison tranquille, les lignes musicales s’additionnent et se superposent (Luleâ) Pareille utilisation de la personnalité des musiciens , comme cette faculté à colorer les structures harmoniques et rythmiques par fines touches, évoque la patte de compositeur et leader d’orchestre d’un Henri Texier (Shwedagon) Le sens de la nuance : les modulations entre force et finesse du sax alto – surtout – ou de la clarinette basse –un peu –, les effets de guitare (jusqu’au glissando moelleux du bottleneck des bluesmen, plutôt singulier dans le contexte), les deux ou trois introductions assurées (spécifiquement en concert par rapport au disque) d’une voix aiguë avant de saisir ses baguettes, la constance d’un beau son de basse, la recherche d’accords pertinents au piano (Smile) pour résoudre son équation sonore : Anne Pacéo utilise chaque facteur non sans discernement. Il ne s’agit pas de renverser, encore moins révolutionner les codes du jazz d’aujourd’hui. Sur scène comme sur disque, le quintette cherche et trouve l’équilibre. Quelque chose comme la juste indépendance des membres, que doit acquérir un(e) batteur(e) pour pouvoir exprimer sa personnalité au sein de l’orchestre. À ce titre, Anne Pacéo a bouclé la boucle. Que sa jeunesse continue de tenir le tempo.

Robert Latxague

Anne Pacéo invite Alain Jean-Marie et Airelle Besson

Sunside, Paris, samedi 26 janvier

Anne Paceo (dm, voc), Leonardo Montana (p), Antonin Tri Hoang (as, b cl), Pierre Perchaud (g), Stéphane Kerecki (b)

Sunside , Paris, 24 janvier