Baptiste Herbin n’a plus peur de la lenteur
Baptiste Herbin fêtait la sortie de son nouveau disque, un hommage très libre et très réussi à Django Reinhardt (« Django », Matrisse productions). Vendredi 1er novembre, Sunside, 2024
Il y a quelques années, j’avais écouté Baptiste Herbin au 38 Riv. Son nom commençait alors à se répandre chez les jazzfans. Mais il n’était pas ce qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire un des deux ou trois noms systématiquement avancés quand on cite les sax alto qui tiennent le haut du pavé. Sa virtuosité, déjà, était éblouissante. Je me souviens notamment d’une bossa nova prise à un tempo très casse-cou. J’avais admiré la prise la prise de risque tout en me disant « voilà un garçon qui a peur de la lenteur ».
Quel meilleur camouflage que la vitesse ? Quelle plus belle manière de semer son ombre que de chausser des semelles de vent ? Accélérer c’est échapper à toutes les pesanteurs y compris celle d’être soi. J’avais l’impression que Baptiste Herbin, à travers sa virtuosité, s’escamotait.
Je repensais à cela en allant l’écouter. Très vite, j’apprécie la liberté de cet hommage à Django, qui s’autorise des escapades par le Brésil (Chorro pour Django »), par le be-bop, par d’autres admirateurs du guitariste manouche (Django, de John Lewis). Herbin joue aussi, magnifiquement, Indifférence, de Tony Murena, ce qui replace Django dans le contexte musical qui était le sien, celui des bals. Mais bien sûr les grands standards de Django sont bien là : Nuages, Tears, Manoir de mes rêves, ou Anoumaï, beaucoup moins joué.
Baptiste Herbin a toujours cette virtuosité impressionnante, qui s’exprime par la vitesse (un Tea for Two ébouriffant), mais aussi par sa maîtrise incroyable du registre aigu, des polyphonies, des sons mordus, coulés, étranglés. Il ajoute même à sa palette technique une capacité à jouer à deux saxes, à la Roland Kirk, qui est bluffante. Dédé Ceccarelli l’accompagne à la batterie, avec cette sensualité dans les frappes qui rend son jeu si délicieux, si captivant, le contrebassiste Sylvain Romano tisse une toile pleine de suggestions harmoniques.
De temps en temps, Baptiste Herbin délaisse ses folles cavalcades pour des ballades langoureuses où il joue comme une fleur qui se fâne au ralenti. Sa version du Django de John Lewis est déchirante. Accompagné par ce trio nu, il explore ses fragilités. La cymbale de Dédé Ceccarelli l’incite à aller vers plus de profondeur. Baptiste Herbin n’a plus peur de la lenteur.
Texte: JF Mondot
Dessins: Annie-Claire Alvoet
(autres dessins, peintures, à découvrir sur son site www.annie-claire.com)