Jazz live
Publié le 16 Avr 2023

BENOÎT DELBECQ au Bal Blomet

BENOÎT DELBECQ au Bal Blomet

Dans un cycle qui a reçu, sous l’intitulé ‘Le piano dans l’art du jazz’, Fred Hersch, Laurent de Wilde, Jacky Terrasson, Baptiste Trotignon, Paul Lay, Yaron Herman…., le Bal Blomet accueillait ce soir-là Benoît Delbecq

BENOÎT DELBECQ, piano préparé

Paris, Bal Blomet, 15 avril 2023, 20h

Le programme de cette série définit ainsi la règle du jeu : «Un artiste seul sur scène au piano nous raconte son art, joue sa musique en évoquant librement les pianistes de jazz du passé ou du présent qui ont été des sources d’inspiration». Benoît Delbecq remplit le contrat, très librement. En fin de concert, avant le premier rappel, où il jouera la musique de Mal Waldron, qui fut pur lui une sorte de mentor, le pianiste évoque comment, tout jeune musicien, il joua devant ce Maître de musique des standards. Et Mal Waldon lui dit «Pourquoi ne joues-tu pas ta propre musique ?».

Au fil du concert, Benoît Delbecq, le plus souvent au piano préparé, nous délivrera son art si singulier. Jeux de timbres, notamment par les notes préparées qui font surgir des sons inusités ; infinies nuances dans les accords joués sur les sons ‘naturels’ de l’instrument (le poids maîtrisé de chaque note dans l’accord fait surgir des couleurs singulières) ; tuilage des formes et des vitesses…. C’est un festival permanent où l’extrême rigueur tutoie l’illusion d’une confusion. On se demande d’ailleurs si le pianiste, en conduisant ces cycles labyrinthiques, ne cherche pas à atteindre le vertige d’un apparent désordre. C’est fascinant. Entre les thèmes le pianiste commente, et nous raconte la genèse de telle ou telle composition : par exemple, pour celle qui ouvre le concert, The loop of Chicago, la quête d’une découverte de la ville via le réseau circulaire de transports en commun… Faute de vigilance, cela se termine toujours dans les banlieues, sans offrir la vue d’ensemble de la ville. Suivra Oliveira et la Sibylle, inspiré par le roman Marelle de Julio Cortázar, qui dérivera vers une citation de Mopti de Don Cherry. Puis des évocations de Pierre Soulages, d’Andreï Tarkovski ou de l’architecte japonais Tadao Andō, avec toujours ces constructions de sons et de rythmes qui produisent une musique sans pareille. Au piano ‘naturel’, non préparé, il nous offre une sorte de gospel teinté de blues qui ouvre encore l’ampleur de ses horizons artistiques. Après avoir évoqué Mal Waldron au premier rappel, et devant l’insistance d’un public nombreux, et très enthousiaste, il revient au piano préparé pour l’ultime prestation.

En bavardant après le concert avec quelques-uns des musiciens présents, je constate qu’ils sont unanimes : Benoît Delbecq est un musicien unique, d’une très grande singularité. Un avis que je partage absolument. Cette soirée fut un très beau moment de musique.

Xavier Prévost