Bergamo Jazz. Bergame, Italie. 3° journée.
Le dimanche, c’est à onze heures que ça commence, à l’Auditorium di Piazza della Libertà (pas étonnant, dans la ville où Garibaldi lança son « expédition des Mille », que des concerts de « la musique du diable » aient lieu à l’heure de la messe !). C’est un jeune trio qui occupe les lieux, mené par un jeune pianiste couronné de divers prix en Italie.
11h00 : Enrico Zanisi Trio : Enrico Zanisi(p), Joe Rehmer (b), Alessandro Paternesi (dm)
Qu’en dire ? Que comme quasi tous ses confrères des quatre coins de la planète, Enrico Zanisi est nourri de classique, de pop et de Brad, qu’il peut terminer une ballade par des bribes quasi-schumanniennes puis passer à un joli thème binaire, que le fameux « format chanson » le ferme à plus d’une forme d’improvisation, que ses partenaires partagent ses options esthétiques, qu’il parle gentiment des mangas qui ont inspiré un des thèmes qu’il joue, que son toucher est touchant mais qu’on finit par s’ennuyer en l’écoutant… Bref, qu’on lui souhaite d’évoluer, d’épaissir et d’ouvrir son jeu, d’aller fureter du côté de chez Monk ou de chez Paul Bley, et de réussir à s’extraire de la meute pianistique générationnelle dont il ne se distingue guère, pour l’instant, que d’un iota.
17h00 : Russ Johnson/Ken Vandermark 4tet : Russ Johnson (tp), Ken Vandermark (ts, bs, cl), Fred Lomberg-Holm (cello, g, élec), Timothy Daisy (dm).
Dominée par les suraigus de la clarinette de Ken Vandermark, la musique du quartet peine à égayer l’après-midi pluvieux qui s’éternise sur Bergame. Quand la trompette de Russ Johnson prend le relais, dans une veine plus mélodique, on respire davantage et la rythmique se fait moins pesante tandis que le souffleur d’anches revient au baryton, mais moins en force. C’est en fait le violoncelle de Fred Lomberg-Holm qui réintroduit le chaos dans ce long thème initial, passant d’un solo à l’archet d’une grande sérénité à une débauche d’effets électroniques. Suit un morceau rubato où chacun colore l’espace sonore à sa façon avant que le baryton ne vienne enclencher une accélération qui mène au paroxysme free prévisible. Difficile, pour moi, d’apprécier encore cette musique si exposée pendant si longtemps. Soit elle tient de la magie et vous emporte sans prendre de prisonniers, soit elle vous laisse indifférent avec un goût désagréable de déjà-entendu. A Bergame, en cette fin d’après midi pluvieuse, j’avoue avoir eu du mal à entrer dans l’univers de Russ Johnson et Ken Vandermark.
21h00 : Michel Portal (cl, bcl) / Vincent Peirani (acc).
Comme il fait beau à Paris (disent-il), rien d’étonnant à ce que le duo Vincent Peirani/Michel Portal ensoleille le Teatro Donizetti, le plongeant tout d’abord dans la pénombre enchanteresse d’un « Choral » quasi médiéval à la clarinette basse pour ensuite lancer la danse sur un rythme enlevé de ritournelle où les volutes de la clarinette et de l’accordéon se mêlent en un tourbillon enivrant. Suit une sorte de tango charnu, coloré, puis une « impression » de Cuba (où il n’est jamais allé) par un Portal qui confie au public s’amuser beaucoup avec son jeune comparse. Et ça s’entend ! Entre autres dans ce « Trois temps pour Michel P. », valse ludique et qu’on dirait intemporelle écrite par le cadet pour l’aîné. Bref, ces deux Français — les seuls du festival — firent ici en gros le même tabac que celui qu’ils font partout où je les ai ouïs ces temps-ci. Une telle unanimité dans le succès menacerait de devenir lassante si elle n’était unanimement jubilatoire. Et l’on n’en dira pas plus de peur de se voir taxer de chauvinisme.
22h30 : Trilok Gurtu Band + Mathias Eick : Trilok Gurtu (perc, voc), Mathias Eick (tp), Frederick Köster (tp), Tulug Tirpan (p, claviers), Achim Seifert (elb).
Avec Trilok Gurtu — surtout si on ne l’a pas entendu depuis longtemps — on ne sait jamais trop à quoi s’attendre. Ainsi le groupe commence-t-il avec « Manteca », de Dizzy Gillespie, dans une version aux arrangements assez kitsch, la palme étant détenue par les sonorités du clavier. Mathias Eick trouvera-t-il son compte dans cette soupe fusionnelle passablement éloignée de son propre univers ? La suite le dira. Et c’est vers un univers plus milesdavisien (« Black Satin », plus précisément), où la trompette du Norvégien se détache nettement, que se dirige le quartet qu’Eick vient de rejoindre. Vient ensuite « Berchidda » en hommage au festival de Paolo Fresu : un morceau qui a du mal à décoller et au cours duquel la densité sonore de la rythmique m’apparaît comme un obstacle plutôt que comme un soutien pour les solistes. La fusion, il est vrai n’a jamais été mon style de musique préféré et je sens qu’il va m’être difficile de rester impartial alors même que les sonorités qui m’entourent commencent à mettre mes nerfs à l’épreuve. Et quand celui que certains nomment Trilok « Fourre-tout » annonce un morceau intitulé « Pop Corn » en demandant au public d’imaginer ce qu’il serait advenu si Miles Davis avait décidé de jouer la musique de Bollywood, je sens que la nuit pluvieuse de Bergame sera pour moi un refuge bienvenu. Thierry Quénum
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Le dimanche, c’est à onze heures que ça commence, à l’Auditorium di Piazza della Libertà (pas étonnant, dans la ville où Garibaldi lança son « expédition des Mille », que des concerts de « la musique du diable » aient lieu à l’heure de la messe !). C’est un jeune trio qui occupe les lieux, mené par un jeune pianiste couronné de divers prix en Italie.
11h00 : Enrico Zanisi Trio : Enrico Zanisi(p), Joe Rehmer (b), Alessandro Paternesi (dm)
Qu’en dire ? Que comme quasi tous ses confrères des quatre coins de la planète, Enrico Zanisi est nourri de classique, de pop et de Brad, qu’il peut terminer une ballade par des bribes quasi-schumanniennes puis passer à un joli thème binaire, que le fameux « format chanson » le ferme à plus d’une forme d’improvisation, que ses partenaires partagent ses options esthétiques, qu’il parle gentiment des mangas qui ont inspiré un des thèmes qu’il joue, que son toucher est touchant mais qu’on finit par s’ennuyer en l’écoutant… Bref, qu’on lui souhaite d’évoluer, d’épaissir et d’ouvrir son jeu, d’aller fureter du côté de chez Monk ou de chez Paul Bley, et de réussir à s’extraire de la meute pianistique générationnelle dont il ne se distingue guère, pour l’instant, que d’un iota.
17h00 : Russ Johnson/Ken Vandermark 4tet : Russ Johnson (tp), Ken Vandermark (ts, bs, cl), Fred Lomberg-Holm (cello, g, élec), Timothy Daisy (dm).
Dominée par les suraigus de la clarinette de Ken Vandermark, la musique du quartet peine à égayer l’après-midi pluvieux qui s’éternise sur Bergame. Quand la trompette de Russ Johnson prend le relais, dans une veine plus mélodique, on respire davantage et la rythmique se fait moins pesante tandis que le souffleur d’anches revient au baryton, mais moins en force. C’est en fait le violoncelle de Fred Lomberg-Holm qui réintroduit le chaos dans ce long thème initial, passant d’un solo à l’archet d’une grande sérénité à une débauche d’effets électroniques. Suit un morceau rubato où chacun colore l’espace sonore à sa façon avant que le baryton ne vienne enclencher une accélération qui mène au paroxysme free prévisible. Difficile, pour moi, d’apprécier encore cette musique si exposée pendant si longtemps. Soit elle tient de la magie et vous emporte sans prendre de prisonniers, soit elle vous laisse indifférent avec un goût désagréable de déjà-entendu. A Bergame, en cette fin d’après midi pluvieuse, j’avoue avoir eu du mal à entrer dans l’univers de Russ Johnson et Ken Vandermark.
21h00 : Michel Portal (cl, bcl) / Vincent Peirani (acc).
Comme il fait beau à Paris (disent-il), rien d’étonnant à ce que le duo Vincent Peirani/Michel Portal ensoleille le Teatro Donizetti, le plongeant tout d’abord dans la pénombre enchanteresse d’un « Choral » quasi médiéval à la clarinette basse pour ensuite lancer la danse sur un rythme enlevé de ritournelle où les volutes de la clarinette et de l’accordéon se mêlent en un tourbillon enivrant. Suit une sorte de tango charnu, coloré, puis une « impression » de Cuba (où il n’est jamais allé) par un Portal qui confie au public s’amuser beaucoup avec son jeune comparse. Et ça s’entend ! Entre autres dans ce « Trois temps pour Michel P. », valse ludique et qu’on dirait intemporelle écrite par le cadet pour l’aîné. Bref, ces deux Français — les seuls du festival — firent ici en gros le même tabac que celui qu’ils font partout où je les ai ouïs ces temps-ci. Une telle unanimité dans le succès menacerait de devenir lassante si elle n’était unanimement jubilatoire. Et l’on n’en dira pas plus de peur de se voir taxer de chauvinisme.
22h30 : Trilok Gurtu Band + Mathias Eick : Trilok Gurtu (perc, voc), Mathias Eick (tp), Frederick Köster (tp), Tulug Tirpan (p, claviers), Achim Seifert (elb).
Avec Trilok Gurtu — surtout si on ne l’a pas entendu depuis longtemps — on ne sait jamais trop à quoi s’attendre. Ainsi le groupe commence-t-il avec « Manteca », de Dizzy Gillespie, dans une version aux arrangements assez kitsch, la palme étant détenue par les sonorités du clavier. Mathias Eick trouvera-t-il son compte dans cette soupe fusionnelle passablement éloignée de son propre univers ? La suite le dira. Et c’est vers un univers plus milesdavisien (« Black Satin », plus précisément), où la trompette du Norvégien se détache nettement, que se dirige le quartet qu’Eick vient de rejoindre. Vient ensuite « Berchidda » en hommage au festival de Paolo Fresu : un morceau qui a du mal à décoller et au cours duquel la densité sonore de la rythmique m’apparaît comme un obstacle plutôt que comme un soutien pour les solistes. La fusion, il est vrai n’a jamais été mon style de musique préféré et je sens qu’il va m’être difficile de rester impartial alors même que les sonorités qui m’entourent commencent à mettre mes nerfs à l’épreuve. Et quand celui que certains nomment Trilok « Fourre-tout » annonce un morceau intitulé « Pop Corn » en demandant au public d’imaginer ce qu’il serait advenu si Miles Davis avait décidé de jouer la musique de Bollywood, je sens que la nuit pluvieuse de Bergame sera pour moi un refuge bienvenu. Thierry Quénum
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Le dimanche, c’est à onze heures que ça commence, à l’Auditorium di Piazza della Libertà (pas étonnant, dans la ville où Garibaldi lança son « expédition des Mille », que des concerts de « la musique du diable » aient lieu à l’heure de la messe !). C’est un jeune trio qui occupe les lieux, mené par un jeune pianiste couronné de divers prix en Italie.
11h00 : Enrico Zanisi Trio : Enrico Zanisi(p), Joe Rehmer (b), Alessandro Paternesi (dm)
Qu’en dire ? Que comme quasi tous ses confrères des quatre coins de la planète, Enrico Zanisi est nourri de classique, de pop et de Brad, qu’il peut terminer une ballade par des bribes quasi-schumanniennes puis passer à un joli thème binaire, que le fameux « format chanson » le ferme à plus d’une forme d’improvisation, que ses partenaires partagent ses options esthétiques, qu’il parle gentiment des mangas qui ont inspiré un des thèmes qu’il joue, que son toucher est touchant mais qu’on finit par s’ennuyer en l’écoutant… Bref, qu’on lui souhaite d’évoluer, d’épaissir et d’ouvrir son jeu, d’aller fureter du côté de chez Monk ou de chez Paul Bley, et de réussir à s’extraire de la meute pianistique générationnelle dont il ne se distingue guère, pour l’instant, que d’un iota.
17h00 : Russ Johnson/Ken Vandermark 4tet : Russ Johnson (tp), Ken Vandermark (ts, bs, cl), Fred Lomberg-Holm (cello, g, élec), Timothy Daisy (dm).
Dominée par les suraigus de la clarinette de Ken Vandermark, la musique du quartet peine à égayer l’après-midi pluvieux qui s’éternise sur Bergame. Quand la trompette de Russ Johnson prend le relais, dans une veine plus mélodique, on respire davantage et la rythmique se fait moins pesante tandis que le souffleur d’anches revient au baryton, mais moins en force. C’est en fait le violoncelle de Fred Lomberg-Holm qui réintroduit le chaos dans ce long thème initial, passant d’un solo à l’archet d’une grande sérénité à une débauche d’effets électroniques. Suit un morceau rubato où chacun colore l’espace sonore à sa façon avant que le baryton ne vienne enclencher une accélération qui mène au paroxysme free prévisible. Difficile, pour moi, d’apprécier encore cette musique si exposée pendant si longtemps. Soit elle tient de la magie et vous emporte sans prendre de prisonniers, soit elle vous laisse indifférent avec un goût désagréable de déjà-entendu. A Bergame, en cette fin d’après midi pluvieuse, j’avoue avoir eu du mal à entrer dans l’univers de Russ Johnson et Ken Vandermark.
21h00 : Michel Portal (cl, bcl) / Vincent Peirani (acc).
Comme il fait beau à Paris (disent-il), rien d’étonnant à ce que le duo Vincent Peirani/Michel Portal ensoleille le Teatro Donizetti, le plongeant tout d’abord dans la pénombre enchanteresse d’un « Choral » quasi médiéval à la clarinette basse pour ensuite lancer la danse sur un rythme enlevé de ritournelle où les volutes de la clarinette et de l’accordéon se mêlent en un tourbillon enivrant. Suit une sorte de tango charnu, coloré, puis une « impression » de Cuba (où il n’est jamais allé) par un Portal qui confie au public s’amuser beaucoup avec son jeune comparse. Et ça s’entend ! Entre autres dans ce « Trois temps pour Michel P. », valse ludique et qu’on dirait intemporelle écrite par le cadet pour l’aîné. Bref, ces deux Français — les seuls du festival — firent ici en gros le même tabac que celui qu’ils font partout où je les ai ouïs ces temps-ci. Une telle unanimité dans le succès menacerait de devenir lassante si elle n’était unanimement jubilatoire. Et l’on n’en dira pas plus de peur de se voir taxer de chauvinisme.
22h30 : Trilok Gurtu Band + Mathias Eick : Trilok Gurtu (perc, voc), Mathias Eick (tp), Frederick Köster (tp), Tulug Tirpan (p, claviers), Achim Seifert (elb).
Avec Trilok Gurtu — surtout si on ne l’a pas entendu depuis longtemps — on ne sait jamais trop à quoi s’attendre. Ainsi le groupe commence-t-il avec « Manteca », de Dizzy Gillespie, dans une version aux arrangements assez kitsch, la palme étant détenue par les sonorités du clavier. Mathias Eick trouvera-t-il son compte dans cette soupe fusionnelle passablement éloignée de son propre univers ? La suite le dira. Et c’est vers un univers plus milesdavisien (« Black Satin », plus précisément), où la trompette du Norvégien se détache nettement, que se dirige le quartet qu’Eick vient de rejoindre. Vient ensuite « Berchidda » en hommage au festival de Paolo Fresu : un morceau qui a du mal à décoller et au cours duquel la densité sonore de la rythmique m’apparaît comme un obstacle plutôt que comme un soutien pour les solistes. La fusion, il est vrai n’a jamais été mon style de musique préféré et je sens qu’il va m’être difficile de rester impartial alors même que les sonorités qui m’entourent commencent à mettre mes nerfs à l’épreuve. Et quand celui que certains nomment Trilok « Fourre-tout » annonce un morceau intitulé « Pop Corn » en demandant au public d’imaginer ce qu’il serait advenu si Miles Davis avait décidé de jouer la musique de Bollywood, je sens que la nuit pluvieuse de Bergame sera pour moi un refuge bienvenu. Thierry Quénum
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Le dimanche, c’est à onze heures que ça commence, à l’Auditorium di Piazza della Libertà (pas étonnant, dans la ville où Garibaldi lança son « expédition des Mille », que des concerts de « la musique du diable » aient lieu à l’heure de la messe !). C’est un jeune trio qui occupe les lieux, mené par un jeune pianiste couronné de divers prix en Italie.
11h00 : Enrico Zanisi Trio : Enrico Zanisi(p), Joe Rehmer (b), Alessandro Paternesi (dm)
Qu’en dire ? Que comme quasi tous ses confrères des quatre coins de la planète, Enrico Zanisi est nourri de classique, de pop et de Brad, qu’il peut terminer une ballade par des bribes quasi-schumanniennes puis passer à un joli thème binaire, que le fameux « format chanson » le ferme à plus d’une forme d’improvisation, que ses partenaires partagent ses options esthétiques, qu’il parle gentiment des mangas qui ont inspiré un des thèmes qu’il joue, que son toucher est touchant mais qu’on finit par s’ennuyer en l’écoutant… Bref, qu’on lui souhaite d’évoluer, d’épaissir et d’ouvrir son jeu, d’aller fureter du côté de chez Monk ou de chez Paul Bley, et de réussir à s’extraire de la meute pianistique générationnelle dont il ne se distingue guère, pour l’instant, que d’un iota.
17h00 : Russ Johnson/Ken Vandermark 4tet : Russ Johnson (tp), Ken Vandermark (ts, bs, cl), Fred Lomberg-Holm (cello, g, élec), Timothy Daisy (dm).
Dominée par les suraigus de la clarinette de Ken Vandermark, la musique du quartet peine à égayer l’après-midi pluvieux qui s’éternise sur Bergame. Quand la trompette de Russ Johnson prend le relais, dans une veine plus mélodique, on respire davantage et la rythmique se fait moins pesante tandis que le souffleur d’anches revient au baryton, mais moins en force. C’est en fait le violoncelle de Fred Lomberg-Holm qui réintroduit le chaos dans ce long thème initial, passant d’un solo à l’archet d’une grande sérénité à une débauche d’effets électroniques. Suit un morceau rubato où chacun colore l’espace sonore à sa façon avant que le baryton ne vienne enclencher une accélération qui mène au paroxysme free prévisible. Difficile, pour moi, d’apprécier encore cette musique si exposée pendant si longtemps. Soit elle tient de la magie et vous emporte sans prendre de prisonniers, soit elle vous laisse indifférent avec un goût désagréable de déjà-entendu. A Bergame, en cette fin d’après midi pluvieuse, j’avoue avoir eu du mal à entrer dans l’univers de Russ Johnson et Ken Vandermark.
21h00 : Michel Portal (cl, bcl) / Vincent Peirani (acc).
Comme il fait beau à Paris (disent-il), rien d’étonnant à ce que le duo Vincent Peirani/Michel Portal ensoleille le Teatro Donizetti, le plongeant tout d’abord dans la pénombre enchanteresse d’un « Choral » quasi médiéval à la clarinette basse pour ensuite lancer la danse sur un rythme enlevé de ritournelle où les volutes de la clarinette et de l’accordéon se mêlent en un tourbillon enivrant. Suit une sorte de tango charnu, coloré, puis une « impression » de Cuba (où il n’est jamais allé) par un Portal qui confie au public s’amuser beaucoup avec son jeune comparse. Et ça s’entend ! Entre autres dans ce « Trois temps pour Michel P. », valse ludique et qu’on dirait intemporelle écrite par le cadet pour l’aîné. Bref, ces deux Français — les seuls du festival — firent ici en gros le même tabac que celui qu’ils font partout où je les ai ouïs ces temps-ci. Une telle unanimité dans le succès menacerait de devenir lassante si elle n’était unanimement jubilatoire. Et l’on n’en dira pas plus de peur de se voir taxer de chauvinisme.
22h30 : Trilok Gurtu Band + Mathias Eick : Trilok Gurtu (perc, voc), Mathias Eick (tp), Frederick Köster (tp), Tulug Tirpan (p, claviers), Achim Seifert (elb).
Avec Trilok Gurtu — surtout si on ne l’a pas entendu depuis longtemps — on ne sait jamais trop à quoi s’attendre. Ainsi le groupe commence-t-il avec « Manteca », de Dizzy Gillespie, dans une version aux arrangements assez kitsch, la palme étant détenue par les sonorités du clavier. Mathias Eick trouvera-t-il son compte dans cette soupe fusionnelle passablement éloignée de son propre univers ? La suite le dira. Et c’est vers un univers plus milesdavisien (« Black Satin », plus précisément), où la trompette du Norvégien se détache nettement, que se dirige le quartet qu’Eick vient de rejoindre. Vient ensuite « Berchidda » en hommage au festival de Paolo Fresu : un morceau qui a du mal à décoller et au cours duquel la densité sonore de la rythmique m’apparaît comme un obstacle plutôt que comme un soutien pour les solistes. La fusion, il est vrai n’a jamais été mon style de musique préféré et je sens qu’il va m’être difficile de rester impartial alors même que les sonorités qui m’entourent commencent à mettre mes nerfs à l’épreuve. Et quand celui que certains nomment Trilok « Fourre-tout » annonce un morceau intitulé « Pop Corn » en demandant au public d’imaginer ce qu’il serait advenu si Miles Davis avait décidé de jouer la musique de Bollywood, je sens que la nuit pluvieuse de Bergame sera pour moi un refuge bienvenu. Thierry Quénum