Jazz live
Publié le 27 Sep 2024

Biarritz: CMQ Big Band, salsa cubaine du démon

CMQ Big Band

Festival Biarritz Amérique Latine, Gare du Midi, Biarrirtz, 25 septembre 

Luis Guerra ( p, direc), Lázaro Armenteros (voc), Rafael Águila, Roberto Nieva (as), Lisandro Marisilla, Inoïdel Gonzales (ts), Felipe Zaragozi (ba s), Fernando Hurtado, Miron Rafajovic, Yoel Mendez (tp), Francisco Sánchez, Jorge López (tb), Juan Viera (conga), Ángel Herrera (bongo), Yuri Nogueirq (timbales), Yandy Martínez (b), Roy Pinatel (voc, chœur)

Un concert monté en hommage à Benny Moré. Maximilien Bartholomé Gutierrez Armenteros dit Benny Moiré (1919-1963) est considéré comme le plus grand chanteur cubain de l’histoire musicale de l’île.  Véritable star des scènes de la Havane et des grandes cités cubaines celui que l’on surnommait « El Barbaro del ritmo » avait été quelque peu oublié des autorités dans les premières années du régime castriste.  Certainement pas dans le coeur des cubains qui pour nombre avaient dansé  sur ses rythmes chaloupés et fredonné dans les rues les mélodies sucrées d’une figura du chant cubain célébré en son temps à l’image d’un Nat King Cole aux USA voisins. Présent ces dernières années en Europe notamment dans le cadre du North Sea Jazz Festival de La Haye ou au Café Berlin de Madrid, le CMQ Big Band faisait à Biarritz sa première apparition en France. Pourquoi CMQ déjà ? Ce patronyme reprend le nom d’une radioi qui, parmi d’autres, avait largement diffusé la musique populaire cubaine dans les années 40/50 sur tout le territoire de l’île. 

Luis Guerra


Luis Guerra, pianiste et chef d’orchestre assis sur son piano ou  marquant les pics d’intensité sonores,  debout soudain, poussé comme par un ressort afin de  relancer une rutilante section de cuivres (cinq sax, deux trompettes, deux trombones, pas moins svp) Sur chaque morceau ou presque le jeune chef basé à Madrid prend soin de préciser quel est l’arrangeur initial du thème joué. Des musiciens dont le nom résonne encore dans le milieu à Cuba, des pianistes en particulier qui ont tous côtoyé Benny Morè de près ou de loin. Rolando Colombier, par exemple, que Guerra rencontra un jour à Madrid, ville où il réside depuis une dizaine d’années, lui conta que Benny Moré qui ne lisait pas la musique bien sur lui avait transmis l’arrangement d’un morceau (  Bonito y sabroso ) en lui chantant les parties instrumentales qu’il désirait entendre à charge pour lui de les transcrire sur partition…

Lázaro Armenteros

Sur la scène de Biarritz la mise en place s’avère impeccable. À peine installé tel une machine à rythme e grand orchestre cubain tourne à plein. Le « son montuno » -musique typique des campagnes cubaines dédiée à la danse- sonne rond dans des arrangements qu’on dirait justement bien …carrés à l’oreille. Au total cet orchestre de forte dimension tonne d’une sonorité bien balancée sous des rebonds tythmiques implacables. Ou à propos de variations d’intensité  il démontre une capacité à créer un « sentimiento », un feeling soft. Ce moment plus cool,  témoignage direct de  l’inspiration d’un autre pianiste et compositeur de légende à Cuba, Ernesto Lecuona ( El arroyo de la playa). Joué comme petit précis de tempo lent filtré de ruptures de rythmes plaqués en douceur et profondeur. La voix de Lázaro Arlenteros prend dès lors un ton moelleux à souhait. Pour totalement changer de registre l’instant suivant à l’occasion d’une chanson écrite par Bebo Valdes (le père de Chucho, tous deux pianistes d’exception ) lorsque le vocal lâché seul se glisse au naturel dans un fervent « jungle » de congas (bois), de timbales (métal), tambours (peaux) et autres mlaracas, Évocation claire, festive, d’une « fiesta de la rumba » rehaussée d’un solo d’alto « muy caliente », très chaud du sax alto de Rafael Águila – lequel    entre chaque thème assure la traduction française de la présentation de chaque chanson.   Tambours obligent ce mix rumba/cha cha cha figure l’écho le plus africain, le plus typiquement afro cubain plutôt du lot.

Yuri Nogueira , timbales

On entendra ainsi près de deux heures durant une vraie publicité de marque pour cette musique apte à provoquer des démangeaisons jusque dans les jambes les plus raides.  Avec en tête de gondole un « Elige tu que canto yo » promotion express pour donner à tous le conseil de bouger son corps « d’en dessous de la ceinture jusqu’au dessus des épaules » Mode d’emploi d’un plaisir  de la danse ainsi rédigé cash par un certain Gonzalito Fernandez, un compositeur qui restera dans l’histoire pour avoir posé les notes du total « mondialisé », le fameux et rabâché Guantanamera. À noter également l’occasion offerte au chanteur Armenteros  de muer sa voix, -génétiquement déjà fort puissante-  en souffle continu de ténor d’Opéra.  Vocal de velours épais le temps d’un boléro lancinant visant à vanter l’éternité du sentiment amoureux (« Hoy como ayer »)

Frenando Hurtado lead trompette

Au final les corps, memebres d’une génération plutôt bien mûre de cette soirée biarrote  souscrirent au conseil du chanteur. La moitié de la salle au moins s’en fut chalouper grave « depuis la ceinture jusqu’au plus haut des épaules » C’était gagné ! À cette minute la Gare du Midi venait de se transformer là en un autre Tropicana, club légendaire de la vie nocturne de La Havane.

Robert Latxague