Biarritz: Mélanie Di Biasio, « un intimisme effrayant »
On distingue à peine son visage dans la pénombre voulue. Mais elle regarde à présent son instrument une moue au bord des lèvres « Ma flute a quelques faiblesses. Je crois savoir qu’une personne dans la salle en porte une avec elle…si elle pouvait me la prêter un instant… » Une jeune femme se lève dans les premiers rangs, lui tend sa flûte traversière au bords de la scène. Mélanie Di Biasio retrouve malgré tout un timide sourire dans une soirée décidément semée d’embuches.
Mélanie Di Biasio (voc, fl), Pascal Mohy (p), Pascal Paulus (clav, g)
Les Beaux Jours de la Musique, Casino de Biarritz (64200), 19 avril
De brèves hésitations, des regards quelque peu interrogatifs entre elle et ses deux musiciens: la mise en train dans ce concert de Mélanie Di Biasio se trouve parsemée de petits temps morts en dépit la présence de cette voix profonde en ancrage principal. On perçoit comme un flottement. Flottement, justement. Ainsi pourrait se caractériser les contours d’une musique lâchée dans une ambiance quelque peu nuageuse -effets de fumée diffuse injectée sur un plateau faiblement éclairé- mystérieuse aussi au travers de contours mélodiques sinueux, tendance floue volontairement entretenue. La chanteuse belge se risque à un début d’explication à défaut de justification « Notre batteur n’est pas présent ce soir. Un drôle de sentiment pour moi sur scène. Mais bon je n’ai nulle peine à imaginer la marque de la batterie. J’espère qu’il en est de même pour vous… » Pas évident pour tout le monde peut être. Pourtant Sitting in the Stairwell chanté quasi à capella jaillit clair sous de simples claquement des doigts. Les deux claviers installés de part et d’autre, piano acoustique et synthés posent les couleurs en grappes de notes, ou nappes d’accords.
Côté numérique Pascal Paulus, complice de toujours prend les formules rythmiques à son compte, Sans batterie il devient à coup de basses roulées le garant de la marque des temps pour mieux baliser le « breeze », comme le rythme d’une respiration (Gold Junkies). Voire le mouvement continu façon véhicule roulant inexorablement sur l’asphalte (Let me love you) Sur Lilies, titre éponyme de l’album (paru sur le label Pias) le piano placé en premier plan illustre en notes égrainées claires l’histoire d’un homme de mystère. Mélanie Di Biasio joue sur les mots chantés, susurrés ou slamés comme sur l’évidence de ses mélodies. Simplement faut-il encore entrer dans l’univers ainsi créé. Et pouvoir (vouloir ?) sur ce seul registre goûter au pouvoir d’installer un tempo, une échelle mouvante de rythmes simples, naturels. Dès lors seulement une certaine magie joue à plein, capte l’attention via un feeling, par le transport d’un swing évident, avec l’aide d’une batterie ou pas (superbe version d‘Afro Blue) De quoi chez la chanteuse et musicienne wallonne de Charleroi apprécier également une façon bien personnelle en live de prolonger par le souffle de la flûte un art consommé de la mélodie toute simple. Sans doute faut-il comprendre sinon expliciter ainsi ce commentaire très brut de décoffrage (en mode d’oxymore ?) entendu au final du concert biarrot de la part d’un spectateur littéralement bluffé par la prestation « Cette nana joue sur un intimisme effrayant ! »
Robert Latxague