Boby Lapointe à Jazz aux Écluses
Première des deux journées de Jazz aux Écluses au nord de Rennes sur le canal de l’Ille et Rance. On y a entendu une bataille de big band, Pierre Durand en solo, Didier Ithursarry donner la répllique à Kristof Hiriart, André Minvielle chanter Boby Lapointe sur des orchestrations de Jean-Marie Machado.
Écluse de la Madeleine, Festival Jazz aux Écluses, Hédé-Bazouges (35), le 22 septembre 2012.
Battle Breizh Big Band : Big band universitaire de Rennes dirigé par Erwan Boivent, Initial Big Band dirigé par Jacques Goyet.
Pierre Durand (guitare électrique).
Bilika : Kristof Hiriart (chant, percussions), Didier Ithursarry (accordéon).
La Fête à Boby par André Minvielle (chant) et Jean-Marie Machado (direction, arrangements, compositions, piano) avec Danzas : Gueorgui Kornazov (trombone), Joce Mienniel (flûte), Jean-Frédéric Couderc (saxophones), Didier Ithursarry (accordéon), François Thuillier (tuba), Éric Échampard (batterie, percussions, xylophone), Jean-Marc Quillet (percussions, claviers percutés).
Ce que l’on voit d’abord en arrivant sur le site, ce sont les enfants. Puis les panneaux indiquant bar à vin, huîtres, galette-saucisse… mais celui que l’on lit en priorité, c’est Bonbons. La veille au Club 1988, présentant le festival, Guillaume Saint-James avait dit : « Venez avec vos enfants. » Et les enfants sont là, partout, et parallèlement aux concerts, on sent bien qu’il se passe des chose auxquels je n’ai pas prêté attention parce que je ne suis pas là pour ça, mais le programme évoque les deux associations impliquées : Regards sur mômes et Sitala. Ensuite, on remarque les bénévoles qui vont qui viennent, qui portent et déposent, qui montent et démontent… et parmi eux – tiens !? – le trombonise Jean-Louis Pommier venu en ami et qui a été réquisitionné pour assurer le relevé des caisses des différents stands, plus Catherine et Guillaume Saint-James, au four et au moulin, mais détendus et disponibles. Ambiance de fête au village, un festival à taille humaine. On aperçoit un chapiteau, des baraquements et cherchant à rejoindre un deuxième chapiteau plus loin, on découvre le bassin qui nous en sépare, où la péniche Neptune se trouve à quai. Elle sert de loges aux musiciens.
Bataille
De part et d’autre de l’écluse en contrebas, deux big bands s’installent et je me rends en aval de l’écluse et en amont du bassin dit de la Magdeleine sur un petit pont de pierre pour observer la scène de plus près. Tandis que la porte aval de l’écluse se referme sur une embarcation, des clameurs s’élèvent sur les deux rives et je vois bientôt émerger avec la montée des eaux, une barge où les chefs de chacun des deux orchestres haranguent leurs troupes respectives qui se menacent du geste et de la voix… La Battle Breizh Big Band peut commencer. Rive droite, le Big band universitaire de Rennes dirigé par le guitariste Erwan Boivent (que nous écoutions hier au club 1988). Ce dernier s’est déguisé en shérif, colts à la ceinture et chapeau ad hoc mais, sur le quai, seule la rythmique a joué le jeu de ce western musical et leurs invectives estudiantines ne pèsent pas lourd faces aux “hakas” de l’équipe adversaire, bandeau dans les cheveux, peintures de guerre et tenues noires, la cinquantaine velue et hirsute, la caisse de pinard à portée de main et le tire-bouchon au poing. On sent un mélange d’imaginaire et de vécu nourri de la vie des “Saints” de l’Histoire du jazz, des bals et des fanfares des Beaux Arts. Concert festif au cours duquel chacun dégaine à son tour, le Big band universitaire de Rennes tirant d’un répertoire varié – de Duke Ellington à Herbie Hancock (CD autoproduit “Straight Ahead”) – ses partitions les plus swing qui font se lever leurs amis danseurs de l’association Hopn’ Swing. L’Initial Big répond par une esthétique plus moderne et des détours par le jazz vocale et les rythmes latins. Pas facile de trouver le bon emplacement pour entendre idéalement les uns et les autres et j’arpente le pont d’un morceau à l’autre pour saisir leur musique qui se perd dans l’enfilade des écluses et des bassins aperçus au loin. Pas facile non plus de se lancer à froid en plein air sur un instrument à vent et les vieux briscards de l’Initial ne sont pas les plus armés pour donner collectivement de la gueule, dans la mesure où leur disposition très étale sur la berge éloigne les cuivres des saxes, séparés par la batterie. Faute de bien s’entendre, leur mise en place laisse à désirer, tandis que nos universitaires leur font face avec un son, certes imberbe, mais plus cohérent. Ayant quitté les lieux prématurément, lorsque je poserai la question du vainqueur, on me répondra : « Le vainqueur ? Mais c’est l’amour de la musique. »
Coltrane dans les bayous
Je quitte donc ces réjouissances bon enfant pour réentendre Pierre Durand brièvement entendu la veille. Ses deux concerts de l’après-midi étaient prévus sur la Péniche-spectacle, à quai à Rennes lorsqu’elle ne navigue pas sur le canal. Mais elle a connu des avaries et se trouve immobilisée. C’est donc sous chapiteau que Pierre Durand annonce Coltrane qui ouvre de manière inattendu le disque “Nola“Nola” que lui a inspiré son séjour à la Nouvelle-Orléans au cours duquel il s’est enfermé seul dans un studio pour improviser sur ses impressions de voyage. L’un des plus vives parmi celles qui se sont imposées à lui, c’est de découvrir une ville échappant à ses clichés, où toutes les musiques se brassent. Aussi s’est-il souvenu de cette aspiration de Coltrane à jouer toutes les musiques en une seule note lorsqu’il a improvisé cet étrange raga louisianais baptisé Coltrane. Le répertoire solo de Pierre Durand se visite comme un songe où il faut savoir se perdre, ouvrir les portes qui s’ouvrent sur d’autres portes, et, après avoir traversé mille allusions insaisissables et d’improbables bayous, on se demande comment on a bien pu en arriver à ce Body and Soul en version swamp, tandis que le vieux standard de Sigmund Romberg When I Grow to Old to Dream prend des allures country. Mais du country au blues il n’y a qu’un pas que Durant franchit constamment, donnant de lui-même de la voix pour chanter Jesus Le
ft Chicago dans un idiome qui fut celui par lequel il aborda la musique.
À la basquaise
Changement d’univers sous le grand chapiteau où, au sein du duo Bilika, Didier Ithursary donne la réplique au chanteur Kristof Hiriart. Chants anciens basques où il est question de la mort, de l’amour, du sexe, de la douleur, de la joie… Avec une générosité du verbe et de la voix qui est commune à certaines traditions par opposition à d’autres plus fermées, plus pincées, plus tendues, plus retenues… Je pense à la gwerz bretonne ou au sean nos irlandais. Est-ce la soleil qui ouvre les voix, le relief, le perte de vue des sommets et la résonance des vallées, le rôle des prêtres… ? Kristof Hiriart évoque évidemment Benat Achiary, mais sans ce qui ne m’y plaît pas, une forme de kitsch qu’Hiriart garde à distance. Ses percussions, ses cris, ses sifflets, son chant, ses onomatopées donnent de la voix à tout un pays, à ses êtres vivants (bêtes et humains) comme au vent et à l’orage, un peu comme l’Hermeto Pascoal de Sao Jorge. Et le soufflet de Didier Ithursary lui répond avec une égale générosité. J’aimerais pouvoir écrire à cet instant comme Colette dans le quotidien Gil Blas du 2 février 1903, « les gens de métier vous diront pourquoi s’est beau. Moi, je ne suis que Claudine et le plus souvent je subis la beauté avec accablement, sans l’analyse. »
La fête à Boby
Une galette saucisse plus tard (côté frites, Jazz aux écluses a des leçons à prendre de Arts des villes et arts de champs de Malguénac… j’imagine le regard moqueur et dédaigneux de nos amis du Sud-Ouest amateurs de foie gras et de corrida), dans le même chapiteau, Jean-Marie Machado à la tête de Danzas présente sa Fête à Bobby avec André Minvielle dans le rôle de Boby. Abordé avec perplexité, le disque (à paraître courant octobre) m’a réjouit, dans une juste proximité-distance d’avec l’original, André Minvielle étant certes le chanteur idéal pour le sujet. Le concert est encore vert. Balance trop vite faite m’a-t-on soufflé (les horaires d’un festival sont impitoyables), certes… Écoute excentré, certes. Mais le problème de sono ne tient pas qu’à ça. Est-ce qu’on sonorise un chanteur avec orchestre ou un orchestre avec chanteur, ce qui semble être l’option retenue, d’où des paroles inaudibles. Acquis, le public s’en brosse, qui reprendrait presque en chœur. Problème de sono ? Conception générale du spectacle qui, s’il convainc sur disque, doit encore se trouver sur scène. Et Minvielle a beau nous dire qu’il préfère “lire” Lapointe « pour rendre hommage à l’auteur », il saurait ses textes, il les chanterait avec plus de clareté et de conviction. Répertoire réjouissant mais difficile, et pas encore complètement assumé par l’orchestre avec des remplaçants (Frédéric Couderc et Eric Echampard) et quelques gros savonnages. Une raison d’être à se trouver encore sur scène sans ce rapport proximité-distance, partition-improvisation, où le spectacle décolle dans deux originaux… au risque de se perdre. Nombreux, ravi, le public en redemande… Et l’on a fini par se laisser gagner par son enthousiasme.
Franck Bergerot
Cette après-midi : Bojan Z solo, Emmanuel Bex Open Gate Trio (Francesco Bearzatti, Simon Goubert), Journal Intime joue Jimi Hendrix, Lazy Budies, l’école de musique du Val d’Ille, 20 violoncellistes… onze écluses.
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Première des deux journées de Jazz aux Écluses au nord de Rennes sur le canal de l’Ille et Rance. On y a entendu une bataille de big band, Pierre Durand en solo, Didier Ithursarry donner la répllique à Kristof Hiriart, André Minvielle chanter Boby Lapointe sur des orchestrations de Jean-Marie Machado.
Écluse de la Madeleine, Festival Jazz aux Écluses, Hédé-Bazouges (35), le 22 septembre 2012.
Battle Breizh Big Band : Big band universitaire de Rennes dirigé par Erwan Boivent, Initial Big Band dirigé par Jacques Goyet.
Pierre Durand (guitare électrique).
Bilika : Kristof Hiriart (chant, percussions), Didier Ithursarry (accordéon).
La Fête à Boby par André Minvielle (chant) et Jean-Marie Machado (direction, arrangements, compositions, piano) avec Danzas : Gueorgui Kornazov (trombone), Joce Mienniel (flûte), Jean-Frédéric Couderc (saxophones), Didier Ithursarry (accordéon), François Thuillier (tuba), Éric Échampard (batterie, percussions, xylophone), Jean-Marc Quillet (percussions, claviers percutés).
Ce que l’on voit d’abord en arrivant sur le site, ce sont les enfants. Puis les panneaux indiquant bar à vin, huîtres, galette-saucisse… mais celui que l’on lit en priorité, c’est Bonbons. La veille au Club 1988, présentant le festival, Guillaume Saint-James avait dit : « Venez avec vos enfants. » Et les enfants sont là, partout, et parallèlement aux concerts, on sent bien qu’il se passe des chose auxquels je n’ai pas prêté attention parce que je ne suis pas là pour ça, mais le programme évoque les deux associations impliquées : Regards sur mômes et Sitala. Ensuite, on remarque les bénévoles qui vont qui viennent, qui portent et déposent, qui montent et démontent… et parmi eux – tiens !? – le trombonise Jean-Louis Pommier venu en ami et qui a été réquisitionné pour assurer le relevé des caisses des différents stands, plus Catherine et Guillaume Saint-James, au four et au moulin, mais détendus et disponibles. Ambiance de fête au village, un festival à taille humaine. On aperçoit un chapiteau, des baraquements et cherchant à rejoindre un deuxième chapiteau plus loin, on découvre le bassin qui nous en sépare, où la péniche Neptune se trouve à quai. Elle sert de loges aux musiciens.
Bataille
De part et d’autre de l’écluse en contrebas, deux big bands s’installent et je me rends en aval de l’écluse et en amont du bassin dit de la Magdeleine sur un petit pont de pierre pour observer la scène de plus près. Tandis que la porte aval de l’écluse se referme sur une embarcation, des clameurs s’élèvent sur les deux rives et je vois bientôt émerger avec la montée des eaux, une barge où les chefs de chacun des deux orchestres haranguent leurs troupes respectives qui se menacent du geste et de la voix… La Battle Breizh Big Band peut commencer. Rive droite, le Big band universitaire de Rennes dirigé par le guitariste Erwan Boivent (que nous écoutions hier au club 1988). Ce dernier s’est déguisé en shérif, colts à la ceinture et chapeau ad hoc mais, sur le quai, seule la rythmique a joué le jeu de ce western musical et leurs invectives estudiantines ne pèsent pas lourd faces aux “hakas” de l’équipe adversaire, bandeau dans les cheveux, peintures de guerre et tenues noires, la cinquantaine velue et hirsute, la caisse de pinard à portée de main et le tire-bouchon au poing. On sent un mélange d’imaginaire et de vécu nourri de la vie des “Saints” de l’Histoire du jazz, des bals et des fanfares des Beaux Arts. Concert festif au cours duquel chacun dégaine à son tour, le Big band universitaire de Rennes tirant d’un répertoire varié – de Duke Ellington à Herbie Hancock (CD autoproduit “Straight Ahead”) – ses partitions les plus swing qui font se lever leurs amis danseurs de l’association Hopn’ Swing. L’Initial Big répond par une esthétique plus moderne et des détours par le jazz vocale et les rythmes latins. Pas facile de trouver le bon emplacement pour entendre idéalement les uns et les autres et j’arpente le pont d’un morceau à l’autre pour saisir leur musique qui se perd dans l’enfilade des écluses et des bassins aperçus au loin. Pas facile non plus de se lancer à froid en plein air sur un instrument à vent et les vieux briscards de l’Initial ne sont pas les plus armés pour donner collectivement de la gueule, dans la mesure où leur disposition très étale sur la berge éloigne les cuivres des saxes, séparés par la batterie. Faute de bien s’entendre, leur mise en place laisse à désirer, tandis que nos universitaires leur font face avec un son, certes imberbe, mais plus cohérent. Ayant quitté les lieux prématurément, lorsque je poserai la question du vainqueur, on me répondra : « Le vainqueur ? Mais c’est l’amour de la musique. »
Coltrane dans les bayous
Je quitte donc ces réjouissances bon enfant pour réentendre Pierre Durand brièvement entendu la veille. Ses deux concerts de l’après-midi étaient prévus sur la Péniche-spectacle, à quai à Rennes lorsqu’elle ne navigue pas sur le canal. Mais elle a connu des avaries et se trouve immobilisée. C’est donc sous chapiteau que Pierre Durand annonce Coltrane qui ouvre de manière inattendu le disque “Nola“Nola” que lui a inspiré son séjour à la Nouvelle-Orléans au cours duquel il s’est enfermé seul dans un studio pour improviser sur ses impressions de voyage. L’un des plus vives parmi celles qui se sont imposées à lui, c’est de découvrir une ville échappant à ses clichés, où toutes les musiques se brassent. Aussi s’est-il souvenu de cette aspiration de Coltrane à jouer toutes les musiques en une seule note lorsqu’il a improvisé cet étrange raga louisianais baptisé Coltrane. Le répertoire solo de Pierre Durand se visite comme un songe où il faut savoir se perdre, ouvrir les portes qui s’ouvrent sur d’autres portes, et, après avoir traversé mille allusions insaisissables et d’improbables bayous, on se demande comment on a bien pu en arriver à ce Body and Soul en version swamp, tandis que le vieux standard de Sigmund Romberg When I Grow to Old to Dream prend des allures country. Mais du country au blues il n’y a qu’un pas que Durant franchit constamment, donnant de lui-même de la voix pour chanter Jesus Le
ft Chicago dans un idiome qui fut celui par lequel il aborda la musique.
À la basquaise
Changement d’univers sous le grand chapiteau où, au sein du duo Bilika, Didier Ithursary donne la réplique au chanteur Kristof Hiriart. Chants anciens basques où il est question de la mort, de l’amour, du sexe, de la douleur, de la joie… Avec une générosité du verbe et de la voix qui est commune à certaines traditions par opposition à d’autres plus fermées, plus pincées, plus tendues, plus retenues… Je pense à la gwerz bretonne ou au sean nos irlandais. Est-ce la soleil qui ouvre les voix, le relief, le perte de vue des sommets et la résonance des vallées, le rôle des prêtres… ? Kristof Hiriart évoque évidemment Benat Achiary, mais sans ce qui ne m’y plaît pas, une forme de kitsch qu’Hiriart garde à distance. Ses percussions, ses cris, ses sifflets, son chant, ses onomatopées donnent de la voix à tout un pays, à ses êtres vivants (bêtes et humains) comme au vent et à l’orage, un peu comme l’Hermeto Pascoal de Sao Jorge. Et le soufflet de Didier Ithursary lui répond avec une égale générosité. J’aimerais pouvoir écrire à cet instant comme Colette dans le quotidien Gil Blas du 2 février 1903, « les gens de métier vous diront pourquoi s’est beau. Moi, je ne suis que Claudine et le plus souvent je subis la beauté avec accablement, sans l’analyse. »
La fête à Boby
Une galette saucisse plus tard (côté frites, Jazz aux écluses a des leçons à prendre de Arts des villes et arts de champs de Malguénac… j’imagine le regard moqueur et dédaigneux de nos amis du Sud-Ouest amateurs de foie gras et de corrida), dans le même chapiteau, Jean-Marie Machado à la tête de Danzas présente sa Fête à Bobby avec André Minvielle dans le rôle de Boby. Abordé avec perplexité, le disque (à paraître courant octobre) m’a réjouit, dans une juste proximité-distance d’avec l’original, André Minvielle étant certes le chanteur idéal pour le sujet. Le concert est encore vert. Balance trop vite faite m’a-t-on soufflé (les horaires d’un festival sont impitoyables), certes… Écoute excentré, certes. Mais le problème de sono ne tient pas qu’à ça. Est-ce qu’on sonorise un chanteur avec orchestre ou un orchestre avec chanteur, ce qui semble être l’option retenue, d’où des paroles inaudibles. Acquis, le public s’en brosse, qui reprendrait presque en chœur. Problème de sono ? Conception générale du spectacle qui, s’il convainc sur disque, doit encore se trouver sur scène. Et Minvielle a beau nous dire qu’il préfère “lire” Lapointe « pour rendre hommage à l’auteur », il saurait ses textes, il les chanterait avec plus de clareté et de conviction. Répertoire réjouissant mais difficile, et pas encore complètement assumé par l’orchestre avec des remplaçants (Frédéric Couderc et Eric Echampard) et quelques gros savonnages. Une raison d’être à se trouver encore sur scène sans ce rapport proximité-distance, partition-improvisation, où le spectacle décolle dans deux originaux… au risque de se perdre. Nombreux, ravi, le public en redemande… Et l’on a fini par se laisser gagner par son enthousiasme.
Franck Bergerot
Cette après-midi : Bojan Z solo, Emmanuel Bex Open Gate Trio (Francesco Bearzatti, Simon Goubert), Journal Intime joue Jimi Hendrix, Lazy Budies, l’école de musique du Val d’Ille, 20 violoncellistes… onze écluses.
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Première des deux journées de Jazz aux Écluses au nord de Rennes sur le canal de l’Ille et Rance. On y a entendu une bataille de big band, Pierre Durand en solo, Didier Ithursarry donner la répllique à Kristof Hiriart, André Minvielle chanter Boby Lapointe sur des orchestrations de Jean-Marie Machado.
Écluse de la Madeleine, Festival Jazz aux Écluses, Hédé-Bazouges (35), le 22 septembre 2012.
Battle Breizh Big Band : Big band universitaire de Rennes dirigé par Erwan Boivent, Initial Big Band dirigé par Jacques Goyet.
Pierre Durand (guitare électrique).
Bilika : Kristof Hiriart (chant, percussions), Didier Ithursarry (accordéon).
La Fête à Boby par André Minvielle (chant) et Jean-Marie Machado (direction, arrangements, compositions, piano) avec Danzas : Gueorgui Kornazov (trombone), Joce Mienniel (flûte), Jean-Frédéric Couderc (saxophones), Didier Ithursarry (accordéon), François Thuillier (tuba), Éric Échampard (batterie, percussions, xylophone), Jean-Marc Quillet (percussions, claviers percutés).
Ce que l’on voit d’abord en arrivant sur le site, ce sont les enfants. Puis les panneaux indiquant bar à vin, huîtres, galette-saucisse… mais celui que l’on lit en priorité, c’est Bonbons. La veille au Club 1988, présentant le festival, Guillaume Saint-James avait dit : « Venez avec vos enfants. » Et les enfants sont là, partout, et parallèlement aux concerts, on sent bien qu’il se passe des chose auxquels je n’ai pas prêté attention parce que je ne suis pas là pour ça, mais le programme évoque les deux associations impliquées : Regards sur mômes et Sitala. Ensuite, on remarque les bénévoles qui vont qui viennent, qui portent et déposent, qui montent et démontent… et parmi eux – tiens !? – le trombonise Jean-Louis Pommier venu en ami et qui a été réquisitionné pour assurer le relevé des caisses des différents stands, plus Catherine et Guillaume Saint-James, au four et au moulin, mais détendus et disponibles. Ambiance de fête au village, un festival à taille humaine. On aperçoit un chapiteau, des baraquements et cherchant à rejoindre un deuxième chapiteau plus loin, on découvre le bassin qui nous en sépare, où la péniche Neptune se trouve à quai. Elle sert de loges aux musiciens.
Bataille
De part et d’autre de l’écluse en contrebas, deux big bands s’installent et je me rends en aval de l’écluse et en amont du bassin dit de la Magdeleine sur un petit pont de pierre pour observer la scène de plus près. Tandis que la porte aval de l’écluse se referme sur une embarcation, des clameurs s’élèvent sur les deux rives et je vois bientôt émerger avec la montée des eaux, une barge où les chefs de chacun des deux orchestres haranguent leurs troupes respectives qui se menacent du geste et de la voix… La Battle Breizh Big Band peut commencer. Rive droite, le Big band universitaire de Rennes dirigé par le guitariste Erwan Boivent (que nous écoutions hier au club 1988). Ce dernier s’est déguisé en shérif, colts à la ceinture et chapeau ad hoc mais, sur le quai, seule la rythmique a joué le jeu de ce western musical et leurs invectives estudiantines ne pèsent pas lourd faces aux “hakas” de l’équipe adversaire, bandeau dans les cheveux, peintures de guerre et tenues noires, la cinquantaine velue et hirsute, la caisse de pinard à portée de main et le tire-bouchon au poing. On sent un mélange d’imaginaire et de vécu nourri de la vie des “Saints” de l’Histoire du jazz, des bals et des fanfares des Beaux Arts. Concert festif au cours duquel chacun dégaine à son tour, le Big band universitaire de Rennes tirant d’un répertoire varié – de Duke Ellington à Herbie Hancock (CD autoproduit “Straight Ahead”) – ses partitions les plus swing qui font se lever leurs amis danseurs de l’association Hopn’ Swing. L’Initial Big répond par une esthétique plus moderne et des détours par le jazz vocale et les rythmes latins. Pas facile de trouver le bon emplacement pour entendre idéalement les uns et les autres et j’arpente le pont d’un morceau à l’autre pour saisir leur musique qui se perd dans l’enfilade des écluses et des bassins aperçus au loin. Pas facile non plus de se lancer à froid en plein air sur un instrument à vent et les vieux briscards de l’Initial ne sont pas les plus armés pour donner collectivement de la gueule, dans la mesure où leur disposition très étale sur la berge éloigne les cuivres des saxes, séparés par la batterie. Faute de bien s’entendre, leur mise en place laisse à désirer, tandis que nos universitaires leur font face avec un son, certes imberbe, mais plus cohérent. Ayant quitté les lieux prématurément, lorsque je poserai la question du vainqueur, on me répondra : « Le vainqueur ? Mais c’est l’amour de la musique. »
Coltrane dans les bayous
Je quitte donc ces réjouissances bon enfant pour réentendre Pierre Durand brièvement entendu la veille. Ses deux concerts de l’après-midi étaient prévus sur la Péniche-spectacle, à quai à Rennes lorsqu’elle ne navigue pas sur le canal. Mais elle a connu des avaries et se trouve immobilisée. C’est donc sous chapiteau que Pierre Durand annonce Coltrane qui ouvre de manière inattendu le disque “Nola“Nola” que lui a inspiré son séjour à la Nouvelle-Orléans au cours duquel il s’est enfermé seul dans un studio pour improviser sur ses impressions de voyage. L’un des plus vives parmi celles qui se sont imposées à lui, c’est de découvrir une ville échappant à ses clichés, où toutes les musiques se brassent. Aussi s’est-il souvenu de cette aspiration de Coltrane à jouer toutes les musiques en une seule note lorsqu’il a improvisé cet étrange raga louisianais baptisé Coltrane. Le répertoire solo de Pierre Durand se visite comme un songe où il faut savoir se perdre, ouvrir les portes qui s’ouvrent sur d’autres portes, et, après avoir traversé mille allusions insaisissables et d’improbables bayous, on se demande comment on a bien pu en arriver à ce Body and Soul en version swamp, tandis que le vieux standard de Sigmund Romberg When I Grow to Old to Dream prend des allures country. Mais du country au blues il n’y a qu’un pas que Durant franchit constamment, donnant de lui-même de la voix pour chanter Jesus Le
ft Chicago dans un idiome qui fut celui par lequel il aborda la musique.
À la basquaise
Changement d’univers sous le grand chapiteau où, au sein du duo Bilika, Didier Ithursary donne la réplique au chanteur Kristof Hiriart. Chants anciens basques où il est question de la mort, de l’amour, du sexe, de la douleur, de la joie… Avec une générosité du verbe et de la voix qui est commune à certaines traditions par opposition à d’autres plus fermées, plus pincées, plus tendues, plus retenues… Je pense à la gwerz bretonne ou au sean nos irlandais. Est-ce la soleil qui ouvre les voix, le relief, le perte de vue des sommets et la résonance des vallées, le rôle des prêtres… ? Kristof Hiriart évoque évidemment Benat Achiary, mais sans ce qui ne m’y plaît pas, une forme de kitsch qu’Hiriart garde à distance. Ses percussions, ses cris, ses sifflets, son chant, ses onomatopées donnent de la voix à tout un pays, à ses êtres vivants (bêtes et humains) comme au vent et à l’orage, un peu comme l’Hermeto Pascoal de Sao Jorge. Et le soufflet de Didier Ithursary lui répond avec une égale générosité. J’aimerais pouvoir écrire à cet instant comme Colette dans le quotidien Gil Blas du 2 février 1903, « les gens de métier vous diront pourquoi s’est beau. Moi, je ne suis que Claudine et le plus souvent je subis la beauté avec accablement, sans l’analyse. »
La fête à Boby
Une galette saucisse plus tard (côté frites, Jazz aux écluses a des leçons à prendre de Arts des villes et arts de champs de Malguénac… j’imagine le regard moqueur et dédaigneux de nos amis du Sud-Ouest amateurs de foie gras et de corrida), dans le même chapiteau, Jean-Marie Machado à la tête de Danzas présente sa Fête à Bobby avec André Minvielle dans le rôle de Boby. Abordé avec perplexité, le disque (à paraître courant octobre) m’a réjouit, dans une juste proximité-distance d’avec l’original, André Minvielle étant certes le chanteur idéal pour le sujet. Le concert est encore vert. Balance trop vite faite m’a-t-on soufflé (les horaires d’un festival sont impitoyables), certes… Écoute excentré, certes. Mais le problème de sono ne tient pas qu’à ça. Est-ce qu’on sonorise un chanteur avec orchestre ou un orchestre avec chanteur, ce qui semble être l’option retenue, d’où des paroles inaudibles. Acquis, le public s’en brosse, qui reprendrait presque en chœur. Problème de sono ? Conception générale du spectacle qui, s’il convainc sur disque, doit encore se trouver sur scène. Et Minvielle a beau nous dire qu’il préfère “lire” Lapointe « pour rendre hommage à l’auteur », il saurait ses textes, il les chanterait avec plus de clareté et de conviction. Répertoire réjouissant mais difficile, et pas encore complètement assumé par l’orchestre avec des remplaçants (Frédéric Couderc et Eric Echampard) et quelques gros savonnages. Une raison d’être à se trouver encore sur scène sans ce rapport proximité-distance, partition-improvisation, où le spectacle décolle dans deux originaux… au risque de se perdre. Nombreux, ravi, le public en redemande… Et l’on a fini par se laisser gagner par son enthousiasme.
Franck Bergerot
Cette après-midi : Bojan Z solo, Emmanuel Bex Open Gate Trio (Francesco Bearzatti, Simon Goubert), Journal Intime joue Jimi Hendrix, Lazy Budies, l’école de musique du Val d’Ille, 20 violoncellistes… onze écluses.
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Première des deux journées de Jazz aux Écluses au nord de Rennes sur le canal de l’Ille et Rance. On y a entendu une bataille de big band, Pierre Durand en solo, Didier Ithursarry donner la répllique à Kristof Hiriart, André Minvielle chanter Boby Lapointe sur des orchestrations de Jean-Marie Machado.
Écluse de la Madeleine, Festival Jazz aux Écluses, Hédé-Bazouges (35), le 22 septembre 2012.
Battle Breizh Big Band : Big band universitaire de Rennes dirigé par Erwan Boivent, Initial Big Band dirigé par Jacques Goyet.
Pierre Durand (guitare électrique).
Bilika : Kristof Hiriart (chant, percussions), Didier Ithursarry (accordéon).
La Fête à Boby par André Minvielle (chant) et Jean-Marie Machado (direction, arrangements, compositions, piano) avec Danzas : Gueorgui Kornazov (trombone), Joce Mienniel (flûte), Jean-Frédéric Couderc (saxophones), Didier Ithursarry (accordéon), François Thuillier (tuba), Éric Échampard (batterie, percussions, xylophone), Jean-Marc Quillet (percussions, claviers percutés).
Ce que l’on voit d’abord en arrivant sur le site, ce sont les enfants. Puis les panneaux indiquant bar à vin, huîtres, galette-saucisse… mais celui que l’on lit en priorité, c’est Bonbons. La veille au Club 1988, présentant le festival, Guillaume Saint-James avait dit : « Venez avec vos enfants. » Et les enfants sont là, partout, et parallèlement aux concerts, on sent bien qu’il se passe des chose auxquels je n’ai pas prêté attention parce que je ne suis pas là pour ça, mais le programme évoque les deux associations impliquées : Regards sur mômes et Sitala. Ensuite, on remarque les bénévoles qui vont qui viennent, qui portent et déposent, qui montent et démontent… et parmi eux – tiens !? – le trombonise Jean-Louis Pommier venu en ami et qui a été réquisitionné pour assurer le relevé des caisses des différents stands, plus Catherine et Guillaume Saint-James, au four et au moulin, mais détendus et disponibles. Ambiance de fête au village, un festival à taille humaine. On aperçoit un chapiteau, des baraquements et cherchant à rejoindre un deuxième chapiteau plus loin, on découvre le bassin qui nous en sépare, où la péniche Neptune se trouve à quai. Elle sert de loges aux musiciens.
Bataille
De part et d’autre de l’écluse en contrebas, deux big bands s’installent et je me rends en aval de l’écluse et en amont du bassin dit de la Magdeleine sur un petit pont de pierre pour observer la scène de plus près. Tandis que la porte aval de l’écluse se referme sur une embarcation, des clameurs s’élèvent sur les deux rives et je vois bientôt émerger avec la montée des eaux, une barge où les chefs de chacun des deux orchestres haranguent leurs troupes respectives qui se menacent du geste et de la voix… La Battle Breizh Big Band peut commencer. Rive droite, le Big band universitaire de Rennes dirigé par le guitariste Erwan Boivent (que nous écoutions hier au club 1988). Ce dernier s’est déguisé en shérif, colts à la ceinture et chapeau ad hoc mais, sur le quai, seule la rythmique a joué le jeu de ce western musical et leurs invectives estudiantines ne pèsent pas lourd faces aux “hakas” de l’équipe adversaire, bandeau dans les cheveux, peintures de guerre et tenues noires, la cinquantaine velue et hirsute, la caisse de pinard à portée de main et le tire-bouchon au poing. On sent un mélange d’imaginaire et de vécu nourri de la vie des “Saints” de l’Histoire du jazz, des bals et des fanfares des Beaux Arts. Concert festif au cours duquel chacun dégaine à son tour, le Big band universitaire de Rennes tirant d’un répertoire varié – de Duke Ellington à Herbie Hancock (CD autoproduit “Straight Ahead”) – ses partitions les plus swing qui font se lever leurs amis danseurs de l’association Hopn’ Swing. L’Initial Big répond par une esthétique plus moderne et des détours par le jazz vocale et les rythmes latins. Pas facile de trouver le bon emplacement pour entendre idéalement les uns et les autres et j’arpente le pont d’un morceau à l’autre pour saisir leur musique qui se perd dans l’enfilade des écluses et des bassins aperçus au loin. Pas facile non plus de se lancer à froid en plein air sur un instrument à vent et les vieux briscards de l’Initial ne sont pas les plus armés pour donner collectivement de la gueule, dans la mesure où leur disposition très étale sur la berge éloigne les cuivres des saxes, séparés par la batterie. Faute de bien s’entendre, leur mise en place laisse à désirer, tandis que nos universitaires leur font face avec un son, certes imberbe, mais plus cohérent. Ayant quitté les lieux prématurément, lorsque je poserai la question du vainqueur, on me répondra : « Le vainqueur ? Mais c’est l’amour de la musique. »
Coltrane dans les bayous
Je quitte donc ces réjouissances bon enfant pour réentendre Pierre Durand brièvement entendu la veille. Ses deux concerts de l’après-midi étaient prévus sur la Péniche-spectacle, à quai à Rennes lorsqu’elle ne navigue pas sur le canal. Mais elle a connu des avaries et se trouve immobilisée. C’est donc sous chapiteau que Pierre Durand annonce Coltrane qui ouvre de manière inattendu le disque “Nola“Nola” que lui a inspiré son séjour à la Nouvelle-Orléans au cours duquel il s’est enfermé seul dans un studio pour improviser sur ses impressions de voyage. L’un des plus vives parmi celles qui se sont imposées à lui, c’est de découvrir une ville échappant à ses clichés, où toutes les musiques se brassent. Aussi s’est-il souvenu de cette aspiration de Coltrane à jouer toutes les musiques en une seule note lorsqu’il a improvisé cet étrange raga louisianais baptisé Coltrane. Le répertoire solo de Pierre Durand se visite comme un songe où il faut savoir se perdre, ouvrir les portes qui s’ouvrent sur d’autres portes, et, après avoir traversé mille allusions insaisissables et d’improbables bayous, on se demande comment on a bien pu en arriver à ce Body and Soul en version swamp, tandis que le vieux standard de Sigmund Romberg When I Grow to Old to Dream prend des allures country. Mais du country au blues il n’y a qu’un pas que Durant franchit constamment, donnant de lui-même de la voix pour chanter Jesus Le
ft Chicago dans un idiome qui fut celui par lequel il aborda la musique.
À la basquaise
Changement d’univers sous le grand chapiteau où, au sein du duo Bilika, Didier Ithursary donne la réplique au chanteur Kristof Hiriart. Chants anciens basques où il est question de la mort, de l’amour, du sexe, de la douleur, de la joie… Avec une générosité du verbe et de la voix qui est commune à certaines traditions par opposition à d’autres plus fermées, plus pincées, plus tendues, plus retenues… Je pense à la gwerz bretonne ou au sean nos irlandais. Est-ce la soleil qui ouvre les voix, le relief, le perte de vue des sommets et la résonance des vallées, le rôle des prêtres… ? Kristof Hiriart évoque évidemment Benat Achiary, mais sans ce qui ne m’y plaît pas, une forme de kitsch qu’Hiriart garde à distance. Ses percussions, ses cris, ses sifflets, son chant, ses onomatopées donnent de la voix à tout un pays, à ses êtres vivants (bêtes et humains) comme au vent et à l’orage, un peu comme l’Hermeto Pascoal de Sao Jorge. Et le soufflet de Didier Ithursary lui répond avec une égale générosité. J’aimerais pouvoir écrire à cet instant comme Colette dans le quotidien Gil Blas du 2 février 1903, « les gens de métier vous diront pourquoi s’est beau. Moi, je ne suis que Claudine et le plus souvent je subis la beauté avec accablement, sans l’analyse. »
La fête à Boby
Une galette saucisse plus tard (côté frites, Jazz aux écluses a des leçons à prendre de Arts des villes et arts de champs de Malguénac… j’imagine le regard moqueur et dédaigneux de nos amis du Sud-Ouest amateurs de foie gras et de corrida), dans le même chapiteau, Jean-Marie Machado à la tête de Danzas présente sa Fête à Bobby avec André Minvielle dans le rôle de Boby. Abordé avec perplexité, le disque (à paraître courant octobre) m’a réjouit, dans une juste proximité-distance d’avec l’original, André Minvielle étant certes le chanteur idéal pour le sujet. Le concert est encore vert. Balance trop vite faite m’a-t-on soufflé (les horaires d’un festival sont impitoyables), certes… Écoute excentré, certes. Mais le problème de sono ne tient pas qu’à ça. Est-ce qu’on sonorise un chanteur avec orchestre ou un orchestre avec chanteur, ce qui semble être l’option retenue, d’où des paroles inaudibles. Acquis, le public s’en brosse, qui reprendrait presque en chœur. Problème de sono ? Conception générale du spectacle qui, s’il convainc sur disque, doit encore se trouver sur scène. Et Minvielle a beau nous dire qu’il préfère “lire” Lapointe « pour rendre hommage à l’auteur », il saurait ses textes, il les chanterait avec plus de clareté et de conviction. Répertoire réjouissant mais difficile, et pas encore complètement assumé par l’orchestre avec des remplaçants (Frédéric Couderc et Eric Echampard) et quelques gros savonnages. Une raison d’être à se trouver encore sur scène sans ce rapport proximité-distance, partition-improvisation, où le spectacle décolle dans deux originaux… au risque de se perdre. Nombreux, ravi, le public en redemande… Et l’on a fini par se laisser gagner par son enthousiasme.
Franck Bergerot
Cette après-midi : Bojan Z solo, Emmanuel Bex Open Gate Trio (Francesco Bearzatti, Simon Goubert), Journal Intime joue Jimi Hendrix, Lazy Budies, l’école de musique du Val d’Ille, 20 violoncellistes… onze écluses.