Bridge #7 & Caroline : free, sex and fun
Deux projets presque aux antipodes l’un de l’autre au Festival Sons d’hiver : la rencontre sur scène de musiciens n’ayant jamais ou quasi joué ensemble auparavant et un groupe constitué proposant avec le concours de deux invités des arrangements au millimètre des Sex Pistols. Deux occasions de se réjouir, pour des raisons bien différentes.
Dimanche 1e février 2015, Paris (14e), Théâtre de la Cité internationale
1e partie : The Bridge #7
Khari B. (spoken word), Magic Malik (fl, vx), Guillaume Orti (ss, as, bs), Frédéric Bargeon-Briet (cb), Tyshawn Sorey (btb, dm).
Renseignements pris à la fin du concert, les musiciens ont fait connaissance deux heures avant de monter sur scène (en dehors de Magic Malik et Guillaume Orti qui se connaissent bien). Et pourtant ! Voilà un concert qui ne fit que monter en puissance. Il faut dire que se trouvent réunis là des musiciens qui possèdent non seulement tous une forte personnalité instrumentale et musicale, mais qui pour la plupart ont développé une approche artistique singulière et à présent mûre.
C’est avec l’accordage que le concert débuta, manière comme une autre de se jeter dans le bain. Comme souvent lorsqu’il y a un vocaliste, il devient de facto le soliste, celui sur lequel se porte inévitablement l’attention. Le spoken word de Khabi B. produisit le même effet, à son corps défendant d’ailleurs. La musique – totalement improvisée, rappelons-le – transita via un solo de contrebasse vers un moment plus groovy : les esprits commencent à se connecter, à s’échauffer. Tout cela bouge ensuite sans cesse, la géométrie de cette formation muant au grès des instants : très beau trio flûte/contrebasse/batterie, cette dernière cédant sa place au saxophone alto bientôt rejoint par Khabi B., l’ensemble se transformant ensuite en quartette spoken word/voix de Magic Malik/sax alto/trombone, et ainsi de suite…
Une dimension laisse sans voix avec ce Bridge septième du nom : l’assurance. On ne sent ces musiciens douter à aucun moment, exception faite peut-être de Khabi B[1]. De ce fait, ce qui aurait pu n’être qu’un moment d’attente, une transition vers autre chose, se révèle finalement le début d’une phase répétitive aux voix superposées, Tyshawn Sorey liant l’ensemble par un de ces patterns rythmiques de hip hop au futur composé dont il a le secret. Je pense alors à Steve Coleman, ce qui n’est guère étonnant puisque le batteur a enregistré avec lui, tout comme les trois musiciens français ont tous soit étudié sa musique de très près, soit ont travaillé directement avec lui. De manière inattendue, cette séquence envoûtante déboucha sur une plage pointilliste, bien dans l’esprit d’un Roscoe Mitchell (Sorey étant alors justement au trombone basse).
Deux remarques pour refermer cette partie :
1) Parce qu’il a décidé de vivre à Brest, Frédéric Bargeon-Briet a un peu disparu des radars. Or, c’est un très grand contrebassiste ! L’entente avec Tyshawn Sorey fut admirable, lançant des grooves furieux, avec un son imposant le respect. Il était de l’aventure Hask dans les années 1990, and now he’s back!
2) À la fin du concert, quelques huées furent lancées depuis la salle. Quelqu’un, qui avait apprécié la performance, lança des noms d’oiseaux à l’un des siffleurs, en l’occurrence, une siffleuse. Des échanges s’ensuivirent, assez virulents, qui attirèrent Magic Malik. À sa vue, la dame d’un certain âge, remontée, lui lança : « votre concert m’a fait ch… et quelqu’un m’a insulté parce que je témoignais de cela. J’ai le droit d’exprimer mon opinion tout de même, on est en démocratie. Où est la musique dans ce qu’on vient d’entendre ? On a envie de se pendre plutôt qu’autre chose. » Réponse de Magic Malik avec un grand sourire : « Je comprends tout à fait qu’on puisse ne pas aimer une proposition artistique. Cela fait de toute façon réfléchir sur le pourquoi de cette aversion. »La Dame : « Ah je vous embrasse, tiens ! Vous, au moins, vous êtes tolérant. » La classe ce Magic !
2e partie : Sarah Murcia / Caroline + Mark Tompkins + Benoît Delbecq : « Never Mind the Future »
Mark Tompkins (vx, danse), Olivier Py (ss, ts), Gilles Coronado (elg), Benoît Delbecq (p, danse), Sarah Murcia (cb, elb, kb, vx), Franck Vaillant (dm).
Ne pas avoir de culture peut être un avantage. Hors de possession des références nécessaires, on reçoit un projet comme celui-ci sans véritables attentes, et l’on risque moins la déception. Connaissant très mal les Sex Pistols, je n’avais qu’une vague idée de ce qui m’attendait. Je me suis laissé convaincre par l’intelligence avec laquelle Sarah Murcia a su réaliser un projet artistique périlleux s’il en est : la reprise.
Sa réussite réside procède du numéro d’équilibriste : respecter l’esprit rock aux relents de contre-culture des Sex Pistols, tout en élargissant le champ des possibles esthétiques. C’est un peu ce que tout le monde souhaite réaliser, pourrait-on compléter. Certes. Où se trouve alors la clé imaginée par Sarah Murcia ? J’ai l’impression qu’il s’agit d’abord d’effets de surimpression. Par exemple, lorsqu’elle fait évoluer ensemble un duo très rock chant/guitare saturée avec le piano davantage du côté de la musique dite « savante » de Benoît Delbecq. Ce dernier est d’ailleurs le grain de sable poético-libertaire venant joyeusement enrayer la mécanique bien huilée, bien que parfois déconstructive, du power trio Coronado/Murcia/Vaillant[2]. À la surimpression, Sarah Murcia préfère parfois la rupture comme sur No Future où l’épisode central s’est vu assuré par un Olivier Py très Pharoah Sanders, le free rejoignant ici le punk. A l’image de Mark Tompkins (très bon), Benoît Delbecq se laissa même aller à quelques pas de danse.
Sarah Murcia n’a donc pas glissé sur la peau de cette banane qu’il faut déguster sur place. Chapeau !
Prochains concerts de The Bridge #7 :
– Nantes, le 04 février, au Pannonica
– Poitiers, le 05 février, au Carré bleu
– Avignon, le 06 février, à l’AJMI
– Vitrolles, le 07 février, au Moulin à Jazz
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Deux projets presque aux antipodes l’un de l’autre au Festival Sons d’hiver : la rencontre sur scène de musiciens n’ayant jamais ou quasi joué ensemble auparavant et un groupe constitué proposant avec le concours de deux invités des arrangements au millimètre des Sex Pistols. Deux occasions de se réjouir, pour des raisons bien différentes.
Dimanche 1e février 2015, Paris (14e), Théâtre de la Cité internationale
1e partie : The Bridge #7
Khari B. (spoken word), Magic Malik (fl, vx), Guillaume Orti (ss, as, bs), Frédéric Bargeon-Briet (cb), Tyshawn Sorey (btb, dm).
Renseignements pris à la fin du concert, les musiciens ont fait connaissance deux heures avant de monter sur scène (en dehors de Magic Malik et Guillaume Orti qui se connaissent bien). Et pourtant ! Voilà un concert qui ne fit que monter en puissance. Il faut dire que se trouvent réunis là des musiciens qui possèdent non seulement tous une forte personnalité instrumentale et musicale, mais qui pour la plupart ont développé une approche artistique singulière et à présent mûre.
C’est avec l’accordage que le concert débuta, manière comme une autre de se jeter dans le bain. Comme souvent lorsqu’il y a un vocaliste, il devient de facto le soliste, celui sur lequel se porte inévitablement l’attention. Le spoken word de Khabi B. produisit le même effet, à son corps défendant d’ailleurs. La musique – totalement improvisée, rappelons-le – transita via un solo de contrebasse vers un moment plus groovy : les esprits commencent à se connecter, à s’échauffer. Tout cela bouge ensuite sans cesse, la géométrie de cette formation muant au grès des instants : très beau trio flûte/contrebasse/batterie, cette dernière cédant sa place au saxophone alto bientôt rejoint par Khabi B., l’ensemble se transformant ensuite en quartette spoken word/voix de Magic Malik/sax alto/trombone, et ainsi de suite…
Une dimension laisse sans voix avec ce Bridge septième du nom : l’assurance. On ne sent ces musiciens douter à aucun moment, exception faite peut-être de Khabi B[1]. De ce fait, ce qui aurait pu n’être qu’un moment d’attente, une transition vers autre chose, se révèle finalement le début d’une phase répétitive aux voix superposées, Tyshawn Sorey liant l’ensemble par un de ces patterns rythmiques de hip hop au futur composé dont il a le secret. Je pense alors à Steve Coleman, ce qui n’est guère étonnant puisque le batteur a enregistré avec lui, tout comme les trois musiciens français ont tous soit étudié sa musique de très près, soit ont travaillé directement avec lui. De manière inattendue, cette séquence envoûtante déboucha sur une plage pointilliste, bien dans l’esprit d’un Roscoe Mitchell (Sorey étant alors justement au trombone basse).
Deux remarques pour refermer cette partie :
1) Parce qu’il a décidé de vivre à Brest, Frédéric Bargeon-Briet a un peu disparu des radars. Or, c’est un très grand contrebassiste ! L’entente avec Tyshawn Sorey fut admirable, lançant des grooves furieux, avec un son imposant le respect. Il était de l’aventure Hask dans les années 1990, and now he’s back!
2) À la fin du concert, quelques huées furent lancées depuis la salle. Quelqu’un, qui avait apprécié la performance, lança des noms d’oiseaux à l’un des siffleurs, en l’occurrence, une siffleuse. Des échanges s’ensuivirent, assez virulents, qui attirèrent Magic Malik. À sa vue, la dame d’un certain âge, remontée, lui lança : « votre concert m’a fait ch… et quelqu’un m’a insulté parce que je témoignais de cela. J’ai le droit d’exprimer mon opinion tout de même, on est en démocratie. Où est la musique dans ce qu’on vient d’entendre ? On a envie de se pendre plutôt qu’autre chose. » Réponse de Magic Malik avec un grand sourire : « Je comprends tout à fait qu’on puisse ne pas aimer une proposition artistique. Cela fait de toute façon réfléchir sur le pourquoi de cette aversion. »La Dame : « Ah je vous embrasse, tiens ! Vous, au moins, vous êtes tolérant. » La classe ce Magic !
2e partie : Sarah Murcia / Caroline + Mark Tompkins + Benoît Delbecq : « Never Mind the Future »
Mark Tompkins (vx, danse), Olivier Py (ss, ts), Gilles Coronado (elg), Benoît Delbecq (p, danse), Sarah Murcia (cb, elb, kb, vx), Franck Vaillant (dm).
Ne pas avoir de culture peut être un avantage. Hors de possession des références nécessaires, on reçoit un projet comme celui-ci sans véritables attentes, et l’on risque moins la déception. Connaissant très mal les Sex Pistols, je n’avais qu’une vague idée de ce qui m’attendait. Je me suis laissé convaincre par l’intelligence avec laquelle Sarah Murcia a su réaliser un projet artistique périlleux s’il en est : la reprise.
Sa réussite réside procède du numéro d’équilibriste : respecter l’esprit rock aux relents de contre-culture des Sex Pistols, tout en élargissant le champ des possibles esthétiques. C’est un peu ce que tout le monde souhaite réaliser, pourrait-on compléter. Certes. Où se trouve alors la clé imaginée par Sarah Murcia ? J’ai l’impression qu’il s’agit d’abord d’effets de surimpression. Par exemple, lorsqu’elle fait évoluer ensemble un duo très rock chant/guitare saturée avec le piano davantage du côté de la musique dite « savante » de Benoît Delbecq. Ce dernier est d’ailleurs le grain de sable poético-libertaire venant joyeusement enrayer la mécanique bien huilée, bien que parfois déconstructive, du power trio Coronado/Murcia/Vaillant[2]. À la surimpression, Sarah Murcia préfère parfois la rupture comme sur No Future où l’épisode central s’est vu assuré par un Olivier Py très Pharoah Sanders, le free rejoignant ici le punk. A l’image de Mark Tompkins (très bon), Benoît Delbecq se laissa même aller à quelques pas de danse.
Sarah Murcia n’a donc pas glissé sur la peau de cette banane qu’il faut déguster sur place. Chapeau !
Prochains concerts de The Bridge #7 :
– Nantes, le 04 février, au Pannonica
– Poitiers, le 05 février, au Carré bleu
– Avignon, le 06 février, à l’AJMI
– Vitrolles, le 07 février, au Moulin à Jazz
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Deux projets presque aux antipodes l’un de l’autre au Festival Sons d’hiver : la rencontre sur scène de musiciens n’ayant jamais ou quasi joué ensemble auparavant et un groupe constitué proposant avec le concours de deux invités des arrangements au millimètre des Sex Pistols. Deux occasions de se réjouir, pour des raisons bien différentes.
Dimanche 1e février 2015, Paris (14e), Théâtre de la Cité internationale
1e partie : The Bridge #7
Khari B. (spoken word), Magic Malik (fl, vx), Guillaume Orti (ss, as, bs), Frédéric Bargeon-Briet (cb), Tyshawn Sorey (btb, dm).
Renseignements pris à la fin du concert, les musiciens ont fait connaissance deux heures avant de monter sur scène (en dehors de Magic Malik et Guillaume Orti qui se connaissent bien). Et pourtant ! Voilà un concert qui ne fit que monter en puissance. Il faut dire que se trouvent réunis là des musiciens qui possèdent non seulement tous une forte personnalité instrumentale et musicale, mais qui pour la plupart ont développé une approche artistique singulière et à présent mûre.
C’est avec l’accordage que le concert débuta, manière comme une autre de se jeter dans le bain. Comme souvent lorsqu’il y a un vocaliste, il devient de facto le soliste, celui sur lequel se porte inévitablement l’attention. Le spoken word de Khabi B. produisit le même effet, à son corps défendant d’ailleurs. La musique – totalement improvisée, rappelons-le – transita via un solo de contrebasse vers un moment plus groovy : les esprits commencent à se connecter, à s’échauffer. Tout cela bouge ensuite sans cesse, la géométrie de cette formation muant au grès des instants : très beau trio flûte/contrebasse/batterie, cette dernière cédant sa place au saxophone alto bientôt rejoint par Khabi B., l’ensemble se transformant ensuite en quartette spoken word/voix de Magic Malik/sax alto/trombone, et ainsi de suite…
Une dimension laisse sans voix avec ce Bridge septième du nom : l’assurance. On ne sent ces musiciens douter à aucun moment, exception faite peut-être de Khabi B[1]. De ce fait, ce qui aurait pu n’être qu’un moment d’attente, une transition vers autre chose, se révèle finalement le début d’une phase répétitive aux voix superposées, Tyshawn Sorey liant l’ensemble par un de ces patterns rythmiques de hip hop au futur composé dont il a le secret. Je pense alors à Steve Coleman, ce qui n’est guère étonnant puisque le batteur a enregistré avec lui, tout comme les trois musiciens français ont tous soit étudié sa musique de très près, soit ont travaillé directement avec lui. De manière inattendue, cette séquence envoûtante déboucha sur une plage pointilliste, bien dans l’esprit d’un Roscoe Mitchell (Sorey étant alors justement au trombone basse).
Deux remarques pour refermer cette partie :
1) Parce qu’il a décidé de vivre à Brest, Frédéric Bargeon-Briet a un peu disparu des radars. Or, c’est un très grand contrebassiste ! L’entente avec Tyshawn Sorey fut admirable, lançant des grooves furieux, avec un son imposant le respect. Il était de l’aventure Hask dans les années 1990, and now he’s back!
2) À la fin du concert, quelques huées furent lancées depuis la salle. Quelqu’un, qui avait apprécié la performance, lança des noms d’oiseaux à l’un des siffleurs, en l’occurrence, une siffleuse. Des échanges s’ensuivirent, assez virulents, qui attirèrent Magic Malik. À sa vue, la dame d’un certain âge, remontée, lui lança : « votre concert m’a fait ch… et quelqu’un m’a insulté parce que je témoignais de cela. J’ai le droit d’exprimer mon opinion tout de même, on est en démocratie. Où est la musique dans ce qu’on vient d’entendre ? On a envie de se pendre plutôt qu’autre chose. » Réponse de Magic Malik avec un grand sourire : « Je comprends tout à fait qu’on puisse ne pas aimer une proposition artistique. Cela fait de toute façon réfléchir sur le pourquoi de cette aversion. »La Dame : « Ah je vous embrasse, tiens ! Vous, au moins, vous êtes tolérant. » La classe ce Magic !
2e partie : Sarah Murcia / Caroline + Mark Tompkins + Benoît Delbecq : « Never Mind the Future »
Mark Tompkins (vx, danse), Olivier Py (ss, ts), Gilles Coronado (elg), Benoît Delbecq (p, danse), Sarah Murcia (cb, elb, kb, vx), Franck Vaillant (dm).
Ne pas avoir de culture peut être un avantage. Hors de possession des références nécessaires, on reçoit un projet comme celui-ci sans véritables attentes, et l’on risque moins la déception. Connaissant très mal les Sex Pistols, je n’avais qu’une vague idée de ce qui m’attendait. Je me suis laissé convaincre par l’intelligence avec laquelle Sarah Murcia a su réaliser un projet artistique périlleux s’il en est : la reprise.
Sa réussite réside procède du numéro d’équilibriste : respecter l’esprit rock aux relents de contre-culture des Sex Pistols, tout en élargissant le champ des possibles esthétiques. C’est un peu ce que tout le monde souhaite réaliser, pourrait-on compléter. Certes. Où se trouve alors la clé imaginée par Sarah Murcia ? J’ai l’impression qu’il s’agit d’abord d’effets de surimpression. Par exemple, lorsqu’elle fait évoluer ensemble un duo très rock chant/guitare saturée avec le piano davantage du côté de la musique dite « savante » de Benoît Delbecq. Ce dernier est d’ailleurs le grain de sable poético-libertaire venant joyeusement enrayer la mécanique bien huilée, bien que parfois déconstructive, du power trio Coronado/Murcia/Vaillant[2]. À la surimpression, Sarah Murcia préfère parfois la rupture comme sur No Future où l’épisode central s’est vu assuré par un Olivier Py très Pharoah Sanders, le free rejoignant ici le punk. A l’image de Mark Tompkins (très bon), Benoît Delbecq se laissa même aller à quelques pas de danse.
Sarah Murcia n’a donc pas glissé sur la peau de cette banane qu’il faut déguster sur place. Chapeau !
Prochains concerts de The Bridge #7 :
– Nantes, le 04 février, au Pannonica
– Poitiers, le 05 février, au Carré bleu
– Avignon, le 06 février, à l’AJMI
– Vitrolles, le 07 février, au Moulin à Jazz
|
Deux projets presque aux antipodes l’un de l’autre au Festival Sons d’hiver : la rencontre sur scène de musiciens n’ayant jamais ou quasi joué ensemble auparavant et un groupe constitué proposant avec le concours de deux invités des arrangements au millimètre des Sex Pistols. Deux occasions de se réjouir, pour des raisons bien différentes.
Dimanche 1e février 2015, Paris (14e), Théâtre de la Cité internationale
1e partie : The Bridge #7
Khari B. (spoken word), Magic Malik (fl, vx), Guillaume Orti (ss, as, bs), Frédéric Bargeon-Briet (cb), Tyshawn Sorey (btb, dm).
Renseignements pris à la fin du concert, les musiciens ont fait connaissance deux heures avant de monter sur scène (en dehors de Magic Malik et Guillaume Orti qui se connaissent bien). Et pourtant ! Voilà un concert qui ne fit que monter en puissance. Il faut dire que se trouvent réunis là des musiciens qui possèdent non seulement tous une forte personnalité instrumentale et musicale, mais qui pour la plupart ont développé une approche artistique singulière et à présent mûre.
C’est avec l’accordage que le concert débuta, manière comme une autre de se jeter dans le bain. Comme souvent lorsqu’il y a un vocaliste, il devient de facto le soliste, celui sur lequel se porte inévitablement l’attention. Le spoken word de Khabi B. produisit le même effet, à son corps défendant d’ailleurs. La musique – totalement improvisée, rappelons-le – transita via un solo de contrebasse vers un moment plus groovy : les esprits commencent à se connecter, à s’échauffer. Tout cela bouge ensuite sans cesse, la géométrie de cette formation muant au grès des instants : très beau trio flûte/contrebasse/batterie, cette dernière cédant sa place au saxophone alto bientôt rejoint par Khabi B., l’ensemble se transformant ensuite en quartette spoken word/voix de Magic Malik/sax alto/trombone, et ainsi de suite…
Une dimension laisse sans voix avec ce Bridge septième du nom : l’assurance. On ne sent ces musiciens douter à aucun moment, exception faite peut-être de Khabi B[1]. De ce fait, ce qui aurait pu n’être qu’un moment d’attente, une transition vers autre chose, se révèle finalement le début d’une phase répétitive aux voix superposées, Tyshawn Sorey liant l’ensemble par un de ces patterns rythmiques de hip hop au futur composé dont il a le secret. Je pense alors à Steve Coleman, ce qui n’est guère étonnant puisque le batteur a enregistré avec lui, tout comme les trois musiciens français ont tous soit étudié sa musique de très près, soit ont travaillé directement avec lui. De manière inattendue, cette séquence envoûtante déboucha sur une plage pointilliste, bien dans l’esprit d’un Roscoe Mitchell (Sorey étant alors justement au trombone basse).
Deux remarques pour refermer cette partie :
1) Parce qu’il a décidé de vivre à Brest, Frédéric Bargeon-Briet a un peu disparu des radars. Or, c’est un très grand contrebassiste ! L’entente avec Tyshawn Sorey fut admirable, lançant des grooves furieux, avec un son imposant le respect. Il était de l’aventure Hask dans les années 1990, and now he’s back!
2) À la fin du concert, quelques huées furent lancées depuis la salle. Quelqu’un, qui avait apprécié la performance, lança des noms d’oiseaux à l’un des siffleurs, en l’occurrence, une siffleuse. Des échanges s’ensuivirent, assez virulents, qui attirèrent Magic Malik. À sa vue, la dame d’un certain âge, remontée, lui lança : « votre concert m’a fait ch… et quelqu’un m’a insulté parce que je témoignais de cela. J’ai le droit d’exprimer mon opinion tout de même, on est en démocratie. Où est la musique dans ce qu’on vient d’entendre ? On a envie de se pendre plutôt qu’autre chose. » Réponse de Magic Malik avec un grand sourire : « Je comprends tout à fait qu’on puisse ne pas aimer une proposition artistique. Cela fait de toute façon réfléchir sur le pourquoi de cette aversion. »La Dame : « Ah je vous embrasse, tiens ! Vous, au moins, vous êtes tolérant. » La classe ce Magic !
2e partie : Sarah Murcia / Caroline + Mark Tompkins + Benoît Delbecq : « Never Mind the Future »
Mark Tompkins (vx, danse), Olivier Py (ss, ts), Gilles Coronado (elg), Benoît Delbecq (p, danse), Sarah Murcia (cb, elb, kb, vx), Franck Vaillant (dm).
Ne pas avoir de culture peut être un avantage. Hors de possession des références nécessaires, on reçoit un projet comme celui-ci sans véritables attentes, et l’on risque moins la déception. Connaissant très mal les Sex Pistols, je n’avais qu’une vague idée de ce qui m’attendait. Je me suis laissé convaincre par l’intelligence avec laquelle Sarah Murcia a su réaliser un projet artistique périlleux s’il en est : la reprise.
Sa réussite réside procède du numéro d’équilibriste : respecter l’esprit rock aux relents de contre-culture des Sex Pistols, tout en élargissant le champ des possibles esthétiques. C’est un peu ce que tout le monde souhaite réaliser, pourrait-on compléter. Certes. Où se trouve alors la clé imaginée par Sarah Murcia ? J’ai l’impression qu’il s’agit d’abord d’effets de surimpression. Par exemple, lorsqu’elle fait évoluer ensemble un duo très rock chant/guitare saturée avec le piano davantage du côté de la musique dite « savante » de Benoît Delbecq. Ce dernier est d’ailleurs le grain de sable poético-libertaire venant joyeusement enrayer la mécanique bien huilée, bien que parfois déconstructive, du power trio Coronado/Murcia/Vaillant[2]. À la surimpression, Sarah Murcia préfère parfois la rupture comme sur No Future où l’épisode central s’est vu assuré par un Olivier Py très Pharoah Sanders, le free rejoignant ici le punk. A l’image de Mark Tompkins (très bon), Benoît Delbecq se laissa même aller à quelques pas de danse.
Sarah Murcia n’a donc pas glissé sur la peau de cette banane qu’il faut déguster sur place. Chapeau !
Prochains concerts de The Bridge #7 :
– Nantes, le 04 février, au Pannonica
– Poitiers, le 05 février, au Carré bleu
– Avignon, le 06 février, à l’AJMI
– Vitrolles, le 07 février, au Moulin à Jazz