Bruno Angelini & Philippe Le Baraillec. Paris, Péniche L’Improviste, 22/06.
Bruno Angelini (p), Philippe Le Baraillec (p). Paris, Péniche L’Improviste, 22/06.
Tous deux ont été élèves du pédagogue majeur Samy Abenaïm au défunt CIM et sont aujourd’hui, parallèlement à leurs activités de musiciens de jazz, professeurs à la Bill Evans Piano Academy de Paris. Tous deux ont gardé des liens musicaux, professionnels et humains qui les amènent à se rencontrer et à échanger régulièrement. D’où ce concert inédit qui les fait se succéder sur la scène de la Péniche L’Improviste pour deux programmes qu’ils ont concoctés depuis plusieurs semaines.
Et d’emblée le lieu affiche complet. Amis, élèves, parents, amateurs, journalistes se sont donné le mot. Car ce n’est pas tous les soirs qu’on entend ces deux-là à la suite (voire séparément : c’est le second concert parisien pour Le Baraillec ; le premier en solo : qui veut crier au scandale le fasse à son aise !). Pas tous les soirs qu’on entend deux sensibilités voisines, deux pianistes cousins livrer leur parenté et leurs différences au public (souvenez-vous, l’an dernier à La Villette, Copland et Carrothers programmés le même soir mais le second absent pour raisons aériennes…).
Bruno Angelini commence sur des airs d’Ennio Morricone, qu’il révère : « Il était une fois la révolution » et « Le bon, la brute et le truand ». Piano et claviers entrelacés, plus percussions dans la table d’harmonie pour élargir le spectre d’un magicien du grand écran. Atmosphère… — dirait-on près du canal Saint-Martin — et même si les images ne sont pas présentes, ce sont bien des paysages qu’évoquent les harmonies touffues et les rythmes staccato qu’Angelini plaque sur ses 88 touches. Pour « Le bon, la brute… » C’est le synthé qui démarre avec l’air archi-connu sur lequel le piano vient bientôt broder tout en nuances, créant un climat hypnotique ponctué d’accords plaqués fortissimo. Une vision tout en contrastes d’une B.O. souvent réduite aux clichés du thème titre et qui révèle l’originalité de l’inspiration d’Angelini, pianiste de jazz et cinéphile, dont les images des salles obscures n’en finissent pas de nourrir l’imaginaire.
Avec Philippe Le Baraillec, ce qui frappe dès l’abord c’est le son, le toucher, la mise en espace de la structure. Une claque initiale sur le clavier suivie de quelques notes esquissées, et peu à peu se dévoile un « Nardis » tendrement déconstruit. Tendrement, mais sans ménagement car on sent que ça fouille, que ça fouaille, que ça touille la matière harmonique dans ses recoins les plus secrets à grands coups d’accélérations, de giclées mélodiques peu à peu apaisées. Suit un air « lebaraillecsque » sur lequel des accords de guitare préenregistrés libèrent la main gauche de sa tâche d’arpenteuse de grille. Car il existe une « manière Le Baraillec » faite avant tout de mélodie, simple, presque facile, mais jamais mièvre ou populiste (tel ce merveilleux « Song for Lilian » qui figurait sur son deuxième disque et qu’il reprend ici en version avec arpèges de guitare enregistrés). Un chant profond et grave et gai, qui s’enfle et qui s’élève, et vous vise droit au cœur sans faire de prisonniers. « Magie », diront certains. Voire. Ce diable de Le Baraillec a beaucoup travaillé pour arriver à cette présence de l’évidence (ou évidence de la présence : oui, mais cessez de m’interrompre je vous prie !). Pour réussir cette fusion du toucher tout entier au service de l’expressivité, de la vélocité qui ne jaillit jamais qu’à propos, du phrasé qui modèle les airs sans afficher sa virtuosité… pour atteindre tout cela il faut être allé loin en soi-même et dans son amour de la musique. Si davantage de gens savaient cela, ce monde serait autre. Mais on fait avec ce que l’on a. Et ça, vous le savez.
Thierry Quénum
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Bruno Angelini (p), Philippe Le Baraillec (p). Paris, Péniche L’Improviste, 22/06.
Tous deux ont été élèves du pédagogue majeur Samy Abenaïm au défunt CIM et sont aujourd’hui, parallèlement à leurs activités de musiciens de jazz, professeurs à la Bill Evans Piano Academy de Paris. Tous deux ont gardé des liens musicaux, professionnels et humains qui les amènent à se rencontrer et à échanger régulièrement. D’où ce concert inédit qui les fait se succéder sur la scène de la Péniche L’Improviste pour deux programmes qu’ils ont concoctés depuis plusieurs semaines.
Et d’emblée le lieu affiche complet. Amis, élèves, parents, amateurs, journalistes se sont donné le mot. Car ce n’est pas tous les soirs qu’on entend ces deux-là à la suite (voire séparément : c’est le second concert parisien pour Le Baraillec ; le premier en solo : qui veut crier au scandale le fasse à son aise !). Pas tous les soirs qu’on entend deux sensibilités voisines, deux pianistes cousins livrer leur parenté et leurs différences au public (souvenez-vous, l’an dernier à La Villette, Copland et Carrothers programmés le même soir mais le second absent pour raisons aériennes…).
Bruno Angelini commence sur des airs d’Ennio Morricone, qu’il révère : « Il était une fois la révolution » et « Le bon, la brute et le truand ». Piano et claviers entrelacés, plus percussions dans la table d’harmonie pour élargir le spectre d’un magicien du grand écran. Atmosphère… — dirait-on près du canal Saint-Martin — et même si les images ne sont pas présentes, ce sont bien des paysages qu’évoquent les harmonies touffues et les rythmes staccato qu’Angelini plaque sur ses 88 touches. Pour « Le bon, la brute… » C’est le synthé qui démarre avec l’air archi-connu sur lequel le piano vient bientôt broder tout en nuances, créant un climat hypnotique ponctué d’accords plaqués fortissimo. Une vision tout en contrastes d’une B.O. souvent réduite aux clichés du thème titre et qui révèle l’originalité de l’inspiration d’Angelini, pianiste de jazz et cinéphile, dont les images des salles obscures n’en finissent pas de nourrir l’imaginaire.
Avec Philippe Le Baraillec, ce qui frappe dès l’abord c’est le son, le toucher, la mise en espace de la structure. Une claque initiale sur le clavier suivie de quelques notes esquissées, et peu à peu se dévoile un « Nardis » tendrement déconstruit. Tendrement, mais sans ménagement car on sent que ça fouille, que ça fouaille, que ça touille la matière harmonique dans ses recoins les plus secrets à grands coups d’accélérations, de giclées mélodiques peu à peu apaisées. Suit un air « lebaraillecsque » sur lequel des accords de guitare préenregistrés libèrent la main gauche de sa tâche d’arpenteuse de grille. Car il existe une « manière Le Baraillec » faite avant tout de mélodie, simple, presque facile, mais jamais mièvre ou populiste (tel ce merveilleux « Song for Lilian » qui figurait sur son deuxième disque et qu’il reprend ici en version avec arpèges de guitare enregistrés). Un chant profond et grave et gai, qui s’enfle et qui s’élève, et vous vise droit au cœur sans faire de prisonniers. « Magie », diront certains. Voire. Ce diable de Le Baraillec a beaucoup travaillé pour arriver à cette présence de l’évidence (ou évidence de la présence : oui, mais cessez de m’interrompre je vous prie !). Pour réussir cette fusion du toucher tout entier au service de l’expressivité, de la vélocité qui ne jaillit jamais qu’à propos, du phrasé qui modèle les airs sans afficher sa virtuosité… pour atteindre tout cela il faut être allé loin en soi-même et dans son amour de la musique. Si davantage de gens savaient cela, ce monde serait autre. Mais on fait avec ce que l’on a. Et ça, vous le savez.
Thierry Quénum
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Bruno Angelini (p), Philippe Le Baraillec (p). Paris, Péniche L’Improviste, 22/06.
Tous deux ont été élèves du pédagogue majeur Samy Abenaïm au défunt CIM et sont aujourd’hui, parallèlement à leurs activités de musiciens de jazz, professeurs à la Bill Evans Piano Academy de Paris. Tous deux ont gardé des liens musicaux, professionnels et humains qui les amènent à se rencontrer et à échanger régulièrement. D’où ce concert inédit qui les fait se succéder sur la scène de la Péniche L’Improviste pour deux programmes qu’ils ont concoctés depuis plusieurs semaines.
Et d’emblée le lieu affiche complet. Amis, élèves, parents, amateurs, journalistes se sont donné le mot. Car ce n’est pas tous les soirs qu’on entend ces deux-là à la suite (voire séparément : c’est le second concert parisien pour Le Baraillec ; le premier en solo : qui veut crier au scandale le fasse à son aise !). Pas tous les soirs qu’on entend deux sensibilités voisines, deux pianistes cousins livrer leur parenté et leurs différences au public (souvenez-vous, l’an dernier à La Villette, Copland et Carrothers programmés le même soir mais le second absent pour raisons aériennes…).
Bruno Angelini commence sur des airs d’Ennio Morricone, qu’il révère : « Il était une fois la révolution » et « Le bon, la brute et le truand ». Piano et claviers entrelacés, plus percussions dans la table d’harmonie pour élargir le spectre d’un magicien du grand écran. Atmosphère… — dirait-on près du canal Saint-Martin — et même si les images ne sont pas présentes, ce sont bien des paysages qu’évoquent les harmonies touffues et les rythmes staccato qu’Angelini plaque sur ses 88 touches. Pour « Le bon, la brute… » C’est le synthé qui démarre avec l’air archi-connu sur lequel le piano vient bientôt broder tout en nuances, créant un climat hypnotique ponctué d’accords plaqués fortissimo. Une vision tout en contrastes d’une B.O. souvent réduite aux clichés du thème titre et qui révèle l’originalité de l’inspiration d’Angelini, pianiste de jazz et cinéphile, dont les images des salles obscures n’en finissent pas de nourrir l’imaginaire.
Avec Philippe Le Baraillec, ce qui frappe dès l’abord c’est le son, le toucher, la mise en espace de la structure. Une claque initiale sur le clavier suivie de quelques notes esquissées, et peu à peu se dévoile un « Nardis » tendrement déconstruit. Tendrement, mais sans ménagement car on sent que ça fouille, que ça fouaille, que ça touille la matière harmonique dans ses recoins les plus secrets à grands coups d’accélérations, de giclées mélodiques peu à peu apaisées. Suit un air « lebaraillecsque » sur lequel des accords de guitare préenregistrés libèrent la main gauche de sa tâche d’arpenteuse de grille. Car il existe une « manière Le Baraillec » faite avant tout de mélodie, simple, presque facile, mais jamais mièvre ou populiste (tel ce merveilleux « Song for Lilian » qui figurait sur son deuxième disque et qu’il reprend ici en version avec arpèges de guitare enregistrés). Un chant profond et grave et gai, qui s’enfle et qui s’élève, et vous vise droit au cœur sans faire de prisonniers. « Magie », diront certains. Voire. Ce diable de Le Baraillec a beaucoup travaillé pour arriver à cette présence de l’évidence (ou évidence de la présence : oui, mais cessez de m’interrompre je vous prie !). Pour réussir cette fusion du toucher tout entier au service de l’expressivité, de la vélocité qui ne jaillit jamais qu’à propos, du phrasé qui modèle les airs sans afficher sa virtuosité… pour atteindre tout cela il faut être allé loin en soi-même et dans son amour de la musique. Si davantage de gens savaient cela, ce monde serait autre. Mais on fait avec ce que l’on a. Et ça, vous le savez.
Thierry Quénum
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Bruno Angelini (p), Philippe Le Baraillec (p). Paris, Péniche L’Improviste, 22/06.
Tous deux ont été élèves du pédagogue majeur Samy Abenaïm au défunt CIM et sont aujourd’hui, parallèlement à leurs activités de musiciens de jazz, professeurs à la Bill Evans Piano Academy de Paris. Tous deux ont gardé des liens musicaux, professionnels et humains qui les amènent à se rencontrer et à échanger régulièrement. D’où ce concert inédit qui les fait se succéder sur la scène de la Péniche L’Improviste pour deux programmes qu’ils ont concoctés depuis plusieurs semaines.
Et d’emblée le lieu affiche complet. Amis, élèves, parents, amateurs, journalistes se sont donné le mot. Car ce n’est pas tous les soirs qu’on entend ces deux-là à la suite (voire séparément : c’est le second concert parisien pour Le Baraillec ; le premier en solo : qui veut crier au scandale le fasse à son aise !). Pas tous les soirs qu’on entend deux sensibilités voisines, deux pianistes cousins livrer leur parenté et leurs différences au public (souvenez-vous, l’an dernier à La Villette, Copland et Carrothers programmés le même soir mais le second absent pour raisons aériennes…).
Bruno Angelini commence sur des airs d’Ennio Morricone, qu’il révère : « Il était une fois la révolution » et « Le bon, la brute et le truand ». Piano et claviers entrelacés, plus percussions dans la table d’harmonie pour élargir le spectre d’un magicien du grand écran. Atmosphère… — dirait-on près du canal Saint-Martin — et même si les images ne sont pas présentes, ce sont bien des paysages qu’évoquent les harmonies touffues et les rythmes staccato qu’Angelini plaque sur ses 88 touches. Pour « Le bon, la brute… » C’est le synthé qui démarre avec l’air archi-connu sur lequel le piano vient bientôt broder tout en nuances, créant un climat hypnotique ponctué d’accords plaqués fortissimo. Une vision tout en contrastes d’une B.O. souvent réduite aux clichés du thème titre et qui révèle l’originalité de l’inspiration d’Angelini, pianiste de jazz et cinéphile, dont les images des salles obscures n’en finissent pas de nourrir l’imaginaire.
Avec Philippe Le Baraillec, ce qui frappe dès l’abord c’est le son, le toucher, la mise en espace de la structure. Une claque initiale sur le clavier suivie de quelques notes esquissées, et peu à peu se dévoile un « Nardis » tendrement déconstruit. Tendrement, mais sans ménagement car on sent que ça fouille, que ça fouaille, que ça touille la matière harmonique dans ses recoins les plus secrets à grands coups d’accélérations, de giclées mélodiques peu à peu apaisées. Suit un air « lebaraillecsque » sur lequel des accords de guitare préenregistrés libèrent la main gauche de sa tâche d’arpenteuse de grille. Car il existe une « manière Le Baraillec » faite avant tout de mélodie, simple, presque facile, mais jamais mièvre ou populiste (tel ce merveilleux « Song for Lilian » qui figurait sur son deuxième disque et qu’il reprend ici en version avec arpèges de guitare enregistrés). Un chant profond et grave et gai, qui s’enfle et qui s’élève, et vous vise droit au cœur sans faire de prisonniers. « Magie », diront certains. Voire. Ce diable de Le Baraillec a beaucoup travaillé pour arriver à cette présence de l’évidence (ou évidence de la présence : oui, mais cessez de m’interrompre je vous prie !). Pour réussir cette fusion du toucher tout entier au service de l’expressivité, de la vélocité qui ne jaillit jamais qu’à propos, du phrasé qui modèle les airs sans afficher sa virtuosité… pour atteindre tout cela il faut être allé loin en soi-même et dans son amour de la musique. Si davantage de gens savaient cela, ce monde serait autre. Mais on fait avec ce que l’on a. Et ça, vous le savez.
Thierry Quénum