Jazz live
Publié le 2 Mar 2023

CHRISTOPHE MONNIOT Quartet : un set et plus au Sunside

Un set et un (tout petit) peu plus, non que les artistes aient été chiches, mais parce que les sempiternels travaux nocturne du RER ont une fois de plus privé le chroniqueur de la fin du concert….

Le groupe est né en 2021 pour célébrer les 25 ans de la Compagnie des Musiques à Ouïr : Christophe Monniot, et Denis Charolles, étaient dans l’équipe fondatrice de la compagnie. Dans la première mouture Sarah Murcia était à la basse, et elle rejoint d’ailleurs le quartette quand Felipe Cabrera va faire un tour de l’autre côté de l’Atlantique. Le groupe s’était reformé dans la configuration de ce soir en décembre dernier pour un concert au Triton


CHRISTOPHE MONNIOT Quartet

Christophe Monniot (saxophones alto et sopranino), Sophia Domancich (piano), Felipe Cabrera (contrebasse), Denis Charolles(batterie)

Paris, Sunside, 1er mars 2023, 21h30

Connaissant les qualités du saxophoniste, qui a composé le répertoire, et de ses partenaires, qui sont de haut vol, je me réjouis à l’avance d’avoir quitté ma banlieue Est, en dépit des tracas prévisibles du retour, pour satisfaire ma curiosité d’amateur (curiosité intacte après toutes ces décennies et les milliers de concerts écoutés ‘sur le vif’). Et mon attente est déjà comblée, dès l’abord : le premier thème est une relecture très très libre du cantique anglo-américain du 18ème siècle Amazing Grace. Et cela devient une sorte de gigue à l’orientale, tremplin pour un chorus free-bop du sax, avant que le piano, partant d’un terrain familier, ne s’envole comme toujours avec Sophia, vers des chemins insoupçonnés, qui nous immergent bientôt dans une source d’où vont jaillir des surprises, conjuguant transgression des codes et pertinence musicale. Et le batteur va faire assaut de finesse et d’inventivité. Bref ça commence très fort !

Puis c’est une ballade, conçue pendant les confinements : une belle intro de basse, puis le thème par l’alto avec contrechant de contrebasse sur des arpèges de piano, et le dialogue sax-basse se prolonge dans les improvisations, attisées par la batterie. La pianiste va, comme elle le fait souvent, prendre tous les risques avant une sorte de retour apaisé aux arpèges. Et le plus étonnant est encore à venir : une composition originale inspirée par le célèbre So What de Miles Davis, et intitulée Blow What. Intro très libre, avant le surgissement du lancinement propre au thème inspirateur. Mais les 2 fois 2 accords sont copieusement enrichis d’altérations ; et le solo de la pianiste trace un chemin de mystère sur lequel elle nous entraîne, loin, très loin. Puis la sax alto reprend en douceur, soutenu par la basse, avant de s’épanouir dans un étonnant stop chorus. À la fin des années 80, le guitariste Jean-Pierre Llabador, prolongeant le thème de Miles, puis sa métamorphose par Coltrane (avec Impression), avait signé So What Impression Then ? Cette interrogation rendait inévitable une nouvelle étape , qui m’a comblé !

Mais la fête n’est pas close : pour conclure ce premier set, le saxophoniste propose une version en quartette d’une musique qu’il a composée pour répondre à une commande de deux jeunes musiciennes : la violoniste alto Maëlle Desbrosses et la tubiste Fanny Meteier. Une composition labyrinthique, qui tourne un temps chez le saxophoniste à la folie-calypso (ou biguine, je ne sais plus à quelle référence me vouer….). La pianiste revient au labyrinthe, en dialogue, déconstruit / reconstruit, avec la contrebasse. Et la batterie nous régale d’un festival de timbres, et de figures rythmiques éloquentes.

Après la pause, le concert reprend avec un thème de Christophe Monniot, une biguine dédiée à un ami surnommé Sushi, et annoncée comme un mélange de rhum et de saké. On commence en trio sur des harmonies de blues sévèrement dévoyées à coup d’altérations et de chromatismes, et le saxophoniste se saisit cette fois de son sopranino pour exposer le thème, ouvrant l’espace à un beau solo de contrebasse…. Mais il est 22h30 ; je dois courir jusqu’au RER ‘B’ (car la ligne 4 est fermée après 22h15 !) pour attraper Gare du Nord un métro de la ligne 5 qui me permettra de gagner Bobigny. Là le bus qui me conduirait près de chez moi se fait attendre : ce sera donc un bus de Nuit, et pour finir 2 bons kilomètres à pied vers mes pénates. Bilan 1h25 pour un trajet qui, de 2000 à 2020, se faisait chaque jour de la semaine ou du week-end en 30-35 minutes. Heureusement pour moi ce formidable concert méritait bien cet inconfort…. Mais je crains que, après la fin des travaux (2024 ? voire plus?), on ne retrouve pas sur cette ligne ‘E’ une desserte jusqu’à une heure du matin. Jazzopphiles de toutes les banlieues, UNISSEZ-VOUS !

Xavier Prévost