Daniel Waro, Zanmari Baré, Hermanas Caronni: danses trans-océaniques
Les soeurs Caronni terminent leur morceau en cours. Laura explique avoir entendu du bruit sur le côté de la scène tandis que Gianna, posant sa sa clarinette, va voir derrière le rideau. Et revient avec des retardataires en mode d’invités de dernière minute « Ils tapaient à la porte des coulisses…bienvenue, installez vous messieurs dames! »
Daniel Waro, Zanmari Baré
Le Rocher de Palmer, Cenon (33152), 24 mars
Daniel Waro et Zanmari Baré, voilà réunies sur scène les deux voix cultes du maloya de l’île La Réunion. Hypothèse de départ: une tournée montée dans le but de promouvoir le nouvel album du second, le plus jeune. Prévision infirmée pour cause d’un feeling personnel mal assumé « Tout était enregistré, prêt pour le mixage raconte, déçu mais réaliste, Philippe Conrath, producteur des deux artistes de lîle française de l’Océan Indien. Mais Zanmari a estimé qu’il ne se sentait pas prêt à sortir son second album. Dommage…Du coup Daniel s’est pratiquement senti obligé de rapidement concocter puis graver un autre disque » Celui là, qualité garantie par l’écho rencontré sur scène, les spectateurs des treize concerts de la tournée peuvent se le procurer à la fin du spectacle. Sur les planches justement une différence se fait jour. Zanmari Baré garde l’atout de sa voix magnifique révélé à l’occasion de son premier CD (Mayok flair, Cobalt/L’autre distribution) Voix de tête, claire, fortement timbrée. Pourtant en dépit de l’apport de ses collègues musiciens et chanteurs, il paraît demeurer volontairement un peu en retrait face au public. Effet affiché d’une sorte de timidité, d’un drôle de refus de se livrer totalement. Il en reste aux paroles de ses chansons, à l’attirance naturelle de ses mélodies douces. Daniel Waro au contraire se livre corps et biens. Explique, sa démarche, valorise l’île, son patrimoine, son héritage musical. De quoi renforcer l’impact du spectacle, du contenu servi par une voix sans cesse modulée, dans le registre médium. Waro reste un formidable raconteur d’histoires mises en musique au son du tambour, du kayamb (cadre de bois, tiges de fleur de canne et graines à remuer) rituel et autres percussions traditionnelles de bois et de roseaux. Les contre-chants donnés en réponses, l’écho systémique des vocaux livrés par les autres musiciens chanteurs en mode choeur donnent une force de scansion caractéristique du maloya. Manière très sentie de formuler et de répondre à la fois à un appel à la danse. Daniel Waro chanteur conteur en langue créole laisse vibrer sa toison blanche ébouriffée comme ses pieds au rythme frappé sec de tambours mâtinés d’Inde et d’Afrique. Signe de reconnaissance.
Las Hermanas Caronni: Laura, Gianna Caronni
Festival CulturAmerica, Théâtre Alexis Perret, Serres Castets (64121), 25 mars
Elles jouent au sens théâtral du terme. Elles se regardent, se parlent avec ou sans mot, se miment, se marrent, se relancent. Bref, en jouant elles échangent à tous propos. On le sait, les soeurs Caronni, de Rosario, Argentine, se produisent comme musiciennes et chanteuses à la fois. Elles donnent de la voix, du souffle et par les cordes pincées ou frottées du violoncelle, jettent à la volée grappes de notes ou tissus d’accords. Le chant, sans doute résonne comme une base. Flux vocal à la clarté de cristal. Apparenté également à l’air comme à la matière, les terres contrastées de l’Argentine, l’eau des lacs, des fleuves sans fin qui marquent l’immense pays continent. S’échappent alors de leur sac à malice ou surprise, des lignes de milonga, sorte de blues lent désacidifié labellisée Amérique versant sud. Des rythmes de tango aussi bien sur, musique rituelle qu’elles pratiquèrent pour faire tourner talon et jupes à Buenos Aires. Des comptines enfin, petites histoires de vie quotidienne liées aux personnages de leur famille venue d’Italie et de Russie.
On écoute au passage fuguer quelques phrases de Bach avant d’attaquer une chanson d’Atahualpa Yupanqui (Los ejes de mi carreta), parodier une chanson de Brassens (chantée en un français sonnant latino kitsch), enrober d’une douceur délicate, d’une langueur profonde un texte de Rilke (La mélodie des choses) Et faire rebondir quelques mesures de swing abordées, sans voix, avec clarinette et violoncelle utilisé là en mode de basse dans une livraison ludique, jubilatoire faite en duo. D’ailleurs, faut-il encore le remarquer, aujourd’hui plus qu’hier Gianna Caronni, la plus jeune (« dix minutes, ça compte dans une vie de jumelle!» moque gentiment sa sœur) n’hésite plus à placer quelques chorus de clarinette. Basse en particulier, attaquée avec une rondeur moelleuse dans le registre grave.
Passent ainsi des extraits du dernier album (Navegas Mundos, Les Grands Fleuves/ L’autre distribution), quelques titres symboles (Pachamama comme une danse de syllabes en langue Quechua) «il s’agit bien d’une langue traditionnelle de notre continent et pas juste une marque de chaussures ou de pull » risque Laura en mode d’humour piquant. Et comme toujours pour clôturer le récital avant de »glisser vers un sommeil de rêves apaisé » sonnent les couplets tout simples de cette berceuse de racine cubaine désormais internationalisée « Duerme negrito »
En guise de conclusion, justement, une info peut-être en forme de point d’orgue. Le festival CulturAmerica (programme thématique fait de concerts, théâtre, danse, films, conférences etc.) risque fort d’avoir vécu sa dernière édition cette année à Pau et dans l’agglomération paloise Son fondateur et responsable, Jean Ortiz doit arrêter son activité pour raison de santé « Faute de moyen et par lassitude sans doute, l’équipe se réduit, ce qui met en péril la manifestation qui en est à sa 25e édition cette année » alerte pour sa part François Lassabe, président de l’association organisatrice » Reste à souhaiter que soit entendu l’appel lancé sur scène par Las Hermanas Caronni « Que ce festival multi artistique continue à tracer sa route vers le sud des Amériques »
CulturAmerica, Pau et région jusqu’au 2 avril
www.culturamerica.fr
Robert Latxague
|
Les soeurs Caronni terminent leur morceau en cours. Laura explique avoir entendu du bruit sur le côté de la scène tandis que Gianna, posant sa sa clarinette, va voir derrière le rideau. Et revient avec des retardataires en mode d’invités de dernière minute « Ils tapaient à la porte des coulisses…bienvenue, installez vous messieurs dames! »
Daniel Waro, Zanmari Baré
Le Rocher de Palmer, Cenon (33152), 24 mars
Daniel Waro et Zanmari Baré, voilà réunies sur scène les deux voix cultes du maloya de l’île La Réunion. Hypothèse de départ: une tournée montée dans le but de promouvoir le nouvel album du second, le plus jeune. Prévision infirmée pour cause d’un feeling personnel mal assumé « Tout était enregistré, prêt pour le mixage raconte, déçu mais réaliste, Philippe Conrath, producteur des deux artistes de lîle française de l’Océan Indien. Mais Zanmari a estimé qu’il ne se sentait pas prêt à sortir son second album. Dommage…Du coup Daniel s’est pratiquement senti obligé de rapidement concocter puis graver un autre disque » Celui là, qualité garantie par l’écho rencontré sur scène, les spectateurs des treize concerts de la tournée peuvent se le procurer à la fin du spectacle. Sur les planches justement une différence se fait jour. Zanmari Baré garde l’atout de sa voix magnifique révélé à l’occasion de son premier CD (Mayok flair, Cobalt/L’autre distribution) Voix de tête, claire, fortement timbrée. Pourtant en dépit de l’apport de ses collègues musiciens et chanteurs, il paraît demeurer volontairement un peu en retrait face au public. Effet affiché d’une sorte de timidité, d’un drôle de refus de se livrer totalement. Il en reste aux paroles de ses chansons, à l’attirance naturelle de ses mélodies douces. Daniel Waro au contraire se livre corps et biens. Explique, sa démarche, valorise l’île, son patrimoine, son héritage musical. De quoi renforcer l’impact du spectacle, du contenu servi par une voix sans cesse modulée, dans le registre médium. Waro reste un formidable raconteur d’histoires mises en musique au son du tambour, du kayamb (cadre de bois, tiges de fleur de canne et graines à remuer) rituel et autres percussions traditionnelles de bois et de roseaux. Les contre-chants donnés en réponses, l’écho systémique des vocaux livrés par les autres musiciens chanteurs en mode choeur donnent une force de scansion caractéristique du maloya. Manière très sentie de formuler et de répondre à la fois à un appel à la danse. Daniel Waro chanteur conteur en langue créole laisse vibrer sa toison blanche ébouriffée comme ses pieds au rythme frappé sec de tambours mâtinés d’Inde et d’Afrique. Signe de reconnaissance.
Las Hermanas Caronni: Laura, Gianna Caronni
Festival CulturAmerica, Théâtre Alexis Perret, Serres Castets (64121), 25 mars
Elles jouent au sens théâtral du terme. Elles se regardent, se parlent avec ou sans mot, se miment, se marrent, se relancent. Bref, en jouant elles échangent à tous propos. On le sait, les soeurs Caronni, de Rosario, Argentine, se produisent comme musiciennes et chanteuses à la fois. Elles donnent de la voix, du souffle et par les cordes pincées ou frottées du violoncelle, jettent à la volée grappes de notes ou tissus d’accords. Le chant, sans doute résonne comme une base. Flux vocal à la clarté de cristal. Apparenté également à l’air comme à la matière, les terres contrastées de l’Argentine, l’eau des lacs, des fleuves sans fin qui marquent l’immense pays continent. S’échappent alors de leur sac à malice ou surprise, des lignes de milonga, sorte de blues lent désacidifié labellisée Amérique versant sud. Des rythmes de tango aussi bien sur, musique rituelle qu’elles pratiquèrent pour faire tourner talon et jupes à Buenos Aires. Des comptines enfin, petites histoires de vie quotidienne liées aux personnages de leur famille venue d’Italie et de Russie.
On écoute au passage fuguer quelques phrases de Bach avant d’attaquer une chanson d’Atahualpa Yupanqui (Los ejes de mi carreta), parodier une chanson de Brassens (chantée en un français sonnant latino kitsch), enrober d’une douceur délicate, d’une langueur profonde un texte de Rilke (La mélodie des choses) Et faire rebondir quelques mesures de swing abordées, sans voix, avec clarinette et violoncelle utilisé là en mode de basse dans une livraison ludique, jubilatoire faite en duo. D’ailleurs, faut-il encore le remarquer, aujourd’hui plus qu’hier Gianna Caronni, la plus jeune (« dix minutes, ça compte dans une vie de jumelle!» moque gentiment sa sœur) n’hésite plus à placer quelques chorus de clarinette. Basse en particulier, attaquée avec une rondeur moelleuse dans le registre grave.
Passent ainsi des extraits du dernier album (Navegas Mundos, Les Grands Fleuves/ L’autre distribution), quelques titres symboles (Pachamama comme une danse de syllabes en langue Quechua) «il s’agit bien d’une langue traditionnelle de notre continent et pas juste une marque de chaussures ou de pull » risque Laura en mode d’humour piquant. Et comme toujours pour clôturer le récital avant de »glisser vers un sommeil de rêves apaisé » sonnent les couplets tout simples de cette berceuse de racine cubaine désormais internationalisée « Duerme negrito »
En guise de conclusion, justement, une info peut-être en forme de point d’orgue. Le festival CulturAmerica (programme thématique fait de concerts, théâtre, danse, films, conférences etc.) risque fort d’avoir vécu sa dernière édition cette année à Pau et dans l’agglomération paloise Son fondateur et responsable, Jean Ortiz doit arrêter son activité pour raison de santé « Faute de moyen et par lassitude sans doute, l’équipe se réduit, ce qui met en péril la manifestation qui en est à sa 25e édition cette année » alerte pour sa part François Lassabe, président de l’association organisatrice » Reste à souhaiter que soit entendu l’appel lancé sur scène par Las Hermanas Caronni « Que ce festival multi artistique continue à tracer sa route vers le sud des Amériques »
CulturAmerica, Pau et région jusqu’au 2 avril
www.culturamerica.fr
Robert Latxague
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Les soeurs Caronni terminent leur morceau en cours. Laura explique avoir entendu du bruit sur le côté de la scène tandis que Gianna, posant sa sa clarinette, va voir derrière le rideau. Et revient avec des retardataires en mode d’invités de dernière minute « Ils tapaient à la porte des coulisses…bienvenue, installez vous messieurs dames! »
Daniel Waro, Zanmari Baré
Le Rocher de Palmer, Cenon (33152), 24 mars
Daniel Waro et Zanmari Baré, voilà réunies sur scène les deux voix cultes du maloya de l’île La Réunion. Hypothèse de départ: une tournée montée dans le but de promouvoir le nouvel album du second, le plus jeune. Prévision infirmée pour cause d’un feeling personnel mal assumé « Tout était enregistré, prêt pour le mixage raconte, déçu mais réaliste, Philippe Conrath, producteur des deux artistes de lîle française de l’Océan Indien. Mais Zanmari a estimé qu’il ne se sentait pas prêt à sortir son second album. Dommage…Du coup Daniel s’est pratiquement senti obligé de rapidement concocter puis graver un autre disque » Celui là, qualité garantie par l’écho rencontré sur scène, les spectateurs des treize concerts de la tournée peuvent se le procurer à la fin du spectacle. Sur les planches justement une différence se fait jour. Zanmari Baré garde l’atout de sa voix magnifique révélé à l’occasion de son premier CD (Mayok flair, Cobalt/L’autre distribution) Voix de tête, claire, fortement timbrée. Pourtant en dépit de l’apport de ses collègues musiciens et chanteurs, il paraît demeurer volontairement un peu en retrait face au public. Effet affiché d’une sorte de timidité, d’un drôle de refus de se livrer totalement. Il en reste aux paroles de ses chansons, à l’attirance naturelle de ses mélodies douces. Daniel Waro au contraire se livre corps et biens. Explique, sa démarche, valorise l’île, son patrimoine, son héritage musical. De quoi renforcer l’impact du spectacle, du contenu servi par une voix sans cesse modulée, dans le registre médium. Waro reste un formidable raconteur d’histoires mises en musique au son du tambour, du kayamb (cadre de bois, tiges de fleur de canne et graines à remuer) rituel et autres percussions traditionnelles de bois et de roseaux. Les contre-chants donnés en réponses, l’écho systémique des vocaux livrés par les autres musiciens chanteurs en mode choeur donnent une force de scansion caractéristique du maloya. Manière très sentie de formuler et de répondre à la fois à un appel à la danse. Daniel Waro chanteur conteur en langue créole laisse vibrer sa toison blanche ébouriffée comme ses pieds au rythme frappé sec de tambours mâtinés d’Inde et d’Afrique. Signe de reconnaissance.
Las Hermanas Caronni: Laura, Gianna Caronni
Festival CulturAmerica, Théâtre Alexis Perret, Serres Castets (64121), 25 mars
Elles jouent au sens théâtral du terme. Elles se regardent, se parlent avec ou sans mot, se miment, se marrent, se relancent. Bref, en jouant elles échangent à tous propos. On le sait, les soeurs Caronni, de Rosario, Argentine, se produisent comme musiciennes et chanteuses à la fois. Elles donnent de la voix, du souffle et par les cordes pincées ou frottées du violoncelle, jettent à la volée grappes de notes ou tissus d’accords. Le chant, sans doute résonne comme une base. Flux vocal à la clarté de cristal. Apparenté également à l’air comme à la matière, les terres contrastées de l’Argentine, l’eau des lacs, des fleuves sans fin qui marquent l’immense pays continent. S’échappent alors de leur sac à malice ou surprise, des lignes de milonga, sorte de blues lent désacidifié labellisée Amérique versant sud. Des rythmes de tango aussi bien sur, musique rituelle qu’elles pratiquèrent pour faire tourner talon et jupes à Buenos Aires. Des comptines enfin, petites histoires de vie quotidienne liées aux personnages de leur famille venue d’Italie et de Russie.
On écoute au passage fuguer quelques phrases de Bach avant d’attaquer une chanson d’Atahualpa Yupanqui (Los ejes de mi carreta), parodier une chanson de Brassens (chantée en un français sonnant latino kitsch), enrober d’une douceur délicate, d’une langueur profonde un texte de Rilke (La mélodie des choses) Et faire rebondir quelques mesures de swing abordées, sans voix, avec clarinette et violoncelle utilisé là en mode de basse dans une livraison ludique, jubilatoire faite en duo. D’ailleurs, faut-il encore le remarquer, aujourd’hui plus qu’hier Gianna Caronni, la plus jeune (« dix minutes, ça compte dans une vie de jumelle!» moque gentiment sa sœur) n’hésite plus à placer quelques chorus de clarinette. Basse en particulier, attaquée avec une rondeur moelleuse dans le registre grave.
Passent ainsi des extraits du dernier album (Navegas Mundos, Les Grands Fleuves/ L’autre distribution), quelques titres symboles (Pachamama comme une danse de syllabes en langue Quechua) «il s’agit bien d’une langue traditionnelle de notre continent et pas juste une marque de chaussures ou de pull » risque Laura en mode d’humour piquant. Et comme toujours pour clôturer le récital avant de »glisser vers un sommeil de rêves apaisé » sonnent les couplets tout simples de cette berceuse de racine cubaine désormais internationalisée « Duerme negrito »
En guise de conclusion, justement, une info peut-être en forme de point d’orgue. Le festival CulturAmerica (programme thématique fait de concerts, théâtre, danse, films, conférences etc.) risque fort d’avoir vécu sa dernière édition cette année à Pau et dans l’agglomération paloise Son fondateur et responsable, Jean Ortiz doit arrêter son activité pour raison de santé « Faute de moyen et par lassitude sans doute, l’équipe se réduit, ce qui met en péril la manifestation qui en est à sa 25e édition cette année » alerte pour sa part François Lassabe, président de l’association organisatrice » Reste à souhaiter que soit entendu l’appel lancé sur scène par Las Hermanas Caronni « Que ce festival multi artistique continue à tracer sa route vers le sud des Amériques »
CulturAmerica, Pau et région jusqu’au 2 avril
www.culturamerica.fr
Robert Latxague
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Les soeurs Caronni terminent leur morceau en cours. Laura explique avoir entendu du bruit sur le côté de la scène tandis que Gianna, posant sa sa clarinette, va voir derrière le rideau. Et revient avec des retardataires en mode d’invités de dernière minute « Ils tapaient à la porte des coulisses…bienvenue, installez vous messieurs dames! »
Daniel Waro, Zanmari Baré
Le Rocher de Palmer, Cenon (33152), 24 mars
Daniel Waro et Zanmari Baré, voilà réunies sur scène les deux voix cultes du maloya de l’île La Réunion. Hypothèse de départ: une tournée montée dans le but de promouvoir le nouvel album du second, le plus jeune. Prévision infirmée pour cause d’un feeling personnel mal assumé « Tout était enregistré, prêt pour le mixage raconte, déçu mais réaliste, Philippe Conrath, producteur des deux artistes de lîle française de l’Océan Indien. Mais Zanmari a estimé qu’il ne se sentait pas prêt à sortir son second album. Dommage…Du coup Daniel s’est pratiquement senti obligé de rapidement concocter puis graver un autre disque » Celui là, qualité garantie par l’écho rencontré sur scène, les spectateurs des treize concerts de la tournée peuvent se le procurer à la fin du spectacle. Sur les planches justement une différence se fait jour. Zanmari Baré garde l’atout de sa voix magnifique révélé à l’occasion de son premier CD (Mayok flair, Cobalt/L’autre distribution) Voix de tête, claire, fortement timbrée. Pourtant en dépit de l’apport de ses collègues musiciens et chanteurs, il paraît demeurer volontairement un peu en retrait face au public. Effet affiché d’une sorte de timidité, d’un drôle de refus de se livrer totalement. Il en reste aux paroles de ses chansons, à l’attirance naturelle de ses mélodies douces. Daniel Waro au contraire se livre corps et biens. Explique, sa démarche, valorise l’île, son patrimoine, son héritage musical. De quoi renforcer l’impact du spectacle, du contenu servi par une voix sans cesse modulée, dans le registre médium. Waro reste un formidable raconteur d’histoires mises en musique au son du tambour, du kayamb (cadre de bois, tiges de fleur de canne et graines à remuer) rituel et autres percussions traditionnelles de bois et de roseaux. Les contre-chants donnés en réponses, l’écho systémique des vocaux livrés par les autres musiciens chanteurs en mode choeur donnent une force de scansion caractéristique du maloya. Manière très sentie de formuler et de répondre à la fois à un appel à la danse. Daniel Waro chanteur conteur en langue créole laisse vibrer sa toison blanche ébouriffée comme ses pieds au rythme frappé sec de tambours mâtinés d’Inde et d’Afrique. Signe de reconnaissance.
Las Hermanas Caronni: Laura, Gianna Caronni
Festival CulturAmerica, Théâtre Alexis Perret, Serres Castets (64121), 25 mars
Elles jouent au sens théâtral du terme. Elles se regardent, se parlent avec ou sans mot, se miment, se marrent, se relancent. Bref, en jouant elles échangent à tous propos. On le sait, les soeurs Caronni, de Rosario, Argentine, se produisent comme musiciennes et chanteuses à la fois. Elles donnent de la voix, du souffle et par les cordes pincées ou frottées du violoncelle, jettent à la volée grappes de notes ou tissus d’accords. Le chant, sans doute résonne comme une base. Flux vocal à la clarté de cristal. Apparenté également à l’air comme à la matière, les terres contrastées de l’Argentine, l’eau des lacs, des fleuves sans fin qui marquent l’immense pays continent. S’échappent alors de leur sac à malice ou surprise, des lignes de milonga, sorte de blues lent désacidifié labellisée Amérique versant sud. Des rythmes de tango aussi bien sur, musique rituelle qu’elles pratiquèrent pour faire tourner talon et jupes à Buenos Aires. Des comptines enfin, petites histoires de vie quotidienne liées aux personnages de leur famille venue d’Italie et de Russie.
On écoute au passage fuguer quelques phrases de Bach avant d’attaquer une chanson d’Atahualpa Yupanqui (Los ejes de mi carreta), parodier une chanson de Brassens (chantée en un français sonnant latino kitsch), enrober d’une douceur délicate, d’une langueur profonde un texte de Rilke (La mélodie des choses) Et faire rebondir quelques mesures de swing abordées, sans voix, avec clarinette et violoncelle utilisé là en mode de basse dans une livraison ludique, jubilatoire faite en duo. D’ailleurs, faut-il encore le remarquer, aujourd’hui plus qu’hier Gianna Caronni, la plus jeune (« dix minutes, ça compte dans une vie de jumelle!» moque gentiment sa sœur) n’hésite plus à placer quelques chorus de clarinette. Basse en particulier, attaquée avec une rondeur moelleuse dans le registre grave.
Passent ainsi des extraits du dernier album (Navegas Mundos, Les Grands Fleuves/ L’autre distribution), quelques titres symboles (Pachamama comme une danse de syllabes en langue Quechua) «il s’agit bien d’une langue traditionnelle de notre continent et pas juste une marque de chaussures ou de pull » risque Laura en mode d’humour piquant. Et comme toujours pour clôturer le récital avant de »glisser vers un sommeil de rêves apaisé » sonnent les couplets tout simples de cette berceuse de racine cubaine désormais internationalisée « Duerme negrito »
En guise de conclusion, justement, une info peut-être en forme de point d’orgue. Le festival CulturAmerica (programme thématique fait de concerts, théâtre, danse, films, conférences etc.) risque fort d’avoir vécu sa dernière édition cette année à Pau et dans l’agglomération paloise Son fondateur et responsable, Jean Ortiz doit arrêter son activité pour raison de santé « Faute de moyen et par lassitude sans doute, l’équipe se réduit, ce qui met en péril la manifestation qui en est à sa 25e édition cette année » alerte pour sa part François Lassabe, président de l’association organisatrice » Reste à souhaiter que soit entendu l’appel lancé sur scène par Las Hermanas Caronni « Que ce festival multi artistique continue à tracer sa route vers le sud des Amériques »
CulturAmerica, Pau et région jusqu’au 2 avril
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Robert Latxague