D’autres images de l’Amérique… Kris Davis, Steve Crump et Eric McPherson hier soir au Village Vanguard
L’Amérique, c’est aussi ça, le Village Vanguard, les vendredi et samedi soir, avec le Trio Borderlands de Kris Davis. Sur vos écrans, en attendant de retrouver le vrai son de la musique, la présence physique, intime, dans la proximité des clubs.
Dépêchez-vous ! Ces deux concerts des 8 et 9 janvier n’auront été disponibles qu’en direct ou en différé pour une durée de 24 heures. Chaque concert pour un ticket d’entrée de 10 $. Celui du 9 donc encore disponible une douzaine d’heures à l’heure française, si je sais compter (pas sûr!).
Eric McPerson (batterie) que l’on entend depuis longtemps au côté de Fred Hersch, Stephan Crump (contrebasse) qui travailla en duo avec Steve Lehman, Kris Davis (piano) qui a surpris tout le monde l’an passé avec son album “Diatom Ribbons”, autant de références auxquelles on ne saurait les réduire, tant l’étendue des champs esthétiques qu’ils ont couverts sont immenses. « Élargissans le jazz sans relâche, comme aurait dit André Hodeir (mais aurait-il aimé ce trio ?), ainsi n’aurons-nous pas à en sortir. » Et si certains musiciens adepte de l’élargissement rechignent parfois à ce qu’on les qualifie de “jazz”, n’est-ce pas parce qu’ils en bornent des frontières en perpétuelles extensions que l’on n’accueille leur musique nullement ailleurs que dans les lieux et les médias où le jazz est encore désirable.
Frottements de cymbales au premier plan, pizzicato égoutté entre chevalet et la touche de la contrebasse, à l’arrière plan on peut voir la pianiste penchée vers les cordes, préparant son piano, une caméra s’ouvrant soudain face à elle pour nous montrer comme elle participe déjà l’avènement musical en disposant et déplaçant des e-bows ( “archets électronisques” petit objets mettant les cordes musicales – piano, guitare ou autre – en action). Les cymbales commencent à sonner sous les frappes, la pianiste à phraser avec des sons très courts de balafons, le tempo se connaître et, par des phrasés rapides, le “grand piano” entre en concurrence avec les sons préparés martelés dans le grave. Jeux explosifs, soudain apaisement sous la caresse de l’archet, nocturne de piano…
Les visages sont masqués – Covid oblige – et les caméras ne s’attardent pas sur les visages, privilégiant les gestes… Ne sont-ce pas eux qui nous aident à nous concentrer sur la musique. Les mains de Kris Davis : « des mains qui pensent » (pour encore paraphraser André Hodeir, commentant sa rencontre avec Martial Solal…) en plus d’être des mains aguerries de pianiste, admirables mécaniques de précision. Sobre, sans excès, la répartition des plans entre caméras rend compte de l’interaction qui anime le trio, une interaction lente, mais non sans rupture brutale, ni sans éclats formidables, avec quelque chose de minimal. On pourrait aller jusqu’au qualificatif de minimaliste, avec le sens qu’on lui donne pour désigner la musique répétitive. Et l’on verse en effet vers le répétitif selon une polyrythmie en permanents tuilages métriques jusqu’à ce prodigieux moment qui aurait rendu jaloux les piano rolls de Conlon Nancarrow s’ils étaient doués de sensibilité. Franck Bergerot
PS: À voir aussi sur vos écrans, les Solo Series du Village Vanguard avec Bill Stewart, Marcus Gilmore et Ben Monder.