David Enhco et Marc Perrenoud autour de Chet Baker
Samedi soir, au Bal Blomet, plein à craquer, marc Perrenoud et David Enhco ont rendu hommage à Chet Baker, objet de leur dernier disque intitulé tout simplement Chet. David Enhco (trompette), Marc Perrenoud (piano), Le Bal Blomet, 20 janvier 2024
David Enhco et Marc Perrenoud, pour cet hommage à Chet Baker, ont choisi un mélange de liberté et de passages obligés. Ils jouent les « chetissimes » My funny Valentine et I fall in love too easily, mais aussi quelques standards moins évidents, Easy living, Yesterdays, et aussi des compositions de David Enhco qui illustrent l’aspect plus sombre de la vie du grand trompettiste américain (très beau « Pierrot » plein d’écorchures). David Enhco raconte au début du concert que Chet Baker sings est l’un des tous premiers disques de jazz qu’il ait tenu entre ses mains.
La leçon , manifestement a été apprise et retenue. David Enhco joue merveilleusement sur le fil de la fragilité. Il souffle des phrases traversées d’un filigrane de souffle, superbement dosé, ses notes semblent posées sur l’air, comme de petits avions en papiers. Il a un sens du lyrisme incontestable, même si sa manière de jouer et de chanter les mélodies à la trompette est au fond assez différente de Chet (pas du tout le même usage des registres graves et médium, par exemple). Quant à Marc Perrenoud, au piano, il a des lignes lyriques et énergiques, de magnifiques envolées, mais aussi la capacité de poser des accords profonds, dramatiques, qui ouvrent des espaces au soliste.
Le duo se montre à l’aise dans l’exploration des fêlures, mais aimanté aussi par des atmosphères plus flamboyantes et débridées accompagnées de belles prises de risques. Magnifiques There will never be another you chanté à deux, en totale allégresse, magnifique My funny valentine détourné en valse tourbillonnante, très belle version, un peu douce-amère de Easy living. mais le plus beau morceau de la soirée reste pour moi cette version magnifique de Yesterdays. Les accords posés par Marc Perrenoud au début du morceau sont habités, l’exposition du thème par David Enhco est superbe, avec cette bouleversante note aigüe de la première partie du thème, frémissante et tenue. Les premières phrases de son solo sont parfaites, très émouvantes, renforcées par la délicate profondeur de Marc Perrenoud qui laisse tomber quelques notes d’une grande densité, qui semblent résonner dans la salle du Bal Blomet où tout le monde a retenu son souffle.
JF Mondot