Des livres et du jazz, Perpignan, le 12 octobre 2012
L’art nous rapproche en tant que nous sommes sujets de désir (car le désir a forme de parole), il nous sépare en tant que nous y jouissons d’un certain objet (car la jouissance est silencieuse, et unique pour chacun). Le jazz, dans l’histoire de son déploiement culturel, aura été (surtout en France), particulièrement propice à illustrer ces énoncés. La petite réunion d’hier, en la librairie Torcatis à Perpignan, n’a pas dérogé à la règle.
« J’étais venu pour entendre parler de John Coltrane » dit l’un, « et finalement je n’ai rien appris sur lui« . Placide, concentré, explicatif, Michel Arcens répond. Il n’a pas voulu faire un livre de plus sur « Coltrane, sa vie, son oeuvre », il y en a tant. Il a seulement voulu reprendre les paroles du saxophoniste à propos de sa musique, les déclarations des musiciens de jazz à propos de Coltrane, mettre ça dans un shaker avec la phénoménologie de Michel Henry, plus quelques justes propos de grands auteurs littéraires, agiter et servir. C’est un livre naïf, un livre d’ingénu. D’ailleurs il n’aurait pas du le faire. D’ailleurs il ne le fera plus. D’ailleurs il ne faut lire que l’épilogue, un petit apologue sous forme de conte. Michel Arcens se dérobe à la contradiction en énonçant lui-même les défauts de son livre. Personne ne le croit, évidemment, et comme le souligne un ami, « il y a là sans doute un tout nouveau procédé de marketing« . Signe en tous cas de la multiplicité du propos, le livre (paru ces jours-ci chez Alter Ego Editions dans la collection « Jazz Impressions ») annonce un sous-titre et deux accroches : « La musique sans raison » est le sous-titre, « Esquisses d’une philosophie imaginaire » et « Essai pour une phénoménologie du jazz » sont les accroches, ici bien mal nommées, la seule qui vaille étant le titre : « John Coltrane ».
Jacques Aboucaya (le préfacier) et Joël Mettay (l’éditeur) sont là. Ils disent pourquoi ils ont aimé préfacer (pour l’un) et éditer (pour l’autre) le livre de Michel Arcens. Rond, sympathique, visiblement satisfait de constituer une belle collection de livres sur le jazz, Joël Mettay explique et rend hommage. A Jean-Pierre Moussaron, et dans un même élan à John Tchicaï : ils nous ont quittés à quelques jours d’intervalle, au moment même où paraît (dans la même collection) ce qui sera le dernier livre de JP Moussaron sur le jazz « Les Blessures du désir », sous titré « Pulsions et Puissances en Jazz », un superbe recueil d’articles repris, relus et récrits, parus à l’origine dans les années 80 à 2000. Et puis, « last but not least », et toujours dans la même collection, on trouvera bientôt un « Petit Dictionnaire Incomplet des Incompris », par Alain Gerber. Joël Mettay est un éditeur heureux.
Mais les questions reviennent, et toujours les mêmes évidemment : que pensez-vous de la mort du jazz ? Michel Arcens, cette fois, est plus à l’aise pour répondre. Que la vivacité de cette musique est là, que les musiciens sont de mieux en mieux formés, qu’ils sont techniquement superlatifs, que ça s’entend, et même que ça fait peur aux anciens. Et que l’annonce de la mort du jazz remonte au jour de sa naissance. Et que si les êtres vivants peuvent (et doivent) mourir, la vie, elle, ne disparaîtra pas. Le jazz pourrait peut-être s’effacer, mais la musique qui en soutient le fond, l’essence même, ne va pas s’éteindre ainsi. Dont acte. On aimerait répliquer, contester, dicuter ça, analyser chaque mot, reprendre chaque formule, en montrer les limites, les contradictions. On ne le fera pas. On est ici dans le champ du désir, et on y restera. Pour la jouissance, repassez !!!
Ce soir à Perpignan, dans le cadre de « Jazzèbre », trois superbes rendez-vous : à 18.00 le sextet de Jean-Pierre Jullian, et à 20.30 « Les Amants de Juliette« , puis le quintet de Joe Lovano et Dave Douglas. Le jazz. On y est.
Philippe Méziat
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L’art nous rapproche en tant que nous sommes sujets de désir (car le désir a forme de parole), il nous sépare en tant que nous y jouissons d’un certain objet (car la jouissance est silencieuse, et unique pour chacun). Le jazz, dans l’histoire de son déploiement culturel, aura été (surtout en France), particulièrement propice à illustrer ces énoncés. La petite réunion d’hier, en la librairie Torcatis à Perpignan, n’a pas dérogé à la règle.
« J’étais venu pour entendre parler de John Coltrane » dit l’un, « et finalement je n’ai rien appris sur lui« . Placide, concentré, explicatif, Michel Arcens répond. Il n’a pas voulu faire un livre de plus sur « Coltrane, sa vie, son oeuvre », il y en a tant. Il a seulement voulu reprendre les paroles du saxophoniste à propos de sa musique, les déclarations des musiciens de jazz à propos de Coltrane, mettre ça dans un shaker avec la phénoménologie de Michel Henry, plus quelques justes propos de grands auteurs littéraires, agiter et servir. C’est un livre naïf, un livre d’ingénu. D’ailleurs il n’aurait pas du le faire. D’ailleurs il ne le fera plus. D’ailleurs il ne faut lire que l’épilogue, un petit apologue sous forme de conte. Michel Arcens se dérobe à la contradiction en énonçant lui-même les défauts de son livre. Personne ne le croit, évidemment, et comme le souligne un ami, « il y a là sans doute un tout nouveau procédé de marketing« . Signe en tous cas de la multiplicité du propos, le livre (paru ces jours-ci chez Alter Ego Editions dans la collection « Jazz Impressions ») annonce un sous-titre et deux accroches : « La musique sans raison » est le sous-titre, « Esquisses d’une philosophie imaginaire » et « Essai pour une phénoménologie du jazz » sont les accroches, ici bien mal nommées, la seule qui vaille étant le titre : « John Coltrane ».
Jacques Aboucaya (le préfacier) et Joël Mettay (l’éditeur) sont là. Ils disent pourquoi ils ont aimé préfacer (pour l’un) et éditer (pour l’autre) le livre de Michel Arcens. Rond, sympathique, visiblement satisfait de constituer une belle collection de livres sur le jazz, Joël Mettay explique et rend hommage. A Jean-Pierre Moussaron, et dans un même élan à John Tchicaï : ils nous ont quittés à quelques jours d’intervalle, au moment même où paraît (dans la même collection) ce qui sera le dernier livre de JP Moussaron sur le jazz « Les Blessures du désir », sous titré « Pulsions et Puissances en Jazz », un superbe recueil d’articles repris, relus et récrits, parus à l’origine dans les années 80 à 2000. Et puis, « last but not least », et toujours dans la même collection, on trouvera bientôt un « Petit Dictionnaire Incomplet des Incompris », par Alain Gerber. Joël Mettay est un éditeur heureux.
Mais les questions reviennent, et toujours les mêmes évidemment : que pensez-vous de la mort du jazz ? Michel Arcens, cette fois, est plus à l’aise pour répondre. Que la vivacité de cette musique est là, que les musiciens sont de mieux en mieux formés, qu’ils sont techniquement superlatifs, que ça s’entend, et même que ça fait peur aux anciens. Et que l’annonce de la mort du jazz remonte au jour de sa naissance. Et que si les êtres vivants peuvent (et doivent) mourir, la vie, elle, ne disparaîtra pas. Le jazz pourrait peut-être s’effacer, mais la musique qui en soutient le fond, l’essence même, ne va pas s’éteindre ainsi. Dont acte. On aimerait répliquer, contester, dicuter ça, analyser chaque mot, reprendre chaque formule, en montrer les limites, les contradictions. On ne le fera pas. On est ici dans le champ du désir, et on y restera. Pour la jouissance, repassez !!!
Ce soir à Perpignan, dans le cadre de « Jazzèbre », trois superbes rendez-vous : à 18.00 le sextet de Jean-Pierre Jullian, et à 20.30 « Les Amants de Juliette« , puis le quintet de Joe Lovano et Dave Douglas. Le jazz. On y est.
Philippe Méziat
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L’art nous rapproche en tant que nous sommes sujets de désir (car le désir a forme de parole), il nous sépare en tant que nous y jouissons d’un certain objet (car la jouissance est silencieuse, et unique pour chacun). Le jazz, dans l’histoire de son déploiement culturel, aura été (surtout en France), particulièrement propice à illustrer ces énoncés. La petite réunion d’hier, en la librairie Torcatis à Perpignan, n’a pas dérogé à la règle.
« J’étais venu pour entendre parler de John Coltrane » dit l’un, « et finalement je n’ai rien appris sur lui« . Placide, concentré, explicatif, Michel Arcens répond. Il n’a pas voulu faire un livre de plus sur « Coltrane, sa vie, son oeuvre », il y en a tant. Il a seulement voulu reprendre les paroles du saxophoniste à propos de sa musique, les déclarations des musiciens de jazz à propos de Coltrane, mettre ça dans un shaker avec la phénoménologie de Michel Henry, plus quelques justes propos de grands auteurs littéraires, agiter et servir. C’est un livre naïf, un livre d’ingénu. D’ailleurs il n’aurait pas du le faire. D’ailleurs il ne le fera plus. D’ailleurs il ne faut lire que l’épilogue, un petit apologue sous forme de conte. Michel Arcens se dérobe à la contradiction en énonçant lui-même les défauts de son livre. Personne ne le croit, évidemment, et comme le souligne un ami, « il y a là sans doute un tout nouveau procédé de marketing« . Signe en tous cas de la multiplicité du propos, le livre (paru ces jours-ci chez Alter Ego Editions dans la collection « Jazz Impressions ») annonce un sous-titre et deux accroches : « La musique sans raison » est le sous-titre, « Esquisses d’une philosophie imaginaire » et « Essai pour une phénoménologie du jazz » sont les accroches, ici bien mal nommées, la seule qui vaille étant le titre : « John Coltrane ».
Jacques Aboucaya (le préfacier) et Joël Mettay (l’éditeur) sont là. Ils disent pourquoi ils ont aimé préfacer (pour l’un) et éditer (pour l’autre) le livre de Michel Arcens. Rond, sympathique, visiblement satisfait de constituer une belle collection de livres sur le jazz, Joël Mettay explique et rend hommage. A Jean-Pierre Moussaron, et dans un même élan à John Tchicaï : ils nous ont quittés à quelques jours d’intervalle, au moment même où paraît (dans la même collection) ce qui sera le dernier livre de JP Moussaron sur le jazz « Les Blessures du désir », sous titré « Pulsions et Puissances en Jazz », un superbe recueil d’articles repris, relus et récrits, parus à l’origine dans les années 80 à 2000. Et puis, « last but not least », et toujours dans la même collection, on trouvera bientôt un « Petit Dictionnaire Incomplet des Incompris », par Alain Gerber. Joël Mettay est un éditeur heureux.
Mais les questions reviennent, et toujours les mêmes évidemment : que pensez-vous de la mort du jazz ? Michel Arcens, cette fois, est plus à l’aise pour répondre. Que la vivacité de cette musique est là, que les musiciens sont de mieux en mieux formés, qu’ils sont techniquement superlatifs, que ça s’entend, et même que ça fait peur aux anciens. Et que l’annonce de la mort du jazz remonte au jour de sa naissance. Et que si les êtres vivants peuvent (et doivent) mourir, la vie, elle, ne disparaîtra pas. Le jazz pourrait peut-être s’effacer, mais la musique qui en soutient le fond, l’essence même, ne va pas s’éteindre ainsi. Dont acte. On aimerait répliquer, contester, dicuter ça, analyser chaque mot, reprendre chaque formule, en montrer les limites, les contradictions. On ne le fera pas. On est ici dans le champ du désir, et on y restera. Pour la jouissance, repassez !!!
Ce soir à Perpignan, dans le cadre de « Jazzèbre », trois superbes rendez-vous : à 18.00 le sextet de Jean-Pierre Jullian, et à 20.30 « Les Amants de Juliette« , puis le quintet de Joe Lovano et Dave Douglas. Le jazz. On y est.
Philippe Méziat
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L’art nous rapproche en tant que nous sommes sujets de désir (car le désir a forme de parole), il nous sépare en tant que nous y jouissons d’un certain objet (car la jouissance est silencieuse, et unique pour chacun). Le jazz, dans l’histoire de son déploiement culturel, aura été (surtout en France), particulièrement propice à illustrer ces énoncés. La petite réunion d’hier, en la librairie Torcatis à Perpignan, n’a pas dérogé à la règle.
« J’étais venu pour entendre parler de John Coltrane » dit l’un, « et finalement je n’ai rien appris sur lui« . Placide, concentré, explicatif, Michel Arcens répond. Il n’a pas voulu faire un livre de plus sur « Coltrane, sa vie, son oeuvre », il y en a tant. Il a seulement voulu reprendre les paroles du saxophoniste à propos de sa musique, les déclarations des musiciens de jazz à propos de Coltrane, mettre ça dans un shaker avec la phénoménologie de Michel Henry, plus quelques justes propos de grands auteurs littéraires, agiter et servir. C’est un livre naïf, un livre d’ingénu. D’ailleurs il n’aurait pas du le faire. D’ailleurs il ne le fera plus. D’ailleurs il ne faut lire que l’épilogue, un petit apologue sous forme de conte. Michel Arcens se dérobe à la contradiction en énonçant lui-même les défauts de son livre. Personne ne le croit, évidemment, et comme le souligne un ami, « il y a là sans doute un tout nouveau procédé de marketing« . Signe en tous cas de la multiplicité du propos, le livre (paru ces jours-ci chez Alter Ego Editions dans la collection « Jazz Impressions ») annonce un sous-titre et deux accroches : « La musique sans raison » est le sous-titre, « Esquisses d’une philosophie imaginaire » et « Essai pour une phénoménologie du jazz » sont les accroches, ici bien mal nommées, la seule qui vaille étant le titre : « John Coltrane ».
Jacques Aboucaya (le préfacier) et Joël Mettay (l’éditeur) sont là. Ils disent pourquoi ils ont aimé préfacer (pour l’un) et éditer (pour l’autre) le livre de Michel Arcens. Rond, sympathique, visiblement satisfait de constituer une belle collection de livres sur le jazz, Joël Mettay explique et rend hommage. A Jean-Pierre Moussaron, et dans un même élan à John Tchicaï : ils nous ont quittés à quelques jours d’intervalle, au moment même où paraît (dans la même collection) ce qui sera le dernier livre de JP Moussaron sur le jazz « Les Blessures du désir », sous titré « Pulsions et Puissances en Jazz », un superbe recueil d’articles repris, relus et récrits, parus à l’origine dans les années 80 à 2000. Et puis, « last but not least », et toujours dans la même collection, on trouvera bientôt un « Petit Dictionnaire Incomplet des Incompris », par Alain Gerber. Joël Mettay est un éditeur heureux.
Mais les questions reviennent, et toujours les mêmes évidemment : que pensez-vous de la mort du jazz ? Michel Arcens, cette fois, est plus à l’aise pour répondre. Que la vivacité de cette musique est là, que les musiciens sont de mieux en mieux formés, qu’ils sont techniquement superlatifs, que ça s’entend, et même que ça fait peur aux anciens. Et que l’annonce de la mort du jazz remonte au jour de sa naissance. Et que si les êtres vivants peuvent (et doivent) mourir, la vie, elle, ne disparaîtra pas. Le jazz pourrait peut-être s’effacer, mais la musique qui en soutient le fond, l’essence même, ne va pas s’éteindre ainsi. Dont acte. On aimerait répliquer, contester, dicuter ça, analyser chaque mot, reprendre chaque formule, en montrer les limites, les contradictions. On ne le fera pas. On est ici dans le champ du désir, et on y restera. Pour la jouissance, repassez !!!
Ce soir à Perpignan, dans le cadre de « Jazzèbre », trois superbes rendez-vous : à 18.00 le sextet de Jean-Pierre Jullian, et à 20.30 « Les Amants de Juliette« , puis le quintet de Joe Lovano et Dave Douglas. Le jazz. On y est.
Philippe Méziat