Jazz live
Publié le 11 Nov 2014

D'jazz Nevers 28° édition, 11 novembre, Sitter/Durant, Besson/Veras, Elina Duni, Catherine Delaunay

La longeur réduite de nos titres ne permet pas, très souvent, d’y inclure l’ensemble des manifestations d’une journée, dans les festivals comme celui de Nevers, et dans le cas d’un jour férié où les programmateurs s’en donnent à coeur joie. Le 11 novembre 2014, on fête donc à la fois la fin de la grande guerre (comme tous les ans), mais comme on est en 2014 on peut fêter aussi – le mot est tout à fait inadéquat – le premier centenaire de la même. D’où ce spectacle/concert « Jusqu’au dernier souffle », d’après les lettres d’amour des poilus de la grande guerre, musique de Catherine Delaunay.

 

Mais reprenons dans l’ordre. À 12.00, Andrea Sitter (danse, texte) & Yoann Durant (comp, saxophones, tuyaux) se présentent pour un court spectacle de 35 minutes, sous le titre « Soufflements ». Il s’agit pour eux de croiser leurs pratiques – qui sont diverses, éclatées – autour d’une thématique de ce qui envoie du vent, du son, du souffle, et qui tienne compte de l’histoire de chacun et de sa folie propre. Yoann commence « seul », avec un très beau et très original travail sur un soprano appuyé sur un coussin en cuir, duquel, à l’aide de trois micros, il tirera des sons plutôt percussifs, bientôt enchaînés dans une sorte de pièce rythmique du plus bel effet. Quant à Andrea, elle déboule – le mot est inadéquat – sur une figure boiteuse puisque chacun de ses pieds est chaussé d’un soulier différent, de danse, ou à talons. Cette boiterie débouche bientôt sur d’autres confessions, et sur une étonnante séquence consacrée à la « Kalatchnikoff ». Pendant ce temps, Yoann a poursuivi son chemin et son cheminement tournoyant, avec tuyaux à l’appui. Entre chorégraphie classique et contemporaine, bruitisme et rythmes percussifs, trente minutes éclatées, surprenantes, et en suivant un passionnant entretien avec les artistes, où chacun révèle plusieurs pans de son histoire.


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       Andrea Sitter et Yoann Durant


Cependant que le Nautilis Trio occupe le PAC des Ouches pour un concert jeune public, Roger Fontanel fait l’expérience du surbooking dans le splendide Musée de la Faïence. Accueillir des concerts dans les musées est une excellent idée, que je vis pratiquer par Nicolle Rollin à Nîmes, et que je pratiquai moi-même à Bordeaux à deux reprises. Mais les conservateurs de musée, les responsables, sont toujours inquiets à l’idée de recevoir du public dans des salles normalement réservées à une contemplation sage et respectueuse des lieux. D’où un luxe de précautions, qui les conduit souvent à en rajouter sur la sécurité. En l’occurence une capacité d’accueil limitée à 70 assiettes, pour le duo Airelle Besson (tp)/Nelson Veras (g), qui aurait bien recueilli une centaine d’adhésions. La gestion de ce genre de misère est toujours compliquée, surtout quand il faut caser aussi les journalistes spécialisés… Roger Fontanel s’en est superbement tiré, et les deux protagonistes en ont profité pour donner un concert empli de la plus belle musique, construite sur une alliance subtile de force et de fragilité. Leur CD, récemment sorti sous le titre « Prélude » (Naïve), est l’un des plus passionnants du 2° semestre 2014. Avec la participation d’Airelle au dernier disque de Riccardo Del Fra (sur et autour de Chet Baker), notre trompettiste marque des points sur le chemin vers une reconnaissance encore plus affirmée.


Ayant eu l’occasion d’entendre (et d’en parler ici même) le superbe projet « Whahay » (Paul Rogers, Robin Fincker, Fabien Duscombs), j’ai laissé ma place à l’un des nombreux spectateurs qui emplissent l’auditorium Jean Jaurès vers 18.30. On m’a rapporté que l’enthousiasme était général, et que quelques programmateurs ont décidé d’inclure le trio dans leur saison. C’est donc « tout ouïe » que j’ai pris place dans la salle Philippe-Genty de la Maison de la Culture, pour une soirée qui s’annonçait contrastée. « Jusqu’au dernier souffle », c’est l’oeuvre de Catherine Delaunay (cl, scie musicale), entourée de Yann Karaquillo (voix), Guillaume Roy (alto), Guillaume Séguron (b), Christophe Morisset (serpent , tb, soubassophone), Pierrick Hardy (g, banjo) et Hervé Samson (lumières). En outre, elle est accompagnée par Sandrine Le Grand (p) pour deux pièces classiques qu’elle joue dans la soirée, la première Rhapsodie de Debussy pour clarinette et piano (1909-1910) et les magnifiques quatre pièces de Berg, op 5 (1913) pour les mêmes instruments. 

 

« Jusqu’au dernier souffle » : les poilus de la grande guerre ont écrit à leurs femmes, leurs familles, leur parents. Il leur a été répondu. Ils ont parfois écrit leur dernière lettre en sachant qu’ils allaient être fusillés le lendemain pour désertion. Choisir dans cette « littérature » involontaire, et mettre entre leurs lignes des musiques destinées à soutenir ou commenter le récitant, voilà le projet de Catherine Delaunay. Pour ce faire, elle s’est située dans le large espace qui existe entre les musiques dites « populaires » et celles qu’on nomme « savantes ». Soit ; classique et traditionnel. Le modèle est simple, et il est quasiment « obligé » : les hommes engagés dans la guerre sont, dans une large mesure, mélangés entre les classes, les situations sociales. Les instruments (de fortune, comme on dit, très belle expression qui veut dire que le hasard joue en dehors de la richesse, voire contre elle) sont, eux aussi, au-delà des clivages sociaux. Catherine Delaunay s’est située, dans son écriture, dans une mi-distance respectueuse entre ces catégories. Elle a surtout laissé la charge émotionnelle aux textes, n’en rajoutant jamais dans son écriture. D’où une oeuvre digne, qui n’ouvre jamais sur le moindre pathos. On écoute ça avec la bonne distance également, et chaque instrumentiste est à sa place. On a aimé les échanges entre l’alto de Roy et la contrebasse de Séguron, les interventions de Morisset au serpent, la présence de la guitare de Pierrick Hardy, et bien sûr l’impeccable diction de Yann Karaquillo. Il faut que cette création soit jouée le plus souvent possible d’ici 2018. Et même après !!!

 

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               Guillaume Roy (alto)

 

Elina Duni est passée après ce moment d’émotion contrôlée. La jeune chanteuse albanaise, émigrée en Suisse à l’âge de dix ans, parle un français magnifique et quasiment littéraire. Elle adapte les chansons d’amour, ou de liberté, de son pays, pour voix et trio jazz (Colin Vallon, piano, Patrice Moret, contrebasse, Norbert Pfammater, batterie). Cette musique, qui équivoque parfois avec l’orient, elle la porte d’une très belle voix, aisée, bien timbrée, d’un ambitus très large. Son récital bien conduit, bien présenté, finit par convaincre de tant de qualités sans esbrouffe. A revoir donc, on l’espère.

 

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                Elina Duni

 

Philippe Méziat

 

Ce jour : orTie à 12.0
0 (Élodie Pasquier, cl et Grégoire Gensse, p), « Red Hill Orchestra » à 18.30, et ce soir à 20.30 le quatuor Béla rencontre le trio Jean-Louis, puis le Jus de Bocse de Médéric Collignon. 

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La longeur réduite de nos titres ne permet pas, très souvent, d’y inclure l’ensemble des manifestations d’une journée, dans les festivals comme celui de Nevers, et dans le cas d’un jour férié où les programmateurs s’en donnent à coeur joie. Le 11 novembre 2014, on fête donc à la fois la fin de la grande guerre (comme tous les ans), mais comme on est en 2014 on peut fêter aussi – le mot est tout à fait inadéquat – le premier centenaire de la même. D’où ce spectacle/concert « Jusqu’au dernier souffle », d’après les lettres d’amour des poilus de la grande guerre, musique de Catherine Delaunay.

 

Mais reprenons dans l’ordre. À 12.00, Andrea Sitter (danse, texte) & Yoann Durant (comp, saxophones, tuyaux) se présentent pour un court spectacle de 35 minutes, sous le titre « Soufflements ». Il s’agit pour eux de croiser leurs pratiques – qui sont diverses, éclatées – autour d’une thématique de ce qui envoie du vent, du son, du souffle, et qui tienne compte de l’histoire de chacun et de sa folie propre. Yoann commence « seul », avec un très beau et très original travail sur un soprano appuyé sur un coussin en cuir, duquel, à l’aide de trois micros, il tirera des sons plutôt percussifs, bientôt enchaînés dans une sorte de pièce rythmique du plus bel effet. Quant à Andrea, elle déboule – le mot est inadéquat – sur une figure boiteuse puisque chacun de ses pieds est chaussé d’un soulier différent, de danse, ou à talons. Cette boiterie débouche bientôt sur d’autres confessions, et sur une étonnante séquence consacrée à la « Kalatchnikoff ». Pendant ce temps, Yoann a poursuivi son chemin et son cheminement tournoyant, avec tuyaux à l’appui. Entre chorégraphie classique et contemporaine, bruitisme et rythmes percussifs, trente minutes éclatées, surprenantes, et en suivant un passionnant entretien avec les artistes, où chacun révèle plusieurs pans de son histoire.


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       Andrea Sitter et Yoann Durant


Cependant que le Nautilis Trio occupe le PAC des Ouches pour un concert jeune public, Roger Fontanel fait l’expérience du surbooking dans le splendide Musée de la Faïence. Accueillir des concerts dans les musées est une excellent idée, que je vis pratiquer par Nicolle Rollin à Nîmes, et que je pratiquai moi-même à Bordeaux à deux reprises. Mais les conservateurs de musée, les responsables, sont toujours inquiets à l’idée de recevoir du public dans des salles normalement réservées à une contemplation sage et respectueuse des lieux. D’où un luxe de précautions, qui les conduit souvent à en rajouter sur la sécurité. En l’occurence une capacité d’accueil limitée à 70 assiettes, pour le duo Airelle Besson (tp)/Nelson Veras (g), qui aurait bien recueilli une centaine d’adhésions. La gestion de ce genre de misère est toujours compliquée, surtout quand il faut caser aussi les journalistes spécialisés… Roger Fontanel s’en est superbement tiré, et les deux protagonistes en ont profité pour donner un concert empli de la plus belle musique, construite sur une alliance subtile de force et de fragilité. Leur CD, récemment sorti sous le titre « Prélude » (Naïve), est l’un des plus passionnants du 2° semestre 2014. Avec la participation d’Airelle au dernier disque de Riccardo Del Fra (sur et autour de Chet Baker), notre trompettiste marque des points sur le chemin vers une reconnaissance encore plus affirmée.


Ayant eu l’occasion d’entendre (et d’en parler ici même) le superbe projet « Whahay » (Paul Rogers, Robin Fincker, Fabien Duscombs), j’ai laissé ma place à l’un des nombreux spectateurs qui emplissent l’auditorium Jean Jaurès vers 18.30. On m’a rapporté que l’enthousiasme était général, et que quelques programmateurs ont décidé d’inclure le trio dans leur saison. C’est donc « tout ouïe » que j’ai pris place dans la salle Philippe-Genty de la Maison de la Culture, pour une soirée qui s’annonçait contrastée. « Jusqu’au dernier souffle », c’est l’oeuvre de Catherine Delaunay (cl, scie musicale), entourée de Yann Karaquillo (voix), Guillaume Roy (alto), Guillaume Séguron (b), Christophe Morisset (serpent , tb, soubassophone), Pierrick Hardy (g, banjo) et Hervé Samson (lumières). En outre, elle est accompagnée par Sandrine Le Grand (p) pour deux pièces classiques qu’elle joue dans la soirée, la première Rhapsodie de Debussy pour clarinette et piano (1909-1910) et les magnifiques quatre pièces de Berg, op 5 (1913) pour les mêmes instruments. 

 

« Jusqu’au dernier souffle » : les poilus de la grande guerre ont écrit à leurs femmes, leurs familles, leur parents. Il leur a été répondu. Ils ont parfois écrit leur dernière lettre en sachant qu’ils allaient être fusillés le lendemain pour désertion. Choisir dans cette « littérature » involontaire, et mettre entre leurs lignes des musiques destinées à soutenir ou commenter le récitant, voilà le projet de Catherine Delaunay. Pour ce faire, elle s’est située dans le large espace qui existe entre les musiques dites « populaires » et celles qu’on nomme « savantes ». Soit ; classique et traditionnel. Le modèle est simple, et il est quasiment « obligé » : les hommes engagés dans la guerre sont, dans une large mesure, mélangés entre les classes, les situations sociales. Les instruments (de fortune, comme on dit, très belle expression qui veut dire que le hasard joue en dehors de la richesse, voire contre elle) sont, eux aussi, au-delà des clivages sociaux. Catherine Delaunay s’est située, dans son écriture, dans une mi-distance respectueuse entre ces catégories. Elle a surtout laissé la charge émotionnelle aux textes, n’en rajoutant jamais dans son écriture. D’où une oeuvre digne, qui n’ouvre jamais sur le moindre pathos. On écoute ça avec la bonne distance également, et chaque instrumentiste est à sa place. On a aimé les échanges entre l’alto de Roy et la contrebasse de Séguron, les interventions de Morisset au serpent, la présence de la guitare de Pierrick Hardy, et bien sûr l’impeccable diction de Yann Karaquillo. Il faut que cette création soit jouée le plus souvent possible d’ici 2018. Et même après !!!

 

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               Guillaume Roy (alto)

 

Elina Duni est passée après ce moment d’émotion contrôlée. La jeune chanteuse albanaise, émigrée en Suisse à l’âge de dix ans, parle un français magnifique et quasiment littéraire. Elle adapte les chansons d’amour, ou de liberté, de son pays, pour voix et trio jazz (Colin Vallon, piano, Patrice Moret, contrebasse, Norbert Pfammater, batterie). Cette musique, qui équivoque parfois avec l’orient, elle la porte d’une très belle voix, aisée, bien timbrée, d’un ambitus très large. Son récital bien conduit, bien présenté, finit par convaincre de tant de qualités sans esbrouffe. A revoir donc, on l’espère.

 

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                Elina Duni

 

Philippe Méziat

 

Ce jour : orTie à 12.0
0 (Élodie Pasquier, cl et Grégoire Gensse, p), « Red Hill Orchestra » à 18.30, et ce soir à 20.30 le quatuor Béla rencontre le trio Jean-Louis, puis le Jus de Bocse de Médéric Collignon. 

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La longeur réduite de nos titres ne permet pas, très souvent, d’y inclure l’ensemble des manifestations d’une journée, dans les festivals comme celui de Nevers, et dans le cas d’un jour férié où les programmateurs s’en donnent à coeur joie. Le 11 novembre 2014, on fête donc à la fois la fin de la grande guerre (comme tous les ans), mais comme on est en 2014 on peut fêter aussi – le mot est tout à fait inadéquat – le premier centenaire de la même. D’où ce spectacle/concert « Jusqu’au dernier souffle », d’après les lettres d’amour des poilus de la grande guerre, musique de Catherine Delaunay.

 

Mais reprenons dans l’ordre. À 12.00, Andrea Sitter (danse, texte) & Yoann Durant (comp, saxophones, tuyaux) se présentent pour un court spectacle de 35 minutes, sous le titre « Soufflements ». Il s’agit pour eux de croiser leurs pratiques – qui sont diverses, éclatées – autour d’une thématique de ce qui envoie du vent, du son, du souffle, et qui tienne compte de l’histoire de chacun et de sa folie propre. Yoann commence « seul », avec un très beau et très original travail sur un soprano appuyé sur un coussin en cuir, duquel, à l’aide de trois micros, il tirera des sons plutôt percussifs, bientôt enchaînés dans une sorte de pièce rythmique du plus bel effet. Quant à Andrea, elle déboule – le mot est inadéquat – sur une figure boiteuse puisque chacun de ses pieds est chaussé d’un soulier différent, de danse, ou à talons. Cette boiterie débouche bientôt sur d’autres confessions, et sur une étonnante séquence consacrée à la « Kalatchnikoff ». Pendant ce temps, Yoann a poursuivi son chemin et son cheminement tournoyant, avec tuyaux à l’appui. Entre chorégraphie classique et contemporaine, bruitisme et rythmes percussifs, trente minutes éclatées, surprenantes, et en suivant un passionnant entretien avec les artistes, où chacun révèle plusieurs pans de son histoire.


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       Andrea Sitter et Yoann Durant


Cependant que le Nautilis Trio occupe le PAC des Ouches pour un concert jeune public, Roger Fontanel fait l’expérience du surbooking dans le splendide Musée de la Faïence. Accueillir des concerts dans les musées est une excellent idée, que je vis pratiquer par Nicolle Rollin à Nîmes, et que je pratiquai moi-même à Bordeaux à deux reprises. Mais les conservateurs de musée, les responsables, sont toujours inquiets à l’idée de recevoir du public dans des salles normalement réservées à une contemplation sage et respectueuse des lieux. D’où un luxe de précautions, qui les conduit souvent à en rajouter sur la sécurité. En l’occurence une capacité d’accueil limitée à 70 assiettes, pour le duo Airelle Besson (tp)/Nelson Veras (g), qui aurait bien recueilli une centaine d’adhésions. La gestion de ce genre de misère est toujours compliquée, surtout quand il faut caser aussi les journalistes spécialisés… Roger Fontanel s’en est superbement tiré, et les deux protagonistes en ont profité pour donner un concert empli de la plus belle musique, construite sur une alliance subtile de force et de fragilité. Leur CD, récemment sorti sous le titre « Prélude » (Naïve), est l’un des plus passionnants du 2° semestre 2014. Avec la participation d’Airelle au dernier disque de Riccardo Del Fra (sur et autour de Chet Baker), notre trompettiste marque des points sur le chemin vers une reconnaissance encore plus affirmée.


Ayant eu l’occasion d’entendre (et d’en parler ici même) le superbe projet « Whahay » (Paul Rogers, Robin Fincker, Fabien Duscombs), j’ai laissé ma place à l’un des nombreux spectateurs qui emplissent l’auditorium Jean Jaurès vers 18.30. On m’a rapporté que l’enthousiasme était général, et que quelques programmateurs ont décidé d’inclure le trio dans leur saison. C’est donc « tout ouïe » que j’ai pris place dans la salle Philippe-Genty de la Maison de la Culture, pour une soirée qui s’annonçait contrastée. « Jusqu’au dernier souffle », c’est l’oeuvre de Catherine Delaunay (cl, scie musicale), entourée de Yann Karaquillo (voix), Guillaume Roy (alto), Guillaume Séguron (b), Christophe Morisset (serpent , tb, soubassophone), Pierrick Hardy (g, banjo) et Hervé Samson (lumières). En outre, elle est accompagnée par Sandrine Le Grand (p) pour deux pièces classiques qu’elle joue dans la soirée, la première Rhapsodie de Debussy pour clarinette et piano (1909-1910) et les magnifiques quatre pièces de Berg, op 5 (1913) pour les mêmes instruments. 

 

« Jusqu’au dernier souffle » : les poilus de la grande guerre ont écrit à leurs femmes, leurs familles, leur parents. Il leur a été répondu. Ils ont parfois écrit leur dernière lettre en sachant qu’ils allaient être fusillés le lendemain pour désertion. Choisir dans cette « littérature » involontaire, et mettre entre leurs lignes des musiques destinées à soutenir ou commenter le récitant, voilà le projet de Catherine Delaunay. Pour ce faire, elle s’est située dans le large espace qui existe entre les musiques dites « populaires » et celles qu’on nomme « savantes ». Soit ; classique et traditionnel. Le modèle est simple, et il est quasiment « obligé » : les hommes engagés dans la guerre sont, dans une large mesure, mélangés entre les classes, les situations sociales. Les instruments (de fortune, comme on dit, très belle expression qui veut dire que le hasard joue en dehors de la richesse, voire contre elle) sont, eux aussi, au-delà des clivages sociaux. Catherine Delaunay s’est située, dans son écriture, dans une mi-distance respectueuse entre ces catégories. Elle a surtout laissé la charge émotionnelle aux textes, n’en rajoutant jamais dans son écriture. D’où une oeuvre digne, qui n’ouvre jamais sur le moindre pathos. On écoute ça avec la bonne distance également, et chaque instrumentiste est à sa place. On a aimé les échanges entre l’alto de Roy et la contrebasse de Séguron, les interventions de Morisset au serpent, la présence de la guitare de Pierrick Hardy, et bien sûr l’impeccable diction de Yann Karaquillo. Il faut que cette création soit jouée le plus souvent possible d’ici 2018. Et même après !!!

 

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               Guillaume Roy (alto)

 

Elina Duni est passée après ce moment d’émotion contrôlée. La jeune chanteuse albanaise, émigrée en Suisse à l’âge de dix ans, parle un français magnifique et quasiment littéraire. Elle adapte les chansons d’amour, ou de liberté, de son pays, pour voix et trio jazz (Colin Vallon, piano, Patrice Moret, contrebasse, Norbert Pfammater, batterie). Cette musique, qui équivoque parfois avec l’orient, elle la porte d’une très belle voix, aisée, bien timbrée, d’un ambitus très large. Son récital bien conduit, bien présenté, finit par convaincre de tant de qualités sans esbrouffe. A revoir donc, on l’espère.

 

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                Elina Duni

 

Philippe Méziat

 

Ce jour : orTie à 12.0
0 (Élodie Pasquier, cl et Grégoire Gensse, p), « Red Hill Orchestra » à 18.30, et ce soir à 20.30 le quatuor Béla rencontre le trio Jean-Louis, puis le Jus de Bocse de Médéric Collignon. 

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La longeur réduite de nos titres ne permet pas, très souvent, d’y inclure l’ensemble des manifestations d’une journée, dans les festivals comme celui de Nevers, et dans le cas d’un jour férié où les programmateurs s’en donnent à coeur joie. Le 11 novembre 2014, on fête donc à la fois la fin de la grande guerre (comme tous les ans), mais comme on est en 2014 on peut fêter aussi – le mot est tout à fait inadéquat – le premier centenaire de la même. D’où ce spectacle/concert « Jusqu’au dernier souffle », d’après les lettres d’amour des poilus de la grande guerre, musique de Catherine Delaunay.

 

Mais reprenons dans l’ordre. À 12.00, Andrea Sitter (danse, texte) & Yoann Durant (comp, saxophones, tuyaux) se présentent pour un court spectacle de 35 minutes, sous le titre « Soufflements ». Il s’agit pour eux de croiser leurs pratiques – qui sont diverses, éclatées – autour d’une thématique de ce qui envoie du vent, du son, du souffle, et qui tienne compte de l’histoire de chacun et de sa folie propre. Yoann commence « seul », avec un très beau et très original travail sur un soprano appuyé sur un coussin en cuir, duquel, à l’aide de trois micros, il tirera des sons plutôt percussifs, bientôt enchaînés dans une sorte de pièce rythmique du plus bel effet. Quant à Andrea, elle déboule – le mot est inadéquat – sur une figure boiteuse puisque chacun de ses pieds est chaussé d’un soulier différent, de danse, ou à talons. Cette boiterie débouche bientôt sur d’autres confessions, et sur une étonnante séquence consacrée à la « Kalatchnikoff ». Pendant ce temps, Yoann a poursuivi son chemin et son cheminement tournoyant, avec tuyaux à l’appui. Entre chorégraphie classique et contemporaine, bruitisme et rythmes percussifs, trente minutes éclatées, surprenantes, et en suivant un passionnant entretien avec les artistes, où chacun révèle plusieurs pans de son histoire.


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Cependant que le Nautilis Trio occupe le PAC des Ouches pour un concert jeune public, Roger Fontanel fait l’expérience du surbooking dans le splendide Musée de la Faïence. Accueillir des concerts dans les musées est une excellent idée, que je vis pratiquer par Nicolle Rollin à Nîmes, et que je pratiquai moi-même à Bordeaux à deux reprises. Mais les conservateurs de musée, les responsables, sont toujours inquiets à l’idée de recevoir du public dans des salles normalement réservées à une contemplation sage et respectueuse des lieux. D’où un luxe de précautions, qui les conduit souvent à en rajouter sur la sécurité. En l’occurence une capacité d’accueil limitée à 70 assiettes, pour le duo Airelle Besson (tp)/Nelson Veras (g), qui aurait bien recueilli une centaine d’adhésions. La gestion de ce genre de misère est toujours compliquée, surtout quand il faut caser aussi les journalistes spécialisés… Roger Fontanel s’en est superbement tiré, et les deux protagonistes en ont profité pour donner un concert empli de la plus belle musique, construite sur une alliance subtile de force et de fragilité. Leur CD, récemment sorti sous le titre « Prélude » (Naïve), est l’un des plus passionnants du 2° semestre 2014. Avec la participation d’Airelle au dernier disque de Riccardo Del Fra (sur et autour de Chet Baker), notre trompettiste marque des points sur le chemin vers une reconnaissance encore plus affirmée.


Ayant eu l’occasion d’entendre (et d’en parler ici même) le superbe projet « Whahay » (Paul Rogers, Robin Fincker, Fabien Duscombs), j’ai laissé ma place à l’un des nombreux spectateurs qui emplissent l’auditorium Jean Jaurès vers 18.30. On m’a rapporté que l’enthousiasme était général, et que quelques programmateurs ont décidé d’inclure le trio dans leur saison. C’est donc « tout ouïe » que j’ai pris place dans la salle Philippe-Genty de la Maison de la Culture, pour une soirée qui s’annonçait contrastée. « Jusqu’au dernier souffle », c’est l’oeuvre de Catherine Delaunay (cl, scie musicale), entourée de Yann Karaquillo (voix), Guillaume Roy (alto), Guillaume Séguron (b), Christophe Morisset (serpent , tb, soubassophone), Pierrick Hardy (g, banjo) et Hervé Samson (lumières). En outre, elle est accompagnée par Sandrine Le Grand (p) pour deux pièces classiques qu’elle joue dans la soirée, la première Rhapsodie de Debussy pour clarinette et piano (1909-1910) et les magnifiques quatre pièces de Berg, op 5 (1913) pour les mêmes instruments. 

 

« Jusqu’au dernier souffle » : les poilus de la grande guerre ont écrit à leurs femmes, leurs familles, leur parents. Il leur a été répondu. Ils ont parfois écrit leur dernière lettre en sachant qu’ils allaient être fusillés le lendemain pour désertion. Choisir dans cette « littérature » involontaire, et mettre entre leurs lignes des musiques destinées à soutenir ou commenter le récitant, voilà le projet de Catherine Delaunay. Pour ce faire, elle s’est située dans le large espace qui existe entre les musiques dites « populaires » et celles qu’on nomme « savantes ». Soit ; classique et traditionnel. Le modèle est simple, et il est quasiment « obligé » : les hommes engagés dans la guerre sont, dans une large mesure, mélangés entre les classes, les situations sociales. Les instruments (de fortune, comme on dit, très belle expression qui veut dire que le hasard joue en dehors de la richesse, voire contre elle) sont, eux aussi, au-delà des clivages sociaux. Catherine Delaunay s’est située, dans son écriture, dans une mi-distance respectueuse entre ces catégories. Elle a surtout laissé la charge émotionnelle aux textes, n’en rajoutant jamais dans son écriture. D’où une oeuvre digne, qui n’ouvre jamais sur le moindre pathos. On écoute ça avec la bonne distance également, et chaque instrumentiste est à sa place. On a aimé les échanges entre l’alto de Roy et la contrebasse de Séguron, les interventions de Morisset au serpent, la présence de la guitare de Pierrick Hardy, et bien sûr l’impeccable diction de Yann Karaquillo. Il faut que cette création soit jouée le plus souvent possible d’ici 2018. Et même après !!!

 

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               Guillaume Roy (alto)

 

Elina Duni est passée après ce moment d’émotion contrôlée. La jeune chanteuse albanaise, émigrée en Suisse à l’âge de dix ans, parle un français magnifique et quasiment littéraire. Elle adapte les chansons d’amour, ou de liberté, de son pays, pour voix et trio jazz (Colin Vallon, piano, Patrice Moret, contrebasse, Norbert Pfammater, batterie). Cette musique, qui équivoque parfois avec l’orient, elle la porte d’une très belle voix, aisée, bien timbrée, d’un ambitus très large. Son récital bien conduit, bien présenté, finit par convaincre de tant de qualités sans esbrouffe. A revoir donc, on l’espère.

 

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                Elina Duni

 

Philippe Méziat

 

Ce jour : orTie à 12.0
0 (Élodie Pasquier, cl et Grégoire Gensse, p), « Red Hill Orchestra » à 18.30, et ce soir à 20.30 le quatuor Béla rencontre le trio Jean-Louis, puis le Jus de Bocse de Médéric Collignon.