D'JAZZ NEVERS 7 : SYLVIE COURVOISIER-MARK FELDMAN, THE THING, EDWARD PERRAUD, CELEA-PARISIEN-REISINGER feat. DAVE LIEBMAN
Du jazz de chambre au free jazz, une journée presque emblématique du festival, toujours au cœur et au vif du sujet qui nous préoccupe : le jazz, sous toutes ses formes.
SYLVIE COURVOISIER-MARK FELDMAN
Sylvie Courvoiser (piano, piano préparé), Mark Feldman (violon)
Maison de la Culture, salle Lauberty, 17 novembre 2017, 12h15
Le duo, qui a donné son premier concert voici presque 20 ans, le 28 novembre 1997 à Zurich, fêtera cet anniversaire dans 10 jours à Paris au Centre Culturel Suisse. Nevers était la première date d’une tournée européenne, et le concert commençait par une pièce commandée par Chamber Music America, Time Gone Out, en 5 mouvements. Dès l’abord, les séquences écrites et improvisées s’entremêlent, en l’on est dans une sorte d’idéal de ce que peut être un ‘jazz de chambre’.
L’interprétation est d’une grande rigueur, laquelle n’altère manifestement pas la liberté propre à l’improvisation. Il en ira de même ensuite, dans une pièce de la pianiste écrite en hommage à Ornette Coleman, puis dans une composition de Mark Feldman, tout aussi radicale, et musicale, dans son approche. La pianiste et le violoniste font jeu égal dans l’investissement artistique, la rigueur, et la liberté qui donne vie à cette rigueur. Nous sommes captivés par l’urgence qui se dégage de leur admirable connivence. Et cela se confirmera en rappel dans une pièce de la pianiste dédiée à Hugo Pratt, un ami proche qui avait en 1994 illustré son disque «Sauvagerie Courtoise», moment intense de (grande) musique.
Le duo est à Belfort ce 18 novembre, et jouera le 28 novembre à Paris au Centre Culturel Suisse
Mats Gustafsson (saxophones ténor et soprano), Ingebrigt Håker Flaten (contrebasse, guitare basse), Paal Nilssen-Love (batterie)
Auditorium Jean-Jaurès, 17 novembre 2017, 18h30
Le trio entre sur scène par le côté cour. À jardin une table porte les CD et vinyles du groupe. Le saxophoniste dit quelques mots de stock de disque qui sera en vente en fin de concert, et désigne comme shit ce que l’on aurait pu appeler all that stuff. Détachement punk des contingences, au demeurant très sympathique (le détachement, pas les contingences….). Et en athlète de la free music, Mats Gustafsson se dérouille les cervicales par quelques rotations, agite se mâchoire et sa langue dans le vide pour préparer la mobilité au moment d’emboucher le bec. Tout est prêt, que la fête commence !On n’attaque pas bille en tête, mais dans un crescendo mesuré, mais qui rejoindra rapidement le quadruple forte. Un solo de basse se termine en accalmie, laquelle se poursuit au début d’un duo avec le sax, puis l’on monte progressivement vers le cri. Plus loin, une longue mélopée dans les graves de la contrebasse, à l’archet, sera rejointe par le ténor pour un lamento qui deviendra hargne puis colère. Descrescendo, stop chorus de sax avec des harmoniques, qui passe le relais, en douceur, à la basse, tandis que le batteur rejoint la partie avec des sortes de maracas. Surgissent alors des incantations de saxophone à la Pharoah Sanders (période «Tauhid»). Et le concert va se poursuivre, dans cette large dynamique, qui réserve subtilement son lot de nuances.Sax soprano ensuite, et toujours cette énergie maîtrisée, et ponctuellement violemment libérée, qui fascine dans cette musique, au demeurant très élaborée. Chroniqueur heureux en somme, qui craignait de manquer de mots pour parler cette forme du jazz (le free, qui n’est pas feu mais bien vivant), qu’il aime de longtemps, mais à propos de laquelle il a rarement l’occasion d’écrire, ne fût-ce que quelques lignes.
EDWARD PERRAUD «Synaesthetic Trip»
Edward Perrud (batterie, percussions, électronique, voix traitée), Bruno Angelini (piano, synthétiseurs, électronique), Arnaud Cuisiner (contrebasse, effets électronqiues), Bart Maris (trompette, effets électroniques), Daniel Erdmann (saxophone ténor)
Maison de la Culture, 17 novembre 2017, 20h30
Le groupe joue des pièces issues des deux CD du groupe, lequel s’est étendu depuis le quartette du premier album ; Bruno Angelini remplace ponctuellement, et avec pertinence, Benoït Delbecq, lequel est retenu par une tournée. Le principe prévalent est celui de la sinuosité, de la rupture et de la surprise, tout en laissant place à des moments d’expression simple, directe, qui permettent d’installer le plaisir d’une mélodie assumée, au premier degré si nécessaire. La musique est à l’image de son compositeur-leader, lequel est rigoureux et fantasque. On ne s’ennuie pas, on s’émeut, parfois on s’émerveille. C’est comme un jeu collectif où l’on se passerait la balle dans les moments plus individuels, et où le collectif cependant primerait. Vers la fin du concert un choral de Bach, Nun komm, der Heiden Heiland, très remanié, va précéder une composition du second disque sur laquelle plane les ombres tutélaires d’Albert Ayler, Sun Râ ou Carla Bley, tendance Liberation Music Orchestra. La forte effervescence se résoudra dans une coda apaisée, et le rappel nous offrira une sorte de techno-rock avec voix traitée : bref ça décoiffe! Personnellement j’adore ça, le public a suivi, et des mélomanes amis ont quelque peu boudé un enthousiasme trop fédérateur, avis que je respecte et comprends, sans vraiment le partager.
CELEA-PARISIEN-REISINGER feat. DAVE LIEBMAN
Dave Liebman (saxophones ténor et soprano, piano, flûte traditionnelle), Jean-Paul Celea (contrebasse), Émile Parisien (saxophone soprano), Wolfgang Reisinger (batterie)
Maison de la Culture, 17 novembre 2017, 22h30
Ce groupe est la synthèse de deux trios : celui formé par le bassiste et le batteur, dans les années 90, avec Dave Liebman, et celui qui accueillait en 2011 Émile Parisien, autour de la musique d’Ornette Coleman. Le répertoire du concert va osciller entre ces deux pôles. La musique est forte, tendue, exigeante, et révèle des polarités complémentaires : Dave Liebman développera souvent des improvisations plus abstraites, très construites, quand Émile Parisien jouera plus sur l’énergie, le flot torrentiel, tout en posant d’indispensables jalons de nuances. Le contraste existe aussi, surtout quand les deux sont au soprano, entre les sonorités, plus acide et hiératique chez Dave, plus ronde et chaude chez Émile. Jean Paul Celea mène la barque, en passeur bienveillant et investi, et soigne le son de chaque phrase, créant ainsi un espace élargi. Quant à Wolfgang Reisinger, loin de se contenter d’assurer, il stimule, commente, et sait aussi s’ouvrir des espaces personnels d’expression. On est ici en territoire d’intensité, d’écoute et d’engagement profond. Le concert se termine par une version plus que lente de Lonely Woman, d’Ornette Coleman : Dave Liebman l’a abordée au piano, par un long détour, avant de se saisir de sa petite flûte pour un exposé tout en volutes avec le soprano d’ Émile Parisien, et après un solo de piano, puis du soprano d’ Émile, retour à la flûte pour une coda d’un extrême recueillement. Le groupe est rappelé à deux reprises : ce sera d’abord une belle version de Ghosts, d’Albert Ayler, puis en second rappel une improvisation douce et mélancolique, pour conclure, vraiment. Grand moment de musique pour nous qui étions dans la salle, et que nous garderons en mémoire.
Xavier Prévost
Le groupe ‘Celea-Parisien-Reisinger featuring Dave Liebman’ termine sa tournée ce 18 novembre, à Limoges, au festival Éclats d’Émail|Du jazz de chambre au free jazz, une journée presque emblématique du festival, toujours au cœur et au vif du sujet qui nous préoccupe : le jazz, sous toutes ses formes.
SYLVIE COURVOISIER-MARK FELDMAN
Sylvie Courvoiser (piano, piano préparé), Mark Feldman (violon)
Maison de la Culture, salle Lauberty, 17 novembre 2017, 12h15
Le duo, qui a donné son premier concert voici presque 20 ans, le 28 novembre 1997 à Zurich, fêtera cet anniversaire dans 10 jours à Paris au Centre Culturel Suisse. Nevers était la première date d’une tournée européenne, et le concert commençait par une pièce commandée par Chamber Music America, Time Gone Out, en 5 mouvements. Dès l’abord, les séquences écrites et improvisées s’entremêlent, en l’on est dans une sorte d’idéal de ce que peut être un ‘jazz de chambre’.
L’interprétation est d’une grande rigueur, laquelle n’altère manifestement pas la liberté propre à l’improvisation. Il en ira de même ensuite, dans une pièce de la pianiste écrite en hommage à Ornette Coleman, puis dans une composition de Mark Feldman, tout aussi radicale, et musicale, dans son approche. La pianiste et le violoniste font jeu égal dans l’investissement artistique, la rigueur, et la liberté qui donne vie à cette rigueur. Nous sommes captivés par l’urgence qui se dégage de leur admirable connivence. Et cela se confirmera en rappel dans une pièce de la pianiste dédiée à Hugo Pratt, un ami proche qui avait en 1994 illustré son disque «Sauvagerie Courtoise», moment intense de (grande) musique.
Le duo est à Belfort ce 18 novembre, et jouera le 28 novembre à Paris au Centre Culturel Suisse
Mats Gustafsson (saxophones ténor et soprano), Ingebrigt Håker Flaten (contrebasse, guitare basse), Paal Nilssen-Love (batterie)
Auditorium Jean-Jaurès, 17 novembre 2017, 18h30
Le trio entre sur scène par le côté cour. À jardin une table porte les CD et vinyles du groupe. Le saxophoniste dit quelques mots de stock de disque qui sera en vente en fin de concert, et désigne comme shit ce que l’on aurait pu appeler all that stuff. Détachement punk des contingences, au demeurant très sympathique (le détachement, pas les contingences….). Et en athlète de la free music, Mats Gustafsson se dérouille les cervicales par quelques rotations, agite se mâchoire et sa langue dans le vide pour préparer la mobilité au moment d’emboucher le bec. Tout est prêt, que la fête commence !On n’attaque pas bille en tête, mais dans un crescendo mesuré, mais qui rejoindra rapidement le quadruple forte. Un solo de basse se termine en accalmie, laquelle se poursuit au début d’un duo avec le sax, puis l’on monte progressivement vers le cri. Plus loin, une longue mélopée dans les graves de la contrebasse, à l’archet, sera rejointe par le ténor pour un lamento qui deviendra hargne puis colère. Descrescendo, stop chorus de sax avec des harmoniques, qui passe le relais, en douceur, à la basse, tandis que le batteur rejoint la partie avec des sortes de maracas. Surgissent alors des incantations de saxophone à la Pharoah Sanders (période «Tauhid»). Et le concert va se poursuivre, dans cette large dynamique, qui réserve subtilement son lot de nuances.Sax soprano ensuite, et toujours cette énergie maîtrisée, et ponctuellement violemment libérée, qui fascine dans cette musique, au demeurant très élaborée. Chroniqueur heureux en somme, qui craignait de manquer de mots pour parler cette forme du jazz (le free, qui n’est pas feu mais bien vivant), qu’il aime de longtemps, mais à propos de laquelle il a rarement l’occasion d’écrire, ne fût-ce que quelques lignes.
EDWARD PERRAUD «Synaesthetic Trip»
Edward Perrud (batterie, percussions, électronique, voix traitée), Bruno Angelini (piano, synthétiseurs, électronique), Arnaud Cuisiner (contrebasse, effets électronqiues), Bart Maris (trompette, effets électroniques), Daniel Erdmann (saxophone ténor)
Maison de la Culture, 17 novembre 2017, 20h30
Le groupe joue des pièces issues des deux CD du groupe, lequel s’est étendu depuis le quartette du premier album ; Bruno Angelini remplace ponctuellement, et avec pertinence, Benoït Delbecq, lequel est retenu par une tournée. Le principe prévalent est celui de la sinuosité, de la rupture et de la surprise, tout en laissant place à des moments d’expression simple, directe, qui permettent d’installer le plaisir d’une mélodie assumée, au premier degré si nécessaire. La musique est à l’image de son compositeur-leader, lequel est rigoureux et fantasque. On ne s’ennuie pas, on s’émeut, parfois on s’émerveille. C’est comme un jeu collectif où l’on se passerait la balle dans les moments plus individuels, et où le collectif cependant primerait. Vers la fin du concert un choral de Bach, Nun komm, der Heiden Heiland, très remanié, va précéder une composition du second disque sur laquelle plane les ombres tutélaires d’Albert Ayler, Sun Râ ou Carla Bley, tendance Liberation Music Orchestra. La forte effervescence se résoudra dans une coda apaisée, et le rappel nous offrira une sorte de techno-rock avec voix traitée : bref ça décoiffe! Personnellement j’adore ça, le public a suivi, et des mélomanes amis ont quelque peu boudé un enthousiasme trop fédérateur, avis que je respecte et comprends, sans vraiment le partager.
CELEA-PARISIEN-REISINGER feat. DAVE LIEBMAN
Dave Liebman (saxophones ténor et soprano, piano, flûte traditionnelle), Jean-Paul Celea (contrebasse), Émile Parisien (saxophone soprano), Wolfgang Reisinger (batterie)
Maison de la Culture, 17 novembre 2017, 22h30
Ce groupe est la synthèse de deux trios : celui formé par le bassiste et le batteur, dans les années 90, avec Dave Liebman, et celui qui accueillait en 2011 Émile Parisien, autour de la musique d’Ornette Coleman. Le répertoire du concert va osciller entre ces deux pôles. La musique est forte, tendue, exigeante, et révèle des polarités complémentaires : Dave Liebman développera souvent des improvisations plus abstraites, très construites, quand Émile Parisien jouera plus sur l’énergie, le flot torrentiel, tout en posant d’indispensables jalons de nuances. Le contraste existe aussi, surtout quand les deux sont au soprano, entre les sonorités, plus acide et hiératique chez Dave, plus ronde et chaude chez Émile. Jean Paul Celea mène la barque, en passeur bienveillant et investi, et soigne le son de chaque phrase, créant ainsi un espace élargi. Quant à Wolfgang Reisinger, loin de se contenter d’assurer, il stimule, commente, et sait aussi s’ouvrir des espaces personnels d’expression. On est ici en territoire d’intensité, d’écoute et d’engagement profond. Le concert se termine par une version plus que lente de Lonely Woman, d’Ornette Coleman : Dave Liebman l’a abordée au piano, par un long détour, avant de se saisir de sa petite flûte pour un exposé tout en volutes avec le soprano d’ Émile Parisien, et après un solo de piano, puis du soprano d’ Émile, retour à la flûte pour une coda d’un extrême recueillement. Le groupe est rappelé à deux reprises : ce sera d’abord une belle version de Ghosts, d’Albert Ayler, puis en second rappel une improvisation douce et mélancolique, pour conclure, vraiment. Grand moment de musique pour nous qui étions dans la salle, et que nous garderons en mémoire.
Xavier Prévost
Le groupe ‘Celea-Parisien-Reisinger featuring Dave Liebman’ termine sa tournée ce 18 novembre, à Limoges, au festival Éclats d’Émail|Du jazz de chambre au free jazz, une journée presque emblématique du festival, toujours au cœur et au vif du sujet qui nous préoccupe : le jazz, sous toutes ses formes.
SYLVIE COURVOISIER-MARK FELDMAN
Sylvie Courvoiser (piano, piano préparé), Mark Feldman (violon)
Maison de la Culture, salle Lauberty, 17 novembre 2017, 12h15
Le duo, qui a donné son premier concert voici presque 20 ans, le 28 novembre 1997 à Zurich, fêtera cet anniversaire dans 10 jours à Paris au Centre Culturel Suisse. Nevers était la première date d’une tournée européenne, et le concert commençait par une pièce commandée par Chamber Music America, Time Gone Out, en 5 mouvements. Dès l’abord, les séquences écrites et improvisées s’entremêlent, en l’on est dans une sorte d’idéal de ce que peut être un ‘jazz de chambre’.
L’interprétation est d’une grande rigueur, laquelle n’altère manifestement pas la liberté propre à l’improvisation. Il en ira de même ensuite, dans une pièce de la pianiste écrite en hommage à Ornette Coleman, puis dans une composition de Mark Feldman, tout aussi radicale, et musicale, dans son approche. La pianiste et le violoniste font jeu égal dans l’investissement artistique, la rigueur, et la liberté qui donne vie à cette rigueur. Nous sommes captivés par l’urgence qui se dégage de leur admirable connivence. Et cela se confirmera en rappel dans une pièce de la pianiste dédiée à Hugo Pratt, un ami proche qui avait en 1994 illustré son disque «Sauvagerie Courtoise», moment intense de (grande) musique.
Le duo est à Belfort ce 18 novembre, et jouera le 28 novembre à Paris au Centre Culturel Suisse
Mats Gustafsson (saxophones ténor et soprano), Ingebrigt Håker Flaten (contrebasse, guitare basse), Paal Nilssen-Love (batterie)
Auditorium Jean-Jaurès, 17 novembre 2017, 18h30
Le trio entre sur scène par le côté cour. À jardin une table porte les CD et vinyles du groupe. Le saxophoniste dit quelques mots de stock de disque qui sera en vente en fin de concert, et désigne comme shit ce que l’on aurait pu appeler all that stuff. Détachement punk des contingences, au demeurant très sympathique (le détachement, pas les contingences….). Et en athlète de la free music, Mats Gustafsson se dérouille les cervicales par quelques rotations, agite se mâchoire et sa langue dans le vide pour préparer la mobilité au moment d’emboucher le bec. Tout est prêt, que la fête commence !On n’attaque pas bille en tête, mais dans un crescendo mesuré, mais qui rejoindra rapidement le quadruple forte. Un solo de basse se termine en accalmie, laquelle se poursuit au début d’un duo avec le sax, puis l’on monte progressivement vers le cri. Plus loin, une longue mélopée dans les graves de la contrebasse, à l’archet, sera rejointe par le ténor pour un lamento qui deviendra hargne puis colère. Descrescendo, stop chorus de sax avec des harmoniques, qui passe le relais, en douceur, à la basse, tandis que le batteur rejoint la partie avec des sortes de maracas. Surgissent alors des incantations de saxophone à la Pharoah Sanders (période «Tauhid»). Et le concert va se poursuivre, dans cette large dynamique, qui réserve subtilement son lot de nuances.Sax soprano ensuite, et toujours cette énergie maîtrisée, et ponctuellement violemment libérée, qui fascine dans cette musique, au demeurant très élaborée. Chroniqueur heureux en somme, qui craignait de manquer de mots pour parler cette forme du jazz (le free, qui n’est pas feu mais bien vivant), qu’il aime de longtemps, mais à propos de laquelle il a rarement l’occasion d’écrire, ne fût-ce que quelques lignes.
EDWARD PERRAUD «Synaesthetic Trip»
Edward Perrud (batterie, percussions, électronique, voix traitée), Bruno Angelini (piano, synthétiseurs, électronique), Arnaud Cuisiner (contrebasse, effets électronqiues), Bart Maris (trompette, effets électroniques), Daniel Erdmann (saxophone ténor)
Maison de la Culture, 17 novembre 2017, 20h30
Le groupe joue des pièces issues des deux CD du groupe, lequel s’est étendu depuis le quartette du premier album ; Bruno Angelini remplace ponctuellement, et avec pertinence, Benoït Delbecq, lequel est retenu par une tournée. Le principe prévalent est celui de la sinuosité, de la rupture et de la surprise, tout en laissant place à des moments d’expression simple, directe, qui permettent d’installer le plaisir d’une mélodie assumée, au premier degré si nécessaire. La musique est à l’image de son compositeur-leader, lequel est rigoureux et fantasque. On ne s’ennuie pas, on s’émeut, parfois on s’émerveille. C’est comme un jeu collectif où l’on se passerait la balle dans les moments plus individuels, et où le collectif cependant primerait. Vers la fin du concert un choral de Bach, Nun komm, der Heiden Heiland, très remanié, va précéder une composition du second disque sur laquelle plane les ombres tutélaires d’Albert Ayler, Sun Râ ou Carla Bley, tendance Liberation Music Orchestra. La forte effervescence se résoudra dans une coda apaisée, et le rappel nous offrira une sorte de techno-rock avec voix traitée : bref ça décoiffe! Personnellement j’adore ça, le public a suivi, et des mélomanes amis ont quelque peu boudé un enthousiasme trop fédérateur, avis que je respecte et comprends, sans vraiment le partager.
CELEA-PARISIEN-REISINGER feat. DAVE LIEBMAN
Dave Liebman (saxophones ténor et soprano, piano, flûte traditionnelle), Jean-Paul Celea (contrebasse), Émile Parisien (saxophone soprano), Wolfgang Reisinger (batterie)
Maison de la Culture, 17 novembre 2017, 22h30
Ce groupe est la synthèse de deux trios : celui formé par le bassiste et le batteur, dans les années 90, avec Dave Liebman, et celui qui accueillait en 2011 Émile Parisien, autour de la musique d’Ornette Coleman. Le répertoire du concert va osciller entre ces deux pôles. La musique est forte, tendue, exigeante, et révèle des polarités complémentaires : Dave Liebman développera souvent des improvisations plus abstraites, très construites, quand Émile Parisien jouera plus sur l’énergie, le flot torrentiel, tout en posant d’indispensables jalons de nuances. Le contraste existe aussi, surtout quand les deux sont au soprano, entre les sonorités, plus acide et hiératique chez Dave, plus ronde et chaude chez Émile. Jean Paul Celea mène la barque, en passeur bienveillant et investi, et soigne le son de chaque phrase, créant ainsi un espace élargi. Quant à Wolfgang Reisinger, loin de se contenter d’assurer, il stimule, commente, et sait aussi s’ouvrir des espaces personnels d’expression. On est ici en territoire d’intensité, d’écoute et d’engagement profond. Le concert se termine par une version plus que lente de Lonely Woman, d’Ornette Coleman : Dave Liebman l’a abordée au piano, par un long détour, avant de se saisir de sa petite flûte pour un exposé tout en volutes avec le soprano d’ Émile Parisien, et après un solo de piano, puis du soprano d’ Émile, retour à la flûte pour une coda d’un extrême recueillement. Le groupe est rappelé à deux reprises : ce sera d’abord une belle version de Ghosts, d’Albert Ayler, puis en second rappel une improvisation douce et mélancolique, pour conclure, vraiment. Grand moment de musique pour nous qui étions dans la salle, et que nous garderons en mémoire.
Xavier Prévost
Le groupe ‘Celea-Parisien-Reisinger featuring Dave Liebman’ termine sa tournée ce 18 novembre, à Limoges, au festival Éclats d’Émail|Du jazz de chambre au free jazz, une journée presque emblématique du festival, toujours au cœur et au vif du sujet qui nous préoccupe : le jazz, sous toutes ses formes.
SYLVIE COURVOISIER-MARK FELDMAN
Sylvie Courvoiser (piano, piano préparé), Mark Feldman (violon)
Maison de la Culture, salle Lauberty, 17 novembre 2017, 12h15
Le duo, qui a donné son premier concert voici presque 20 ans, le 28 novembre 1997 à Zurich, fêtera cet anniversaire dans 10 jours à Paris au Centre Culturel Suisse. Nevers était la première date d’une tournée européenne, et le concert commençait par une pièce commandée par Chamber Music America, Time Gone Out, en 5 mouvements. Dès l’abord, les séquences écrites et improvisées s’entremêlent, en l’on est dans une sorte d’idéal de ce que peut être un ‘jazz de chambre’.
L’interprétation est d’une grande rigueur, laquelle n’altère manifestement pas la liberté propre à l’improvisation. Il en ira de même ensuite, dans une pièce de la pianiste écrite en hommage à Ornette Coleman, puis dans une composition de Mark Feldman, tout aussi radicale, et musicale, dans son approche. La pianiste et le violoniste font jeu égal dans l’investissement artistique, la rigueur, et la liberté qui donne vie à cette rigueur. Nous sommes captivés par l’urgence qui se dégage de leur admirable connivence. Et cela se confirmera en rappel dans une pièce de la pianiste dédiée à Hugo Pratt, un ami proche qui avait en 1994 illustré son disque «Sauvagerie Courtoise», moment intense de (grande) musique.
Le duo est à Belfort ce 18 novembre, et jouera le 28 novembre à Paris au Centre Culturel Suisse
Mats Gustafsson (saxophones ténor et soprano), Ingebrigt Håker Flaten (contrebasse, guitare basse), Paal Nilssen-Love (batterie)
Auditorium Jean-Jaurès, 17 novembre 2017, 18h30
Le trio entre sur scène par le côté cour. À jardin une table porte les CD et vinyles du groupe. Le saxophoniste dit quelques mots de stock de disque qui sera en vente en fin de concert, et désigne comme shit ce que l’on aurait pu appeler all that stuff. Détachement punk des contingences, au demeurant très sympathique (le détachement, pas les contingences….). Et en athlète de la free music, Mats Gustafsson se dérouille les cervicales par quelques rotations, agite se mâchoire et sa langue dans le vide pour préparer la mobilité au moment d’emboucher le bec. Tout est prêt, que la fête commence !On n’attaque pas bille en tête, mais dans un crescendo mesuré, mais qui rejoindra rapidement le quadruple forte. Un solo de basse se termine en accalmie, laquelle se poursuit au début d’un duo avec le sax, puis l’on monte progressivement vers le cri. Plus loin, une longue mélopée dans les graves de la contrebasse, à l’archet, sera rejointe par le ténor pour un lamento qui deviendra hargne puis colère. Descrescendo, stop chorus de sax avec des harmoniques, qui passe le relais, en douceur, à la basse, tandis que le batteur rejoint la partie avec des sortes de maracas. Surgissent alors des incantations de saxophone à la Pharoah Sanders (période «Tauhid»). Et le concert va se poursuivre, dans cette large dynamique, qui réserve subtilement son lot de nuances.Sax soprano ensuite, et toujours cette énergie maîtrisée, et ponctuellement violemment libérée, qui fascine dans cette musique, au demeurant très élaborée. Chroniqueur heureux en somme, qui craignait de manquer de mots pour parler cette forme du jazz (le free, qui n’est pas feu mais bien vivant), qu’il aime de longtemps, mais à propos de laquelle il a rarement l’occasion d’écrire, ne fût-ce que quelques lignes.
EDWARD PERRAUD «Synaesthetic Trip»
Edward Perrud (batterie, percussions, électronique, voix traitée), Bruno Angelini (piano, synthétiseurs, électronique), Arnaud Cuisiner (contrebasse, effets électronqiues), Bart Maris (trompette, effets électroniques), Daniel Erdmann (saxophone ténor)
Maison de la Culture, 17 novembre 2017, 20h30
Le groupe joue des pièces issues des deux CD du groupe, lequel s’est étendu depuis le quartette du premier album ; Bruno Angelini remplace ponctuellement, et avec pertinence, Benoït Delbecq, lequel est retenu par une tournée. Le principe prévalent est celui de la sinuosité, de la rupture et de la surprise, tout en laissant place à des moments d’expression simple, directe, qui permettent d’installer le plaisir d’une mélodie assumée, au premier degré si nécessaire. La musique est à l’image de son compositeur-leader, lequel est rigoureux et fantasque. On ne s’ennuie pas, on s’émeut, parfois on s’émerveille. C’est comme un jeu collectif où l’on se passerait la balle dans les moments plus individuels, et où le collectif cependant primerait. Vers la fin du concert un choral de Bach, Nun komm, der Heiden Heiland, très remanié, va précéder une composition du second disque sur laquelle plane les ombres tutélaires d’Albert Ayler, Sun Râ ou Carla Bley, tendance Liberation Music Orchestra. La forte effervescence se résoudra dans une coda apaisée, et le rappel nous offrira une sorte de techno-rock avec voix traitée : bref ça décoiffe! Personnellement j’adore ça, le public a suivi, et des mélomanes amis ont quelque peu boudé un enthousiasme trop fédérateur, avis que je respecte et comprends, sans vraiment le partager.
CELEA-PARISIEN-REISINGER feat. DAVE LIEBMAN
Dave Liebman (saxophones ténor et soprano, piano, flûte traditionnelle), Jean-Paul Celea (contrebasse), Émile Parisien (saxophone soprano), Wolfgang Reisinger (batterie)
Maison de la Culture, 17 novembre 2017, 22h30
Ce groupe est la synthèse de deux trios : celui formé par le bassiste et le batteur, dans les années 90, avec Dave Liebman, et celui qui accueillait en 2011 Émile Parisien, autour de la musique d’Ornette Coleman. Le répertoire du concert va osciller entre ces deux pôles. La musique est forte, tendue, exigeante, et révèle des polarités complémentaires : Dave Liebman développera souvent des improvisations plus abstraites, très construites, quand Émile Parisien jouera plus sur l’énergie, le flot torrentiel, tout en posant d’indispensables jalons de nuances. Le contraste existe aussi, surtout quand les deux sont au soprano, entre les sonorités, plus acide et hiératique chez Dave, plus ronde et chaude chez Émile. Jean Paul Celea mène la barque, en passeur bienveillant et investi, et soigne le son de chaque phrase, créant ainsi un espace élargi. Quant à Wolfgang Reisinger, loin de se contenter d’assurer, il stimule, commente, et sait aussi s’ouvrir des espaces personnels d’expression. On est ici en territoire d’intensité, d’écoute et d’engagement profond. Le concert se termine par une version plus que lente de Lonely Woman, d’Ornette Coleman : Dave Liebman l’a abordée au piano, par un long détour, avant de se saisir de sa petite flûte pour un exposé tout en volutes avec le soprano d’ Émile Parisien, et après un solo de piano, puis du soprano d’ Émile, retour à la flûte pour une coda d’un extrême recueillement. Le groupe est rappelé à deux reprises : ce sera d’abord une belle version de Ghosts, d’Albert Ayler, puis en second rappel une improvisation douce et mélancolique, pour conclure, vraiment. Grand moment de musique pour nous qui étions dans la salle, et que nous garderons en mémoire.
Xavier Prévost
Le groupe ‘Celea-Parisien-Reisinger featuring Dave Liebman’ termine sa tournée ce 18 novembre, à Limoges, au festival Éclats d’Émail