Du jazz plein de joie
Mardi dernier, au 38 Riv, un jeune et prometteur trio passait son baptème du son dans une atmosphère de douce euphorie. A la joie des musiciens répondait celle du public, enchanté d’une musique aussi vive et aussi fraîche.
Bastien Brison (piano), Arthur Henn (basse), David Paycha (batterie), au 38 Riv, 38 rue de Rivoli 75004, mardi 12 mai 2015
Dès le début on a senti que ce jeune trio, qui répète depuis plusieurs mois, avait des fourmis dans les jambes, les mains, les poignets. Il semblait impatient de vérifier si l’alchimie des répétitions se vérifierait sur scène, et si les nouvelles compositions tiendraient leurs promesses, et la route.
Le premier morceau est une composition de Bastien Brison, avec des ambiances un peu élégiaques et romantiques à la Brad Mehldau. Juste au moment où l’on se disait, « bon, encore un disciple de Brad », le voilà qui place quelques coups de griffes acérés qui font dresser l’oreille. Brison a l’art de d’inventer des riffs accrocheurs qui relancent la musique autant que l’attention du public. Non seulement il réagit aux sollicitations de ses partenaires avec une rapidité incroyable, mais il les devine. Il sait comment se couler dans leur discours pour leur faire des suggestions rythmiques ou harmoniques qui tombent souvent en plein dans le mille.
Après la composition de Brison, c’est Paycha qui présente Chick Pea, une composition latine en métrique impaire (à sept temps nous précisera-t-il après le concert) épurée et chantante, bref l’inverse de ce que l’on qualifie parfois de « composition de batteur » en se pinçant un peu le nez. Le groupe reprend ensuite deux standards, Autumn in New York, dans un arrangement assez audacieux qui ôte à ce standard quelques-unes de ses feuilles les plus mélancolique, mais lui insuffle en échange des vitamines et des oligo-éléments. Ce standard est suivi d’un autre, I’m old fashioned, qui est énoncé avec une grande délicatesse par Bastien Brison, avant que le trio ne lui redonne du muscle et du nerf. Ensuite, juste avant le premier set, David Paycha présente une de ses nouvelles compositions. Elle a visiblement, dans le groove, une inspiration africaine. Elle se termine par un spectaculaire et enthousiasmant morceau de bravoure de David Paycha.
Depuis le début du concert, on avait apprécié sa musicalité, ses nuances, sa manière d’inventer quelque chose de nouveau presque à chaque mesure. Sa palette musicale est si riche en couleurs qu’il lui arrive souvent de changer plusieurs fois de baguettes dans un même morceau pour en restituer les nuances. Mais au cours de ce dernier morceau, Paycha montre qu’il peut aussi s’exprimer dans un registre plus puissant. Après avoir disposé quelques coquillages sur ses fûts en guise d’épices, il délivre un chorus flamboyant, tourbillonnant, exubérant, nourri de polyrythmies complexes qui semble croître et évoluer comme un organisme vivant. Le premier set se termine ainsi comme une petite apothéose.
Le deuxième est du même tonneau. Il met en valeur les compositions d’Arthur Henn, comme The gap qui ressemble à une course folle, ou encore Pick me up. Plus le concert avance, et plus on est frappé par ce jeune contrebassiste, d’une justesse rythmique irréprochable, au son plein de caractère, un son boisé mais avec des échardes, et qui donne une intensité extraordinaire à ses chorus. Le trio joue un autre standard, un infant eyes un peu expurgé de sa force méditative mais plein d’énergie vitale.
Le groupe finit ce concert très dense par un blues. Pendant tout le concert, les musiciens n’ont cessé de se regarder et de se sourire. Une sorte de nuage d’euphorie flotte dans la salle. Par chance, on peut rester dans la rêverie de la musique qui vient d’être jouée car le patron du 38 Riv, Vincent Charbonnier, en plus de donner sa chance à de jeunes musiciens, a le bon goût de ne pas passer un disque tue l’amour dès que la dernière note du concert a fini de résonner.
Plus tard, on aura l’occasion de bavarder avec deux des musiciens du trio. Bastien Brison, vient du conservatoire de Châlon sur Saône, dirigé par Olivier Py, comme beaucoup ces jeunes musiciens qui commencent à se faire un nom sur la scène parisienne, Timothée Quost, Gabriel Boyaux, Elie Martin-Charrière. Il cite comme références Bill Charlap, « pour son élégance », et Shai Maestro « pour sa manière de trouver des mélodies accrocheuses » et aussi Ahmad J
amal. On peut l’entendre avec le Sangoma Everett trio. Quant à David Paycha, après être passé par le CRR de Cergy (où il a rencontré Arthur Henn, avec qui il joue depuis ses quinze ans, c’est-à-dire avant-hier) il vient d’intégrer le département jazz du CNSM. On peut l’entendre tous les lundis au 38 Riv avec un autre très remarquable trio, celui du pianiste Julien Coriatt. Parmi les batteurs qu’il écoute en ce moment, il cite Marcus Gilmore, que l’on peut entendre au sein du trio de Vijav Iver et avec Gilad Hekselman. « Il fait des choses difficiles comme des variations de débits dans le même espace-temps. Il lui arrive même de mettre sa batterie en gaucher alors qu’il est droitier. J’ai essayé de voir ce que cela donnait, c’est intéressant, tu as les pieds inversés, cela change tous tes automatismes. Mais la base de mon travail reste plus classique, travailler la ride avec Jimmy Cobb dans les oreilles… ».
On est très curieux d’entendre, après de tels débuts, quelle musique ces jeunes gars vont nous donner à l’avenir.
Texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët
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Mardi dernier, au 38 Riv, un jeune et prometteur trio passait son baptème du son dans une atmosphère de douce euphorie. A la joie des musiciens répondait celle du public, enchanté d’une musique aussi vive et aussi fraîche.
Bastien Brison (piano), Arthur Henn (basse), David Paycha (batterie), au 38 Riv, 38 rue de Rivoli 75004, mardi 12 mai 2015
Dès le début on a senti que ce jeune trio, qui répète depuis plusieurs mois, avait des fourmis dans les jambes, les mains, les poignets. Il semblait impatient de vérifier si l’alchimie des répétitions se vérifierait sur scène, et si les nouvelles compositions tiendraient leurs promesses, et la route.
Le premier morceau est une composition de Bastien Brison, avec des ambiances un peu élégiaques et romantiques à la Brad Mehldau. Juste au moment où l’on se disait, « bon, encore un disciple de Brad », le voilà qui place quelques coups de griffes acérés qui font dresser l’oreille. Brison a l’art de d’inventer des riffs accrocheurs qui relancent la musique autant que l’attention du public. Non seulement il réagit aux sollicitations de ses partenaires avec une rapidité incroyable, mais il les devine. Il sait comment se couler dans leur discours pour leur faire des suggestions rythmiques ou harmoniques qui tombent souvent en plein dans le mille.
Après la composition de Brison, c’est Paycha qui présente Chick Pea, une composition latine en métrique impaire (à sept temps nous précisera-t-il après le concert) épurée et chantante, bref l’inverse de ce que l’on qualifie parfois de « composition de batteur » en se pinçant un peu le nez. Le groupe reprend ensuite deux standards, Autumn in New York, dans un arrangement assez audacieux qui ôte à ce standard quelques-unes de ses feuilles les plus mélancolique, mais lui insuffle en échange des vitamines et des oligo-éléments. Ce standard est suivi d’un autre, I’m old fashioned, qui est énoncé avec une grande délicatesse par Bastien Brison, avant que le trio ne lui redonne du muscle et du nerf. Ensuite, juste avant le premier set, David Paycha présente une de ses nouvelles compositions. Elle a visiblement, dans le groove, une inspiration africaine. Elle se termine par un spectaculaire et enthousiasmant morceau de bravoure de David Paycha.
Depuis le début du concert, on avait apprécié sa musicalité, ses nuances, sa manière d’inventer quelque chose de nouveau presque à chaque mesure. Sa palette musicale est si riche en couleurs qu’il lui arrive souvent de changer plusieurs fois de baguettes dans un même morceau pour en restituer les nuances. Mais au cours de ce dernier morceau, Paycha montre qu’il peut aussi s’exprimer dans un registre plus puissant. Après avoir disposé quelques coquillages sur ses fûts en guise d’épices, il délivre un chorus flamboyant, tourbillonnant, exubérant, nourri de polyrythmies complexes qui semble croître et évoluer comme un organisme vivant. Le premier set se termine ainsi comme une petite apothéose.
Le deuxième est du même tonneau. Il met en valeur les compositions d’Arthur Henn, comme The gap qui ressemble à une course folle, ou encore Pick me up. Plus le concert avance, et plus on est frappé par ce jeune contrebassiste, d’une justesse rythmique irréprochable, au son plein de caractère, un son boisé mais avec des échardes, et qui donne une intensité extraordinaire à ses chorus. Le trio joue un autre standard, un infant eyes un peu expurgé de sa force méditative mais plein d’énergie vitale.
Le groupe finit ce concert très dense par un blues. Pendant tout le concert, les musiciens n’ont cessé de se regarder et de se sourire. Une sorte de nuage d’euphorie flotte dans la salle. Par chance, on peut rester dans la rêverie de la musique qui vient d’être jouée car le patron du 38 Riv, Vincent Charbonnier, en plus de donner sa chance à de jeunes musiciens, a le bon goût de ne pas passer un disque tue l’amour dès que la dernière note du concert a fini de résonner.
Plus tard, on aura l’occasion de bavarder avec deux des musiciens du trio. Bastien Brison, vient du conservatoire de Châlon sur Saône, dirigé par Olivier Py, comme beaucoup ces jeunes musiciens qui commencent à se faire un nom sur la scène parisienne, Timothée Quost, Gabriel Boyaux, Elie Martin-Charrière. Il cite comme références Bill Charlap, « pour son élégance », et Shai Maestro « pour sa manière de trouver des mélodies accrocheuses » et aussi Ahmad J
amal. On peut l’entendre avec le Sangoma Everett trio. Quant à David Paycha, après être passé par le CRR de Cergy (où il a rencontré Arthur Henn, avec qui il joue depuis ses quinze ans, c’est-à-dire avant-hier) il vient d’intégrer le département jazz du CNSM. On peut l’entendre tous les lundis au 38 Riv avec un autre très remarquable trio, celui du pianiste Julien Coriatt. Parmi les batteurs qu’il écoute en ce moment, il cite Marcus Gilmore, que l’on peut entendre au sein du trio de Vijav Iver et avec Gilad Hekselman. « Il fait des choses difficiles comme des variations de débits dans le même espace-temps. Il lui arrive même de mettre sa batterie en gaucher alors qu’il est droitier. J’ai essayé de voir ce que cela donnait, c’est intéressant, tu as les pieds inversés, cela change tous tes automatismes. Mais la base de mon travail reste plus classique, travailler la ride avec Jimmy Cobb dans les oreilles… ».
On est très curieux d’entendre, après de tels débuts, quelle musique ces jeunes gars vont nous donner à l’avenir.
Texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët
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Mardi dernier, au 38 Riv, un jeune et prometteur trio passait son baptème du son dans une atmosphère de douce euphorie. A la joie des musiciens répondait celle du public, enchanté d’une musique aussi vive et aussi fraîche.
Bastien Brison (piano), Arthur Henn (basse), David Paycha (batterie), au 38 Riv, 38 rue de Rivoli 75004, mardi 12 mai 2015
Dès le début on a senti que ce jeune trio, qui répète depuis plusieurs mois, avait des fourmis dans les jambes, les mains, les poignets. Il semblait impatient de vérifier si l’alchimie des répétitions se vérifierait sur scène, et si les nouvelles compositions tiendraient leurs promesses, et la route.
Le premier morceau est une composition de Bastien Brison, avec des ambiances un peu élégiaques et romantiques à la Brad Mehldau. Juste au moment où l’on se disait, « bon, encore un disciple de Brad », le voilà qui place quelques coups de griffes acérés qui font dresser l’oreille. Brison a l’art de d’inventer des riffs accrocheurs qui relancent la musique autant que l’attention du public. Non seulement il réagit aux sollicitations de ses partenaires avec une rapidité incroyable, mais il les devine. Il sait comment se couler dans leur discours pour leur faire des suggestions rythmiques ou harmoniques qui tombent souvent en plein dans le mille.
Après la composition de Brison, c’est Paycha qui présente Chick Pea, une composition latine en métrique impaire (à sept temps nous précisera-t-il après le concert) épurée et chantante, bref l’inverse de ce que l’on qualifie parfois de « composition de batteur » en se pinçant un peu le nez. Le groupe reprend ensuite deux standards, Autumn in New York, dans un arrangement assez audacieux qui ôte à ce standard quelques-unes de ses feuilles les plus mélancolique, mais lui insuffle en échange des vitamines et des oligo-éléments. Ce standard est suivi d’un autre, I’m old fashioned, qui est énoncé avec une grande délicatesse par Bastien Brison, avant que le trio ne lui redonne du muscle et du nerf. Ensuite, juste avant le premier set, David Paycha présente une de ses nouvelles compositions. Elle a visiblement, dans le groove, une inspiration africaine. Elle se termine par un spectaculaire et enthousiasmant morceau de bravoure de David Paycha.
Depuis le début du concert, on avait apprécié sa musicalité, ses nuances, sa manière d’inventer quelque chose de nouveau presque à chaque mesure. Sa palette musicale est si riche en couleurs qu’il lui arrive souvent de changer plusieurs fois de baguettes dans un même morceau pour en restituer les nuances. Mais au cours de ce dernier morceau, Paycha montre qu’il peut aussi s’exprimer dans un registre plus puissant. Après avoir disposé quelques coquillages sur ses fûts en guise d’épices, il délivre un chorus flamboyant, tourbillonnant, exubérant, nourri de polyrythmies complexes qui semble croître et évoluer comme un organisme vivant. Le premier set se termine ainsi comme une petite apothéose.
Le deuxième est du même tonneau. Il met en valeur les compositions d’Arthur Henn, comme The gap qui ressemble à une course folle, ou encore Pick me up. Plus le concert avance, et plus on est frappé par ce jeune contrebassiste, d’une justesse rythmique irréprochable, au son plein de caractère, un son boisé mais avec des échardes, et qui donne une intensité extraordinaire à ses chorus. Le trio joue un autre standard, un infant eyes un peu expurgé de sa force méditative mais plein d’énergie vitale.
Le groupe finit ce concert très dense par un blues. Pendant tout le concert, les musiciens n’ont cessé de se regarder et de se sourire. Une sorte de nuage d’euphorie flotte dans la salle. Par chance, on peut rester dans la rêverie de la musique qui vient d’être jouée car le patron du 38 Riv, Vincent Charbonnier, en plus de donner sa chance à de jeunes musiciens, a le bon goût de ne pas passer un disque tue l’amour dès que la dernière note du concert a fini de résonner.
Plus tard, on aura l’occasion de bavarder avec deux des musiciens du trio. Bastien Brison, vient du conservatoire de Châlon sur Saône, dirigé par Olivier Py, comme beaucoup ces jeunes musiciens qui commencent à se faire un nom sur la scène parisienne, Timothée Quost, Gabriel Boyaux, Elie Martin-Charrière. Il cite comme références Bill Charlap, « pour son élégance », et Shai Maestro « pour sa manière de trouver des mélodies accrocheuses » et aussi Ahmad J
amal. On peut l’entendre avec le Sangoma Everett trio. Quant à David Paycha, après être passé par le CRR de Cergy (où il a rencontré Arthur Henn, avec qui il joue depuis ses quinze ans, c’est-à-dire avant-hier) il vient d’intégrer le département jazz du CNSM. On peut l’entendre tous les lundis au 38 Riv avec un autre très remarquable trio, celui du pianiste Julien Coriatt. Parmi les batteurs qu’il écoute en ce moment, il cite Marcus Gilmore, que l’on peut entendre au sein du trio de Vijav Iver et avec Gilad Hekselman. « Il fait des choses difficiles comme des variations de débits dans le même espace-temps. Il lui arrive même de mettre sa batterie en gaucher alors qu’il est droitier. J’ai essayé de voir ce que cela donnait, c’est intéressant, tu as les pieds inversés, cela change tous tes automatismes. Mais la base de mon travail reste plus classique, travailler la ride avec Jimmy Cobb dans les oreilles… ».
On est très curieux d’entendre, après de tels débuts, quelle musique ces jeunes gars vont nous donner à l’avenir.
Texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët
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Mardi dernier, au 38 Riv, un jeune et prometteur trio passait son baptème du son dans une atmosphère de douce euphorie. A la joie des musiciens répondait celle du public, enchanté d’une musique aussi vive et aussi fraîche.
Bastien Brison (piano), Arthur Henn (basse), David Paycha (batterie), au 38 Riv, 38 rue de Rivoli 75004, mardi 12 mai 2015
Dès le début on a senti que ce jeune trio, qui répète depuis plusieurs mois, avait des fourmis dans les jambes, les mains, les poignets. Il semblait impatient de vérifier si l’alchimie des répétitions se vérifierait sur scène, et si les nouvelles compositions tiendraient leurs promesses, et la route.
Le premier morceau est une composition de Bastien Brison, avec des ambiances un peu élégiaques et romantiques à la Brad Mehldau. Juste au moment où l’on se disait, « bon, encore un disciple de Brad », le voilà qui place quelques coups de griffes acérés qui font dresser l’oreille. Brison a l’art de d’inventer des riffs accrocheurs qui relancent la musique autant que l’attention du public. Non seulement il réagit aux sollicitations de ses partenaires avec une rapidité incroyable, mais il les devine. Il sait comment se couler dans leur discours pour leur faire des suggestions rythmiques ou harmoniques qui tombent souvent en plein dans le mille.
Après la composition de Brison, c’est Paycha qui présente Chick Pea, une composition latine en métrique impaire (à sept temps nous précisera-t-il après le concert) épurée et chantante, bref l’inverse de ce que l’on qualifie parfois de « composition de batteur » en se pinçant un peu le nez. Le groupe reprend ensuite deux standards, Autumn in New York, dans un arrangement assez audacieux qui ôte à ce standard quelques-unes de ses feuilles les plus mélancolique, mais lui insuffle en échange des vitamines et des oligo-éléments. Ce standard est suivi d’un autre, I’m old fashioned, qui est énoncé avec une grande délicatesse par Bastien Brison, avant que le trio ne lui redonne du muscle et du nerf. Ensuite, juste avant le premier set, David Paycha présente une de ses nouvelles compositions. Elle a visiblement, dans le groove, une inspiration africaine. Elle se termine par un spectaculaire et enthousiasmant morceau de bravoure de David Paycha.
Depuis le début du concert, on avait apprécié sa musicalité, ses nuances, sa manière d’inventer quelque chose de nouveau presque à chaque mesure. Sa palette musicale est si riche en couleurs qu’il lui arrive souvent de changer plusieurs fois de baguettes dans un même morceau pour en restituer les nuances. Mais au cours de ce dernier morceau, Paycha montre qu’il peut aussi s’exprimer dans un registre plus puissant. Après avoir disposé quelques coquillages sur ses fûts en guise d’épices, il délivre un chorus flamboyant, tourbillonnant, exubérant, nourri de polyrythmies complexes qui semble croître et évoluer comme un organisme vivant. Le premier set se termine ainsi comme une petite apothéose.
Le deuxième est du même tonneau. Il met en valeur les compositions d’Arthur Henn, comme The gap qui ressemble à une course folle, ou encore Pick me up. Plus le concert avance, et plus on est frappé par ce jeune contrebassiste, d’une justesse rythmique irréprochable, au son plein de caractère, un son boisé mais avec des échardes, et qui donne une intensité extraordinaire à ses chorus. Le trio joue un autre standard, un infant eyes un peu expurgé de sa force méditative mais plein d’énergie vitale.
Le groupe finit ce concert très dense par un blues. Pendant tout le concert, les musiciens n’ont cessé de se regarder et de se sourire. Une sorte de nuage d’euphorie flotte dans la salle. Par chance, on peut rester dans la rêverie de la musique qui vient d’être jouée car le patron du 38 Riv, Vincent Charbonnier, en plus de donner sa chance à de jeunes musiciens, a le bon goût de ne pas passer un disque tue l’amour dès que la dernière note du concert a fini de résonner.
Plus tard, on aura l’occasion de bavarder avec deux des musiciens du trio. Bastien Brison, vient du conservatoire de Châlon sur Saône, dirigé par Olivier Py, comme beaucoup ces jeunes musiciens qui commencent à se faire un nom sur la scène parisienne, Timothée Quost, Gabriel Boyaux, Elie Martin-Charrière. Il cite comme références Bill Charlap, « pour son élégance », et Shai Maestro « pour sa manière de trouver des mélodies accrocheuses » et aussi Ahmad J
amal. On peut l’entendre avec le Sangoma Everett trio. Quant à David Paycha, après être passé par le CRR de Cergy (où il a rencontré Arthur Henn, avec qui il joue depuis ses quinze ans, c’est-à-dire avant-hier) il vient d’intégrer le département jazz du CNSM. On peut l’entendre tous les lundis au 38 Riv avec un autre très remarquable trio, celui du pianiste Julien Coriatt. Parmi les batteurs qu’il écoute en ce moment, il cite Marcus Gilmore, que l’on peut entendre au sein du trio de Vijav Iver et avec Gilad Hekselman. « Il fait des choses difficiles comme des variations de débits dans le même espace-temps. Il lui arrive même de mettre sa batterie en gaucher alors qu’il est droitier. J’ai essayé de voir ce que cela donnait, c’est intéressant, tu as les pieds inversés, cela change tous tes automatismes. Mais la base de mon travail reste plus classique, travailler la ride avec Jimmy Cobb dans les oreilles… ».
On est très curieux d’entendre, après de tels débuts, quelle musique ces jeunes gars vont nous donner à l’avenir.
Texte JF Mondot
Dessins AC Alvoët