Emile Parisien Quartet et trio BB&C à Sons d'hiver
Hier, 13 février, après un vif commentaire du directeur technique du Théâtre Antoine Vitez d’Ivry-sur-Seine à propos du dernier coup de menton du patronat concernant le statut des intermittents, l’Emile Parisien Quartet et le trio BB&C de Jim Black, Tim Berne et Nels Cline se succédaient pour le quatorzième concert du festival Sons d’hiver qui se terminera dimanche soir à la Java de Paris avec le Ti’Bal Tribal animé par André Minvielle, après s’être installé deux soirs de suite à Créteil pour recevoir vendredi La Macanita et Acujetas au sommet du cante jondo andalou et samedi le bassiste Jamaaladeen Tacuma et le groupe Père Ubu.
Festival Sons d’hiver, Théâtre Antoine Vitez, Ivry-sur-Seine (94), le 13 février 2014.
Emile Parisien Quartet : Emile Parisien (saxes soprano et ténor), Julien Touery (piano), Ivan Gélugne (contrebasse) et Sylvain Darrifourcq (batterie).
Bien qu’il tourne le dos au mysticisme de l’auteur de Om et Love Supreme par des titres anti-kitsch – Dieu m’a brossé les dents du batteur et Chocolat citron du saxophoniste –, l’Emile Parisien Quartet a donné un début de concert somme toute assez coltranien (tendance dernier quartette avec Alice Coltrane et Beaver Harris), avec de lentes montées vers le paroxysme qu’ils assument pleinement par un sens aigu de la progression leur évitant toute sensation d’épuisement, par paliers jusqu’à une phase plateau dont ils redescendent avec grâce pour terminer sur quelque chose qui rappelle d’où l’on était parti sans s’y identifier précisément. Ce qui diffère, outre une entrée en matière du premier morceau d’un bruitisme tout à la fois très ludique et très onirique, c’est justement la façon dont la cohérence de chacune n’est pas portée par les co-équipiers de leur auteur, mais par un travail collectif d’écriture (au moins mentale) structurant dont le désormais illustre saxophoniste et ses compagnons restés dans une relative pénombre médiatique (1) ne sont chacun ni le vecteur, ni le moteur, mais les deux à la fois.
Signée Sylvain Darrifourcq, Haricot Guide relève d’une esthétique différente, Hanbenninkienne pour le côté ludique, zornienne si l’on veut faire référence au goût pour le zapping de John Zorn, en moins énervé, la thématique initiale juxtaposant les fragments d’un vaste panorama esthétique que l’improvisation va explorer selon une densité rythmique toujours soutenue mais un découpage séquentiel ralenti, jusqu’à un final détendu sur un bel ostinao de basse dont chaque note semble rester en suspension après avoir tardé à se faire entendre
(1) Pour dissiper les doutes que cette phrase a pu soulever auprès des premiers lecteurs de cette page, je parle bien d’exposition médiatique, pour toutes sortes de raisons qui relèvent de l’incapacité des médias à assimiler l’abondance et la diversité de la scène du jazz ce qui les amène à préférer se concentrer sur quelques têtes d’affiche et à n’avoir d’yeux que pour ce que l’on appelle la “front line” au détriment de la rythmique. C’est ce qui me semble se produire avec Emile Parisien depuis quelques temps déjà et surtout avec la sortie de son disque en duo avec Vincent Peirani. Si Sylvain Darrifourcq, pour ne citer que lui parce qu’il est en pleine ascension artistique (outre Michel Portal, Sylvain Kassap, duo avec Elise Dabrowski, remplaçant d’Eric Echampard dans les formations d’Andy Emler, cinq disques à paraître cette année dont un trio avec Benjamin Moussay et Marc Ducret, etc.), me paraît souffrir d’une “relative pénombre médiatique” par rapport à Parisien, ça n’est pas un jugement de valeur artistique. Je fais juste le constat des disproportions médiatiques qui affectent l’image du “jazz réel”. Ce sont ces disproportions qui nous conduisent depuis que ce “Jazz Live” existe à offrir une visibilité aux petites salles comme aux grandes et qui nous ont incité dans notre numéro d’août 2011 à interviewer non pas Emile Parisien mais l’Emile Parisien Quartet. Et, comme on l’aura remarqué, c’est de cette dernière entité, irréductible à mes yeux, dont j’ai chroniqué ci-dessus le concert .
BB&C : Tim Berne (sax alto), Nels Cline (guitare électrique, électronique), Jim Black (batterie, informatique).
Derrière le rideau, quelques bribes où l’on reconnaît le lyrisme bernien, le concert commençant le rideau à peine ouvert dans la continuité de cet échauffement, sur un fond à peine perceptible de nappes bruitistes que Black obtient d’une sorte de tablette reliée à son Mac, Nels Cline initiant une rhétorique du chaos à partir d’un arsenal d’effets qu’il pilote du pied et manuellement. Tout au long du concert, il passera de cette brocante sonore à sa guitare en micro-phrases brouillonnes et riffs rageurs dont il retraite hauteur, timbre, enveloppe, séquençage, mise en boucle. Jim Black abandonnant l’ordinateur pour la batterie fait monter un drumming d’essence rock, soumis à un dérèglement permanent, avec une souplesse toujours fascinante jusque dans les montées énergétiques où l’accompagnent Cline et Berne qui développent à partir de motifs minimaux et de notes pédales des plages de saturation ascendante tendant, sans s’y arrêter vraiment, à des rendez-vous homophoniques et homorythmiques.
Les trois improvisations (dont un rappel inattendu lorsque l’on connaît Tim Berne, mais visiblement, c’est Black qui est à la manœuvre) suivront des schémas un peu semblables, sans éviter une impression de redite, où les moments les plus éprouvants par leur densité semblent des passages obligés pour mériter l’accalmie et la relance de l’ascension suivante. En ces moments opère à plein la magie du lyrisme bernien, timbre, tenues, profils mélodiques, intensité du propos, magie que l’on retrouve aussi dans la façons dont les trois musiciens parviennent à conclure ensemble ces improvisations collectives, sans concertation aucune.
Franck Bergerot
C’était aussi le 13 février :
1929
L’orchestre d’Earl Hines faisait ses débuts en studio.
1933
L’orchestre d’Earl Hines enregistrait Cavernism sur un thème de son leader et un arrangement de Jimmy Mundy.
1940
L’orchestre d’Earl Hines enregistrait Boogie Woogie on St. Louis Blues sur les partitions de son chef.
1942
Una Mae Carlisle enregistrait avec le sextette de John Kirby.
Stan Kenton enregistrait Concerto for Dog House.
1947
Billie Holiday enregistrait Easy Living sous la direction de Bob Haggart.
Stan Kenton enregistrait Machito de Pete Rugolo.
1951
Le saxophoniste belge Jack Sels jouait avec sa Chamber Music au Palais des Beaux-Arts de Buxelles.
1957
Charles Mingus enregistrait The Clown et Reincarnation of a Lovebird.
1960
Jim Hall et Paul Smith accompagnaient Ella Fitzgerald au Deutschlandhallen de Berlin.
1962
Jim Hall participait à la troisième séance de “The Bridge” de Sonny Rollins.
1963
Stan Getz enregistra “Jazz Samba”.
1965
Bill Evans jouait à la Maison de la Radio à Paris avec Chuck Israels et Larry Bunker.
1968
Albert Ayler terminait l’enregistrement de son album “Love Cry”.
Barney Wilen enregistrait Tragic Destiny of Lorenzo Bandini, en hommage au pilote italien mort l’année précédente au Grand Prix de Monaco.
Le quintette de Miles Davis enregistrait Side Car avec George Benson.
1986
Miles Davis enregistrait Portia avec Marcus Miller pour l’album “Tutu”.
Sergey Kuryokhin enregistrait Popular Zoological Elements.
1992
Bob Garcia et Bibi Rovère jouaient au Palais des Papes d’Avignon, un concert enregistrait publié sous le titre “Bi-Bob”.
1995
Keith Jarrett jouait à la Scala de Milan devant les micros d’ECM.
1998
Nels Cline enregistrait “Edible Flowers” en duo avec le contrebassiste Devin Sarno.
Merci à la discographie de Tom Lord.
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Hier, 13 février, après un vif commentaire du directeur technique du Théâtre Antoine Vitez d’Ivry-sur-Seine à propos du dernier coup de menton du patronat concernant le statut des intermittents, l’Emile Parisien Quartet et le trio BB&C de Jim Black, Tim Berne et Nels Cline se succédaient pour le quatorzième concert du festival Sons d’hiver qui se terminera dimanche soir à la Java de Paris avec le Ti’Bal Tribal animé par André Minvielle, après s’être installé deux soirs de suite à Créteil pour recevoir vendredi La Macanita et Acujetas au sommet du cante jondo andalou et samedi le bassiste Jamaaladeen Tacuma et le groupe Père Ubu.
Festival Sons d’hiver, Théâtre Antoine Vitez, Ivry-sur-Seine (94), le 13 février 2014.
Emile Parisien Quartet : Emile Parisien (saxes soprano et ténor), Julien Touery (piano), Ivan Gélugne (contrebasse) et Sylvain Darrifourcq (batterie).
Bien qu’il tourne le dos au mysticisme de l’auteur de Om et Love Supreme par des titres anti-kitsch – Dieu m’a brossé les dents du batteur et Chocolat citron du saxophoniste –, l’Emile Parisien Quartet a donné un début de concert somme toute assez coltranien (tendance dernier quartette avec Alice Coltrane et Beaver Harris), avec de lentes montées vers le paroxysme qu’ils assument pleinement par un sens aigu de la progression leur évitant toute sensation d’épuisement, par paliers jusqu’à une phase plateau dont ils redescendent avec grâce pour terminer sur quelque chose qui rappelle d’où l’on était parti sans s’y identifier précisément. Ce qui diffère, outre une entrée en matière du premier morceau d’un bruitisme tout à la fois très ludique et très onirique, c’est justement la façon dont la cohérence de chacune n’est pas portée par les co-équipiers de leur auteur, mais par un travail collectif d’écriture (au moins mentale) structurant dont le désormais illustre saxophoniste et ses compagnons restés dans une relative pénombre médiatique (1) ne sont chacun ni le vecteur, ni le moteur, mais les deux à la fois.
Signée Sylvain Darrifourcq, Haricot Guide relève d’une esthétique différente, Hanbenninkienne pour le côté ludique, zornienne si l’on veut faire référence au goût pour le zapping de John Zorn, en moins énervé, la thématique initiale juxtaposant les fragments d’un vaste panorama esthétique que l’improvisation va explorer selon une densité rythmique toujours soutenue mais un découpage séquentiel ralenti, jusqu’à un final détendu sur un bel ostinao de basse dont chaque note semble rester en suspension après avoir tardé à se faire entendre
(1) Pour dissiper les doutes que cette phrase a pu soulever auprès des premiers lecteurs de cette page, je parle bien d’exposition médiatique, pour toutes sortes de raisons qui relèvent de l’incapacité des médias à assimiler l’abondance et la diversité de la scène du jazz ce qui les amène à préférer se concentrer sur quelques têtes d’affiche et à n’avoir d’yeux que pour ce que l’on appelle la “front line” au détriment de la rythmique. C’est ce qui me semble se produire avec Emile Parisien depuis quelques temps déjà et surtout avec la sortie de son disque en duo avec Vincent Peirani. Si Sylvain Darrifourcq, pour ne citer que lui parce qu’il est en pleine ascension artistique (outre Michel Portal, Sylvain Kassap, duo avec Elise Dabrowski, remplaçant d’Eric Echampard dans les formations d’Andy Emler, cinq disques à paraître cette année dont un trio avec Benjamin Moussay et Marc Ducret, etc.), me paraît souffrir d’une “relative pénombre médiatique” par rapport à Parisien, ça n’est pas un jugement de valeur artistique. Je fais juste le constat des disproportions médiatiques qui affectent l’image du “jazz réel”. Ce sont ces disproportions qui nous conduisent depuis que ce “Jazz Live” existe à offrir une visibilité aux petites salles comme aux grandes et qui nous ont incité dans notre numéro d’août 2011 à interviewer non pas Emile Parisien mais l’Emile Parisien Quartet. Et, comme on l’aura remarqué, c’est de cette dernière entité, irréductible à mes yeux, dont j’ai chroniqué ci-dessus le concert .
BB&C : Tim Berne (sax alto), Nels Cline (guitare électrique, électronique), Jim Black (batterie, informatique).
Derrière le rideau, quelques bribes où l’on reconnaît le lyrisme bernien, le concert commençant le rideau à peine ouvert dans la continuité de cet échauffement, sur un fond à peine perceptible de nappes bruitistes que Black obtient d’une sorte de tablette reliée à son Mac, Nels Cline initiant une rhétorique du chaos à partir d’un arsenal d’effets qu’il pilote du pied et manuellement. Tout au long du concert, il passera de cette brocante sonore à sa guitare en micro-phrases brouillonnes et riffs rageurs dont il retraite hauteur, timbre, enveloppe, séquençage, mise en boucle. Jim Black abandonnant l’ordinateur pour la batterie fait monter un drumming d’essence rock, soumis à un dérèglement permanent, avec une souplesse toujours fascinante jusque dans les montées énergétiques où l’accompagnent Cline et Berne qui développent à partir de motifs minimaux et de notes pédales des plages de saturation ascendante tendant, sans s’y arrêter vraiment, à des rendez-vous homophoniques et homorythmiques.
Les trois improvisations (dont un rappel inattendu lorsque l’on connaît Tim Berne, mais visiblement, c’est Black qui est à la manœuvre) suivront des schémas un peu semblables, sans éviter une impression de redite, où les moments les plus éprouvants par leur densité semblent des passages obligés pour mériter l’accalmie et la relance de l’ascension suivante. En ces moments opère à plein la magie du lyrisme bernien, timbre, tenues, profils mélodiques, intensité du propos, magie que l’on retrouve aussi dans la façons dont les trois musiciens parviennent à conclure ensemble ces improvisations collectives, sans concertation aucune.
Franck Bergerot
C’était aussi le 13 février :
1929
L’orchestre d’Earl Hines faisait ses débuts en studio.
1933
L’orchestre d’Earl Hines enregistrait Cavernism sur un thème de son leader et un arrangement de Jimmy Mundy.
1940
L’orchestre d’Earl Hines enregistrait Boogie Woogie on St. Louis Blues sur les partitions de son chef.
1942
Una Mae Carlisle enregistrait avec le sextette de John Kirby.
Stan Kenton enregistrait Concerto for Dog House.
1947
Billie Holiday enregistrait Easy Living sous la direction de Bob Haggart.
Stan Kenton enregistrait Machito de Pete Rugolo.
1951
Le saxophoniste belge Jack Sels jouait avec sa Chamber Music au Palais des Beaux-Arts de Buxelles.
1957
Charles Mingus enregistrait The Clown et Reincarnation of a Lovebird.
1960
Jim Hall et Paul Smith accompagnaient Ella Fitzgerald au Deutschlandhallen de Berlin.
1962
Jim Hall participait à la troisième séance de “The Bridge” de Sonny Rollins.
1963
Stan Getz enregistra “Jazz Samba”.
1965
Bill Evans jouait à la Maison de la Radio à Paris avec Chuck Israels et Larry Bunker.
1968
Albert Ayler terminait l’enregistrement de son album “Love Cry”.
Barney Wilen enregistrait Tragic Destiny of Lorenzo Bandini, en hommage au pilote italien mort l’année précédente au Grand Prix de Monaco.
Le quintette de Miles Davis enregistrait Side Car avec George Benson.
1986
Miles Davis enregistrait Portia avec Marcus Miller pour l’album “Tutu”.
Sergey Kuryokhin enregistrait Popular Zoological Elements.
1992
Bob Garcia et Bibi Rovère jouaient au Palais des Papes d’Avignon, un concert enregistrait publié sous le titre “Bi-Bob”.
1995
Keith Jarrett jouait à la Scala de Milan devant les micros d’ECM.
1998
Nels Cline enregistrait “Edible Flowers” en duo avec le contrebassiste Devin Sarno.
Merci à la discographie de Tom Lord.
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Hier, 13 février, après un vif commentaire du directeur technique du Théâtre Antoine Vitez d’Ivry-sur-Seine à propos du dernier coup de menton du patronat concernant le statut des intermittents, l’Emile Parisien Quartet et le trio BB&C de Jim Black, Tim Berne et Nels Cline se succédaient pour le quatorzième concert du festival Sons d’hiver qui se terminera dimanche soir à la Java de Paris avec le Ti’Bal Tribal animé par André Minvielle, après s’être installé deux soirs de suite à Créteil pour recevoir vendredi La Macanita et Acujetas au sommet du cante jondo andalou et samedi le bassiste Jamaaladeen Tacuma et le groupe Père Ubu.
Festival Sons d’hiver, Théâtre Antoine Vitez, Ivry-sur-Seine (94), le 13 février 2014.
Emile Parisien Quartet : Emile Parisien (saxes soprano et ténor), Julien Touery (piano), Ivan Gélugne (contrebasse) et Sylvain Darrifourcq (batterie).
Bien qu’il tourne le dos au mysticisme de l’auteur de Om et Love Supreme par des titres anti-kitsch – Dieu m’a brossé les dents du batteur et Chocolat citron du saxophoniste –, l’Emile Parisien Quartet a donné un début de concert somme toute assez coltranien (tendance dernier quartette avec Alice Coltrane et Beaver Harris), avec de lentes montées vers le paroxysme qu’ils assument pleinement par un sens aigu de la progression leur évitant toute sensation d’épuisement, par paliers jusqu’à une phase plateau dont ils redescendent avec grâce pour terminer sur quelque chose qui rappelle d’où l’on était parti sans s’y identifier précisément. Ce qui diffère, outre une entrée en matière du premier morceau d’un bruitisme tout à la fois très ludique et très onirique, c’est justement la façon dont la cohérence de chacune n’est pas portée par les co-équipiers de leur auteur, mais par un travail collectif d’écriture (au moins mentale) structurant dont le désormais illustre saxophoniste et ses compagnons restés dans une relative pénombre médiatique (1) ne sont chacun ni le vecteur, ni le moteur, mais les deux à la fois.
Signée Sylvain Darrifourcq, Haricot Guide relève d’une esthétique différente, Hanbenninkienne pour le côté ludique, zornienne si l’on veut faire référence au goût pour le zapping de John Zorn, en moins énervé, la thématique initiale juxtaposant les fragments d’un vaste panorama esthétique que l’improvisation va explorer selon une densité rythmique toujours soutenue mais un découpage séquentiel ralenti, jusqu’à un final détendu sur un bel ostinao de basse dont chaque note semble rester en suspension après avoir tardé à se faire entendre
(1) Pour dissiper les doutes que cette phrase a pu soulever auprès des premiers lecteurs de cette page, je parle bien d’exposition médiatique, pour toutes sortes de raisons qui relèvent de l’incapacité des médias à assimiler l’abondance et la diversité de la scène du jazz ce qui les amène à préférer se concentrer sur quelques têtes d’affiche et à n’avoir d’yeux que pour ce que l’on appelle la “front line” au détriment de la rythmique. C’est ce qui me semble se produire avec Emile Parisien depuis quelques temps déjà et surtout avec la sortie de son disque en duo avec Vincent Peirani. Si Sylvain Darrifourcq, pour ne citer que lui parce qu’il est en pleine ascension artistique (outre Michel Portal, Sylvain Kassap, duo avec Elise Dabrowski, remplaçant d’Eric Echampard dans les formations d’Andy Emler, cinq disques à paraître cette année dont un trio avec Benjamin Moussay et Marc Ducret, etc.), me paraît souffrir d’une “relative pénombre médiatique” par rapport à Parisien, ça n’est pas un jugement de valeur artistique. Je fais juste le constat des disproportions médiatiques qui affectent l’image du “jazz réel”. Ce sont ces disproportions qui nous conduisent depuis que ce “Jazz Live” existe à offrir une visibilité aux petites salles comme aux grandes et qui nous ont incité dans notre numéro d’août 2011 à interviewer non pas Emile Parisien mais l’Emile Parisien Quartet. Et, comme on l’aura remarqué, c’est de cette dernière entité, irréductible à mes yeux, dont j’ai chroniqué ci-dessus le concert .
BB&C : Tim Berne (sax alto), Nels Cline (guitare électrique, électronique), Jim Black (batterie, informatique).
Derrière le rideau, quelques bribes où l’on reconnaît le lyrisme bernien, le concert commençant le rideau à peine ouvert dans la continuité de cet échauffement, sur un fond à peine perceptible de nappes bruitistes que Black obtient d’une sorte de tablette reliée à son Mac, Nels Cline initiant une rhétorique du chaos à partir d’un arsenal d’effets qu’il pilote du pied et manuellement. Tout au long du concert, il passera de cette brocante sonore à sa guitare en micro-phrases brouillonnes et riffs rageurs dont il retraite hauteur, timbre, enveloppe, séquençage, mise en boucle. Jim Black abandonnant l’ordinateur pour la batterie fait monter un drumming d’essence rock, soumis à un dérèglement permanent, avec une souplesse toujours fascinante jusque dans les montées énergétiques où l’accompagnent Cline et Berne qui développent à partir de motifs minimaux et de notes pédales des plages de saturation ascendante tendant, sans s’y arrêter vraiment, à des rendez-vous homophoniques et homorythmiques.
Les trois improvisations (dont un rappel inattendu lorsque l’on connaît Tim Berne, mais visiblement, c’est Black qui est à la manœuvre) suivront des schémas un peu semblables, sans éviter une impression de redite, où les moments les plus éprouvants par leur densité semblent des passages obligés pour mériter l’accalmie et la relance de l’ascension suivante. En ces moments opère à plein la magie du lyrisme bernien, timbre, tenues, profils mélodiques, intensité du propos, magie que l’on retrouve aussi dans la façons dont les trois musiciens parviennent à conclure ensemble ces improvisations collectives, sans concertation aucune.
Franck Bergerot
C’était aussi le 13 février :
1929
L’orchestre d’Earl Hines faisait ses débuts en studio.
1933
L’orchestre d’Earl Hines enregistrait Cavernism sur un thème de son leader et un arrangement de Jimmy Mundy.
1940
L’orchestre d’Earl Hines enregistrait Boogie Woogie on St. Louis Blues sur les partitions de son chef.
1942
Una Mae Carlisle enregistrait avec le sextette de John Kirby.
Stan Kenton enregistrait Concerto for Dog House.
1947
Billie Holiday enregistrait Easy Living sous la direction de Bob Haggart.
Stan Kenton enregistrait Machito de Pete Rugolo.
1951
Le saxophoniste belge Jack Sels jouait avec sa Chamber Music au Palais des Beaux-Arts de Buxelles.
1957
Charles Mingus enregistrait The Clown et Reincarnation of a Lovebird.
1960
Jim Hall et Paul Smith accompagnaient Ella Fitzgerald au Deutschlandhallen de Berlin.
1962
Jim Hall participait à la troisième séance de “The Bridge” de Sonny Rollins.
1963
Stan Getz enregistra “Jazz Samba”.
1965
Bill Evans jouait à la Maison de la Radio à Paris avec Chuck Israels et Larry Bunker.
1968
Albert Ayler terminait l’enregistrement de son album “Love Cry”.
Barney Wilen enregistrait Tragic Destiny of Lorenzo Bandini, en hommage au pilote italien mort l’année précédente au Grand Prix de Monaco.
Le quintette de Miles Davis enregistrait Side Car avec George Benson.
1986
Miles Davis enregistrait Portia avec Marcus Miller pour l’album “Tutu”.
Sergey Kuryokhin enregistrait Popular Zoological Elements.
1992
Bob Garcia et Bibi Rovère jouaient au Palais des Papes d’Avignon, un concert enregistrait publié sous le titre “Bi-Bob”.
1995
Keith Jarrett jouait à la Scala de Milan devant les micros d’ECM.
1998
Nels Cline enregistrait “Edible Flowers” en duo avec le contrebassiste Devin Sarno.
Merci à la discographie de Tom Lord.
|
Hier, 13 février, après un vif commentaire du directeur technique du Théâtre Antoine Vitez d’Ivry-sur-Seine à propos du dernier coup de menton du patronat concernant le statut des intermittents, l’Emile Parisien Quartet et le trio BB&C de Jim Black, Tim Berne et Nels Cline se succédaient pour le quatorzième concert du festival Sons d’hiver qui se terminera dimanche soir à la Java de Paris avec le Ti’Bal Tribal animé par André Minvielle, après s’être installé deux soirs de suite à Créteil pour recevoir vendredi La Macanita et Acujetas au sommet du cante jondo andalou et samedi le bassiste Jamaaladeen Tacuma et le groupe Père Ubu.
Festival Sons d’hiver, Théâtre Antoine Vitez, Ivry-sur-Seine (94), le 13 février 2014.
Emile Parisien Quartet : Emile Parisien (saxes soprano et ténor), Julien Touery (piano), Ivan Gélugne (contrebasse) et Sylvain Darrifourcq (batterie).
Bien qu’il tourne le dos au mysticisme de l’auteur de Om et Love Supreme par des titres anti-kitsch – Dieu m’a brossé les dents du batteur et Chocolat citron du saxophoniste –, l’Emile Parisien Quartet a donné un début de concert somme toute assez coltranien (tendance dernier quartette avec Alice Coltrane et Beaver Harris), avec de lentes montées vers le paroxysme qu’ils assument pleinement par un sens aigu de la progression leur évitant toute sensation d’épuisement, par paliers jusqu’à une phase plateau dont ils redescendent avec grâce pour terminer sur quelque chose qui rappelle d’où l’on était parti sans s’y identifier précisément. Ce qui diffère, outre une entrée en matière du premier morceau d’un bruitisme tout à la fois très ludique et très onirique, c’est justement la façon dont la cohérence de chacune n’est pas portée par les co-équipiers de leur auteur, mais par un travail collectif d’écriture (au moins mentale) structurant dont le désormais illustre saxophoniste et ses compagnons restés dans une relative pénombre médiatique (1) ne sont chacun ni le vecteur, ni le moteur, mais les deux à la fois.
Signée Sylvain Darrifourcq, Haricot Guide relève d’une esthétique différente, Hanbenninkienne pour le côté ludique, zornienne si l’on veut faire référence au goût pour le zapping de John Zorn, en moins énervé, la thématique initiale juxtaposant les fragments d’un vaste panorama esthétique que l’improvisation va explorer selon une densité rythmique toujours soutenue mais un découpage séquentiel ralenti, jusqu’à un final détendu sur un bel ostinao de basse dont chaque note semble rester en suspension après avoir tardé à se faire entendre
(1) Pour dissiper les doutes que cette phrase a pu soulever auprès des premiers lecteurs de cette page, je parle bien d’exposition médiatique, pour toutes sortes de raisons qui relèvent de l’incapacité des médias à assimiler l’abondance et la diversité de la scène du jazz ce qui les amène à préférer se concentrer sur quelques têtes d’affiche et à n’avoir d’yeux que pour ce que l’on appelle la “front line” au détriment de la rythmique. C’est ce qui me semble se produire avec Emile Parisien depuis quelques temps déjà et surtout avec la sortie de son disque en duo avec Vincent Peirani. Si Sylvain Darrifourcq, pour ne citer que lui parce qu’il est en pleine ascension artistique (outre Michel Portal, Sylvain Kassap, duo avec Elise Dabrowski, remplaçant d’Eric Echampard dans les formations d’Andy Emler, cinq disques à paraître cette année dont un trio avec Benjamin Moussay et Marc Ducret, etc.), me paraît souffrir d’une “relative pénombre médiatique” par rapport à Parisien, ça n’est pas un jugement de valeur artistique. Je fais juste le constat des disproportions médiatiques qui affectent l’image du “jazz réel”. Ce sont ces disproportions qui nous conduisent depuis que ce “Jazz Live” existe à offrir une visibilité aux petites salles comme aux grandes et qui nous ont incité dans notre numéro d’août 2011 à interviewer non pas Emile Parisien mais l’Emile Parisien Quartet. Et, comme on l’aura remarqué, c’est de cette dernière entité, irréductible à mes yeux, dont j’ai chroniqué ci-dessus le concert .
BB&C : Tim Berne (sax alto), Nels Cline (guitare électrique, électronique), Jim Black (batterie, informatique).
Derrière le rideau, quelques bribes où l’on reconnaît le lyrisme bernien, le concert commençant le rideau à peine ouvert dans la continuité de cet échauffement, sur un fond à peine perceptible de nappes bruitistes que Black obtient d’une sorte de tablette reliée à son Mac, Nels Cline initiant une rhétorique du chaos à partir d’un arsenal d’effets qu’il pilote du pied et manuellement. Tout au long du concert, il passera de cette brocante sonore à sa guitare en micro-phrases brouillonnes et riffs rageurs dont il retraite hauteur, timbre, enveloppe, séquençage, mise en boucle. Jim Black abandonnant l’ordinateur pour la batterie fait monter un drumming d’essence rock, soumis à un dérèglement permanent, avec une souplesse toujours fascinante jusque dans les montées énergétiques où l’accompagnent Cline et Berne qui développent à partir de motifs minimaux et de notes pédales des plages de saturation ascendante tendant, sans s’y arrêter vraiment, à des rendez-vous homophoniques et homorythmiques.
Les trois improvisations (dont un rappel inattendu lorsque l’on connaît Tim Berne, mais visiblement, c’est Black qui est à la manœuvre) suivront des schémas un peu semblables, sans éviter une impression de redite, où les moments les plus éprouvants par leur densité semblent des passages obligés pour mériter l’accalmie et la relance de l’ascension suivante. En ces moments opère à plein la magie du lyrisme bernien, timbre, tenues, profils mélodiques, intensité du propos, magie que l’on retrouve aussi dans la façons dont les trois musiciens parviennent à conclure ensemble ces improvisations collectives, sans concertation aucune.
Franck Bergerot
C’était aussi le 13 février :
1929
L’orchestre d’Earl Hines faisait ses débuts en studio.
1933
L’orchestre d’Earl Hines enregistrait Cavernism sur un thème de son leader et un arrangement de Jimmy Mundy.
1940
L’orchestre d’Earl Hines enregistrait Boogie Woogie on St. Louis Blues sur les partitions de son chef.
1942
Una Mae Carlisle enregistrait avec le sextette de John Kirby.
Stan Kenton enregistrait Concerto for Dog House.
1947
Billie Holiday enregistrait Easy Living sous la direction de Bob Haggart.
Stan Kenton enregistrait Machito de Pete Rugolo.
1951
Le saxophoniste belge Jack Sels jouait avec sa Chamber Music au Palais des Beaux-Arts de Buxelles.
1957
Charles Mingus enregistrait The Clown et Reincarnation of a Lovebird.
1960
Jim Hall et Paul Smith accompagnaient Ella Fitzgerald au Deutschlandhallen de Berlin.
1962
Jim Hall participait à la troisième séance de “The Bridge” de Sonny Rollins.
1963
Stan Getz enregistra “Jazz Samba”.
1965
Bill Evans jouait à la Maison de la Radio à Paris avec Chuck Israels et Larry Bunker.
1968
Albert Ayler terminait l’enregistrement de son album “Love Cry”.
Barney Wilen enregistrait Tragic Destiny of Lorenzo Bandini, en hommage au pilote italien mort l’année précédente au Grand Prix de Monaco.
Le quintette de Miles Davis enregistrait Side Car avec George Benson.
1986
Miles Davis enregistrait Portia avec Marcus Miller pour l’album “Tutu”.
Sergey Kuryokhin enregistrait Popular Zoological Elements.
1992
Bob Garcia et Bibi Rovère jouaient au Palais des Papes d’Avignon, un concert enregistrait publié sous le titre “Bi-Bob”.
1995
Keith Jarrett jouait à la Scala de Milan devant les micros d’ECM.
1998
Nels Cline enregistrait “Edible Flowers” en duo avec le contrebassiste Devin Sarno.
Merci à la discographie de Tom Lord.