Enrico Pieranunzi Trio au Sunside
Croiser Enrico Pieranunzi dans nos salles parisiennes est un plaisir qui se fait rare. Heureusement, le pianiste italien est un habitué du Sunside, qu’il ne manque pas de visiter de temps à autres. Nous tentons de ne jamais l’y manquer.
Accompagné de ses camarades de grand chemin, Diego Imbert et André Ceccarelli, l’homme relativement jeune a une allure reconnaissable, et son trio, une apparence presque habituelle. Un pianiste arqué, un contrebassiste qui se confond avec son instrument, et un batteur pas tout à fait comme les autres… Ce soir pourtant, j’ai trouvé un Pieranunzi méconnaissable, ou plutôt sorti d’un autre temps. Au fil des disques et des productions (souvent un à deux par an), on avait pu sentir l’essoufflement de la fougue pieranoncienne, caractéristique de ses premiers disques, où il s’épanchait volontiers en solo. Sa sagesse l’a poussé en effet vers des arrangements pour ensembles plus vastes, de périlleuses transpositions du classique au jazz (Bach, Haendel, Debussy, beaucoup y sont passés), ou des duos plus ou moins intimes. Ce soir, dès le premier set, le trio se montre volubile sur Hindsight. D’emblée, une main droite en déferlante, suivie par Ceccarelli qui quadrille la mitraille, tandis que Diego Imbert épouse la courbe. On retrouve bien là la perspective maximaliste de ses oeuvres de jeunesse, et une volonté d’essouffler chaque possibilité harmonique, d’épousseter chaque recoin du clavier. Plus loin, sur All The Things You Are, cela en devient presque excentrique. Vraiment, on ne le reconnaît plus, mais c’en est fort agréable. D’autant plus qu’il invoque des compositions qui font maintenant date, comme l’équivoque Je ne sais quoi (« First song », avec Billy Higgins et Charlie Haden, 1990), ou encore Night Bird, que l’on trouve sur le « Live in Paris » de Chet Baker en 1980, mais qui donnera aussi son titre à un album d’Eric Le Lann en 1983. Le dernier morceau que j’entendis du second set fut Molto Ancora, délicate balade sur laquelle la soirée allait probablement s’engager sur une autre pente.
À bientôt Enrico, ce fut un plaisir.
Walden Gauthier