Europa Jazz Festival 2012, le final (2)
Dans ma courte liste des jeunes musiciens du « baby boom » actuel du jazz de France – et je n’emploie pas l’expression par hasard – j’ai oublié Vincent Peirani (mais aussi tant d’autres), qui fait partie avec Emile Parisien du nouveau quartet de Daniel Humair, l’un des plus fins dénicheurs de talents qui soient. Dont acte, surtout après le solo d’accordéon dont il nous a régalé hier, dans une collégiale St-Pierre-La-Cour plein à craquer, ce que nous n’avons pas tardé de faire tant la musique proposée à notre écoute était de nature à réconcilier les âges, les classes sociales, et surtout la ridicule opposition entre le « savant » et le « populaire ».
Car rien de plus raffiné que le doigté délicat et virtuose de Vincent Peirani, rien de plus harmoniquement travaillé que ses improvisations, ou l’accompagnement qu’il met en place quand il joue des thèmes illustres, et en même temps rien qui aille directement au cœur de celui qui écoute, pour peu qu’il accepte de se laisser prendre par la douceur mélancolique d’un chant, le rythme d’une valse lente, ou encore le galop qui succède à la calme exposition d’une improvisation toute en longues notes tenues. La version de « Shenandoah » qu’il nous a donnée en plein milieu du concert restera gravée longtemps, aux côtés de celle par qui j’ai découvert cette chanson éternelle mais très américaine, la très méconnue en Europe Jo Stafford. Alors merci Vincent Peirani, et encore s’il vous plaît, si vous aviez eu un disque hier matin (solo ou pas) vous en auriez comblé l’attente de très nombreuses personnes. Je le répète encore, c’est par défaut que les gens vont consommer ce qu’on leur vend, ça ne leur fait pas vraiment plaisir, ça ne les élève pas, et quand ils découvrent, plus ou moins par hasard, que des artistes de cette trempe ça existe, ils ont vraiment le sentiment de n’avoir pas perdu leur temps. Et ils se disent aussi : « mais pourquoi m’avait-on caché ça ? »
Le duo entre Peter Brotzmann et Hamid Drake s’inscrivait sur un autre registre, dans ce lieu superbement alternatif qu’est la Fonderie, et devant une assistance encore une fois très fournie. Le saxophoniste allemand n’a pas dévié une seule fois dans sa vie de la radicalité paroxystique qui l’habite, et ce n’est pas aujourd’hui qu’il va changer et nous proposer pour finir « une chanson douce ». Soit un long cri à la limite du tragique, seulement ponctué de courtes respirations avant que ne reprenne la complainte, « accompagné » par un Hamid Drake qui n’a eu rien d’autre à faire lui non plus qu’à inscrire son « drumming » en parallèle aux appels à l’aide de Brotzmann. Pas de vraie rencontre, peut-être quelques échanges, mais il n’est nul besoin de tout ça pour faire de la musique « ensemble ».
Joachim Khün © P. Méziat
Après cet intermède rugueux, la soirée s’annonçait également contrastée à l’Abbaye de l’Epau. Car le trio Celea/Parisien/Reisinger autour de la musique d’Ornette Coleman se présentait comme un projet réfléchi, travaillé et muri, quand le duo entre Joachim Kühn et David Murray tenait de la (fausse ?) bonne idée, avec les risques que cela implique. Et tout fut bien ainsi (hélas ?), entre le déploiement d’une rare musicalité de quelques thèmes d’Ornette peu ou pas connus – que Jean-Paul Celea tenait de Kühn lui-même – et la difficile et assez indigeste rencontre entre un pianiste qui, de toutes façons, a tant roulé sa bosse depuis près de 50 ans qu’il sait absolument tout faire, et un saxophoniste qui a quand même tendance à nous refiler le même solo « en force » à chaque passage. Et je ne dis rien du duo entre Kühn saxophoniste-alto et Murray clarinettiste-basse…
Je retiens d’avoir découvert un batteur de jazz absolument exceptionnel (Wolfgang Reisinger), que je connaissais très mal et qui a été constamment juste dans sa façon de soutenir les propos de Celea et Parisien. Mais aussi d’avoir aimé cette musique qui fonctionne souvent par questions et réponses puisqu’il semble que ce soit de la plume du « premier » Ornette que proviennent ces thèmes. En tous cas, le bonheur de la jouer était là encore parfaitement évident pour tous. Emile Parisien est sans aucun doute l’un des maîtres du saxophone soprano aujourd’hui : ses prises de bec diverses et subtiles, la façon dont il use de toutes les possibilités du souffle pour être toujours juste sur cet instrument infernal, l’espèce de douceur de fond qu’il laisse entendre dans le son (ce qui n’empêche ni le cri, ni la violence) quand souvent le soprano m’évoque chez les autres une certaine acidité résiduelle, sont des qualités précieuses et rares. Quant à Jean-Paul Celea, c’est lui qui a eu l’idée de tout ça, et pour le coup c’était une vraie bonne idée. Du son, de la rondeur, parfaitement placé entre le soprano et la batterie, il a joué sa partie entre moments de « walking bass » assumés, unissons virtuoses avec le mélodiste et interventions plus improvisées dans les intervalles. Là aussi, on dit « encore ».
Philippe Méziat
|
Dans ma courte liste des jeunes musiciens du « baby boom » actuel du jazz de France – et je n’emploie pas l’expression par hasard – j’ai oublié Vincent Peirani (mais aussi tant d’autres), qui fait partie avec Emile Parisien du nouveau quartet de Daniel Humair, l’un des plus fins dénicheurs de talents qui soient. Dont acte, surtout après le solo d’accordéon dont il nous a régalé hier, dans une collégiale St-Pierre-La-Cour plein à craquer, ce que nous n’avons pas tardé de faire tant la musique proposée à notre écoute était de nature à réconcilier les âges, les classes sociales, et surtout la ridicule opposition entre le « savant » et le « populaire ».
Car rien de plus raffiné que le doigté délicat et virtuose de Vincent Peirani, rien de plus harmoniquement travaillé que ses improvisations, ou l’accompagnement qu’il met en place quand il joue des thèmes illustres, et en même temps rien qui aille directement au cœur de celui qui écoute, pour peu qu’il accepte de se laisser prendre par la douceur mélancolique d’un chant, le rythme d’une valse lente, ou encore le galop qui succède à la calme exposition d’une improvisation toute en longues notes tenues. La version de « Shenandoah » qu’il nous a donnée en plein milieu du concert restera gravée longtemps, aux côtés de celle par qui j’ai découvert cette chanson éternelle mais très américaine, la très méconnue en Europe Jo Stafford. Alors merci Vincent Peirani, et encore s’il vous plaît, si vous aviez eu un disque hier matin (solo ou pas) vous en auriez comblé l’attente de très nombreuses personnes. Je le répète encore, c’est par défaut que les gens vont consommer ce qu’on leur vend, ça ne leur fait pas vraiment plaisir, ça ne les élève pas, et quand ils découvrent, plus ou moins par hasard, que des artistes de cette trempe ça existe, ils ont vraiment le sentiment de n’avoir pas perdu leur temps. Et ils se disent aussi : « mais pourquoi m’avait-on caché ça ? »
Le duo entre Peter Brotzmann et Hamid Drake s’inscrivait sur un autre registre, dans ce lieu superbement alternatif qu’est la Fonderie, et devant une assistance encore une fois très fournie. Le saxophoniste allemand n’a pas dévié une seule fois dans sa vie de la radicalité paroxystique qui l’habite, et ce n’est pas aujourd’hui qu’il va changer et nous proposer pour finir « une chanson douce ». Soit un long cri à la limite du tragique, seulement ponctué de courtes respirations avant que ne reprenne la complainte, « accompagné » par un Hamid Drake qui n’a eu rien d’autre à faire lui non plus qu’à inscrire son « drumming » en parallèle aux appels à l’aide de Brotzmann. Pas de vraie rencontre, peut-être quelques échanges, mais il n’est nul besoin de tout ça pour faire de la musique « ensemble ».
Joachim Khün © P. Méziat
Après cet intermède rugueux, la soirée s’annonçait également contrastée à l’Abbaye de l’Epau. Car le trio Celea/Parisien/Reisinger autour de la musique d’Ornette Coleman se présentait comme un projet réfléchi, travaillé et muri, quand le duo entre Joachim Kühn et David Murray tenait de la (fausse ?) bonne idée, avec les risques que cela implique. Et tout fut bien ainsi (hélas ?), entre le déploiement d’une rare musicalité de quelques thèmes d’Ornette peu ou pas connus – que Jean-Paul Celea tenait de Kühn lui-même – et la difficile et assez indigeste rencontre entre un pianiste qui, de toutes façons, a tant roulé sa bosse depuis près de 50 ans qu’il sait absolument tout faire, et un saxophoniste qui a quand même tendance à nous refiler le même solo « en force » à chaque passage. Et je ne dis rien du duo entre Kühn saxophoniste-alto et Murray clarinettiste-basse…
Je retiens d’avoir découvert un batteur de jazz absolument exceptionnel (Wolfgang Reisinger), que je connaissais très mal et qui a été constamment juste dans sa façon de soutenir les propos de Celea et Parisien. Mais aussi d’avoir aimé cette musique qui fonctionne souvent par questions et réponses puisqu’il semble que ce soit de la plume du « premier » Ornette que proviennent ces thèmes. En tous cas, le bonheur de la jouer était là encore parfaitement évident pour tous. Emile Parisien est sans aucun doute l’un des maîtres du saxophone soprano aujourd’hui : ses prises de bec diverses et subtiles, la façon dont il use de toutes les possibilités du souffle pour être toujours juste sur cet instrument infernal, l’espèce de douceur de fond qu’il laisse entendre dans le son (ce qui n’empêche ni le cri, ni la violence) quand souvent le soprano m’évoque chez les autres une certaine acidité résiduelle, sont des qualités précieuses et rares. Quant à Jean-Paul Celea, c’est lui qui a eu l’idée de tout ça, et pour le coup c’était une vraie bonne idée. Du son, de la rondeur, parfaitement placé entre le soprano et la batterie, il a joué sa partie entre moments de « walking bass » assumés, unissons virtuoses avec le mélodiste et interventions plus improvisées dans les intervalles. Là aussi, on dit « encore ».
Philippe Méziat
|
Dans ma courte liste des jeunes musiciens du « baby boom » actuel du jazz de France – et je n’emploie pas l’expression par hasard – j’ai oublié Vincent Peirani (mais aussi tant d’autres), qui fait partie avec Emile Parisien du nouveau quartet de Daniel Humair, l’un des plus fins dénicheurs de talents qui soient. Dont acte, surtout après le solo d’accordéon dont il nous a régalé hier, dans une collégiale St-Pierre-La-Cour plein à craquer, ce que nous n’avons pas tardé de faire tant la musique proposée à notre écoute était de nature à réconcilier les âges, les classes sociales, et surtout la ridicule opposition entre le « savant » et le « populaire ».
Car rien de plus raffiné que le doigté délicat et virtuose de Vincent Peirani, rien de plus harmoniquement travaillé que ses improvisations, ou l’accompagnement qu’il met en place quand il joue des thèmes illustres, et en même temps rien qui aille directement au cœur de celui qui écoute, pour peu qu’il accepte de se laisser prendre par la douceur mélancolique d’un chant, le rythme d’une valse lente, ou encore le galop qui succède à la calme exposition d’une improvisation toute en longues notes tenues. La version de « Shenandoah » qu’il nous a donnée en plein milieu du concert restera gravée longtemps, aux côtés de celle par qui j’ai découvert cette chanson éternelle mais très américaine, la très méconnue en Europe Jo Stafford. Alors merci Vincent Peirani, et encore s’il vous plaît, si vous aviez eu un disque hier matin (solo ou pas) vous en auriez comblé l’attente de très nombreuses personnes. Je le répète encore, c’est par défaut que les gens vont consommer ce qu’on leur vend, ça ne leur fait pas vraiment plaisir, ça ne les élève pas, et quand ils découvrent, plus ou moins par hasard, que des artistes de cette trempe ça existe, ils ont vraiment le sentiment de n’avoir pas perdu leur temps. Et ils se disent aussi : « mais pourquoi m’avait-on caché ça ? »
Le duo entre Peter Brotzmann et Hamid Drake s’inscrivait sur un autre registre, dans ce lieu superbement alternatif qu’est la Fonderie, et devant une assistance encore une fois très fournie. Le saxophoniste allemand n’a pas dévié une seule fois dans sa vie de la radicalité paroxystique qui l’habite, et ce n’est pas aujourd’hui qu’il va changer et nous proposer pour finir « une chanson douce ». Soit un long cri à la limite du tragique, seulement ponctué de courtes respirations avant que ne reprenne la complainte, « accompagné » par un Hamid Drake qui n’a eu rien d’autre à faire lui non plus qu’à inscrire son « drumming » en parallèle aux appels à l’aide de Brotzmann. Pas de vraie rencontre, peut-être quelques échanges, mais il n’est nul besoin de tout ça pour faire de la musique « ensemble ».
Joachim Khün © P. Méziat
Après cet intermède rugueux, la soirée s’annonçait également contrastée à l’Abbaye de l’Epau. Car le trio Celea/Parisien/Reisinger autour de la musique d’Ornette Coleman se présentait comme un projet réfléchi, travaillé et muri, quand le duo entre Joachim Kühn et David Murray tenait de la (fausse ?) bonne idée, avec les risques que cela implique. Et tout fut bien ainsi (hélas ?), entre le déploiement d’une rare musicalité de quelques thèmes d’Ornette peu ou pas connus – que Jean-Paul Celea tenait de Kühn lui-même – et la difficile et assez indigeste rencontre entre un pianiste qui, de toutes façons, a tant roulé sa bosse depuis près de 50 ans qu’il sait absolument tout faire, et un saxophoniste qui a quand même tendance à nous refiler le même solo « en force » à chaque passage. Et je ne dis rien du duo entre Kühn saxophoniste-alto et Murray clarinettiste-basse…
Je retiens d’avoir découvert un batteur de jazz absolument exceptionnel (Wolfgang Reisinger), que je connaissais très mal et qui a été constamment juste dans sa façon de soutenir les propos de Celea et Parisien. Mais aussi d’avoir aimé cette musique qui fonctionne souvent par questions et réponses puisqu’il semble que ce soit de la plume du « premier » Ornette que proviennent ces thèmes. En tous cas, le bonheur de la jouer était là encore parfaitement évident pour tous. Emile Parisien est sans aucun doute l’un des maîtres du saxophone soprano aujourd’hui : ses prises de bec diverses et subtiles, la façon dont il use de toutes les possibilités du souffle pour être toujours juste sur cet instrument infernal, l’espèce de douceur de fond qu’il laisse entendre dans le son (ce qui n’empêche ni le cri, ni la violence) quand souvent le soprano m’évoque chez les autres une certaine acidité résiduelle, sont des qualités précieuses et rares. Quant à Jean-Paul Celea, c’est lui qui a eu l’idée de tout ça, et pour le coup c’était une vraie bonne idée. Du son, de la rondeur, parfaitement placé entre le soprano et la batterie, il a joué sa partie entre moments de « walking bass » assumés, unissons virtuoses avec le mélodiste et interventions plus improvisées dans les intervalles. Là aussi, on dit « encore ».
Philippe Méziat
|
Dans ma courte liste des jeunes musiciens du « baby boom » actuel du jazz de France – et je n’emploie pas l’expression par hasard – j’ai oublié Vincent Peirani (mais aussi tant d’autres), qui fait partie avec Emile Parisien du nouveau quartet de Daniel Humair, l’un des plus fins dénicheurs de talents qui soient. Dont acte, surtout après le solo d’accordéon dont il nous a régalé hier, dans une collégiale St-Pierre-La-Cour plein à craquer, ce que nous n’avons pas tardé de faire tant la musique proposée à notre écoute était de nature à réconcilier les âges, les classes sociales, et surtout la ridicule opposition entre le « savant » et le « populaire ».
Car rien de plus raffiné que le doigté délicat et virtuose de Vincent Peirani, rien de plus harmoniquement travaillé que ses improvisations, ou l’accompagnement qu’il met en place quand il joue des thèmes illustres, et en même temps rien qui aille directement au cœur de celui qui écoute, pour peu qu’il accepte de se laisser prendre par la douceur mélancolique d’un chant, le rythme d’une valse lente, ou encore le galop qui succède à la calme exposition d’une improvisation toute en longues notes tenues. La version de « Shenandoah » qu’il nous a donnée en plein milieu du concert restera gravée longtemps, aux côtés de celle par qui j’ai découvert cette chanson éternelle mais très américaine, la très méconnue en Europe Jo Stafford. Alors merci Vincent Peirani, et encore s’il vous plaît, si vous aviez eu un disque hier matin (solo ou pas) vous en auriez comblé l’attente de très nombreuses personnes. Je le répète encore, c’est par défaut que les gens vont consommer ce qu’on leur vend, ça ne leur fait pas vraiment plaisir, ça ne les élève pas, et quand ils découvrent, plus ou moins par hasard, que des artistes de cette trempe ça existe, ils ont vraiment le sentiment de n’avoir pas perdu leur temps. Et ils se disent aussi : « mais pourquoi m’avait-on caché ça ? »
Le duo entre Peter Brotzmann et Hamid Drake s’inscrivait sur un autre registre, dans ce lieu superbement alternatif qu’est la Fonderie, et devant une assistance encore une fois très fournie. Le saxophoniste allemand n’a pas dévié une seule fois dans sa vie de la radicalité paroxystique qui l’habite, et ce n’est pas aujourd’hui qu’il va changer et nous proposer pour finir « une chanson douce ». Soit un long cri à la limite du tragique, seulement ponctué de courtes respirations avant que ne reprenne la complainte, « accompagné » par un Hamid Drake qui n’a eu rien d’autre à faire lui non plus qu’à inscrire son « drumming » en parallèle aux appels à l’aide de Brotzmann. Pas de vraie rencontre, peut-être quelques échanges, mais il n’est nul besoin de tout ça pour faire de la musique « ensemble ».
Joachim Khün © P. Méziat
Après cet intermède rugueux, la soirée s’annonçait également contrastée à l’Abbaye de l’Epau. Car le trio Celea/Parisien/Reisinger autour de la musique d’Ornette Coleman se présentait comme un projet réfléchi, travaillé et muri, quand le duo entre Joachim Kühn et David Murray tenait de la (fausse ?) bonne idée, avec les risques que cela implique. Et tout fut bien ainsi (hélas ?), entre le déploiement d’une rare musicalité de quelques thèmes d’Ornette peu ou pas connus – que Jean-Paul Celea tenait de Kühn lui-même – et la difficile et assez indigeste rencontre entre un pianiste qui, de toutes façons, a tant roulé sa bosse depuis près de 50 ans qu’il sait absolument tout faire, et un saxophoniste qui a quand même tendance à nous refiler le même solo « en force » à chaque passage. Et je ne dis rien du duo entre Kühn saxophoniste-alto et Murray clarinettiste-basse…
Je retiens d’avoir découvert un batteur de jazz absolument exceptionnel (Wolfgang Reisinger), que je connaissais très mal et qui a été constamment juste dans sa façon de soutenir les propos de Celea et Parisien. Mais aussi d’avoir aimé cette musique qui fonctionne souvent par questions et réponses puisqu’il semble que ce soit de la plume du « premier » Ornette que proviennent ces thèmes. En tous cas, le bonheur de la jouer était là encore parfaitement évident pour tous. Emile Parisien est sans aucun doute l’un des maîtres du saxophone soprano aujourd’hui : ses prises de bec diverses et subtiles, la façon dont il use de toutes les possibilités du souffle pour être toujours juste sur cet instrument infernal, l’espèce de douceur de fond qu’il laisse entendre dans le son (ce qui n’empêche ni le cri, ni la violence) quand souvent le soprano m’évoque chez les autres une certaine acidité résiduelle, sont des qualités précieuses et rares. Quant à Jean-Paul Celea, c’est lui qui a eu l’idée de tout ça, et pour le coup c’était une vraie bonne idée. Du son, de la rondeur, parfaitement placé entre le soprano et la batterie, il a joué sa partie entre moments de « walking bass » assumés, unissons virtuoses avec le mélodiste et interventions plus improvisées dans les intervalles. Là aussi, on dit « encore ».
Philippe Méziat