(Ex) RN 10: Swinging Bayonne, standards on the road again
Trio Swinging Bayonne
Arnaud Labastie (claviers), Patrick Quillart (basse), Jean Duverdier (batterie), invité: Patrick Artero (trompette)
Soleil des Antilles, Bidart 64210), 12 janvier
Vous prenez un pianiste, directeur d’une École de Musique à Tarnos, la ville la plus sud des Landes qui aimerait s’accoupler à l’agglomération hybride Bayonne-Pays Basque, un dessinateur de presse qui publie dans le quotidien Sud Ouest et croque des affiches festives craquantes d’un esprit bien bayonnais d’entre Nive et Adour, par ailleurs fou de batterie façon Jo Jones. Vous y ajoutez un vieux pote bassiste très économe de ses notes. Vous imaginez un décor de partitions esprit pur swing apprises par coeur. Vous avez là, sous les yeux et les oreilles, le faire part type du trio Swinging Bayonne. Lequel en cette soirée d’hiver là invite Patrick Artero, cinquante ans de carrière trompette jazz, en voyages d’époque des Haricots Rouges jusque à Martial Solal ou même Kassav sur la route, avec toujours chez ce vétéran en pochette surprise l’ombre de Louis Amstrong.
Au programme, on serait tenté de dire au catalogue de la soirée :
– « Impulsive » de Bill Coleman, objet d’un swing en équilibre main droite main gauche bien calées sur le clavier. Car, on a pas de mal à l’imaginer bien sûr, Arnaud Labastie possède les clefs du genre. En parallèle, question sonorité de trompette les effets d’embouchure adoucissent le propos
– « Am I Blue », chanson de Hoagy Carmichaël : la trompette bouchée sort un mince filet sonore. Pas de micro pour lui venir en aide. Dommage. Ceci posé, Artero lui aussi connaît ses standards du swing sur le bout des doigts, leur dessein, leurs plans de carrière. Et derechef, il les applique à la lettre. Le piano sous les doigts décontractés du « directeur » Labastie leur donne de l’air frais.
– « Keepîn out of Mischief Now » de Fats Waller, rythmes soutenus, rag time au bout, au goût d’une envie commune avouée, notes du bassiste en repère régulier.
– « I can’t get started with you » Voici venu le temps d’une ballade pour laquelle, sans mauvais jeu de mot, après avoir manqué un peu de gaz sinon de son, Artero retrouve une douceur que l’on sent chez lui naturelle. Labastie en bon « ellingtonien » maniaque relance, cool comme dans ce climat il se doit, les ébats. Duverdier, sourire espiègle, fait lui un croquis exquis de rondeurs du bout de ses balais.
– « I remembre April, le quartet offre un peu plus de dynamique sur un tempo binaire simple à entendre.
– « Somebody loves you » Gershwin s’invite avec les lignes claires de ses mélodies.
– « Softly as in a morning sunrise » Le pianiste fait assaut d’accords sur son simili piano électronisé pour facilités de transport histoire de renforcer la structure du standard parmi les plus standardisés du marché du jazz. Avec en amicale complicité l’appui d’une batterie qui lâche la bride. Ah! mais on ressent toujours et encore cette drôle de retenue de la trompette avec sourdine. Quel dommage pour la perception de la globalité du son de l’orchestre. Mais confidence pour confidence, Patrick Artero qui avait du arrêter de jouer suite à quelques problèmes de santé se trouve juste en phase de reprise…
– Une invitée surprise, une chanteuse à présent: Michèle lâche une voix un peu fragile sur « La vie en rose » puis « Dans mon jardin d’hiver » Au final « Hello Dolly » la propulse enfin, vive, percutante.
Au programme, il y aura d’autres airs, d’autres standards. On en oublie sans doute. Du classique, du courant mainstream sans vague au pays du surf triomphant. Et toujours, en accompagnement, en bruits de fond perdurent ces petites percussions caractéristiques de verres parfumés de rhums plus ou moins arrangés. On était bien cette nuit de janvier baignés dans un jazz de nuit soft mode Soleil des Antilles.
Robert Latxague