Fabrice Moreau prend l'initiative au Comptoir
Fabrice Moreau par-ci, Fabrice Moreau par-là, toujours essentiel à chaque programme où il se trouve impliqué, mais toujours sur le côté, sideman. Et voici le batteur soudain au centre sur la scène de Musique au Comptoir sous la halle Roublot de Fontenay-sous-Bois…
…géographiquement, certes toujours de côté, mais maître d’œuvre et architecte d’un projet personnel, commande du lieu qui l’accueille à laquelle il a répondu par un triptyque prenant forme au gré d’une triple résidence. La première en novembre dernier avec Ricardo Izquierdo (sax ténor), Nelson Veras (guitare) et Mauro Gargano (contrebasse), la deuxième dont je rentre tout juste d’avoir été le témoin
Halle Roublot, Musique au Comptoir, Fontenay-sous-Bois (94), le 9 décembre 2016.
Anton-Tri Hoang (clarinette basse, sax alto), Ricardo Izquierdo (sax ténor), Jozef Dumoulin (piano), Matias Szandai (contrebasse), Fabrice Moreau (batterie et compositions).
Depuis que l’on connaît son travail, on a aimé chez Fabrice Moreau son sens de l’orchestre et d’emblée, pour ce premier travail en leader, c’est ce qu’il fait entendre : un son d’orchestre, l’orchestre nous donnant souvent le sentiment d’entendre le double de son effectif, le tout finement crocheté avec cet art de dentelière propre à ce batteur qui n’a pourtant rien oublié du swing, du drive, du groove, de toutes ces sortes de choses que l’on attend de son instrument. D’autant plus que, de son double travail au crochet d’instrumentiste et de compositeur, résulte un tramage amalgamant les instruments les uns aux autres avant que l’attention ne commence à les départir et à discerner leur indépendance mutuelle qui, selon moult combinaisons et recombinaisons, les entraine de l’unisson à la polyphonie intégrale en passant par le strict contrepoint.
Ici, c’est une circulation rapide des parties entre les instruments et là ce sont les instruments eux-mêmes qui semblent fuir de l’ostinato rythmique au développement mélodique, d’où il ressort l’impression d’assister aux contorsions d’un nœud de vifs serpents glissant les uns entres les autres comme un seul et même animal infini.
Ici, c’est un piano qui se fond à l’unisson des vents pour ne laisser entendre que ses harmoniques en halo dans les silences, et là – le titre Léger naufrage stimulant l’imagination –, c’est une brume sur une mer d’huile traversée d’appels de corne de brume, habitée de mille petits drames d’où s’élève soudain la complainte d’un archet dont les vents se font l’écho jusqu’à la dissoudre, puis la rassembler, jusqu’à son bref résumé par l’alto en forme d’épilogue ou de morale finale à la manière des fables. Ailleurs encore, c’est un éparpillement d’éléments écrits, une partition en forme de kaléidoscope dont le tout ne nous est dévoilé, rassemblé, qu’à l’occasion d’une homophonie finale.
Soit une écriture omniprésente pourtant tout à la fois incomplète et ouverte où après avoir soupçonné la précision indéterminée du réservoir de notes reprise de la musique contemporaine par Anthony Braxton dès les années 1970 (où par exemple, sur une écriture rythmique précise l’interprète fait son choix mélodique parmi un “réservoir” de notes), nous aurons compris, à l’issue d’un bref échange avec Fabrice Moreau après le concert, que toutes les valeurs sont précisément écrites mais que, selon un déroulé chronologique précisément métré, chaque instrumentiste décide selon son bon vouloir de jouer telle ou telle partie (mélodie principale, son contrechant, l’ostinato qui l’accompagne…), ou de se taire (comme si chacun remixait en direct la partition du leader agissant à la façon d’un sonorisateur sur les potentiomètres d’une console multipistes).
Soit donc une partition orchestrale comme mangée par les souris mais imposant à ses interprètes sa précise chronologie d’autant plus redoutable, alors que l’on croit reconnaître l’héritage des procédés polyrythmiques de Steve Coleman et d’écriture longue de Tim Berne. Les improvisations, surtout celles des deux vents, me donnent alors, à moi qui n’ait jamais rien entendu à l’algèbre mais qui jalouse secrètement la secrète poétique des mathématiciens, l’impression de voir chacun résoudre des équations à plusieurs inconnues qu’il affronte comme autant de douces chimères se métamorphosant autant de fois qu’elles sont vaincues.
Ce sidérant concert se déroulait dans l’espace aménagé par l’association Musique au comptoir, sous la halle Roublot de Fontenay-aux-Roses : programmation hebdomadaire, accueil chaleureux, petite restauration au comptoir qui mérite de venir prendre ses aises dès 20h pour un concert commençant à 20h45. Sauf exception: ainsi, dimanche prochain, 11 décembre, c’est à 18h que Mike Ladd, Christine Salem et San Severino entremêleront leurs voix sur la musique du pianiste Or Solomon avec Seb Martel à la guitare. Quant à Fabrice Moreau, retrouvons ses merveilleuses chimères pour le troisième volet de cette première expérience de leader-compositeur au Sunside le 10 janvier 2017, en compagnie de Ricardo Izquierdo, Nelson Veras, Jozef Dumoulin et le contrebassiste Matias Szandai . • Franck Bergerot|Fabrice Moreau par-ci, Fabrice Moreau par-là, toujours essentiel à chaque programme où il se trouve impliqué, mais toujours sur le côté, sideman. Et voici le batteur soudain au centre sur la scène de Musique au Comptoir sous la halle Roublot de Fontenay-sous-Bois…
…géographiquement, certes toujours de côté, mais maître d’œuvre et architecte d’un projet personnel, commande du lieu qui l’accueille à laquelle il a répondu par un triptyque prenant forme au gré d’une triple résidence. La première en novembre dernier avec Ricardo Izquierdo (sax ténor), Nelson Veras (guitare) et Mauro Gargano (contrebasse), la deuxième dont je rentre tout juste d’avoir été le témoin
Halle Roublot, Musique au Comptoir, Fontenay-sous-Bois (94), le 9 décembre 2016.
Anton-Tri Hoang (clarinette basse, sax alto), Ricardo Izquierdo (sax ténor), Jozef Dumoulin (piano), Matias Szandai (contrebasse), Fabrice Moreau (batterie et compositions).
Depuis que l’on connaît son travail, on a aimé chez Fabrice Moreau son sens de l’orchestre et d’emblée, pour ce premier travail en leader, c’est ce qu’il fait entendre : un son d’orchestre, l’orchestre nous donnant souvent le sentiment d’entendre le double de son effectif, le tout finement crocheté avec cet art de dentelière propre à ce batteur qui n’a pourtant rien oublié du swing, du drive, du groove, de toutes ces sortes de choses que l’on attend de son instrument. D’autant plus que, de son double travail au crochet d’instrumentiste et de compositeur, résulte un tramage amalgamant les instruments les uns aux autres avant que l’attention ne commence à les départir et à discerner leur indépendance mutuelle qui, selon moult combinaisons et recombinaisons, les entraine de l’unisson à la polyphonie intégrale en passant par le strict contrepoint.
Ici, c’est une circulation rapide des parties entre les instruments et là ce sont les instruments eux-mêmes qui semblent fuir de l’ostinato rythmique au développement mélodique, d’où il ressort l’impression d’assister aux contorsions d’un nœud de vifs serpents glissant les uns entres les autres comme un seul et même animal infini.
Ici, c’est un piano qui se fond à l’unisson des vents pour ne laisser entendre que ses harmoniques en halo dans les silences, et là – le titre Léger naufrage stimulant l’imagination –, c’est une brume sur une mer d’huile traversée d’appels de corne de brume, habitée de mille petits drames d’où s’élève soudain la complainte d’un archet dont les vents se font l’écho jusqu’à la dissoudre, puis la rassembler, jusqu’à son bref résumé par l’alto en forme d’épilogue ou de morale finale à la manière des fables. Ailleurs encore, c’est un éparpillement d’éléments écrits, une partition en forme de kaléidoscope dont le tout ne nous est dévoilé, rassemblé, qu’à l’occasion d’une homophonie finale.
Soit une écriture omniprésente pourtant tout à la fois incomplète et ouverte où après avoir soupçonné la précision indéterminée du réservoir de notes reprise de la musique contemporaine par Anthony Braxton dès les années 1970 (où par exemple, sur une écriture rythmique précise l’interprète fait son choix mélodique parmi un “réservoir” de notes), nous aurons compris, à l’issue d’un bref échange avec Fabrice Moreau après le concert, que toutes les valeurs sont précisément écrites mais que, selon un déroulé chronologique précisément métré, chaque instrumentiste décide selon son bon vouloir de jouer telle ou telle partie (mélodie principale, son contrechant, l’ostinato qui l’accompagne…), ou de se taire (comme si chacun remixait en direct la partition du leader agissant à la façon d’un sonorisateur sur les potentiomètres d’une console multipistes).
Soit donc une partition orchestrale comme mangée par les souris mais imposant à ses interprètes sa précise chronologie d’autant plus redoutable, alors que l’on croit reconnaître l’héritage des procédés polyrythmiques de Steve Coleman et d’écriture longue de Tim Berne. Les improvisations, surtout celles des deux vents, me donnent alors, à moi qui n’ait jamais rien entendu à l’algèbre mais qui jalouse secrètement la secrète poétique des mathématiciens, l’impression de voir chacun résoudre des équations à plusieurs inconnues qu’il affronte comme autant de douces chimères se métamorphosant autant de fois qu’elles sont vaincues.
Ce sidérant concert se déroulait dans l’espace aménagé par l’association Musique au comptoir, sous la halle Roublot de Fontenay-aux-Roses : programmation hebdomadaire, accueil chaleureux, petite restauration au comptoir qui mérite de venir prendre ses aises dès 20h pour un concert commençant à 20h45. Sauf exception: ainsi, dimanche prochain, 11 décembre, c’est à 18h que Mike Ladd, Christine Salem et San Severino entremêleront leurs voix sur la musique du pianiste Or Solomon avec Seb Martel à la guitare. Quant à Fabrice Moreau, retrouvons ses merveilleuses chimères pour le troisième volet de cette première expérience de leader-compositeur au Sunside le 10 janvier 2017, en compagnie de Ricardo Izquierdo, Nelson Veras, Jozef Dumoulin et le contrebassiste Matias Szandai . • Franck Bergerot|Fabrice Moreau par-ci, Fabrice Moreau par-là, toujours essentiel à chaque programme où il se trouve impliqué, mais toujours sur le côté, sideman. Et voici le batteur soudain au centre sur la scène de Musique au Comptoir sous la halle Roublot de Fontenay-sous-Bois…
…géographiquement, certes toujours de côté, mais maître d’œuvre et architecte d’un projet personnel, commande du lieu qui l’accueille à laquelle il a répondu par un triptyque prenant forme au gré d’une triple résidence. La première en novembre dernier avec Ricardo Izquierdo (sax ténor), Nelson Veras (guitare) et Mauro Gargano (contrebasse), la deuxième dont je rentre tout juste d’avoir été le témoin
Halle Roublot, Musique au Comptoir, Fontenay-sous-Bois (94), le 9 décembre 2016.
Anton-Tri Hoang (clarinette basse, sax alto), Ricardo Izquierdo (sax ténor), Jozef Dumoulin (piano), Matias Szandai (contrebasse), Fabrice Moreau (batterie et compositions).
Depuis que l’on connaît son travail, on a aimé chez Fabrice Moreau son sens de l’orchestre et d’emblée, pour ce premier travail en leader, c’est ce qu’il fait entendre : un son d’orchestre, l’orchestre nous donnant souvent le sentiment d’entendre le double de son effectif, le tout finement crocheté avec cet art de dentelière propre à ce batteur qui n’a pourtant rien oublié du swing, du drive, du groove, de toutes ces sortes de choses que l’on attend de son instrument. D’autant plus que, de son double travail au crochet d’instrumentiste et de compositeur, résulte un tramage amalgamant les instruments les uns aux autres avant que l’attention ne commence à les départir et à discerner leur indépendance mutuelle qui, selon moult combinaisons et recombinaisons, les entraine de l’unisson à la polyphonie intégrale en passant par le strict contrepoint.
Ici, c’est une circulation rapide des parties entre les instruments et là ce sont les instruments eux-mêmes qui semblent fuir de l’ostinato rythmique au développement mélodique, d’où il ressort l’impression d’assister aux contorsions d’un nœud de vifs serpents glissant les uns entres les autres comme un seul et même animal infini.
Ici, c’est un piano qui se fond à l’unisson des vents pour ne laisser entendre que ses harmoniques en halo dans les silences, et là – le titre Léger naufrage stimulant l’imagination –, c’est une brume sur une mer d’huile traversée d’appels de corne de brume, habitée de mille petits drames d’où s’élève soudain la complainte d’un archet dont les vents se font l’écho jusqu’à la dissoudre, puis la rassembler, jusqu’à son bref résumé par l’alto en forme d’épilogue ou de morale finale à la manière des fables. Ailleurs encore, c’est un éparpillement d’éléments écrits, une partition en forme de kaléidoscope dont le tout ne nous est dévoilé, rassemblé, qu’à l’occasion d’une homophonie finale.
Soit une écriture omniprésente pourtant tout à la fois incomplète et ouverte où après avoir soupçonné la précision indéterminée du réservoir de notes reprise de la musique contemporaine par Anthony Braxton dès les années 1970 (où par exemple, sur une écriture rythmique précise l’interprète fait son choix mélodique parmi un “réservoir” de notes), nous aurons compris, à l’issue d’un bref échange avec Fabrice Moreau après le concert, que toutes les valeurs sont précisément écrites mais que, selon un déroulé chronologique précisément métré, chaque instrumentiste décide selon son bon vouloir de jouer telle ou telle partie (mélodie principale, son contrechant, l’ostinato qui l’accompagne…), ou de se taire (comme si chacun remixait en direct la partition du leader agissant à la façon d’un sonorisateur sur les potentiomètres d’une console multipistes).
Soit donc une partition orchestrale comme mangée par les souris mais imposant à ses interprètes sa précise chronologie d’autant plus redoutable, alors que l’on croit reconnaître l’héritage des procédés polyrythmiques de Steve Coleman et d’écriture longue de Tim Berne. Les improvisations, surtout celles des deux vents, me donnent alors, à moi qui n’ait jamais rien entendu à l’algèbre mais qui jalouse secrètement la secrète poétique des mathématiciens, l’impression de voir chacun résoudre des équations à plusieurs inconnues qu’il affronte comme autant de douces chimères se métamorphosant autant de fois qu’elles sont vaincues.
Ce sidérant concert se déroulait dans l’espace aménagé par l’association Musique au comptoir, sous la halle Roublot de Fontenay-aux-Roses : programmation hebdomadaire, accueil chaleureux, petite restauration au comptoir qui mérite de venir prendre ses aises dès 20h pour un concert commençant à 20h45. Sauf exception: ainsi, dimanche prochain, 11 décembre, c’est à 18h que Mike Ladd, Christine Salem et San Severino entremêleront leurs voix sur la musique du pianiste Or Solomon avec Seb Martel à la guitare. Quant à Fabrice Moreau, retrouvons ses merveilleuses chimères pour le troisième volet de cette première expérience de leader-compositeur au Sunside le 10 janvier 2017, en compagnie de Ricardo Izquierdo, Nelson Veras, Jozef Dumoulin et le contrebassiste Matias Szandai . • Franck Bergerot|Fabrice Moreau par-ci, Fabrice Moreau par-là, toujours essentiel à chaque programme où il se trouve impliqué, mais toujours sur le côté, sideman. Et voici le batteur soudain au centre sur la scène de Musique au Comptoir sous la halle Roublot de Fontenay-sous-Bois…
…géographiquement, certes toujours de côté, mais maître d’œuvre et architecte d’un projet personnel, commande du lieu qui l’accueille à laquelle il a répondu par un triptyque prenant forme au gré d’une triple résidence. La première en novembre dernier avec Ricardo Izquierdo (sax ténor), Nelson Veras (guitare) et Mauro Gargano (contrebasse), la deuxième dont je rentre tout juste d’avoir été le témoin
Halle Roublot, Musique au Comptoir, Fontenay-sous-Bois (94), le 9 décembre 2016.
Anton-Tri Hoang (clarinette basse, sax alto), Ricardo Izquierdo (sax ténor), Jozef Dumoulin (piano), Matias Szandai (contrebasse), Fabrice Moreau (batterie et compositions).
Depuis que l’on connaît son travail, on a aimé chez Fabrice Moreau son sens de l’orchestre et d’emblée, pour ce premier travail en leader, c’est ce qu’il fait entendre : un son d’orchestre, l’orchestre nous donnant souvent le sentiment d’entendre le double de son effectif, le tout finement crocheté avec cet art de dentelière propre à ce batteur qui n’a pourtant rien oublié du swing, du drive, du groove, de toutes ces sortes de choses que l’on attend de son instrument. D’autant plus que, de son double travail au crochet d’instrumentiste et de compositeur, résulte un tramage amalgamant les instruments les uns aux autres avant que l’attention ne commence à les départir et à discerner leur indépendance mutuelle qui, selon moult combinaisons et recombinaisons, les entraine de l’unisson à la polyphonie intégrale en passant par le strict contrepoint.
Ici, c’est une circulation rapide des parties entre les instruments et là ce sont les instruments eux-mêmes qui semblent fuir de l’ostinato rythmique au développement mélodique, d’où il ressort l’impression d’assister aux contorsions d’un nœud de vifs serpents glissant les uns entres les autres comme un seul et même animal infini.
Ici, c’est un piano qui se fond à l’unisson des vents pour ne laisser entendre que ses harmoniques en halo dans les silences, et là – le titre Léger naufrage stimulant l’imagination –, c’est une brume sur une mer d’huile traversée d’appels de corne de brume, habitée de mille petits drames d’où s’élève soudain la complainte d’un archet dont les vents se font l’écho jusqu’à la dissoudre, puis la rassembler, jusqu’à son bref résumé par l’alto en forme d’épilogue ou de morale finale à la manière des fables. Ailleurs encore, c’est un éparpillement d’éléments écrits, une partition en forme de kaléidoscope dont le tout ne nous est dévoilé, rassemblé, qu’à l’occasion d’une homophonie finale.
Soit une écriture omniprésente pourtant tout à la fois incomplète et ouverte où après avoir soupçonné la précision indéterminée du réservoir de notes reprise de la musique contemporaine par Anthony Braxton dès les années 1970 (où par exemple, sur une écriture rythmique précise l’interprète fait son choix mélodique parmi un “réservoir” de notes), nous aurons compris, à l’issue d’un bref échange avec Fabrice Moreau après le concert, que toutes les valeurs sont précisément écrites mais que, selon un déroulé chronologique précisément métré, chaque instrumentiste décide selon son bon vouloir de jouer telle ou telle partie (mélodie principale, son contrechant, l’ostinato qui l’accompagne…), ou de se taire (comme si chacun remixait en direct la partition du leader agissant à la façon d’un sonorisateur sur les potentiomètres d’une console multipistes).
Soit donc une partition orchestrale comme mangée par les souris mais imposant à ses interprètes sa précise chronologie d’autant plus redoutable, alors que l’on croit reconnaître l’héritage des procédés polyrythmiques de Steve Coleman et d’écriture longue de Tim Berne. Les improvisations, surtout celles des deux vents, me donnent alors, à moi qui n’ait jamais rien entendu à l’algèbre mais qui jalouse secrètement la secrète poétique des mathématiciens, l’impression de voir chacun résoudre des équations à plusieurs inconnues qu’il affronte comme autant de douces chimères se métamorphosant autant de fois qu’elles sont vaincues.
Ce sidérant concert se déroulait dans l’espace aménagé par l’association Musique au comptoir, sous la halle Roublot de Fontenay-aux-Roses : programmation hebdomadaire, accueil chaleureux, petite restauration au comptoir qui mérite de venir prendre ses aises dès 20h pour un concert commençant à 20h45. Sauf exception: ainsi, dimanche prochain, 11 décembre, c’est à 18h que Mike Ladd, Christine Salem et San Severino entremêleront leurs voix sur la musique du pianiste Or Solomon avec Seb Martel à la guitare. Quant à Fabrice Moreau, retrouvons ses merveilleuses chimères pour le troisième volet de cette première expérience de leader-compositeur au Sunside le 10 janvier 2017, en compagnie de Ricardo Izquierdo, Nelson Veras, Jozef Dumoulin et le contrebassiste Matias Szandai . • Franck Bergerot