FESTIVAL DE RADIO FRANCE & MONTPELLIER OCCITANIE : CARTE BLANCHE à DAN TEPFER
Belle et grande soirée de musique et création au festival. D’abord l’habituel prélude sous la pinède du Domaine d’O, avec le quartette du saxophoniste Mickaël Pernet, figure confirmée de la scène sudiste : grande énergie, improvisations élaborées, ballade sinueuse avec très belle intro sax/guitare, et pour conclure un blues façon jazz funky des années 50 pour rappeler les racines de cette musique. Et ensuite, dans le Amphithéâtre, débauche de pianos et d’audace avec la carte blanche à Dan Tepfer.
De gauche à droite : Jules Le Risbé, Thomas Domène, Mickaël Pernet, Gilles Yvanez
CARTE BLANCHE à DAN TEPFER
Dan Tepfer (piano de concert, piano acoustique à interface midi, ordinateur, programmation)
Claudia Solal (voix), François Moutin (contrebasse), Arthur Hnatek (batterie)
Domaine d’O, Amphithéâtre, 19 juillet 2016, 22h
Le pianiste commence en solo, sur le piano de concert, en jouant la Troisième Variation Goldberg de Jean Sébastien Bach, suivie d’une improvisation sur le même schéma formel du canon à l’unisson. C’est ce qu’il explique, avec un beau talent de pédagogue, au public, pour introduire la suite, jouée sur un piano à queue de dimension plus modeste, à interface numérique. Il s’agit d’un Disklavier Yamaha. Comme la particularité de l’instrument m’oblige à le désigner par sa marque et son type, pour éclairer les amateurs sur la spécificté technique et les possibiltés de l’instrument, sachez que le piano précédent était un Steinway D, et l’un des tout meilleurs que j’aie entendus ces dernières années dans mes pérégrinations, du nord au sud de notre pays….
Pour ce piano à interface, Dan Tepfer, qui est de culture scientifique de haut niveau, a programmé sur son ordinateur des algorithmes qui permettent au piano de réagir à ce qu’il joue lui même sur le clavier. Comme les règles du canon ou du contrepoint chez Bach, il définit ainsi un cadre normatif avec lequel il peut jouer. Le fait d’être à la fois l’instrumentiste et le programmateur fait de lui le maître du jeu. Pour illustrer son propos il nous fait entendre, sur un programme développant le canon à l’unisson, une version ébouriffante de All the Things You Are dans laquelle il dialogue en temps réel avec ce que joue le piano à partir de son propre jeu. Le programme suivant fait réagir le piano en miroir (le programme répond en changeant de registre, du grave à l’aigu, et en inversant les phrases jouées). C’est suivi d’un autre programme qui, sur l’improvisation du pianiste, répète les notes sur un intervalle répété de 9ème mineure. C’est d’autant plus fascinant que c’est constamment musical, car le concentration du pianiste veille avec une virtuosité intellectuelle qui force l’admiration.
Toujours sur ce piano assisté par ordinateur, viennent les duos avec les invités, choisis par le pianiste en raison des connivences musicales, anciennes ou récentes, qu’il a liées avec eux. D’abord Claudia Solal, qui répond à l’improvisation du pianiste par une impro de grande beauté, qui évolue de la pure vocalité à une variation improvisée autour de textes en anglais écrits par ses soins, et qu’elle cueille au fur et à mesure dans un petit carnet. Elle tient cette aisance poétique dans cette langue d’une grand-mère écossaise, laquelle lui a aussi légué le goût du porridge….
Pour François Moutin, Dan Tepfer a concocté un algorithme qui génère des arpèges très vifs, auquel le bassiste répond avec une vivacité ludique et virtuose. Le troisième duo se joue avec Arthur Hranek, sur un programme très rythmique, et le batteur dialogue avec le couple infernal pianiste-ordinateur, dans un délire d’accents rythmiques maîtrisés qui en dit long sur le pouvoir de concentration de chacun des duettiste : époustouflant, et là encore archi-musical.
Le pianiste revient alors au piano de concert, pour un duo recueilli avec la chanteuse, sur Lush Life, de Billy Strayhorn. C’est tout simplement magnifique. La chanteuse quitte la scène sous les vivats, et le contrebassiste et le batteur rejoignent le pianiste pour un classique trio de jazz. Le répertoire n’est pas aussi classique, puisqu’il commence par une très percutante version instrumentale de Single Ladies, de Beyoncé. Après 547 le pianiste joue une autre de ses compositions, un nouvelle ballade, pour l’instant pourvue du titre provisoire de New Ballad : simple et lyrique, d’une intensité dans l’improvisation qui captive les auditeurs-spectateurs. Le set en trio se termine par un thème très vif où le bassiste et le batteur entrent dans un dialogue d’une intensité réjouissante.
Pour le dernier moment du programme, Claudia Solal se joint à eux, ils reviennent vers le diabolique piano à interface numérique, et tandis que le pianiste déclenche un programme qui fait jouer au piano, sans son intervention, un programme en forme de fractale, ses partenaires improvisent sur ce schéma musical mouvant et évolutif tandis que, sur l’immense écran qui surplombe la scène, la fractale se donne à voir dans ses métamorphoses. C’est fascinant…. Dan Tepfer rejoint le clavier et ajoute ses notes à celles générées par le programme informatique conçu par ses soins : c’est la résolution finale et pacifique d’un combat esquissé entre la machine et « la musique de musicien, entièrement faite à la main » comme disait un ami très cher, et très regretté, Jacques Mahieux. Et comme pour affirmer le primat de l’humain sur la machine c’est en solo, sur le piano de concert, que Dan Tepfer nous gratifiera en rappel d’une belle version de Solar. Belle conclusion pour une soirée d’exception qui rendit chacun heureux : les musiciens, le public, et le programmateur Pascal Rozat qui a eu cette belle idée de confier à Dan Tepfer une carte blanche.
Xavier Prévost
Le concert a été diffusé en direct sur France musique. Mais comme le concert précédent (Brahms à l’Opéra Berlioz de Montpellier), également en direct, a déraisonnablement débordé (le jazz est souvent la victime, pas toujours consentante, de ces débords…. ). La prise d’antenne s’est faite vers 23h pendant la partie en trio. Et Ensuite le programme s’est conclut par des extraits du début du concert, en différé. Réécoute sur le site de France Musique :
http://www.francemusique.fr/emission/jazz-ete/2016-ete/jazz-montpellier-du-19-juillet-2016-dan-tepfer-07-19-2016-17-06|Belle et grande soirée de musique et création au festival. D’abord l’habituel prélude sous la pinède du Domaine d’O, avec le quartette du saxophoniste Mickaël Pernet, figure confirmée de la scène sudiste : grande énergie, improvisations élaborées, ballade sinueuse avec très belle intro sax/guitare, et pour conclure un blues façon jazz funky des années 50 pour rappeler les racines de cette musique. Et ensuite, dans le Amphithéâtre, débauche de pianos et d’audace avec la carte blanche à Dan Tepfer.
De gauche à droite : Jules Le Risbé, Thomas Domène, Mickaël Pernet, Gilles Yvanez
CARTE BLANCHE à DAN TEPFER
Dan Tepfer (piano de concert, piano acoustique à interface midi, ordinateur, programmation)
Claudia Solal (voix), François Moutin (contrebasse), Arthur Hnatek (batterie)
Domaine d’O, Amphithéâtre, 19 juillet 2016, 22h
Le pianiste commence en solo, sur le piano de concert, en jouant la Troisième Variation Goldberg de Jean Sébastien Bach, suivie d’une improvisation sur le même schéma formel du canon à l’unisson. C’est ce qu’il explique, avec un beau talent de pédagogue, au public, pour introduire la suite, jouée sur un piano à queue de dimension plus modeste, à interface numérique. Il s’agit d’un Disklavier Yamaha. Comme la particularité de l’instrument m’oblige à le désigner par sa marque et son type, pour éclairer les amateurs sur la spécificté technique et les possibiltés de l’instrument, sachez que le piano précédent était un Steinway D, et l’un des tout meilleurs que j’aie entendus ces dernières années dans mes pérégrinations, du nord au sud de notre pays….
Pour ce piano à interface, Dan Tepfer, qui est de culture scientifique de haut niveau, a programmé sur son ordinateur des algorithmes qui permettent au piano de réagir à ce qu’il joue lui même sur le clavier. Comme les règles du canon ou du contrepoint chez Bach, il définit ainsi un cadre normatif avec lequel il peut jouer. Le fait d’être à la fois l’instrumentiste et le programmateur fait de lui le maître du jeu. Pour illustrer son propos il nous fait entendre, sur un programme développant le canon à l’unisson, une version ébouriffante de All the Things You Are dans laquelle il dialogue en temps réel avec ce que joue le piano à partir de son propre jeu. Le programme suivant fait réagir le piano en miroir (le programme répond en changeant de registre, du grave à l’aigu, et en inversant les phrases jouées). C’est suivi d’un autre programme qui, sur l’improvisation du pianiste, répète les notes sur un intervalle répété de 9ème mineure. C’est d’autant plus fascinant que c’est constamment musical, car le concentration du pianiste veille avec une virtuosité intellectuelle qui force l’admiration.
Toujours sur ce piano assisté par ordinateur, viennent les duos avec les invités, choisis par le pianiste en raison des connivences musicales, anciennes ou récentes, qu’il a liées avec eux. D’abord Claudia Solal, qui répond à l’improvisation du pianiste par une impro de grande beauté, qui évolue de la pure vocalité à une variation improvisée autour de textes en anglais écrits par ses soins, et qu’elle cueille au fur et à mesure dans un petit carnet. Elle tient cette aisance poétique dans cette langue d’une grand-mère écossaise, laquelle lui a aussi légué le goût du porridge….
Pour François Moutin, Dan Tepfer a concocté un algorithme qui génère des arpèges très vifs, auquel le bassiste répond avec une vivacité ludique et virtuose. Le troisième duo se joue avec Arthur Hranek, sur un programme très rythmique, et le batteur dialogue avec le couple infernal pianiste-ordinateur, dans un délire d’accents rythmiques maîtrisés qui en dit long sur le pouvoir de concentration de chacun des duettiste : époustouflant, et là encore archi-musical.
Le pianiste revient alors au piano de concert, pour un duo recueilli avec la chanteuse, sur Lush Life, de Billy Strayhorn. C’est tout simplement magnifique. La chanteuse quitte la scène sous les vivats, et le contrebassiste et le batteur rejoignent le pianiste pour un classique trio de jazz. Le répertoire n’est pas aussi classique, puisqu’il commence par une très percutante version instrumentale de Single Ladies, de Beyoncé. Après 547 le pianiste joue une autre de ses compositions, un nouvelle ballade, pour l’instant pourvue du titre provisoire de New Ballad : simple et lyrique, d’une intensité dans l’improvisation qui captive les auditeurs-spectateurs. Le set en trio se termine par un thème très vif où le bassiste et le batteur entrent dans un dialogue d’une intensité réjouissante.
Pour le dernier moment du programme, Claudia Solal se joint à eux, ils reviennent vers le diabolique piano à interface numérique, et tandis que le pianiste déclenche un programme qui fait jouer au piano, sans son intervention, un programme en forme de fractale, ses partenaires improvisent sur ce schéma musical mouvant et évolutif tandis que, sur l’immense écran qui surplombe la scène, la fractale se donne à voir dans ses métamorphoses. C’est fascinant…. Dan Tepfer rejoint le clavier et ajoute ses notes à celles générées par le programme informatique conçu par ses soins : c’est la résolution finale et pacifique d’un combat esquissé entre la machine et « la musique de musicien, entièrement faite à la main » comme disait un ami très cher, et très regretté, Jacques Mahieux. Et comme pour affirmer le primat de l’humain sur la machine c’est en solo, sur le piano de concert, que Dan Tepfer nous gratifiera en rappel d’une belle version de Solar. Belle conclusion pour une soirée d’exception qui rendit chacun heureux : les musiciens, le public, et le programmateur Pascal Rozat qui a eu cette belle idée de confier à Dan Tepfer une carte blanche.
Xavier Prévost
Le concert a été diffusé en direct sur France musique. Mais comme le concert précédent (Brahms à l’Opéra Berlioz de Montpellier), également en direct, a déraisonnablement débordé (le jazz est souvent la victime, pas toujours consentante, de ces débords…. ). La prise d’antenne s’est faite vers 23h pendant la partie en trio. Et Ensuite le programme s’est conclut par des extraits du début du concert, en différé. Réécoute sur le site de France Musique :
http://www.francemusique.fr/emission/jazz-ete/2016-ete/jazz-montpellier-du-19-juillet-2016-dan-tepfer-07-19-2016-17-06|Belle et grande soirée de musique et création au festival. D’abord l’habituel prélude sous la pinède du Domaine d’O, avec le quartette du saxophoniste Mickaël Pernet, figure confirmée de la scène sudiste : grande énergie, improvisations élaborées, ballade sinueuse avec très belle intro sax/guitare, et pour conclure un blues façon jazz funky des années 50 pour rappeler les racines de cette musique. Et ensuite, dans le Amphithéâtre, débauche de pianos et d’audace avec la carte blanche à Dan Tepfer.
De gauche à droite : Jules Le Risbé, Thomas Domène, Mickaël Pernet, Gilles Yvanez
CARTE BLANCHE à DAN TEPFER
Dan Tepfer (piano de concert, piano acoustique à interface midi, ordinateur, programmation)
Claudia Solal (voix), François Moutin (contrebasse), Arthur Hnatek (batterie)
Domaine d’O, Amphithéâtre, 19 juillet 2016, 22h
Le pianiste commence en solo, sur le piano de concert, en jouant la Troisième Variation Goldberg de Jean Sébastien Bach, suivie d’une improvisation sur le même schéma formel du canon à l’unisson. C’est ce qu’il explique, avec un beau talent de pédagogue, au public, pour introduire la suite, jouée sur un piano à queue de dimension plus modeste, à interface numérique. Il s’agit d’un Disklavier Yamaha. Comme la particularité de l’instrument m’oblige à le désigner par sa marque et son type, pour éclairer les amateurs sur la spécificté technique et les possibiltés de l’instrument, sachez que le piano précédent était un Steinway D, et l’un des tout meilleurs que j’aie entendus ces dernières années dans mes pérégrinations, du nord au sud de notre pays….
Pour ce piano à interface, Dan Tepfer, qui est de culture scientifique de haut niveau, a programmé sur son ordinateur des algorithmes qui permettent au piano de réagir à ce qu’il joue lui même sur le clavier. Comme les règles du canon ou du contrepoint chez Bach, il définit ainsi un cadre normatif avec lequel il peut jouer. Le fait d’être à la fois l’instrumentiste et le programmateur fait de lui le maître du jeu. Pour illustrer son propos il nous fait entendre, sur un programme développant le canon à l’unisson, une version ébouriffante de All the Things You Are dans laquelle il dialogue en temps réel avec ce que joue le piano à partir de son propre jeu. Le programme suivant fait réagir le piano en miroir (le programme répond en changeant de registre, du grave à l’aigu, et en inversant les phrases jouées). C’est suivi d’un autre programme qui, sur l’improvisation du pianiste, répète les notes sur un intervalle répété de 9ème mineure. C’est d’autant plus fascinant que c’est constamment musical, car le concentration du pianiste veille avec une virtuosité intellectuelle qui force l’admiration.
Toujours sur ce piano assisté par ordinateur, viennent les duos avec les invités, choisis par le pianiste en raison des connivences musicales, anciennes ou récentes, qu’il a liées avec eux. D’abord Claudia Solal, qui répond à l’improvisation du pianiste par une impro de grande beauté, qui évolue de la pure vocalité à une variation improvisée autour de textes en anglais écrits par ses soins, et qu’elle cueille au fur et à mesure dans un petit carnet. Elle tient cette aisance poétique dans cette langue d’une grand-mère écossaise, laquelle lui a aussi légué le goût du porridge….
Pour François Moutin, Dan Tepfer a concocté un algorithme qui génère des arpèges très vifs, auquel le bassiste répond avec une vivacité ludique et virtuose. Le troisième duo se joue avec Arthur Hranek, sur un programme très rythmique, et le batteur dialogue avec le couple infernal pianiste-ordinateur, dans un délire d’accents rythmiques maîtrisés qui en dit long sur le pouvoir de concentration de chacun des duettiste : époustouflant, et là encore archi-musical.
Le pianiste revient alors au piano de concert, pour un duo recueilli avec la chanteuse, sur Lush Life, de Billy Strayhorn. C’est tout simplement magnifique. La chanteuse quitte la scène sous les vivats, et le contrebassiste et le batteur rejoignent le pianiste pour un classique trio de jazz. Le répertoire n’est pas aussi classique, puisqu’il commence par une très percutante version instrumentale de Single Ladies, de Beyoncé. Après 547 le pianiste joue une autre de ses compositions, un nouvelle ballade, pour l’instant pourvue du titre provisoire de New Ballad : simple et lyrique, d’une intensité dans l’improvisation qui captive les auditeurs-spectateurs. Le set en trio se termine par un thème très vif où le bassiste et le batteur entrent dans un dialogue d’une intensité réjouissante.
Pour le dernier moment du programme, Claudia Solal se joint à eux, ils reviennent vers le diabolique piano à interface numérique, et tandis que le pianiste déclenche un programme qui fait jouer au piano, sans son intervention, un programme en forme de fractale, ses partenaires improvisent sur ce schéma musical mouvant et évolutif tandis que, sur l’immense écran qui surplombe la scène, la fractale se donne à voir dans ses métamorphoses. C’est fascinant…. Dan Tepfer rejoint le clavier et ajoute ses notes à celles générées par le programme informatique conçu par ses soins : c’est la résolution finale et pacifique d’un combat esquissé entre la machine et « la musique de musicien, entièrement faite à la main » comme disait un ami très cher, et très regretté, Jacques Mahieux. Et comme pour affirmer le primat de l’humain sur la machine c’est en solo, sur le piano de concert, que Dan Tepfer nous gratifiera en rappel d’une belle version de Solar. Belle conclusion pour une soirée d’exception qui rendit chacun heureux : les musiciens, le public, et le programmateur Pascal Rozat qui a eu cette belle idée de confier à Dan Tepfer une carte blanche.
Xavier Prévost
Le concert a été diffusé en direct sur France musique. Mais comme le concert précédent (Brahms à l’Opéra Berlioz de Montpellier), également en direct, a déraisonnablement débordé (le jazz est souvent la victime, pas toujours consentante, de ces débords…. ). La prise d’antenne s’est faite vers 23h pendant la partie en trio. Et Ensuite le programme s’est conclut par des extraits du début du concert, en différé. Réécoute sur le site de France Musique :
http://www.francemusique.fr/emission/jazz-ete/2016-ete/jazz-montpellier-du-19-juillet-2016-dan-tepfer-07-19-2016-17-06|Belle et grande soirée de musique et création au festival. D’abord l’habituel prélude sous la pinède du Domaine d’O, avec le quartette du saxophoniste Mickaël Pernet, figure confirmée de la scène sudiste : grande énergie, improvisations élaborées, ballade sinueuse avec très belle intro sax/guitare, et pour conclure un blues façon jazz funky des années 50 pour rappeler les racines de cette musique. Et ensuite, dans le Amphithéâtre, débauche de pianos et d’audace avec la carte blanche à Dan Tepfer.
De gauche à droite : Jules Le Risbé, Thomas Domène, Mickaël Pernet, Gilles Yvanez
CARTE BLANCHE à DAN TEPFER
Dan Tepfer (piano de concert, piano acoustique à interface midi, ordinateur, programmation)
Claudia Solal (voix), François Moutin (contrebasse), Arthur Hnatek (batterie)
Domaine d’O, Amphithéâtre, 19 juillet 2016, 22h
Le pianiste commence en solo, sur le piano de concert, en jouant la Troisième Variation Goldberg de Jean Sébastien Bach, suivie d’une improvisation sur le même schéma formel du canon à l’unisson. C’est ce qu’il explique, avec un beau talent de pédagogue, au public, pour introduire la suite, jouée sur un piano à queue de dimension plus modeste, à interface numérique. Il s’agit d’un Disklavier Yamaha. Comme la particularité de l’instrument m’oblige à le désigner par sa marque et son type, pour éclairer les amateurs sur la spécificté technique et les possibiltés de l’instrument, sachez que le piano précédent était un Steinway D, et l’un des tout meilleurs que j’aie entendus ces dernières années dans mes pérégrinations, du nord au sud de notre pays….
Pour ce piano à interface, Dan Tepfer, qui est de culture scientifique de haut niveau, a programmé sur son ordinateur des algorithmes qui permettent au piano de réagir à ce qu’il joue lui même sur le clavier. Comme les règles du canon ou du contrepoint chez Bach, il définit ainsi un cadre normatif avec lequel il peut jouer. Le fait d’être à la fois l’instrumentiste et le programmateur fait de lui le maître du jeu. Pour illustrer son propos il nous fait entendre, sur un programme développant le canon à l’unisson, une version ébouriffante de All the Things You Are dans laquelle il dialogue en temps réel avec ce que joue le piano à partir de son propre jeu. Le programme suivant fait réagir le piano en miroir (le programme répond en changeant de registre, du grave à l’aigu, et en inversant les phrases jouées). C’est suivi d’un autre programme qui, sur l’improvisation du pianiste, répète les notes sur un intervalle répété de 9ème mineure. C’est d’autant plus fascinant que c’est constamment musical, car le concentration du pianiste veille avec une virtuosité intellectuelle qui force l’admiration.
Toujours sur ce piano assisté par ordinateur, viennent les duos avec les invités, choisis par le pianiste en raison des connivences musicales, anciennes ou récentes, qu’il a liées avec eux. D’abord Claudia Solal, qui répond à l’improvisation du pianiste par une impro de grande beauté, qui évolue de la pure vocalité à une variation improvisée autour de textes en anglais écrits par ses soins, et qu’elle cueille au fur et à mesure dans un petit carnet. Elle tient cette aisance poétique dans cette langue d’une grand-mère écossaise, laquelle lui a aussi légué le goût du porridge….
Pour François Moutin, Dan Tepfer a concocté un algorithme qui génère des arpèges très vifs, auquel le bassiste répond avec une vivacité ludique et virtuose. Le troisième duo se joue avec Arthur Hranek, sur un programme très rythmique, et le batteur dialogue avec le couple infernal pianiste-ordinateur, dans un délire d’accents rythmiques maîtrisés qui en dit long sur le pouvoir de concentration de chacun des duettiste : époustouflant, et là encore archi-musical.
Le pianiste revient alors au piano de concert, pour un duo recueilli avec la chanteuse, sur Lush Life, de Billy Strayhorn. C’est tout simplement magnifique. La chanteuse quitte la scène sous les vivats, et le contrebassiste et le batteur rejoignent le pianiste pour un classique trio de jazz. Le répertoire n’est pas aussi classique, puisqu’il commence par une très percutante version instrumentale de Single Ladies, de Beyoncé. Après 547 le pianiste joue une autre de ses compositions, un nouvelle ballade, pour l’instant pourvue du titre provisoire de New Ballad : simple et lyrique, d’une intensité dans l’improvisation qui captive les auditeurs-spectateurs. Le set en trio se termine par un thème très vif où le bassiste et le batteur entrent dans un dialogue d’une intensité réjouissante.
Pour le dernier moment du programme, Claudia Solal se joint à eux, ils reviennent vers le diabolique piano à interface numérique, et tandis que le pianiste déclenche un programme qui fait jouer au piano, sans son intervention, un programme en forme de fractale, ses partenaires improvisent sur ce schéma musical mouvant et évolutif tandis que, sur l’immense écran qui surplombe la scène, la fractale se donne à voir dans ses métamorphoses. C’est fascinant…. Dan Tepfer rejoint le clavier et ajoute ses notes à celles générées par le programme informatique conçu par ses soins : c’est la résolution finale et pacifique d’un combat esquissé entre la machine et « la musique de musicien, entièrement faite à la main » comme disait un ami très cher, et très regretté, Jacques Mahieux. Et comme pour affirmer le primat de l’humain sur la machine c’est en solo, sur le piano de concert, que Dan Tepfer nous gratifiera en rappel d’une belle version de Solar. Belle conclusion pour une soirée d’exception qui rendit chacun heureux : les musiciens, le public, et le programmateur Pascal Rozat qui a eu cette belle idée de confier à Dan Tepfer une carte blanche.
Xavier Prévost
Le concert a été diffusé en direct sur France musique. Mais comme le concert précédent (Brahms à l’Opéra Berlioz de Montpellier), également en direct, a déraisonnablement débordé (le jazz est souvent la victime, pas toujours consentante, de ces débords…. ). La prise d’antenne s’est faite vers 23h pendant la partie en trio. Et Ensuite le programme s’est conclut par des extraits du début du concert, en différé. Réécoute sur le site de France Musique :