Festival Jazz à Junas 2022
JAZZ A JUNAS 2022
29 ème Edition
19 – 23 juillet 2022
RETOUR VERS L’ANGLETERRE
Comme son intitulé l’indique, cette année le Festival « Jazz à Junas » a mis à l’honneur le jazz anglais.
Couvrant le Festival Jazz à Sète, je n’ai pas pu assister aux trois premiers jours de Junas où j’ai loupé des excellents concerts. Mes confrères journalistes présents étaient très enthousiastes sur ces trois premières soirées où se sont produits le trio Dave Holland / Zakir Hussain / Chris Potter, le quartet de John Surman, le « Sons of Kemet » de Shabaka Hutchings, Piers Facini et le groupe Mammal Hands.
Vendredi 22 juillet
La soirée commence avec un concert du trio français Cocolite, composé du bassiste Timothée Robert, du claviériste Nicolas Derand et du batteur Julien Sérié. C’est un concert proposé dans le cadre de Jazz Migration. Rien à voir avec l’Angleterre à priori, mais il existe pourtant des points de convergences avec certains groupes anglais comme le refus de mettre en avant des lignes mélodiques afin de se concentrer surtout sur le groove et des rythmiques complexes amenées par la basse électrique et un foisonnant jeu de batterie. Ce que les musiciens de Cocolite arrivent parfaitement bien à faire, ainsi qu’à retenir l’attention du public avec notamment le talent comique des interventions parlées de Timothée Robert.
(photo : Lionel Eskenazi)
La soirée se poursuit avec la venue du saxophoniste anglais Andy Sheppard, un musicien qui a d’ailleurs une double nationalité, puisqu’il est portugais depuis peu. Il vit d’ailleurs au Portugal depuis le Brexit et déteste tellement la politique actuelle des anglais qu’il ne revendique plus sa nationalité anglaise pour se déclarer pleinement portugais !
Il devait se produire en duo avec la pianiste italienne Rita Marcotulli, qui atteinte du Covid, a du renoncer à venir.
Le plan B pour remplacer Rita Marcotulli était facile à trouver, puisque le choix s’est fait sur un musicien qui est à la fois très proche d’Andy Sheppard et de Rita Marcotulli, le contrebassiste français Michel Benita.
Une très grande complicité, à la fois amicale et musicale, lie Michel Benita et Andy Sheppard et les voilà partis pour un concert magique entièrement improvisé, sans aucune répétition et préparation (Michel Benita étant prévenu de sa venue la veille du concert).
C’est ainsi que l’on reconnaît les grands musiciens et c’est aussi la meilleure définition que l’on puisse donner au jazz à travers ce dialogue improvisé, foisonnant et poétique, mais riche en narration et en émotions.
(photos : Lionel Eskenazi)
Après ce concert merveilleux et particulièrement riche, on aurait envie d’oublier la prestation convenue et sans surprise du Portico Quartet qui a enchaîné sur la scène de Junas. Un concert très professionnel, mais sans âme, où la musicalité et la spontanéité semblaient atrocement absentes.
Mais il en faut pour tout le monde et une grande majorité du public (surtout les plus jeunes) ont fortement appréciés cette musique formatée aux grooves électro prononcés, qui nous paraît assez éloignée de l’esprit du jazz.
(photo : Lionel Eskenazi)
Samedi 23 juillet 2022
Pour cette dernière soirée de Jazz à Junas, le Covid a encore frappé et chamboulé la programmation anglaise et en l’occurrence le groupe Nubiyan Twist qui devait se produire. Les organisateurs du festival sont très réactifs et possèdent un bon carnet d’adresse, tant pis pour le concept « jazz anglais », ils ont eu l’excellente idée d’inviter le clarinettiste français Yom en duo avec le pianiste Léo Jassef. Et ce fût un grand moment d’extase et de spiritualité. Les deux musiciens se connaissent parfaitement bien et tissent entre eux une très belle interaction musicale.
Les ostinatos obsédants de Léo Jassef forment un espace sonore où la clarinette de Yom peut s’envoler vers des sommets de pure poésie. Si l’on connait et apprécie depuis pas mal d’années le talent et la grande expressivité de Yom, nous sommes sous le charme de Léo Jassef, grand pianiste inventif et rigoureux, que l’on a d’ailleurs pu apprécier quatre jours plus tôt à Jazz à Sète dans un contexte fort différent, puisqu’il accompagnait avec talent le saxophoniste Julien Lourau pour son projet « Power of Soul ».
(photo : Lionel Eskenazi)
Retour à l’Angleterre pour le dernier concert de ce festival avec la venue du trio anglais Go Go Penguin. Je dois vous avouer que n’aimais pas du tout ce groupe à leur début, aussi bien en disque qu’à leurs concerts, et que j’ai été agréablement surpris par leur performance à Junas. Le groupe a su évoluer et mûrir en délaissant les grooves electro de leurs débuts pour se concentrer sur un jazz moderne très bien construit et articulé qui nous a fait penser par moments au trio E.S.T.
( Photo : Lionel Eskenazi)
C’est toujours un plaisir de participer à ce festival à l’accueil sympathique, dans un lieu unique et chaleureux, et avec une programmation toujours intéressante. Vivement l’année prochaine où le festival fêtera ses 30 ans avec, nous n’en doutons pas, son lot de surprises et de la musique de qualité.
Lionel Eskenazi.