Festival Radio France Occitanie Montpellier : EDWARD PERRAUD Trio
Soirée plurielle à nouveau au festival, avec sous les micocouliers une ambiance soul et vocale, et ensuite dans le Grand Amphithéâtre un trio intimiste autant qu’explosif qui joue subtilement de tous les ressorts de la combinaison piano-contrebasse-batterie
À 20h, à l’Amphithéâtre des Micocouliers, voici Persian Rugs. À l’origine un duo voix-guitare, devenu quartette voici plusieurs années. La chanteuse Norah Benatia possède au plus haut point cette faculté d’expressivité qui s’épanouit dans la soul music. On est bien dans ce registre, même si certaines chansons ont une coloration de pop sophistiquée. Musicalement, le groupe est très cohérent : à la guitare Mathieu Kibodi,qui est un peu l’alter ego de la vocaliste dans ce projet, tisse finement l’écrin où s’exprime le chant. Quelques interventions en soliste le portent sur le devant de la scène, mais le groupe joue collectif, et le guitariste donne aussi parfois de la voix comme choriste pour surligner la présence vocale de la chanteuse. Pablo Auguste à la guitare basse, et Aloïs Jampy à la batterie, sont de parfaits complices dans ce groupe qui fut encore une belle découverte, à mettre au crédit de la programmation conçue par Serge Lazarevitch. Public conquis : décidément, les classes de jazz du conservatoire sont une belle pépinière de talents.
Le trio ‘Hors temps’ vers 19h30 pendant la balance
EDWARD PERRAUD Trio «Hors Temps»
Bruno Angelini (piano), Arnault Cuisinier (contrebasse), Edward Perraud (batterie)
Montpellier, Amphithéâtre d’O, 18 juillet 2022, 22h
Le concert de 22h est ce soir en direct. À 22h les King’s Singer chantent deux rappels pour le public du Corum et les auditeurs de France Musique. Le public du Domaine d’O peut écouter via la sonorisation la fin du concert donné par le célèbre groupe vocal britannique, et c’est à 22h10 que le concert de jazz commence. Bruissement subtil de batterie, comme un envol, pour laisser sourdre la musique, et le trio va progressivement s’épanouir dans le répertoire du disque «Hors temps» (Label Bleu), publié l’an dernier et auréolé du Grand Prix Jazz 2022 de l’Académie Charles Cros. Une musique inspirée au batteur-compositeur par un poème de Baudelaire intitulé, en anglais dans le texte, Anywhere out of the world . Le groupe joue le répertoire du disque, mais dans un ordre différent ; Et pour avoir déjà assisté à l’un de leurs concerts, je sais que ce programme sera donné une fois encore sous un jour neuf. Dans le jazz de stricte obédience, il existe une sorte de protocole : un thème, des développements, des improvisations des solistes, et retour conclusif au thème. Ici c’est une autre aventure : non un protocole mais la construction d’une œuvre mouvante, une aventure, presque une cérémonie à laquelle, auditeurs privilégiés, nous sommes conviés. Chacune des compositions se déploie dans sa construction formelle : rien de linéaire. Des rebonds, des surprises, des éclats et de subites douceurs. Les trois musiciens ont un sens infini des nuances. D’un instrument à l’autre, il y a des jeux de timbres, des relances, des surgissements soudains de créativité.
Les compositions se succèdent, présentées par le batteur-leader-compositeur, qui souligne l’engagement esthétique autant qu’humaniste de cette musique. Et l’ensemble du concert est comme une grande forme qui se déploie, révélant peu à peu ses mystères. Le public, très réceptif, est conquis par cette intensité musicale et fait entendre avec chaleur sa gratitude pour ce grand moment de musique. Et le chroniqueur, avec eux, applaudit à tout rompre.
Xavier Prévost
Ce concert est en réécoute sur le site de France Musique en suivant ce lien