Jazz live
Publié le 8 Fév 2021

FRED HERSCH-DAN TEPFER  en duo et en direct sur la toile

Dan Tepfer & Fred Hersch (pianos)

Brooklyn, New York & Milford, Pennsylvanie, 7 février 2021, 15h à New York, 21h à Paris

C’est l’un de ces concerts ‘à la maison’ dont l’un et l’autre se sont fait une spécialité en ces temps confinés. Dan Tepfer est chez lui à Brooklyn, non loin du Prospect Park, et Fred Hersch est dans sa résidence rurale de Pennsylvanie. Le logiciel JackTrip permet ce petit miracle de simultanéité distanciée. On règle les problèmes de son et, après que Dan a demandé à Fred quelques précisions sur l’endroit où il se trouve, le concert commence. Dès le début, des échanges fructueux, des dialogues-surprises, des breaks savoureux, un petit coup de Just Friends dans Jitterbug Waltz, à moins que ce ne soit le contraire….

Puis le duo va jouer Sarabande, un thème ancien de Fred Hersch qui demeure un repère dans le répertoire courant du pianiste états-unien comme dans la mémoire de son ancien élève : grand moment de communication musicale. Ensuite ils parlent, Dan Rappelle qu’il a étudié avec Fred dès 2004. Fred évoque la particularité, et les difficultés, du duo de piano, et leur échange verbal s’oriente vers Lee Konitz : Dan a joué avec lui pendant plus de dix ans, et Fred a également joué avec lui. Au piano, ils vont évoquer, à leur manière, cet univers si particulier de Lee Konitz, qui métamorphose les standards en s’appropriant leurs harmonies pour en faire sa propre matière musicale. C’est maintenant, pour Fred Hersch, le moment d’une ballade en solo de Fred : d’abord pour la main gauche. Légers craquements dans le son, comme si les micros du piano de Fred saturaient. Il joue un vieux standard, This Is Always. La main droite rejoint la main gauche. Magistrale leçon de ballade.

Puis Dan Tepfer joue en solo Sweet Talk, thèmes qu’il a composé quand il étudiait avec Fred Hersch. Un thème qu’il avait gravé en trio pour le CD «Oxygen» : l’ancien élève ne dépare pas auprès de celui qui fut son maître, et demeure son ami. Retour au duo pour un thème de Fred, Aria, première plage du disque «Songs Without Words». Et une fois encore, très beau moment de communication et de dialogue entre les deux pianistes. On va changer d’aria, car le moment est venu pour les deux pianistes d’improviser à tour de rôle autour de l’Aria des Variations Goldberg de Bach. Exercice coutumier pour Dan Tepfer, qui s’y livre sur disque et sur scène. Nouvelle expérience pour Fred Hersch, familier du répertoire du compositeur saxon dans la solitude de son travail pianistique, mais pour qui cet échange en solos alternés sera une expérience inédite. Dan joue l’Aria, avant une variation de Fred sur les harmonies, puis retour de Dan avec une impro fougueuse, avant retour de Fred pour une sorte de choral. Dan va répondre en déconstruisant la forme, tandis que Fred revient dans le plus style baroque, avant d’improviser une sorte de standard intemporel. Et Dan Tepfer conclut, comme dans les Variations de Bach, par un retour à l’Aria, bientôt accompagné par Fred Hersch. Encore un magnifique moment de musique partagée avec passion.

Maintenant Fred parle de ses pianos, avant de jouer Pannonica, exposé et amoureusement fragmenté par Fred, finalement rejoint pour le pont par Dan. Et Fred parle longuement de Pannonica de Koenigswarter, chez qui Monk passa les dernières années, mutiques, de sa vie ; et des dizaines de chats qui se rassemblaient dans sa maison du New Jersey.

Et pour conclure voici un thème spécialement composé par Dan Tepfer pour ce concert en duo : une première ! Un souvenir peut-être de la manière dont la musique brésilienne se joue des harmonies romantiques. Et chacun s’en empare pour un solo avant retour du duo et envol lyrique croisé.

Parmi plusieurs centaines de personnes à l’écoute face à leur écran, des Amis de là-bas et d’ici, comme François Zalacain du label Sunnyside de New York, ou le pianiste Thomas Enhco qui, dans les très nombreux commentaires écrits qui accompagnent le direct audio-vidéo, dit qu’il se met au piano chez lui pour jouer avec eux les derniers accords de Bach. Une belle illustration de ce qui fut un grand moment de partage musical.

Xavier Prévost

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Ce concert n’est plus accessible via le lien payant mentionné initialement, il mais demeure en ligne sur Youtube

https://youtu.be/qCr1lct_Fuk