Gauthier Toux & Nils Petter Molvaer : les liens du son
En première partie, le trio Rouge, récent lauréat du tremplin Jazz Migration, avait installé le public dans un début de rêverie, leur musique se déployant en de lentes et lumineuses respirations répétitives au variations d’intensité croissante. Et tandis que la pianiste Madeleine Cazenave égrenait des ostinati colorés par touches d’effets électroniques ou préparait un piano dont les accords gagnaient graduellement en ampleur, le contrebassiste Sylvain Didou et Boris Louvet charpentaient d’un jeu tantôt éparse ou fourni une musique cinématique et atmosphérique, amplifiée par les hypnotisants miroitements argentés des lumières de la salle.
Place à Gauthier Toux, dont le public parisien découvrait pour la première fois ce projet présenté récemment au festival Jazz sous les pommiers. Aidée par un superbe travail sur les lumières, l’atmosphère change d’emblée : la frappe lourde de Valentin Liechti nous emmène vers le rock et le punk, et les claviers scintillants du leader étirent la scène en de vastes espaces bientôt remplis par les murmures éthérés de la chanteuse Lea Maria Fries. Le bassiste Julien Herné est égal à lui-même : d’une assise implacable, funky puis tellurique. Il suffit à Nils Petter Molvaer de quelques notes aux attaques brumeuses pour que la salle soit suspendue à son souffle nocturne et solitaire avant que ce quartette augmenté n’entame une métamorphose de styles qui se poursuivra jusqu’au bout de la soirée : mises en place millimétrées ou grandes évasions planantes, voix pop voire soul mêlée de textures électroniques, déchaînements punk rock sur fond de mesures impaires lancées à tombeau ouvert ou ballades mélancoliques : ces cinq-là savent tout faire avec une même justesse. De quoi espérer très fort le prolongement de cette collaboration, avec “Nils Pierre” Molvaer – comme l’appelle désormais affectueusement Gauthier Toux – sur scène mais aussi en studio, où même leurs rêves les plus fous leur seraient accessibles. Yazid Kouloughli
Photo : Nils Petter Molvaer et Gauthier Toux, © (X/DR / jazzalavillette.com)