Geraldine Laurent Quartet At Work : une fille et trois garçons dans le vent à Arles
Jazz in Arles au Méjan 21ème édition (11 au 21 mai 2016.
La programmation de cette 21ème édition de Jazz au Méjan continue à célébrer le jazz dans tous ses états et éclats. Dans une forme originale et accessible, servie par le cadre et l’acoustique de la chapelle XVII ème, devenue coopérative du syndicat des éleveurs de mérinos, à deux pas d’Actes Sud, sur les bords du Rhône, la poésie, l’émotion auront régné quelques jours en mai… Ce festival de jazz, intense, actuel et toujours surprenant accueille des programmes différents qui, s’ils donnent la part belle aux pianistes sur un Steinway apprêté fidèlement par Alain Massonneau, ont célébré cette année, les clarinettistes, pour commencer Louis Sclavis en trio avec Pifarély et Courtois, Michel Portal pour le final comme il se doit, qui fit exploser la jauge des 400 places, et entre les deux, Jean Marc Foltz qui inaugurait le tout nouveau et merveilleux programme Gershwin avec Stephan Oliva,fidèle du lieu.
Car Jean Paul Ricard qui programme ce festival, en binôme avec Nathalie Basson, aime faire partager coups de cœur, découvertes et leur attachement au jazz et à ses musiciens. Ainsi Stephan Oliva était présent dans des programmes aussi divers qu’ Echoes of Spring, Little Nemo, ou en duo avec la chanteuse Suzanne Abbuehl. C’était en 2006, un festival consacré à la voix et aux femmes du jazz. Géraldine Laurent était déjà là : plutôt que de la faire jouer dans son Time out trio originel (Laurent Bataille et Yoni Zelnik ), JP Ricard avait choisi de nous la faire découvrir autrement, en trio toujours, mais sans piano, avec Hélène Labarrière et Eric Groleau.
Géraldine Laurent peut aussi bien faire danser le public de la Huchette que nous désaltérer à la source fraîche et désirante de maîtres incontournables, les Sonny Rollins , Wayne Shorter dont elle a depuis toujours écouté, relevé des chorus et « piqué »des plans, en toute humilité. Comme dans un bon équilibre culinaire, elle est toujours en recherche, jouant « actuel » sur des bases classiques. On se souvient de Because of Bechet sous le parrainage d’Aldo Romano, de son Around Gigi, dédié à un autre altiste hard bop formé au classique, Gigi Grice et aussi de sa participation au Mico Nissim sextet Ornette/ Dolphy/Tribute/Consequences Cd de Cristal records sorti en 2011.
Certains ont un cerveau tourné XIXème me soufflait un jour un ami érudit, Géraldine Laurent, elle, affectionne le jazz des années quarante à soixante qu’ elle connaît. Elle n’ira pas plus loin, pour l’instant, considérant, non sans pertinence que le free est une forme d’aboutissement, d’achèvement auquel elle n’est pas encore parvenue, à quarante ans. Et pourtant, c’est une travailleuse acharnée qui ne peut se lancer dans l’improvisation chère aux jazzmen que parce qu’ elle s’appuie sur une technique parfaitement maîtrisée.
Cette année, elle revient au Méjan, forte de son Grand Prix de l’Académie du Jazz 2015 ( elle fut également élue musicienne jazz de l’année par Jazz Magazine) avec une belle équipe, un nouveau quartet At work où le jeune et fougueux pianiste Paul Lay (autre coup de coeur de JP Ricard qui fut l’un des premiers à le programmer à l’Ajmi) « casse » le côté classique de cette musique, inspirée des boppers et suiveurs.
Un son droit à l’ alto, des graves moelleux, une belle musicalité dès le démarrage, une musique généreuse au sein d’une création continue, effervescente, qui coule sans effort en dépit d’une structure rigoureuse. A chaque concert, avec la même matière, sur le même substrat, le quartet propose autre chose, et Géraldine aime retrouver en ses camarades de jeu, le plaisir de la conversation. Elle les a choisis pour leur connaissance précise de ce répertoire, ce langage commun qui n’empêche pas de belles surprises, des épanchements du pianiste à l’aise sur toute l’étendue du clavier, usant des 88 touches (contrairement à Stephan Oliva qui, deux soirs plus tôt, sur le même piano de rêve, avouait se limiter, avec plaisir, tant il avait à faire, à un tout petit registre). Une vraie rythmique avec le fidèle Yoni Zelnik (ils se connaissent depuis 18 ans tout de même), sérieusement accroché au mât de la contrebasse et Donald Kontomanou , élégant et véloce qui impulse un swing dès le thème initial « Odd Folk » dont le titre ne nous met pas vraiment sur la piste.
Le répertoire conçu sans ligne directrice s’inscrit dans un flux ternaire, années soixante évidemment, sur un versant chantant et lyrique. Ecoutez donc les ballades où surgit l’émotion comme «Another Dance » et « N-C Way » par exemple. Les suites « At work » du premier set et « Up to it » qui débute le dernier, enchaînent des morceaux sans difficulté, ni présentation ; Géraldine, discrète, ne fait pas de longs discours en public, elle est là pour jouer intensément et laisser jouer. Le trio ne s’en prive pas mais quand elle revient, elle recentre l’énergie des garçons autour d’elle. Plus que par un timbre ou un son vraiment particuliers, elle se distingue par le rythme qu’elle imprime à son discours, la façon d’articuler son propos, de le marquer. Et deux réflexions me viennent à l’esprit, je cherche d’entrée quel standard elle peut bien reprendre avant de comprendre qu’elle joue ses proches compositions et ceci, dans le plus américain des styles. Le jazz vient de là-bas assurément et elle sait lui rendre hommage. Pour les trois rappels, point de doute cette fois, le quartet « at work » s’attelle à « Epistrophy »( Monk), « Goodbye Pork Pie Hat » ( Charles Mingus en hommage à Lester Young) et un troisième tricoté à partir de quelques bribes de « Jeru » ( Miles Davis). Intemporellement moderne, cette musique puissante et tendre garde certaines résonances aujourdhui, toujours porteuse de sens et de vertus formelles.
On peut remercier cette année encore la fine équipe du Méjan pour cette invitation à découvrir du jazz aussi vif. L’ association, très active, organise toute l’année concerts classiques, lectures, expositions d’art contemporain… et ce beau festival à taille humaine, sans esbroufe, en mai.
Rien à dire, aux manettes, Nathalie Basson, aidée de Camille Gibily, attachée de presse, veille au confort de tous et à l’organisation. Pour la technique, ils ne sont que 2, Bruno Levée et Etienne Esnault qui sculptent respectivement l’ espace du son et des lumières. Cette machine musicale independante et efficace tourne rondement, sous la lumière du printemps, avec le mistral et le soleil du midi. Vivement l’an prochain!
Sophie Chambon|Jazz in Arles au Méjan 21ème édition (11 au 21 mai 2016.
La programmation de cette 21ème édition de Jazz au Méjan continue à célébrer le jazz dans tous ses états et éclats. Dans une forme originale et accessible, servie par le cadre et l’acoustique de la chapelle XVII ème, devenue coopérative du syndicat des éleveurs de mérinos, à deux pas d’Actes Sud, sur les bords du Rhône, la poésie, l’émotion auront régné quelques jours en mai… Ce festival de jazz, intense, actuel et toujours surprenant accueille des programmes différents qui, s’ils donnent la part belle aux pianistes sur un Steinway apprêté fidèlement par Alain Massonneau, ont célébré cette année, les clarinettistes, pour commencer Louis Sclavis en trio avec Pifarély et Courtois, Michel Portal pour le final comme il se doit, qui fit exploser la jauge des 400 places, et entre les deux, Jean Marc Foltz qui inaugurait le tout nouveau et merveilleux programme Gershwin avec Stephan Oliva,fidèle du lieu.
Car Jean Paul Ricard qui programme ce festival, en binôme avec Nathalie Basson, aime faire partager coups de cœur, découvertes et leur attachement au jazz et à ses musiciens. Ainsi Stephan Oliva était présent dans des programmes aussi divers qu’ Echoes of Spring, Little Nemo, ou en duo avec la chanteuse Suzanne Abbuehl. C’était en 2006, un festival consacré à la voix et aux femmes du jazz. Géraldine Laurent était déjà là : plutôt que de la faire jouer dans son Time out trio originel (Laurent Bataille et Yoni Zelnik ), JP Ricard avait choisi de nous la faire découvrir autrement, en trio toujours, mais sans piano, avec Hélène Labarrière et Eric Groleau.
Géraldine Laurent peut aussi bien faire danser le public de la Huchette que nous désaltérer à la source fraîche et désirante de maîtres incontournables, les Sonny Rollins , Wayne Shorter dont elle a depuis toujours écouté, relevé des chorus et « piqué »des plans, en toute humilité. Comme dans un bon équilibre culinaire, elle est toujours en recherche, jouant « actuel » sur des bases classiques. On se souvient de Because of Bechet sous le parrainage d’Aldo Romano, de son Around Gigi, dédié à un autre altiste hard bop formé au classique, Gigi Grice et aussi de sa participation au Mico Nissim sextet Ornette/ Dolphy/Tribute/Consequences Cd de Cristal records sorti en 2011.
Certains ont un cerveau tourné XIXème me soufflait un jour un ami érudit, Géraldine Laurent, elle, affectionne le jazz des années quarante à soixante qu’ elle connaît. Elle n’ira pas plus loin, pour l’instant, considérant, non sans pertinence que le free est une forme d’aboutissement, d’achèvement auquel elle n’est pas encore parvenue, à quarante ans. Et pourtant, c’est une travailleuse acharnée qui ne peut se lancer dans l’improvisation chère aux jazzmen que parce qu’ elle s’appuie sur une technique parfaitement maîtrisée.
Cette année, elle revient au Méjan, forte de son Grand Prix de l’Académie du Jazz 2015 ( elle fut également élue musicienne jazz de l’année par Jazz Magazine) avec une belle équipe, un nouveau quartet At work où le jeune et fougueux pianiste Paul Lay (autre coup de coeur de JP Ricard qui fut l’un des premiers à le programmer à l’Ajmi) « casse » le côté classique de cette musique, inspirée des boppers et suiveurs.
Un son droit à l’ alto, des graves moelleux, une belle musicalité dès le démarrage, une musique généreuse au sein d’une création continue, effervescente, qui coule sans effort en dépit d’une structure rigoureuse. A chaque concert, avec la même matière, sur le même substrat, le quartet propose autre chose, et Géraldine aime retrouver en ses camarades de jeu, le plaisir de la conversation. Elle les a choisis pour leur connaissance précise de ce répertoire, ce langage commun qui n’empêche pas de belles surprises, des épanchements du pianiste à l’aise sur toute l’étendue du clavier, usant des 88 touches (contrairement à Stephan Oliva qui, deux soirs plus tôt, sur le même piano de rêve, avouait se limiter, avec plaisir, tant il avait à faire, à un tout petit registre). Une vraie rythmique avec le fidèle Yoni Zelnik (ils se connaissent depuis 18 ans tout de même), sérieusement accroché au mât de la contrebasse et Donald Kontomanou , élégant et véloce qui impulse un swing dès le thème initial « Odd Folk » dont le titre ne nous met pas vraiment sur la piste.
Le répertoire conçu sans ligne directrice s’inscrit dans un flux ternaire, années soixante évidemment, sur un versant chantant et lyrique. Ecoutez donc les ballades où surgit l’émotion comme «Another Dance » et « N-C Way » par exemple. Les suites « At work » du premier set et « Up to it » qui débute le dernier, enchaînent des morceaux sans difficulté, ni présentation ; Géraldine, discrète, ne fait pas de longs discours en public, elle est là pour jouer intensément et laisser jouer. Le trio ne s’en prive pas mais quand elle revient, elle recentre l’énergie des garçons autour d’elle. Plus que par un timbre ou un son vraiment particuliers, elle se distingue par le rythme qu’elle imprime à son discours, la façon d’articuler son propos, de le marquer. Et deux réflexions me viennent à l’esprit, je cherche d’entrée quel standard elle peut bien reprendre avant de comprendre qu’elle joue ses proches compositions et ceci, dans le plus américain des styles. Le jazz vient de là-bas assurément et elle sait lui rendre hommage. Pour les trois rappels, point de doute cette fois, le quartet « at work » s’attelle à « Epistrophy »( Monk), « Goodbye Pork Pie Hat » ( Charles Mingus en hommage à Lester Young) et un troisième tricoté à partir de quelques bribes de « Jeru » ( Miles Davis). Intemporellement moderne, cette musique puissante et tendre garde certaines résonances aujourdhui, toujours porteuse de sens et de vertus formelles.
On peut remercier cette année encore la fine équipe du Méjan pour cette invitation à découvrir du jazz aussi vif. L’ association, très active, organise toute l’année concerts classiques, lectures, expositions d’art contemporain… et ce beau festival à taille humaine, sans esbroufe, en mai.
Rien à dire, aux manettes, Nathalie Basson, aidée de Camille Gibily, attachée de presse, veille au confort de tous et à l’organisation. Pour la technique, ils ne sont que 2, Bruno Levée et Etienne Esnault qui sculptent respectivement l’ espace du son et des lumières. Cette machine musicale independante et efficace tourne rondement, sous la lumière du printemps, avec le mistral et le soleil du midi. Vivement l’an prochain!
Sophie Chambon|Jazz in Arles au Méjan 21ème édition (11 au 21 mai 2016.
La programmation de cette 21ème édition de Jazz au Méjan continue à célébrer le jazz dans tous ses états et éclats. Dans une forme originale et accessible, servie par le cadre et l’acoustique de la chapelle XVII ème, devenue coopérative du syndicat des éleveurs de mérinos, à deux pas d’Actes Sud, sur les bords du Rhône, la poésie, l’émotion auront régné quelques jours en mai… Ce festival de jazz, intense, actuel et toujours surprenant accueille des programmes différents qui, s’ils donnent la part belle aux pianistes sur un Steinway apprêté fidèlement par Alain Massonneau, ont célébré cette année, les clarinettistes, pour commencer Louis Sclavis en trio avec Pifarély et Courtois, Michel Portal pour le final comme il se doit, qui fit exploser la jauge des 400 places, et entre les deux, Jean Marc Foltz qui inaugurait le tout nouveau et merveilleux programme Gershwin avec Stephan Oliva,fidèle du lieu.
Car Jean Paul Ricard qui programme ce festival, en binôme avec Nathalie Basson, aime faire partager coups de cœur, découvertes et leur attachement au jazz et à ses musiciens. Ainsi Stephan Oliva était présent dans des programmes aussi divers qu’ Echoes of Spring, Little Nemo, ou en duo avec la chanteuse Suzanne Abbuehl. C’était en 2006, un festival consacré à la voix et aux femmes du jazz. Géraldine Laurent était déjà là : plutôt que de la faire jouer dans son Time out trio originel (Laurent Bataille et Yoni Zelnik ), JP Ricard avait choisi de nous la faire découvrir autrement, en trio toujours, mais sans piano, avec Hélène Labarrière et Eric Groleau.
Géraldine Laurent peut aussi bien faire danser le public de la Huchette que nous désaltérer à la source fraîche et désirante de maîtres incontournables, les Sonny Rollins , Wayne Shorter dont elle a depuis toujours écouté, relevé des chorus et « piqué »des plans, en toute humilité. Comme dans un bon équilibre culinaire, elle est toujours en recherche, jouant « actuel » sur des bases classiques. On se souvient de Because of Bechet sous le parrainage d’Aldo Romano, de son Around Gigi, dédié à un autre altiste hard bop formé au classique, Gigi Grice et aussi de sa participation au Mico Nissim sextet Ornette/ Dolphy/Tribute/Consequences Cd de Cristal records sorti en 2011.
Certains ont un cerveau tourné XIXème me soufflait un jour un ami érudit, Géraldine Laurent, elle, affectionne le jazz des années quarante à soixante qu’ elle connaît. Elle n’ira pas plus loin, pour l’instant, considérant, non sans pertinence que le free est une forme d’aboutissement, d’achèvement auquel elle n’est pas encore parvenue, à quarante ans. Et pourtant, c’est une travailleuse acharnée qui ne peut se lancer dans l’improvisation chère aux jazzmen que parce qu’ elle s’appuie sur une technique parfaitement maîtrisée.
Cette année, elle revient au Méjan, forte de son Grand Prix de l’Académie du Jazz 2015 ( elle fut également élue musicienne jazz de l’année par Jazz Magazine) avec une belle équipe, un nouveau quartet At work où le jeune et fougueux pianiste Paul Lay (autre coup de coeur de JP Ricard qui fut l’un des premiers à le programmer à l’Ajmi) « casse » le côté classique de cette musique, inspirée des boppers et suiveurs.
Un son droit à l’ alto, des graves moelleux, une belle musicalité dès le démarrage, une musique généreuse au sein d’une création continue, effervescente, qui coule sans effort en dépit d’une structure rigoureuse. A chaque concert, avec la même matière, sur le même substrat, le quartet propose autre chose, et Géraldine aime retrouver en ses camarades de jeu, le plaisir de la conversation. Elle les a choisis pour leur connaissance précise de ce répertoire, ce langage commun qui n’empêche pas de belles surprises, des épanchements du pianiste à l’aise sur toute l’étendue du clavier, usant des 88 touches (contrairement à Stephan Oliva qui, deux soirs plus tôt, sur le même piano de rêve, avouait se limiter, avec plaisir, tant il avait à faire, à un tout petit registre). Une vraie rythmique avec le fidèle Yoni Zelnik (ils se connaissent depuis 18 ans tout de même), sérieusement accroché au mât de la contrebasse et Donald Kontomanou , élégant et véloce qui impulse un swing dès le thème initial « Odd Folk » dont le titre ne nous met pas vraiment sur la piste.
Le répertoire conçu sans ligne directrice s’inscrit dans un flux ternaire, années soixante évidemment, sur un versant chantant et lyrique. Ecoutez donc les ballades où surgit l’émotion comme «Another Dance » et « N-C Way » par exemple. Les suites « At work » du premier set et « Up to it » qui débute le dernier, enchaînent des morceaux sans difficulté, ni présentation ; Géraldine, discrète, ne fait pas de longs discours en public, elle est là pour jouer intensément et laisser jouer. Le trio ne s’en prive pas mais quand elle revient, elle recentre l’énergie des garçons autour d’elle. Plus que par un timbre ou un son vraiment particuliers, elle se distingue par le rythme qu’elle imprime à son discours, la façon d’articuler son propos, de le marquer. Et deux réflexions me viennent à l’esprit, je cherche d’entrée quel standard elle peut bien reprendre avant de comprendre qu’elle joue ses proches compositions et ceci, dans le plus américain des styles. Le jazz vient de là-bas assurément et elle sait lui rendre hommage. Pour les trois rappels, point de doute cette fois, le quartet « at work » s’attelle à « Epistrophy »( Monk), « Goodbye Pork Pie Hat » ( Charles Mingus en hommage à Lester Young) et un troisième tricoté à partir de quelques bribes de « Jeru » ( Miles Davis). Intemporellement moderne, cette musique puissante et tendre garde certaines résonances aujourdhui, toujours porteuse de sens et de vertus formelles.
On peut remercier cette année encore la fine équipe du Méjan pour cette invitation à découvrir du jazz aussi vif. L’ association, très active, organise toute l’année concerts classiques, lectures, expositions d’art contemporain… et ce beau festival à taille humaine, sans esbroufe, en mai.
Rien à dire, aux manettes, Nathalie Basson, aidée de Camille Gibily, attachée de presse, veille au confort de tous et à l’organisation. Pour la technique, ils ne sont que 2, Bruno Levée et Etienne Esnault qui sculptent respectivement l’ espace du son et des lumières. Cette machine musicale independante et efficace tourne rondement, sous la lumière du printemps, avec le mistral et le soleil du midi. Vivement l’an prochain!
Sophie Chambon|Jazz in Arles au Méjan 21ème édition (11 au 21 mai 2016.
La programmation de cette 21ème édition de Jazz au Méjan continue à célébrer le jazz dans tous ses états et éclats. Dans une forme originale et accessible, servie par le cadre et l’acoustique de la chapelle XVII ème, devenue coopérative du syndicat des éleveurs de mérinos, à deux pas d’Actes Sud, sur les bords du Rhône, la poésie, l’émotion auront régné quelques jours en mai… Ce festival de jazz, intense, actuel et toujours surprenant accueille des programmes différents qui, s’ils donnent la part belle aux pianistes sur un Steinway apprêté fidèlement par Alain Massonneau, ont célébré cette année, les clarinettistes, pour commencer Louis Sclavis en trio avec Pifarély et Courtois, Michel Portal pour le final comme il se doit, qui fit exploser la jauge des 400 places, et entre les deux, Jean Marc Foltz qui inaugurait le tout nouveau et merveilleux programme Gershwin avec Stephan Oliva,fidèle du lieu.
Car Jean Paul Ricard qui programme ce festival, en binôme avec Nathalie Basson, aime faire partager coups de cœur, découvertes et leur attachement au jazz et à ses musiciens. Ainsi Stephan Oliva était présent dans des programmes aussi divers qu’ Echoes of Spring, Little Nemo, ou en duo avec la chanteuse Suzanne Abbuehl. C’était en 2006, un festival consacré à la voix et aux femmes du jazz. Géraldine Laurent était déjà là : plutôt que de la faire jouer dans son Time out trio originel (Laurent Bataille et Yoni Zelnik ), JP Ricard avait choisi de nous la faire découvrir autrement, en trio toujours, mais sans piano, avec Hélène Labarrière et Eric Groleau.
Géraldine Laurent peut aussi bien faire danser le public de la Huchette que nous désaltérer à la source fraîche et désirante de maîtres incontournables, les Sonny Rollins , Wayne Shorter dont elle a depuis toujours écouté, relevé des chorus et « piqué »des plans, en toute humilité. Comme dans un bon équilibre culinaire, elle est toujours en recherche, jouant « actuel » sur des bases classiques. On se souvient de Because of Bechet sous le parrainage d’Aldo Romano, de son Around Gigi, dédié à un autre altiste hard bop formé au classique, Gigi Grice et aussi de sa participation au Mico Nissim sextet Ornette/ Dolphy/Tribute/Consequences Cd de Cristal records sorti en 2011.
Certains ont un cerveau tourné XIXème me soufflait un jour un ami érudit, Géraldine Laurent, elle, affectionne le jazz des années quarante à soixante qu’ elle connaît. Elle n’ira pas plus loin, pour l’instant, considérant, non sans pertinence que le free est une forme d’aboutissement, d’achèvement auquel elle n’est pas encore parvenue, à quarante ans. Et pourtant, c’est une travailleuse acharnée qui ne peut se lancer dans l’improvisation chère aux jazzmen que parce qu’ elle s’appuie sur une technique parfaitement maîtrisée.
Cette année, elle revient au Méjan, forte de son Grand Prix de l’Académie du Jazz 2015 ( elle fut également élue musicienne jazz de l’année par Jazz Magazine) avec une belle équipe, un nouveau quartet At work où le jeune et fougueux pianiste Paul Lay (autre coup de coeur de JP Ricard qui fut l’un des premiers à le programmer à l’Ajmi) « casse » le côté classique de cette musique, inspirée des boppers et suiveurs.
Un son droit à l’ alto, des graves moelleux, une belle musicalité dès le démarrage, une musique généreuse au sein d’une création continue, effervescente, qui coule sans effort en dépit d’une structure rigoureuse. A chaque concert, avec la même matière, sur le même substrat, le quartet propose autre chose, et Géraldine aime retrouver en ses camarades de jeu, le plaisir de la conversation. Elle les a choisis pour leur connaissance précise de ce répertoire, ce langage commun qui n’empêche pas de belles surprises, des épanchements du pianiste à l’aise sur toute l’étendue du clavier, usant des 88 touches (contrairement à Stephan Oliva qui, deux soirs plus tôt, sur le même piano de rêve, avouait se limiter, avec plaisir, tant il avait à faire, à un tout petit registre). Une vraie rythmique avec le fidèle Yoni Zelnik (ils se connaissent depuis 18 ans tout de même), sérieusement accroché au mât de la contrebasse et Donald Kontomanou , élégant et véloce qui impulse un swing dès le thème initial « Odd Folk » dont le titre ne nous met pas vraiment sur la piste.
Le répertoire conçu sans ligne directrice s’inscrit dans un flux ternaire, années soixante évidemment, sur un versant chantant et lyrique. Ecoutez donc les ballades où surgit l’émotion comme «Another Dance » et « N-C Way » par exemple. Les suites « At work » du premier set et « Up to it » qui débute le dernier, enchaînent des morceaux sans difficulté, ni présentation ; Géraldine, discrète, ne fait pas de longs discours en public, elle est là pour jouer intensément et laisser jouer. Le trio ne s’en prive pas mais quand elle revient, elle recentre l’énergie des garçons autour d’elle. Plus que par un timbre ou un son vraiment particuliers, elle se distingue par le rythme qu’elle imprime à son discours, la façon d’articuler son propos, de le marquer. Et deux réflexions me viennent à l’esprit, je cherche d’entrée quel standard elle peut bien reprendre avant de comprendre qu’elle joue ses proches compositions et ceci, dans le plus américain des styles. Le jazz vient de là-bas assurément et elle sait lui rendre hommage. Pour les trois rappels, point de doute cette fois, le quartet « at work » s’attelle à « Epistrophy »( Monk), « Goodbye Pork Pie Hat » ( Charles Mingus en hommage à Lester Young) et un troisième tricoté à partir de quelques bribes de « Jeru » ( Miles Davis). Intemporellement moderne, cette musique puissante et tendre garde certaines résonances aujourdhui, toujours porteuse de sens et de vertus formelles.
On peut remercier cette année encore la fine équipe du Méjan pour cette invitation à découvrir du jazz aussi vif. L’ association, très active, organise toute l’année concerts classiques, lectures, expositions d’art contemporain… et ce beau festival à taille humaine, sans esbroufe, en mai.
Rien à dire, aux manettes, Nathalie Basson, aidée de Camille Gibily, attachée de presse, veille au confort de tous et à l’organisation. Pour la technique, ils ne sont que 2, Bruno Levée et Etienne Esnault qui sculptent respectivement l’ espace du son et des lumières. Cette machine musicale independante et efficace tourne rondement, sous la lumière du printemps, avec le mistral et le soleil du midi. Vivement l’an prochain!
Sophie Chambon