Jazz live
Publié le 12 Août 2024

Hélène Labarrière / Toute une vie 1

Ce vendredi 16 août, la contrebassiste Hélène Labarrière partage l’affiche du festival de Malguénac avec Kenny Garrett. Au cours d’une longue interview publiée en trois épisodes d’un feuilleton hebdomadaire, elle raconte à Franck Bergerot son éducation musicale avec ses grands frères et la culture des années 1960, sa rencontre avec le jazz et la contrebasse, ses débuts de jeune femme dans le monde des clubs et du bebop parisiens, ses rencontres décisives avec ses pairs et ses expériences de cheffe d’orchestre, son installation en Bretagne et son nouveau quintette Puzzle en hommage à cinq héroïnes de la cause féminine.

1. Jeune et jolie : le tempo d’abord !

Je suis née le 23 octobre 1963 et j’ai grandi à Clichy, dans les Hauts-de-Seine, dans un milieu assez modeste. Père employé de bureau, mère au foyer se consacrant à ses cinq enfants, mes quatre frères et moi-même. Une famille modeste, mais concernée par la culture. Ma mère avait fait du piano et s’y est remise lorsque mes frères ont ramené un piano à la maison. Le dimanche, elle m’emmenait voir des opérettes au Théâtre Rutebeuf de Clichy. Nés entre 1947 et 1956, mes frères m’ont initié à la culture des années 1960 et de l’après-68, pas seulement musicale : la politique, les bandes dessinées, le cinéma américain, les polars, la science-fiction. J’ai été élevée dans un brassage d’idées, de discussions. Je me souviens très bien des grandes grèves de la sidérurgie, branche dans laquelle travaillait mon père comme comptable, syndicaliste très engagé. Des grèves longues que l’on sentait passer ne serait-ce qu’à travers ce qui restait dans l’assiette.

Mon frère aîné jouait plutôt de la guitare, mais comme il s’est marié alors que j’avais quatre ans, j’ai très peu vécu avec lui. Le frère suivant a joué de la clarinette, et mes deux autres frères ont joué du piano, l’un d’eux, Jacques, a même fait un disque sur le tard, en 1995, avec le contrebassiste Jean-Jacques Avenel et le batteur Jean-Louis Méchali. Moi, petite fille, je m’y suis mise aussi parce que le piano était là. Mais au conservatoire, ce que je voulais faire surtout, c’était de la danse. Mes frères écoutaient toute sorte de choses, de la pop en premier lieu. Ils étaient de cette génération venue au jazz par la pop music. Les Beatles, puis les Stones, et de fil en aiguille Soft Machine ; et lorsqu’on écoute Soft Machine, on passe très vite à Coltrane. Quand j’avais 12-13 ans, mes frères m’ont emmenée voir mes premiers concerts pop : Santana et Frank Zappa à La Villette. Puis de fil en aiguille, ils m’ont entrainée dans restaurants, des bars, des clubs où j’ai découvert le jazz tel qu’il était joué par de jeunes gens. Ç’a d’abord été un contact direct, charnel, concret. Les disques, c’est venu plus tard.

Y a-t-il eu un musicien ou un disque déterminant pour votre vocation ?

C’est difficile à dire. Mes souvenirs d’alors sont confus. Dexter Gordon en concert m’avait beaucoup marquée. “Kind of Blue”, ce fut une évidence. Le hasard a voulu que j’entre dans un des premiers lycées à horaire aménagé, le lycée Racine, derrière le CNSM rue de Madrid. J’étais entrée en tant que pianiste, en poussant les portes, et je me suis retrouvée avec des jeunes de 16 ans qui préparaient le Conservatoire avec un niveau de compétence qui me dépassait complètement. Quelques-uns se feront un nom comme le pianiste Éric Lesage, le danseur Pierre Hoden devenu metteur en scène. Beaucoup sont devenus professeurs. Quelques années plus tard, le violoncelliste Vincent Courtois a fait le même cursus que moi. La contrebasse est venue en partie du fait qu’à la maison, on était trop nombreux à se disputer le piano. Comme j’avais le désir d’être avec mes frères, le mieux, c’était de jouer avec eux et donc de choisir un autre instrument. Je n’ai jamais eu d’affinité charnelle pour les instruments à vent. À quinze-seize ans, un âge correct pour commencer, j’ai choisi la contrebasse. Ce n’est pas un grand contrebassiste qui m’a donné envie de jouer. J’ai d’abord craqué sur de jeunes instrumentistes qui jouaient dans les clubs avec mon frère Jacques et dont j’ai oublié les noms. Ce sont eux qui m’ont motivée, avec surtout le désir de faire partie de quelque chose. D’être dans un élan, un mouvement, une manière de jouer. Dès que j’ai pu, j’ai acheté une contrebasse, mais avant même d’en avoir une, quand on me demandait ce que je jouais, je disais que j’étais contrebassiste. C’était comme ça.

Séance photo pour L’Agenda du jazz 1986 © Franck Bergerot

Est-ce avec vos frères que vous vous êtes formée à la pratique individuelle et collective ?

En fait, j’ai très peu joué avec mes frères. Au moment où j’ai débuté, ils commençaient à faire des choses à droite et à gauche et nos routes à se séparer. La première étape, ça été le conservatoire, à Boulogne puis à Gennevilliers, juste le temps d’apprendre les bases de l’instrument. Pour ce qui est du jazz, ce sont en effet mes frères qui m’ont montré les bases de l’harmonie au piano, après quoi je me suis débrouillée toute seule, travaillant l’instrument à la maison et faisant des relevés à l’oreille. Je n’avais personne avec qui jouer. À l’époque, la principale école était le Cim, mais je n’avais pas les moyens de m’y offrir une scolarité. J’y suis allée, mais pour mettre une annonce : « contrebassiste cherche groupe » ; à une époque où l’on trouvait plutôt des annonces « groupe cherche contrebassiste ».

Par chance, j’ai rencontré un guitariste, Pierre Brunel, qui était beaucoup plus âgé. J’avais 18-19 ans et lui peut-être 45… Il avait eu une vie un peu chaotique et avait un gig dans les guinguettes au bord de la Marne, toutes les fins de semaine. On jouait en duo des standards, payés au chapeau que l’on faisait passer parmi les dîneurs, à raison de deux ou trois sets par soir. À l’époque, les jeunes contrebassistes débutaient avec Pierre et dès qu’ils commençaient à avoir du travail, ils se faisaient remplacer et, de fil en aiguille, il a formé énormément de contrebassistes. Avant moi, l’avaient accompagné Dominique Lemerle, Jean Bardy, Jean-Philippe Viret, Vincent Meyer qui est décédé depuis, Philippe Dardelle. Un beau jour, l’un de ces contrebassistes cherchant à se faire remplacer est tombé sur moi. J’ai joué très régulièrement avec Pierre une bonne année durant. Et j’ai commencé à rencontrer d’autres contrebassistes, Jean Bardy surtout qui m’a présentée à d’autres musiciens et, de fil en aiguille, je me suis mise à jouer à droite et à gauche.

On commence alors à parler de vous, notamment pour votre participation au groupe féminin Ladies First…

Un beau jour de 1983 – je n’avais pas encore vingt ans –, la guitariste Marie-Ange Martin m’a appelée pour faire un groupe composé exclusivement de femmes : la pianiste Dominique Borker, la batteuse Micheline Pelzer, et donc moi. L’idée n’était pas d’avoir un orchestre féminin, mais d’avoir un gig. En effet, un organisateur de Neuchâtel en Suisse avait eu l’idée de faire un festival de femmes. Marie-Ange m’a appelée et m’a dit : « voilà, il y a ce festival. Je n’ai pas de travail cet été. Veux-tu qu’on monte un groupe ? » J’ai toujours été contre ce genre de programmation, totalement artificielle, mais aller jouer en Suisse, c’était tentant…

Vous vous souvenez de Mary Lou Williams ? En 1946, au creux de la vague, c’est à contrecœur qu’elle avait accepté de participer à un orchestre de femmes. Et en 1978, programmée dans un festival de femmes, elle s’y était rendue, mais avait tenu à donner une conférence de presse pour expliquer combien elle était opposée à cette façon de concevoir un programme.

J’avais envie de jouer ! Donc, on a monté Ladies First pour Neuchâtel où j’ai entendu pour la première fois les pianistes Sophia Domancich et Anne Ballester du duo. On jouait des standards ou des morceaux de Marie-Ange et de Dominique ; un jazz bien cadré assez classique mais, à l’époque à Paris, il n’y avait pas beaucoup de femmes qui jouaient ça. Et, tout de suite, les affaires se sont mises à tomber et nos noms à circuler. En octobre 1983, on a été engagées au Petit Opportun qui était l’un des clubs parisiens qui comptaient. Jouer au Petit Op à cette époque, c’était pour une semaine, trois sets de 23h à 3h du matin. Tous les musiciens de la place de Paris ont débarqué pour voir et entendre ce groupe de filles ; d’une manière ou d’une autre, ils m’ont vue jouer et j’ai commencé multiplier les rencontres. J’y ai fêté mes vingt ans.

Deux jours plus tard, le 25 octobre, Jack DeJohnette qui ouvrait, le festival de jazz de Paris au Théâtre de la Ville a traversé la Place du Châtelet pour faire le bœuf avec vous.

Ah ! Vous étiez là ! Il a été absolument adorable, il a vraiment joué pour nous, en se mettant à notre niveau. Quelle émotion ! Et quel anniversaire !

Concert de Ladies First au Cim du 5 novembre 1983 © Franck Bergerot

Cependant, le groupe n’a pas duré. Marie-Ange Martin est partie étudier en Californie au GIT [Guitar Institute of Technology].

En effet, mais désormais j’étais repérée. On m’appelait pour faire la contrebassiste de jazz et, un soir au Petit Op, j’ai même fait le bœuf avec Sam Woodyard, [le batteur régulier de Duke Ellington de 1956 à 1966]. On a joué Satin Doll et c’était incroyable de jouer çaavec lui. Un immense souvenir ! J’étais tellement jeune et lui si vieux, tout maigre. Ç’a été un geste de transmission tellement important de le voir si fatigué se reposer sur ma jeunesse. C’était avec le saxophoniste Gérard Badini qui m’avait engagé dans son quartette Swing Machine avec Hervé Sellin au piano et François Laudet à la batterie. Une aventure qui a duré environ un an. À ce moment-là, je n’avais pas encore de personnalité musicale. Je voulais jouer, mais je ne savais pas bien quoi, et je n’écoutais pas les choses que Badini aurait voulu que j’écoute. Je découvrais les guitaristes John Scofield, Pat Metheny, John Abercrombie ; et lui me demandait d’écouter le batteur Buddy Rich. Je n’étais pas la bassiste dont il avait besoin et il a fini par faire appel à Pierre Boussaguet qui correspondait beaucoup mieux à ce qu’il voulait faire. « Va voir d’autres musiciens qui correspondent à ce que tu écoutes, plutôt que de perdre ton temps avec moi. » Et je lui suis reconnaissante de m’avoir ainsi fait comprendre que je n’étais pas à ma place.

Vous écoutiez donc des guitaristes…

Adolescente, j’avais écouté beaucoup de pop et, avec des gens comme Scofield ou Metheny, le jazz me devenait plus familier. J’y retrouvais un peu de ce que j’avais aimé auparavant. Les guitaristes ont toujours été importants pour moi. Mais j’écoutais aussi Keith Jarrett qui venaient d’enregistrer les premiers “Standards Trio”. Des standards, certes, mais interprétés d’une telle autre manière par comparaison avec ce que l’on jouait pour la danse avec Gérard au Caveau de La Huchette ou au Slow Club !

J’écoutais donc beaucoup Jarrett, Bill Evans… et les bassistes évidemment : NHOP, Ron Carter, Eddy Gomez… plus tard Charlie Haden, Marc Johnson. Au début, j’ai relevé des accompagnements, notamment des lignes de basse de Ron Carter. Mais très vite, je me suis intéressée aux solos. Pas seulement des contrebassistes d’ailleurs ; tout aussi bien Chet Baker que Dave Holland. J’aimais bien le côté très chantant des solos, notamment le phrasé de NHOP ; mais lui, je n’ai pas dû en relever beaucoup, parce que ça cavalait un peu trop pour ma technique d’alors.

Mais je n’ai pas une grande connaissance du jazz historique. Ma culture s’est plus faite en concert que par le disque. “Mes” bassistes sont ceux que j’ai connus en vrai et j’ai donc été surtout influencée par les Français. J’ai peu rencontré Pierre Michelot, mais c’est sublime. Je regarde beaucoup de vieux films français où l’on entend Claude Bolling, Martial Solal et d’autres… Et il m’arrive de reconnaître Michelot : grandiose ! Les autres bassistes qui comptent, ce sont ceux que j’ai entendus en direct ; mais aussi les conversations que j’ai pu avoir avec eux ou qu’ils avaient entre eux : entre JF [Jean-François Jenny-Clark], Cara [Patrice Caratini], Henri Texier, Cesarius Alvim… J’ai adoré Alby Cullaz, et Jean-Jacques Avenel était merveilleux [le premier décédé en 1998 à 56 ans, le second en 2014 à 66 ans]. Mais leurs cadets ont aussi beaucoup compté : évidemment Bruno Chevillon et Claude Tchamitchian. Je dois à Paul Rogers de m’avoir donné l’impulsion vers la musique improvisée. La rencontre avec Peter Kowald à la fin de sa vie a été un choc. La dernière fois que j’ai vu Barre Phillips, qui a abandonné récemment l’instrument, c’était en solo au Mans en 2019. Quel grand Monsieur, quel sens de l’espace. Et puis Joëlle [Léandre] évidemment. Et, plus jeunes, Sébastien Boisseau, l’extraordinaire Sarah Murcia, Ivan Gélugne du quartette d’Émile Parisien. Dans les générations suivantes, celui que je connais le mieux, c’est Joachim Florent, à travers son Stellar Music Ensemble auquel participe désormais Jacky Molard. Une belle rencontre transgénérationnelle !

Après Badini, vous avez continué à jouer au Petit Opportun ?

À vingt-deux ans, je faisais un peu partie de l’équipe maison. J’y ai beaucoup accompagné les Américains de passage : Art Farmer, Sal Nistico, Johnny Griffin, Slide Hampton. Surtout Slide Hampton. Pendant deux-trois ans, j’ai été sa bassiste lorsqu’il venait à Paris. Et en même temps, de jeunes musiciens français commençaient à me demander. J’ai remplacé Yves Torchinsky au sein de Cordes et lames avec l’accordéoniste Francis Varis, le guitariste Dominique Cravic et le batteur Jean-Claude Jouy. Avec eux, en 1986, j’enregistre pour la première fois sur disque : “Medium Rare”, avec Lee Konitz qui était l’invité du groupe à l’époque !

Avec les Américains, au début, je ne parlais pas un mot d’anglais. Ça avait été extrêmement frustrant de ne pouvoir échanger un seul mot avec Jack DeJohnette lorsqu’il nous avait rendu visite au Petit Op. J’étais rentrée chez moi en me disant qu’il me fallait apprendre l’anglais. A part trois cours, j’ai appris dans les bouquins et, aussitôt que j’ai su quelques mots, j’ai commencé à communiquer avec les Américains. J’ai un anglais très bizarre : j’écris très mal, sans orthographe, mais je m’exprime sans complexe. Ça se passait notamment très bien avec les batteurs américains qui jouaient à l’époque à Paris, notamment Oliver Johnson, George Brown, Barry Altschul avec qui j’ai beaucoup travaillé. J’ai approfondi avec eux, ce que j’avais commencé à apprendre avec Badini : l’engagement, la présence, tenir la baraque sur le tempo. Slide Hampton ne plaisantait pas avec le tempo. Pas exactement comme Griffin qui parfois prenait des tempos extrêmement rapides, mais pour Slide il fallait d’abord que ça groove vraiment et que ça soit solide.

En 1992, lorsque je vous avais interviewée pour un numéro de Jazzman avec Carla Bley en Une, vous aviez d’emblée écarté une question sur les femmes dans le jazz. Vous désiriez être interrogée comme n’importe quel autre musicien. D’ailleurs, Carla Bley avait la même position. La vôtre a-t-elle changé ?

Je me souviens que je ne voulais pas qu’on en parle, et en même temps, on ne peut pas ne pas en parler. C’est tellement d’actualité que je suis obligée de prendre position. Mais depuis cette époque, je n’ai pas bougé d’un iota. J’ai toujours dit la même chose. Comme femme, seule sur la scène à mes débuts, il m’est arrivé de ressentir des choses pas très agréables, mais je n’ai jamais essuyé le mépris des musiciens. Une fois, je me suis trouvé avec un batteur qui a sciemment refusé de jouer avec moi. Lorsqu’on lui a dit que c’était moi la contrebassiste, il a regardé le leader comme pour demander « tu es sûr ? » Puis il a détourné la tête. Durant les trois jours que nous avons passés ensemble, il ne m’a pas regardée une seul instant. Pour le reste, ça n’a pas toujours été angélique, mais ce que j’ai le plus ressenti à l’époque, c’est que je devais ma notoriété au fait d’être une femme, et d’être jeune et jolie. Mais c’est un fait : j’étais la seule nana à jouer de la contrebasse et tout le monde se souvenait de moi et de mon nom, alors qu’il y avait plein d’autres jeunes contrebassistes aussi talentueux dont on ignorait l’existence. Et puis, j’avais la réputation d’avoir un bon tempo et, à l’époque, c’est ce qu’on demandait en priorité à un bassiste. J’avais plein d’incompétences, mais j’avais ce savoir-là. Aussi me proposait-on aisément de faire un remplacement ponctuel en toute confiance. Ceux qui ne m’avaient pas entendue ont pu s’inquiéter du fait que, pour avoir un bon tempo, il faut « avoir des couilles », mais on ne me l’a jamais dit en direct. Ce que j’ai le plus souvent entendu, c’est que moi « j’avais des couilles ».

Tout comme on a dit de Mary Lou Williams, ou de Toshiko Akiyoshi lorsqu’elle est arrivée aux États-Unis, qu’elles jouaient « comme un homme ». Ce qui pouvait être considéré comme une vraie reconnaissance.

On venait souvent me voir à la pause, pour me féliciter parce que je jouais « comme un homme ». Mais au même concert, une autre personne pouvait m’aborder pour me féliciter parce que je jouais vraiment comme une femme, différemment. J’ai toujours eu envie de leur faire écouter à l’aveugle successivement un disque d’Ingrid Jensen et un autre de Chet Baker, en leur demandant qui est l’homme et qui est la femme. Lorsqu’on voit une femme jouer, on est influencé par une image ; un homme peut être éventuellement charmé, d’autant plus si c’est la première fois qu’il voit une femme tenir une contrebasse, à une époque où c’était rare. L’image peu commune de la femme instrumentiste vient s’interposer entre le ressenti et ce que l’on joue vraiment. J’aspirais, étant une femme, à ce que l’on écoute ce que je joue et non ce que je représentais : « Ah ! C’est super, une femme qui joue ! » À la crainte d’être connue parce que j’étais une femme et non parce que je jouais bien, s’ajoutait le soupçon selon lequel j’aurais pu être engagée pour faire joli dans l’orchestre. J’aspirais à être un musicien comme les autres et à être jugée pour ce que je jouais, que ce soit en bien ou même en mal. Et puis j’en ai marre de voir le jazz stigmatisé par des médias qui ne parlent plus de nos musiques, sauf pour dénoncer le machisme du jazz. Le machisme, il est partout, en usine comme en cuisine chez les grands chefs. Pourtant le machisme n’est pas le sujet obligé, voire central, des émissions culinaires !

À suivre. Épisode 2 : l’émancipation dans le domaine de l’improvisation et de la création, ses complices musicaux, ses groupes, son installation en Bretagne et le retour au groove.