Hendaye: Mike Stern et Jean Marie Ecay tiennent bon le manche
Le hasard quelques fois fait bien les choses. Les précipite au besoin. Témoin cet aveu de Jean-Marie Ecay à propos d’une de ses pratiques sportives favorites “J’ai rencontré Stéphane par hasard car on fréquentait les cours dans le même club de tennis à Charenton. De raquettes en balles échangées on s’est dit qu’on pourrait aussi jouer ensemble…musicalement” D’où cette confidence croisée de Stéphane Kerecki á propos du trio “Suite à une session faite ensemble j’ai dit à Jean Marie qui était demandeur que c’était OK pour moi dans la mesure où il proposait sa musique en propre, personnelle, apte dépasser le cadre du trio strict jazz. Car j’aime,les diverses colorations de son jeu de guitare. Et comme Fabrice vivait lui aussi à Charenton….”
Mike Stern (g), Lenie Stern (g, guembri), Bob Francheschini, (ts) Chris Minh Docky (b, elb), Denis Chambers (dm)
Guitaralde Frontin Gaztelu Zahar, Hendaye (64700)
Il devait venir déjà l’an passé à Hendaye le “guitar heroe” mais une poussée de fièvre soudaine l’en avait empêché. Mike Stern cette fois figure bien sur la grand scène de Guitaralde et comme le souligne, taquin, Mixel Ducau qui en est un des plus illustres “Tous les guitaristes du coin s’y sont donnés rendez vous” Demie surprise: son épouse Lenie entame le propos au guembri -le dernier album paru du guitariste, Voices sonne clairement africain- Mike Stern affiche une sonorité toujours claire, marqué dans un abord rythmique plutôt soft par beaucoup de fluidité glissèe dans le phrasé. Dans ce contexte il est aussi plaisant de revoir Denis Chambers en soutien plutôt léger dans les frappes, le beat (After blue)
De ce côté là il n’a pas changé ses habitudes : Mike Stern développe de très long solos, avec en mode de poinçon d’orfèvre de la guitare cette façon particulière, systémique, de tutoyer au maximum le registre des aiguës tout en haut du manche de son éternelle Télécaster. Bob Francheschini, complice au sax ténor offre lui son son tendu, de celui qui tranche dans le vif, lignée Brecker dans des phrases qui claquent, percutent les points forts, les ponts à l’unisson. Bref en matière de sax tout ce qui va bien avec le propos musical du leader en mode punch line. Ces données serviront de motif principal tout au long du concert phare du festival.
Stern y affichera à l’occasion, petit plaisir en passant, quelques gimmicks aux accents blues (You never know) Il en étonnera certains quelque peu sans doute avec un affichage nouveau : des mélodies chantées en onomatopées et directement doublées à l’unisson à la guitare. De quoi reproduire à lui tout seul le boulot que deux vocalistes faisaient dans le sillage de Pat Metheny en une certaine époque inspiration voix multiples. Peut-être dans cette voie voicalisée peut-on également dénicher les racines d’un jeune guitariste gainé au départ d’une musique traditionnellement folk avant que de totalement s’electriser au contact de Miles… Le concert avance et survient un long parcours mené en solo. Mike Stern y expose clairement cette volubilité sans effort apparent sur le manche, ce plaisir à produire milles notes enchaînées en autant de cascades joyeuses. Et pour un bis réclamé par les guitaristes aficionados ainsi que tous les autres présents, le guitariste à la silhouette fréle entonne un thème d’Hendrix, Look over yonder, musique et paroles svp. Occasion pour Madame d’un solo à la pédale wah wah, suivi d’un énième pour Monsieur avec distorsion plein pot histoire de célébrer fidèlement Jimy comme il se doit. Tout le public exulte, guitaristes y compris, of course.
Lenie “Madame” du geumbri à la guitare
Jaime “Jac” (voc, g, hca)
Jean-Marie Ecay (g), Stéphane Kerecki (b), Fabrice Moreau (dm)
Hotel Thalasso Serge Blanco, Hendaye, 9 juillet
De Valence à St Jacques de Compostelle avec guitare en bandoulière (comme son papa paraît-Il !) il a visité successivement des paysages rock, pop et jazz. Il est diplômé de Musikene le Conservatoire Supérieur de Musique d’Euskadi. Mais sur cette terrasse en bord de la baie de Txingudi, final de la rivière Bidassoa qui sert de frontière naturelle entre France et Espagne, il joue, il chante, il restitue classiquement le blues rural. Avec harmonica et dobro si besoin. Comme si cet environnement maritime reproduisait, dans une même chaleur humide, le décor naturel du fameux Delta Blues.
“Comme Jac mon pote est parti des rives du blues j’ai pensé qu’on pourrait commencer par une de mes compos My Miss,is hip jeu de mot pourri je le concède” Un soleil de plomb tombe sur cette terrasse d’un établissement de thalassothérapie qui sort peu à peu de vicissitudes économiques alimentées par la crise CoVid. Les cordes des guitares souffrent en silence. Ambiance club plein air ciel azur avec, en première ligne les reflets miroitants de la piscine plus en arrière plan la découpe des Pyrénées basques et le vieux quartier pierres de taille de Fontarrabie. Souffle ventilé blues donc pour commencer. Cordes glissés, cordes aiguës étirées, Jean-Marien Ecay fan du genre trouve aussitôt le son qui cadre avec. Décor musical pas forcément très habituel chez eux dans leur pratique musicale respective. Pourtant à l’évidence Stéphane Kerecki autant que Fabrice Moreau entrent aisément dans ce costume blues taillé sur mesure par les traits stridents de la guitare. Le local de l’étape comme il sied de parler en cette période Tour de France, se veut musicien éclectique . Le thème suivant (Yab dance) emprunte donc au maloya réunionnais! Générateur d’une mélodie très affinée, chamarrée, peuplée de notes qui chantent aussitôt à l’unisson des caisses de Fabrice Moreau.
La proximité de l’océan, le parfum des embruns jouent sans doute le lien. Changement de registre, volonté d’ecclectisme toujours. Vient une introduction en solo absolu. La guitare exhale tout en sensibilité des notes, des phrases sculptées douces à la (sa) main. Moment de grâce dans la chaleur prégnante . Le jeu de basse de Kerecki s’y incruste naturellement, dessiné en lignes régulières, entre appui et ponts jetés par dessus les accords.
Le final offre en présent un échange serré guitare-batterie exposé -c’est le cas de le dire puisque Fabrice Moreau travaille aussi la peinture- au long de motifs rythmiques très précis, donnant à la musique via l’improvisation des constructions croisèes en mode surprise. Création d’un genre de néo thalasso pénétrant les corps et les esprits exclusivement par notes et par rythmes.
Robert Latxague