Hendaye: Robben Ford accroche le blues à Guitaralde
Pour Jean Marie Ecay, par intérêt autant que passion, sis à Hendaye sa ville de coeur un festival ne pouvait être que celui de guitares, au pluriel de musiques bien entendu, comme il se plaît à les pratiquer lui même différemment genrées. Pourtant Guitaralde, et d’autres festivals avec lui annoncés jazz ou blues se voient chaque année davantage contraints à mettre d’autres pièces stylistiques dans la machine. Le nouveau leitmotiv, avoué ou non, vise à élargir l’audience pour assumer une augmentation des coûts de production ( l’artistique ) et d’organisation ( lieux, matériel, promotion, communication, sécurité) eux mêmes poussés à une hausse certaine. D’où le nom sur l’affiche d’un Thomas Fersen ne portant en guise de guitare qu’un modèle réduit exotique avec son ukulelé électrisé (ceci dit son récital portait témoignage d’une démarche originale, d’un vocal interessant et d’un verbe fort poétiquement singulier) Un festival aujourd’hui peut se jouer sur une tête d’affiche pour ne pas dire une tête de gondole.
Pablo Garayoa (g)
Guitaralde, 7 juillet
On l’annonce comme « un nouveau talent de la scène de musique classique du Pays Basque » Pablo Garaoya tout jeune guitariste primé à l’école de Salamanque puis au Conservatoire Supérieur de Musique «Musikene» de San Sebastián a décliné son savoir faire de concertiste dans l’acoustique rafraîchissante du joli petit écrin de La Chapelle du Château Observatoire d’Abadia dominant l’Océan. Une lecture personnelle et très appliquée de thèmes de compositeurs pour guitare. Avec Aranjuez – on y échappe rarement- en bouquet final face aux traits de lumières solarisées des vitraux. Brillant certes, mais pour sortir du lot au pays de la guitare…Suerte .
Guitaralde Halles, Hendaye, 64 700, 7 juillet
Maité Larburu (voc, g, vln ), Carlos Taroncher (b cl), Ander Zulaika (dm)
À propos de «têtes», on y revient, celle de la native de la cité basque pas si lointaine d’Hernani, en Guipúzcoa, à l’image de sa voix s’affirme forte, au sens militant du terme. Un présence affirmée question chant, guitare ou violon entre les mains. À ses côtés au rayon instrumental la clarinette basse avec effets de trafics électroniques systématiques histoire de coloriser au mieux les contrechants paraît être l’élément le plus original du groupe en comparaison des tempos binaires placés par une batterie à dominante tambours. De quoi encadrer de la chanson basque finalement assez traditionnelle.
Un détail qui a son importance : la volonté marquée de ne livrer au public à propos des chansons aucune explication ni traduction en français ou espagnols vis à vis des non « euskualduns » (bascophones) ne prêche pas en faveur de la promotion naturelle de cette dernière langue.
Robben Ford (g), Anthony Honnet (orgue), David Honnet (dm)
Cinquante années de carrière font qu’il existe plusieurs Robben Ford comme guitariste. Ou plutôt des tas de guitares différentes passées entre dans les mains de ce guitariste californien auprès de bluesmen comme Jimy Witherspoon jusqu’à l’orchestre époque électrique de Miles Davis en passant par le groupe pop Yellow Jackets ou encore le LA Express qui côtoya un temps Joni Mitchell. Celui venu sur la scène d’Hendaye bondée ce soir là figurait la silhouette d’un « guitare héros » au blues rock épais dès les premières mesures d’échauffement passées. Il n’avait rien demandé mais lui aussi a sa petite réputation, on le sait, dans le mundillo des pros de la six cordes. Dès lors le mentor de Guitaralde se retrouvait invité par ce confrère de manches et donc hissé sur scène sans beaucoup de préparation deux morceaux durant.
Avec en face à face Jean Marie Ecay invité de Robben Ford on se retrouvait à assister à une sorte de «guitar summit» basé sur un tempo binaire solidifié à dessein. Question guitare ce fut sonorité acide trés blues premier degré chez l’américain et plans plus typiquement blues rock électriques affinés pour le guitariste basque. La tournure de ses derniers disques enregistrés tire justement plutôt vers cet univers teinté de blues et de rock. Sur la scène hendayaise en matière de programme musical Robben Ford avait donc choisi d’illustrer son album « Pire» paru voici deux ans. Offrant une pépite sonnant en la matière plus vraie que vraie en tant que hommage à une grande figure du genre « Blues for Lonnie Jonhson » suivie un d’une copie mode Chicago Blues très cliché « Crazy for my baby»
Plus avant une chanson plus folk, incrustée d’une voix râpeuse blanche des états du sud permit à l’organiste (lui Anthony Honnet et son frère batteur Davy font partie de la scène parisienne exerçant dans ces groupes d’orbite pop / blues) de quitter l’exercice de pur soutien pour embrasser un chorus fougueux pure touche soul. Plusieurs guitares sans doute et différents univers musicaux forment ainsi la palette de Robben Ford. Ceci posé, au fur et à mesure du concert l’ombre chinoise de Miles se trouvait fort dissolue quand la bise blues rock fut venue en cette soirée prolongée à Hendaye et jouée à feu guitares continu Il aura donc fallu attendre le sixième morceau, ballade mutée en climat soul pour entendre enfin un son de guitare plus naturel, une sorte de laisser aller de notes, un phrasé plus fluide servir des échappée harmoniques élaborées. Et l’orgue, toujours en retrait, prendre le sillon de couleurs singulières, personnalisées.
Même topo, même petite escapade en un instrumental pris plus tard sur tempo moyen. Le temps d’un beau son léché, passage d’accords glissés, petits crochets dans les aigues logées au sommet du manche à la façon Jeff Beck.
Robben Ford avait fait son entame de concert à notes mesurées, en notes détachées, comme s’il fallait presque les retenir avant que de les offrir pour en restituer le prix, Soit en toute maîtrise, en éloge de la lenteur chère à un certain Éric Clapton.
De Clapton à Beck, les guitaristes accourus de part et d’autre de la Bidassoa, la rivière basque sensément frontière entre France et Espagne, en oublieraient presque la trace d’un certain Miles chez ce Ford là.
Robert Latxague