Jazz live
Publié le 28 Juil 2022

Herbie Hancock à Jazz in Marciac

Le jazz conserve. Herbie Hancock l’a prouvé hier soir au festival Jazz in Marciac !

Marciac (32), Jazz in Marciac, mercredi 27 juillet 2022, 21h00, chapiteau

Christian Sands Trio

Christian Sands (p, kb), Yasushi Nakamura (cb), Ryan Sands (dr)

En première partie du maestro, le pianiste Christian Sands a conquis le public de Marciac avec son récent répertoire (Be WaterMack Avenue), conçu après un voyage en Thaïlande, s’inspirant de l’élément liquide et des arts martiaux. De ces dernières pratiques, Sands possède la zenitude, y compris dans les tempos les plus enfiévrés, qu’il associe à une fluidité légère en toutes circonstances. Au-delà du prétexte à la création musicale, il faut avant tout lui reconnaître un métier absolument parfait. Il joue de manière très professionnelle, voire presque trop professionnelle. Trop ? Qu’est-ce à dire ? Sands, de même que ses musiciens, connaissent toutes les ficelles du métier et en usent : virtuosité, mélodisme, arche narratif exaltant, investissement énergétique, etc. Il en résulte une musique vraiment très plaisante, et le jazz a besoin de cette sorte de musicien qui convint autant le praticien que le néophyte, que ce soit à travers des compositions originales très élaborées, ou par la fraîcheur et l’inventivité dont le trio fit preuve en reprenant des pièces du répertoire, tels du Monk ou The Star-Crossed Lovers de Duke Ellington – où Sands créa tout un monde qui me rappela certaines atmosphères ornithologiques de Maria Schneider. Musicien épatant, il reste à présent à Christian Sands de trouver sa personnalité profonde, et peut-être en engageant un nouveau contrebassiste, plus poète, ce qui certes pourrait amoindrir la dimension « power trio » du groupe, mais entraînerait les frères Sands sur des voies qu’ils ne soupçonnent peut-être pas encore. Les moyens sont là, la musique également et véritablement, ne reste donc plus qu’à trouver pour lui une dimension artistique plus profonde.

© FRANCIS VERNHET

 

Marciac (32), Jazz in Marciac, mercredi 27 juillet 2022, 23h00, chapiteau

Herbie Hancock

Terence Blanchard (tp), Lionel Loueke (elg), Herbie Hancock (p, kb), James Genus (elb), Justin Tyson (dr)

© FRANCIS VERNHET

82 ans ! Plus de soixante de carrière ! Et pourtant, la joie de monter sur scène demeure. Plus encore, le niveau est maintenu. Herbie Hancock a non seulement très bien jouer hier soir, mais il a aussi sauté, ri, s’est amusé. Certes, comme à son habitude pourrait-on dire depuis un moment, il s’est « contenté » de puiser dans son immense répertoire personnel pour combler son public, mais il a tout de même rappelé pourquoi il est l’un des musiciens les plus importants de l’histoire du jazz.

Pour lancer le concert, Hancock avait concocté une Overture, un medley assemblant plusieurs de ses thèmes (Butterfly, Rock It, Textures, etc.). Dès sa première intervention au piano, il démontra qu’il en avait encore largement sous la pédale, avec une vraie « niaque », réalisant un délice de solo tendu et mordant. Dans la foulée de son mentor, Lionel Loueke introduisit Rock It à la guitare seule d’une manière stupéfiante au plan rythmique et harmonique. De l’ensemble des musiciens, tous excellents on s’en doute, le guitariste béninois sortit d’ailleurs du lot. Ce surdoué chercha en effet constamment à insérer de la subtilité. Si cela peut parfois sonner étrange, presque en décalage avec le reste du groupe, son apport modifie quoi qu’il en soit le son d’ensemble, ce qui lui donne une singularité sans équivalent.

Après une version arrangée par Terrence Blanchard du Footprints de Wayne Shorter (transformé en shuffle lent à quatre temps), le public eut droit à une reprise d’Actual Proof – où Hancock réalisa un solo puissant au piano, plutôt bref mais avec des résolutions attendues de ses idées musicales sans cesse repoussées –, puis une autre de Come Running to Me tiré de l’album Sunlight. Morceau pop en surface d’aspect facile et en réalité très élaboré, cette version valut surtout pour la coda réalisée par le maître. Au vocoder et synthétiseur, Hancock proposa ainsi une improvisation-choral, imaginant une suite très raffinée d’accords tous plus savoureux les uns que les autres (et je songeais alors autant à Take 6 qu’à Jacob Collier). Après un morceau d’esprit africain, le concert se termina « comme il se doit » par Cantaloup Island au cours duquel Lionel Loueke réalisa un superbe solo à la guitare saturée, ce qui provoqua Hancock dans le bon sens du terme pour sa propre improvisation au piano acoustique. À l’issue de l’interprétation, la foule du festival fit une puissante ovation aux musiciens. En bis, Hancock passa la bandoulière de son clavier-guitare (un AX edge de chez Roland) pour une reprise de Chameleon. Amassés devant la scène, les auditeurs purent d’autant mieux entrer en symbiose avec le groupe et son leader. Après de nombreux saluts généreux, Hancock repartait pour d’autres aventures de tournée.

© FRANCIS VERNHET

Ludovic Florin

PS : Merci à Francis Vernhet pour les magnifiques photos qu’il a généreusement bien voulu me procurer !!