Jazz live
Publié le 22 Avr 2023

Hommage à RENÉ MAILHES à la Mezzanine de Pierrelaye

Une nouvelle escale à Pierrelaye (Val d’Oise), où l’on rendait hommage ce soir-là au guitariste René Mailhes, superbe musicien au parcours totalement hors-norme, qui nous a quittés en décembre dernier. En février un hommage avait eu lieu au Sunset, mais j’avais été empêché par un petit problème de santé. Et je tenais à être cette fois présent, dans ce club associatif du Val d’Oise porté par une équipe de bénévoles et un public fidèle. René Mailhes y était venu jouer à plusieurs reprises. J’avais quant à moi de beaux souvenirs d’auditeur-radioteur car j’avais écouté René en 1992 au studio 105 de Radio France pour un duo avec Siegfried Kessler –où il m’avait impressionné-, et en 1998, lorsque paraissait son deuxième disque en leader, «Gitrane», je l’avais convié sur France Musique pour une émission concert d’une heure en public, ‘Scène Ouverte’, avec le quintette de ce CD. Encore pour moi un très bon souvenir. Et j’avais apprécié non seulement le musicien à la sonorité chantante et au phrasé très fluide, mais aussi l’être humain direct et chaleureux. Le contrebassiste de cet hommage, qui est pour moi un ami depuis plus de 50 ans (nous étions en fac de lettres à Lille au printemps de 1968….) m’a raconté qu’à la fin des années 60 et au début des années 70 le guitariste, qui faisait métier de ferrailleur, venait parfois -quand ses pérégrinations professionnelles passaient par le Nord- jouer à Lille au Caducée (là où jouaient dans leur jeunesse Michel Graillier, Didier Levallet….), troquant le temps d’une soirée ses vêtements de collecteur de ferraille contre un blazer B.C.B.G. Passionné par Jimmy Raney, René Mailhes avait aussi rencontré René Thomas, très présent à Paris dans les années 60 ; il lui a dédié l’une de ses compositions L’Homme de Liège. À l’approche de la cinquantaine, quand sa fille atteint ses 20 ans, le guitariste lâche la ferraille pour se consacrer exclusivement à la musique. Né en 1935, il publiera son premier disque en leader, «Gopaliné», l’année de ses soixante ans ! Neveu des frères Ferret (Baro, Sarane, & Matelo), il avait appris la guitare manouche avec Challain Ferret. Mais ses goûts (et sa génération) l’avaient porté vers le bebop et le jazz moderne.


Hommage à RENÉ MAILHES

Georges Locatelli (guitare), Patrice Galas (piano) Hervé Czak (contrebasse), Yves Nahon (batterie)

Pierrelaye, La Mezzanine, 20 avril 2023, 21h

Georges Locatelli était un ami de René ‘Néné’ Mailhes, resté proche de lui jusqu’à la fin de sa vie. Entre les morceaux il nous parle du guitariste, de son style si personnel, évoquant aussi leurs rencontres pour jouer ensemble, pour le plaisir. Dans les derniers temps les séances se faisaient plus courtes : après une vingtaine de minutes, ‘Néné’ lui disait : «Je suis fatigué, je n’ai plus envie de jouer». Patrice Galas était un partenaire régulier de René Mailhes, à l’orgue, mais aussi au piano. Hervé Czak l’avait croisé dès sa jeunesse Lilloise. Quant à Yves Nahon, pilier des concerts de La Mezzanine, il vient en voisin, étant très actif -musicalement et pédagogiquement-, dans ce département francilien. Le concert commence par des compositions de ‘Néné’ avec Jacquet’s Samba, dédié par le guitariste à son cousin prénommé Jacquet Mailhes. La musique danse ! Puis c’est Gopaliné, titre de l’album de 1995 qui fait un mot valise des première syllabes des prénoms des enfants du musicien.

Et ensuite Song for Mac Kak, dédié à Baptiste Reilles, un batteur et chanteur haut en couleur qui émailla la vie du jazz (et des autres musiques) de multiples canulars. C’est très vivant, entre les phrases chantantes de la guitare, les traits vertigineux du piano qui pourtant font sentir le lyrisme et l’expression (ce qui n’empêche pas de beaux passages en block-chords), les solos de basse qui font des volutes autour des thèmes, et les 4/4 par lesquels la batterie entre en dialogue avec chacun. On quitte les compositions de René Mailhes pour des standards, de Broadway ou du jazz : Have You Met Miss Jones, Half Nelson, Anouman. Fin du premier set.

La pause se passe –avec modération bien sûr- au bar, approvisionné d’une bière locale brassée dans un village tout proche du Vexin Français. Le bar est l’une des ressources de l’association, avec les adhésions, dont le nombre conditionne le volume des subventions. L’entrée au concert est libre, mais il y a une tirelire, pour recevoir les contributions de ceux qui sont de passage.

Habituellement la jam session (le ‘bœuf’ pour moi qui préfère la version franchouillarde) commence à la fin du deuxième set. Mais ce soir, en Maître de cérémonie bienveillant, Georges Locatelli en décide autrement : après Like Someone In Love, Waltz New de Jim Hall…. il cède sa place, et son instrument, à un guitariste amateur, Jean-Paul Zimmerman. Et il invite le guitariste professionnel Jean-Philippe Bordier (qui fut son élève). Au sax alto une autre amateur : Roger Mouchabac.

Puis le Maître de cérémonie reprend sa guitare, un autre bassiste s’installe : c’est la jam qui continue. Quelques anecdotes de Georges, dont une expérience de LSD avec René Thomas, et d’autres standards : bref la vie du jazz, dans se version la plus conviviale. L’association Jazz Session et La Mezzanine sont décidément un lieu unique !

Xavier Prévost

 

Le site de l’association

http://www.jazz-session.org/___jsp/2023-04-20/